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REVUE
DK
GASCOGNE
REVUE
DE
GASCOGNE
I3TJIL.i:."ETl]Sr MENSUEL
DB LA
SOCIETE HISTORIQUE DE GASCOGNE.
Tome XXX.
AUCH
IMPRIMERIE ET LITHOQRAPHIE Q. FOIX, RUE BALGUERIE
1889
B ^
REVUE
DE
GASCOGNE
LA GASCOGNE
ET LES PAYS LIMITROPHES
DANS LA LÉGENDE CAROLINGIENNE
Dans la légende carolingienne^ la Gascogne et ses amorces
sont présentées comme le théâtre d'événements qui me sem-
blent mériter une étude spéciale et détaillée. Je vais donc
dépouiller et commenter, à ce point de vue, quatre sources
d'informations : V la Chanson de Roland et le Pseudo-Tur-
pin; ir les Passages interpolés dans les anciennes versions
françaises du Pseudo-Turpin; IIP les Auteurs des xvn%
xvin* et xix* siècles; YSf"" les Prétendus monuments de la litté-
rature populaire.
I
CHANSON DE ROLAND ET PSEUDO-TURPIN.
Il est probable, mais non pas certain, que la Chanson
de Roland appartient au dernier tiers du xi* siècle. C'est,
selon M, Léon Gautier, l'œuvre d'un normand, qui séjourna
sans doute en Angleterre. A la différence du Pseudo-Turpin,
— 6 —
qui est de source ecclésiastique^ la Chanson de Roland est
d'origine laïque.
Le litre exact du Pseudo-Turpin est : Turpini hislma
Karoli magniel Rotholandi. Il a certainement existé un prélat
du nom de Turpin, qui gouverna le diocèse de Reims, et qui
vivait au temps de la déroute de Farrière- garde de l'armée de
Charlemagne par les Vascons, dans les défilés des Pyrénées
occidentales (778). Mais ce Turpin, personnage historique,
n'a rien de commun que le nom avec celui de la légende
carolingienne, auquel on a longtemps attribué le texte du
PseudO'Turpin. M. Gaston Paris distingue cette rédaction en
deux parties, dont la première, qui comprend les cinq pre-
miers chapitres, aurait été écrite vers le milieu du xi* siècle
par un moine de Compostelle. Les autres chapitres seraient
l'œuvre d'un moine de Saint-André-de- Vienne, qui les aurait
composés entre 1109 et 1119 (1).
M. Dozy admet que le Pseudo-Tiirpin est Tœuvre de deux
auteurs. Mais il a prouvé, contre M. Gaston Paris, que la
première partie du texte est d'une époque pins récente que
1050. Elle date de la domination des Almora vides, qui com
mença en Espagne à la fin du xr siècle. Donc, « en donnant
la date de 1050, M. Paris s'est trompé de plus de quatre-
vingts ans. >
M. Dozy a également démontré que ce premier auteur n'é-
tait pas espagnol, mais français, comme celui qui a écrit la
seconde partie du Pseudo-Turpin. Le premier donne, en effet,
maintes preuves d'une profonde ignorance de l'histoire de la
Péninsule. Sa nationalité se trahit de diverses façons. Ainsi l'or
et l'argent acquis par Charlemagne en Espagne, servent pour
« l'église de Notre-Dame à Aix-la-Chapelle, et pour celles de
Saiut-Jacques qui sont à Toulouse, en Gascogne entre Ax (2)
(1) Gaston Paris, De Psoudo-Turpino, passim.
(2) Ainsi écrit par M. Dozy, confonnément à Tancienne orthographe. On dit
aujourd'hui Dax, qui est une ville du d<^partement des Landes.
et Saint- Jean-de-Sorde sur l6 chemin de Saint- Jacques, et à
Paris entre la Seine et Montmartre. D'autres manuscrits y
ajoutent les églises de Saint-Jacques à Âix-la-Chapelle et à
Béziers ». Si c'est un français qui parie ainsi, continue
M. Dozy, à la bonne heure. « Mais il est peu vraisemblable
qu'un moine espagnol de laj)remière moitié du xii* siècle ait
eu connaissance de toutes ces localilés, sans compter qu'il
n'aurait guère approuvé l'usage que flt Gharlemagne des tré-
sors de sa patrie. » L'auteur montre aussi son origine par
son orthographe, qui ne saurait être, pour certains mots,
celle d'un espagnol du xu* siècle. Aussi M. Dozy admet-il
que la première partie du Pseudo-Turpin a été écrite à Saint-
Jacques de Gompostelle mais par un moine français.
La seconde a certainement pour auteur un moine de Saint-
André-de- Vienne. Mais tout en adoptant là-dessus l'opinion
de M. Gaston Paris, M. Dozy prouve, contre cet érudit, que la
rédaction de ce texte ne doit pas être circonscrite entre 1109
et 1119, et qu'elle est un peu postérieure à 1134(1).
Tous les monuments littéraires du moyen-âge. où est rap-
portée la mort de Roland, se divisent en deux groupes impor-
«
tants, dont l'un procède de la Chanson de Roland, et l'autre
du Pseudo-Turpin. Il est inutile de chercher ailleurs que
dans ces deux textes le récit des événements dont la Gasco-
gne aurait été le théâtre d'après l'antique légende carolin-
gienne.
Gela dit, j'ai hâte de passer à l'analyse et au commentaire
de la Chanson de Roland et du Pseudo-Turpin. Il va de soi
que, sur les événements étrangers à mon domaine, je me
borne à l'indispensable, sauf à insister autant qu'il le faut
sur les choses qui intéressent la Gascogne et les pays adja-
cents.
(1) V. là-dessus R. Dozy, Recherches sur l'histoire et la littérature
de l'Espagne pendant le moyen-dge (3* édition), ii. Le faum Turpin, p. 872-
431.
— 8 —
§ 1 . CHAJHSON DE ROLAjn).
Charles, maître de presque toute TEspagne, assiège Sara-
gosse, Le roi sarrazin Marsile convoque ses barons, et leur
demande comment il doit agir pour n'être pas écrasé par
Tempereur des Francs. Â la suite de ce conseil, Blancandrin
vient demander la paix à Gharlemagne, qui assemble aussi
les principaux de son entourage^ parmi lesquels figure Âcelin,
comte de Gascogne {fiuascmgne, xii, 173). Dans ce conseil,
Roland outrage Ganelon, qui est désigné pour aller vers Mar-
sile et qui se promet*de tirer vengeance du neveu de Tem-
pereur. Garielon ,part et se concerte avec xMarsile. t Le roi
sera aux meilleurs défilés de Gizre (Lî reis serai as meillors
portz de Sizré), et derrière lui sera son arrière-garde. Là sera
son neveu, le puissant comte Roland (1). » La petite troupe
de ce héros, cernée par l'innombrable armée des Sarrazins,
détruira ses premiers agresseurs. Mais d'autres bandes d'in-
fidèles récraseront.
Ganelon retourne vers Gharlemagne, et lui annonce que
Marsile a promis de se soumettre. Les Francs, joyeux, se
préparent à rentrer en France. Mais la nuit venue, Uempereur
s'endort, hanté de songes sinistres et prophétiques.
L'armée des Francs se met en marche. « Hautes sont les
montagnes, ténébreuses sont les vallées, la roche est noire,
terribles sont les défilés. Ge jour même les Français y passè-
rent, non sans grande douleur; à quinze lieues de là on enten-
dit le bruit de leur marche. Mais, lorsqu'en se dirigeant vers
la grande terrre, ils virent la Gascogne (Guascuigné), le pays
de leur seigneur, alors le souvenir les saisit, celui de leurs
fiefs et de leurs domaines, de leurs nobles femmes et de leurs
petites filles (2). »
(1) La Chatison de Roland, édit. Léon Gautier, xlvi, 583-85.
(2) Id., Lxx, 814-21.
— 9 —
Mais le roi païen d'Espagne a mandé tons ses barons. Ils
chevauchent d'un furieux effort par la Terre Certeine {Tere
Certeine) ou Cerdagne, et les vaux et les monts; et parmi
eux le neveu de Marsile^ qui jure d'affranchir TEspagne depuis
les ports d'Aspre jusqu'à Durestant {Des les porz d'Aspre
entrequ'a Durestant) (1).
Les païens assaillent l'arriëre-garde de l'armée chrétienne.
Dans la bataille, « Engelier, le gascon de Bordeaux {li Guas-
coinz de Burdele), pique des deux^on cheval, lui lâche les
rênes, et va frapper Escrerais de Valtierra (2). Il met en pièces
l'écu qu'il porte au cou, lui déchire la venlailUe du haubert,
le frappe en pleine poitrine entre les deux épaules et, à
pleine lance, l'abat mort sur la sellCr « Vous êtes tous per-
dus, s'écrie-t-il (3). » Esperveris était là, le fils de Borel : il
meurt de la main d'Engelier de Bordeaux {Engeliers de
Burdel) (4). Mais celui-ci ne tarde guère à succomber. « Gli-
morin est assis sur son cheval Barbamouche^ plus rapide
qu'épervier et qu'hirondelle. Il l'éperonne, il lui lâche les
rênes et va frapper Engelier de Gascogne {Guascuigne). Hau-
bert, ëcu, rien n'y fait. Le païen lui plante au corps le fer de
sa lance, et si bien le frappe que la lance passe tout entière
de l'autre côté. A pleine lance il le retourne à terre, raide
mort (5). »
La bataille finit par la mort des douze pairs, et enfin par
celle de Turpin et de Roland. Mais avant de mourir, le neveu
de Charlemâgne, las d'abattre les païens sous les coups de
sa Durendal, a sonné du cor pour appeler au secours. A trente
lieues Charles et toute l'armée entendent l'appel. • Nos hom-
mes ont bataille » , dit l'empereur. Mais Ganelon lui répond :
« Si c'était un autre qui le dit, on le traiterait de menteur.
(1) La Chanson de Roland, lxxii» 856.
(2) /d., Lxxiii, Ô70.
(3) W., cvi, 1289-96.
(4) Id., cxii, 1388-89.
(5) /rf., cxxix, 1491-98.
. - 10 —
Le comte Roland, à grand' peine, à grande angoisse et très
douloureusement, sonne de son olifant. De sa bouche jaillit le
sang vermeil, et de son front la tempe est rompue (1). »
Charlemagne accourt, mais il n'arrive qu'au moment où
Roland expire.
La douleur est grande à Roncevaux (Bencesvals) (2). Charle-
magne et l'armée se lamentent. Le traître Ganelon soupçonné
est chargé de chaînes. Les païens ont payé la mort de vingt
mille Francs par la destruction totale de deux armées et
d'une partie de la troisième. Parmi les colonnes de Sarrazins
énumérëes à cette occasion par la Chanson de Roland, je
signalerai les deux d'Argoilles et de Clarbune {Voidme est
d'ArgoUles, la noefme de Clarbune) (3). Ailleurs il est parlé
des chevaliers arabes : « Ceux d'Occiant, ceux d'Argoille et de
Bascle {Cels d'Occianl e d" Argfnlles et de BasclelJ (4). » Le roi
Marsile, à qui Roland a coupé le bras, s'enfuit vers Saragosse.
Quand Charles et ses soldats arrivent à Roncevaux, on aper-
çoit au loin, sur la route, la poussière soulevée par les der-»
niers païens qui ont pris la fuite. L'empereur les poursuit et
les extermine au bord de l'Èbre. Puis les Francs retournent à
Roncevaux, ou les pleurs et les lamentations recommencent.
Par trois fois, Charles désespéré se pâme sur le corps de
Roland. On enterre les morts chrétiens, et on emporte, après
les avoir embaumés, le corps et les entrailles de Roland,
d'Olivier et de Turpin.
Cela fait, l'empereur et les siens retournent en France,
Vivement et en vainqueurs ils passent Narbonne {Passent
Nerbone par force e par vigur) (5), puis arrivent à Bordeaux
{Burdele) (6). C'est là que sur l'autel du baron saint Séverin
(1) La Chanson de Roland^ clvi, 1753-64.
(2) Jd„ ccv, 2418.
(3) /rf., ccLxi, 3259.
(4) Id., ccLXXix, 3474.
(5) /rf., ccxciv, 3683.
(6) ld„ CCXCIV, 3684.
— 11 —
Charles dépose roUfaDt qu'il avait rempli d'or et de man-
gons. Sur de grandes nefs, lui et les siens traversent ensuite
la Gironde {Gironde) (1), pour conduire à Blaye (Blaive) (2)
le corps de Roland, d'Olivier el de Turpin. On dépose ces
trois morts dans des tombeaux de marbre blanc à Saint-
Romain {Seinl'Ramain) (3), où maintenant gisent encore
ces barons. Après quoi, Charles prend la roule d'Aix. Le
poème se termine par le jugement et le supplice du traître
Ganelon.
Tel est le résumé de la Chanson de Roland, rédigé sur-
tout au point de vue de la Gascogne et des pays limitrophes.
Il s'agit maintenant de mettre en lumière la géographie histo-
rique contenue dans cet abrégé.
Certes, bien d'autres avant moi se sont inquiétés de ce
sujet. Néanmoins je renonce à signaler ici les travaux anté-
rieurs à 1867, époque où M. Adolphe d'Avril donna son édi-
tion de La Chanson de Roland, traduction nouvelle avec une
introduction et des notes. La publication de cet érudit ne
larda pas à provoquer, au point de vue gascon, un débat où
prirent part le regretté P. Raymond (4), M. Gaston Paris et
M. François Saint-Maur.
Le travail de Raymond a paru dans la Revue de Gascogne.
On y trouve la preuve, tirée du texte même de la Chanson de
Roland, que c'est en Navarre qu'a eu lieu le combat de Ron-
cevaux. M. d'Avril était embarrassé par le vers : Li reis serai
as meillurs porz de Sizre (xlvï, 583), c'est-à-dire « le roi
sera aux meilleurs défilés de Cize. » Ne pouvant identifier
ce nom de Sizre, M. d'Avril prit le parti fort commode de le
supprimer dans sa traduction. Or le mot Cizer est précisé-
ment le -seul qui peut indiquer le lieu de la bataille. Dans
(1) La Chanson de Roland, ccxciv, 3688.
(2) Id„ CCXCIV, 3689.
(3) /a., CCXCIV, 3693.
(4) P. Raymond, La question de Ronceoaax, dans la Rooue de Gascogne, x,
365-68,
— 12 —
une certaine mesure^ Génin Pavait pressenti(l), mais il s'était
arrêté sur la bonne voie. « La mesure et Tassonnance, dit-il,
avertissent qu'il faut transporter IV et prononcer Sire; le
ms. de Venise écrit Cesire et Cisre. » Je réserve la discus-
sion de ce point pour le moment où j'étudierai le travail de
M. François Saint-Maur. En attendant je constate que Ray-
mond prouve avec toute la clarté désirable que les portz de
Sizre ne sont autre chose que les défilés ou ports de Cize,
pays de la Navarre française, tout proche de Roncevaux. Cette
démonstration résulte d'une série d'appellations, tirées des
documents anciens, et applicables à la Cize même, sur laquelle
Raymond ne fournit pourtant pas lous les renseignements
désirables. Or, comme je dois un peu plus bas réparer ces
omissions, je n'insiste plus ici sur la contrée dont s'agit, me
réservant d'utiliser en temps plus opportun cette portion des
recherches de Raymond.
A la fin de son article, cet érudit « propose de traduire
les mots cels (TArguillie ou d'Arguille par les habitants des
ArbaUles. On appelait Arbailles une partie de la Soûle qui
borde à l'est le pays de Cize. Cela tendrait à prouver que
l'armée franque fut attaquée par deux tribus basques, les
Navarrais et les Souletains. »
Voilà, ce me semble, de la très haute fantaisie. Je vais
tâcher de le prouver.
Et d'abord rétablissons le texte. La Chanson de Roland
(ccLxi, 3252-64) contient l'énumération de dix corps de l'ar-
mée des païens envoyée contre les Francs. On lit au vers
3259 : Voidme est d'Argoilles, la noefme de Clarhone. Tra-
duction : « Les hommes d'Argoilles composent le huitième,
et ceux de Clairbonne le neuvième (corps). »
Il est clair qu'ici Raymond a suivi une leçon défectueuse,
car il écrit celz d'Argoiltes au lieu de est d'Argoilles. Mais ceci
(1) GÉNIN, Roland, poème de Théroulde, 364.
— 13 —
est de peu d'importance, et j'ai hâte d'arriver aux Arhailles,
dont j'emprunte la toponymie à Raymond lui-même.
•
Arbailles (La Forêt des), couvre une partie des communes de
Camou-Cihigue, Aussurucq, Ordiarp, Musculdy, Saint-Just-Ibarre et
Béhorléguy.
Le nom à^ Arbailles s'appliquait autrefois à une division de la val-
lée de Soûle : la messagerie (ïArball (1), 1359 (rôles gascons). —
Arbaylhe^ 1479 (ch. du chap. de Bayonne). — Arbalhe, fin du xv*
siècle (contrats d'Ohix, f** 3).
Il y avait deux Arbailles : la Grande Arbaille, qui comprenait sept
paroisses : Idaux, Menditte, Mendy, Ossas, Saint-Etienne, Sauguis,
Suhare; la Petite Arbaille, qui se composait de quatre paroisses :
Ausculdy, Musculdy, Ordiarp et Pagolle.
La deguerie d'Arbaille (2) pour la Grande Arbaille et la deguerie
de Peyriède pour la Petite Arbaille formaient chacune un des sept
vies de la Soute (3).
Telles sont les Arbailles que Raymond propose d'identifier
avec les ArgoiUes de la Chanson de Roland.
Si Raymond s'est laissé influencer^ dans l'identification
^ArgoiUes et d^ Arbailles, par une certaine homophonie, cela
prouve uniquement que, cette fois, il s'est contenté trop faci-
lement. En effet le g A'Argoilles et le b d' Arbailles opposent à
ridentification de ces deux noms une résistance d'autant plus
invincible qn' Argoilles est sans variantes dans tous les
manuscrits de la Chanson de Roland.
Nous ne pouvons, dit à bon droit M. Léon Gautier, admettre des
assimilations aussi précises dans un poème qui l'est si peu, et où d'ail-
leurs tous les ennemis des Français sont représentés comme venant
d'Afrique, à la suite de l'émir de Babylone, c'est-à-dire du Caire (4).
(1) Le nom de messagerie vient de l'office de messager, sorte de procureur
royale chargé de la surveillance de cette partie de la Soûle. Note do Raymond.
(2) Le nom de deguerie vient de degan ou degain, jurât (decanus). Note de
Raymond.
(3) Raymond, Dictionnaire topographique du département des Basses-Pyré-
nées, article Arbailles.
(4) Léon Gautier, La Chanson de Roland, p. 804-5, note correspondant au
vers 3259.
— 14 —
Après celle note si claire el si sensée, M. Pelit de Julie ville
s'est pourtant demandé « comment les habitants d'Arbailles,
pour venir à Roncevaux dans leur propre pays, auraient été
s'embarquer à Alexandrie (1)? » Mais cet érudit ajoute:
« Toutefois il est curieux que ce nom se rencontre à côté de
Bascle (qui ressemble fort à Basque) au vers 3474. » Voici
d'ailleurs le passage : « Il fait beau voir les chevaliers païens,
— ceux d'Occiant, ceux d'Arguilles et de Bascle {cels d'Oc-
ciant e (TArguiUes e de Bascle f) — frapper dans la mêlée de
beaux coups de lance. »
En écrivant que « Bascle... ressemble fort à Basque »,
M. Petit de JuUeville est encore plus dans le vrai qu'il ne sem-
ble le croire. Il y a longtemps, en effet, qu'Oïhenart a
prouvé (2) qu'après les temps carolingiens et jusqu'au xv* siè-
cle, le nom de Vaccei s'applique aux seuls Basques. Divers
passages du Cartulaire de l'abbaye de SainWean de Sordes ne
laissent aucun doute sur ce point. Or, ces textes sont d'autant
plus probants que ladite abbaye était à peu près sise entre le
pays basque français {Vascitania) et la Gascogne romane
{Gascoma) (3). Ces Vaccei ou Basques deviennent ensuite les
Vasd, diminutif Vascali. Par contraction on arriva à Vascli
ou Bascli, car dans l'idiome basque, comme dans le gascon,
dialecte du provençal, d = 6.
M. Pelit de JuUeville a donc raison de trouver que « Bascle. . .
ressemble fort à Basque » qu'il connaît, et à Vascli ou Bascli
qu'il ne connaît pas. Mais cette ressemblance ne remonte pas
plus haut que le xv siècle. Elle est d'ailleurs absolument for-
tuite, et ne saurait compter par conséquent comme raison
d'identifier les ArgoiUes (4) et les Arbailles.
(1) Petit de Julleville, La Chanson de Roland, notes, p. 453.
(2) Léon Gautier, La Chanson de Roland, cclxix, 3473-75.
(3) OîHENART, NotltUe utriusque Vasconiœ, 397-400.
(4) Sur le mot catalan argollas ou anneau;c de fer scellés sur le sommet des
montagnes pour marquer les limites, v. Jean-François Bladé, Etudes géogra-
phiques sur la oallée d'Andorre, 85-87.
— 15 —
Ailleurs, el à propos du vers 856, Tere Cerleine e les valz
et les munz, c'est-à-dire : « A travers la Cerdague, par
vaux et par monts » , M. Petit de JuUeville a rédigé la note
suivante :
On ne peut guère traduire autrement que par Cerdagne, et pourtant
il est infiniment probable que le passage eut lieu à Fautre extrémité des
Pyrénées où la tradition Ta toujours placé, où subsistent les défilés de
Cùe et de val Carlos depuis huit siècles au moins. Ou la Cerdagne
s'étendait plus loin qu'au siècle dernier, ou le poète a employé ce nom
géographique au hasard, comme il a fait plusieurs autres. Toute la ré-
gion pyrénéenne occidentale a conservé le nom de Roland. La. pierre de
Rolandy Itpa^ de Roland^ la brèche de Roland^ toutes ces désigna-
tions dispersées de Cauterets à Tarbes, et de Tarbes à Biarritz, sont
encore en usage aujourd'hui et remontent certainement à une haute
antiquité; mais dispersées sur un vaste espace, elles ne peuvent fournir
aucun renseignement précis (1).
Nous verrons plus bas ce qu'il faut penser de ces affirma-
tions.
Dans la Reoue critique, numéro du 11 septembre 1869,
M. Gaston Paris a pris aussi la parole sur la Géographie de la
Chanson de Roland et félicité Raymond sur « la précieuse
réponse qu'il a fournie. » A la bonne h(mre. Mais iî faut
pourtant excepter ce que Raymond a écrit sur ArgoUlie et sur
les Àrbailles.
2^ Chanson de Roland, dit aussi M. Gaston Paris, s'appuie évidem-
ment sur des souvenirs historiques d'une grande précision et qui ne
peuvent être que contemporains des faits. Plusieurs textes mentionnent
les ports d^AspCy qui sont situées non loin des ports de Cizer. Dans
un passage précieux (xiv, 196 ss.), qui appellerait une critique et un
commentaire, Roland rappelle les villes qu'il a conquises pendant les
sept ans que les Français ont combattu en Espagne; or, malgré la pré-
tention du premier couplet, d'après lequel Charlemagne aurait conquis
toute l'Espagne, son neveu cite surtout des viUes situées entre Ronce-
Ci) Petit db Jullbvillb, La Chanson de Roland, p. 418, note correspondant
au vers S56.
— 16 —
vaux et Saragosse ou aux environs de cette dernière, comme Valierne
(Valtierra), Tuele (Tudela), et la terre de Pine qui, si je ne me trompe,
doit se laisser retrouver dans les environs de ces deux villes. Balagued
(Balaguer) parait être le point le plus lointain où aient atteint ses
armes.
M. Paris discute également d'autres passages du poème,
où Ton trouve des noms de lieux difficiles à identifier. Cor-
dres (v, 71; vu, 97, etc.), par exemple, ne saurait être Cor-
doue. Des données gépérales, il conclut que le poème, d'ac-
cord avec riiistoire, place entre Saragosse et la Gascogne le
théâtre des événements qu'il raconte.
Cordres, Gaine, Roncevaux et les ports de Cize lui parais-
sent situées sur une ligne oblique qu'on tracerait de Saragosse
à la Gascogne.
C'est aussi, dit M. Paris, sur cette ligne que se trouve l'endroit
appelé Val Charlon, Vallis Caroli dans Turpin, le Val de Charles
dans le Kaizerchronick (Hist. poét. de Charlemagney p. 278).
M. Raymond m'apprend que la partie de la Navarre espagnole qui
longe le pays de Cize s'appelle aussi le Val Carlos; et cette dénomina-
tion remonte très haut : outre les auteurs mentionnés ci-dessus, on la
trouve dans la chronique d'Alphonse X au xiii® siècle (ffisL poéi. de
Charlem.y p. 283), et je la remarque dans la carte de l'Espagne arabe
qui fait partie de V Atlas historique de Spruner, et qui est dressée sur-
tout d'après des documents arabes
A cet ensemble de passages qui me paraissent concluants, s'en oppo-
sent deux : quand les pdens s'avancent en partant de Saragosse, pour
surprendre Tarrière-garde française daîis les gorges des Pyrénées,
ils chevauchent, dit le poète, Tere Certeine e les vais e les munz
(lxix, 858), et aussitôt après ce vers vient celui où ils découvrent de
loin les « gonfanons » de ceux de France. Or, Tere Certeine paraît
bien être la Cerdagne. Y a-t-il eu mélange de traditions diverses ?
Le nom de la Cerdagne a-t-il eu peut-être une extension plus large
qu'aujourd'hui? C'est ce qu'il faudrait étudier de près. — Quand Char-
lemagne revient en France, il va, comme nous l'avons dit, de Sara-
gosse à Bordeaux (cclxxiii, 3683) : Passent Nerbonne par force e
par vigur Je soupçonne ici une interpolation, faite par un scribe qui
connaissait l'histoire du siège de Narbonne, et qui a peut-être remplacé
— 17 —
par Nerbone un autre nom^ et, à ce que je croirais, un nom de fleuve (à
cause du xerhe passer, cf. v. 3688 : Passet Gironde; de la sorte par
force e par vigur s'expliquerait, le passage d'un fleuve dans nos vieux
poèmes, étant toujours une très grande affaire), peut-être le nom de
TAdour (1).
Telle est eo somme la doctrine de M. Gaston Paris, sur
laquelle j'ai quelques observations à produire.
Et d'abord, cet érudit confesse avoir appris de Raymond
« que la partie de la Navarre espagnole qui longe le pays de
Cize s'appelle Val Carlos. » Cet aveu m'étonne et m'édifie tout
à la fois de la part du commentateur du Pseudo-Turpin, où
la vallis quœ Karoli dkilur, c'est-à-dire Val Carlos, se trouve
précisément désignée au chapitre 23. Or, la plupart des dic-
tionnaires géographiques et historiques d'Espagne, notam-
ment le DicciofiarU) geographico-histôrico de Espana de Pas-
cual Madoz, contiennent sur Val Carlos des articles d'ailleurs
insuffisants.
Seconde remarque : « Le nom de Cerdagne, dit M. Gaston
Paris, a-t-il eu peut-être une extension plus large qu'aujour-
d'hui? C'est ce qu'il faudrait étudier de près. » Le savant
académicien voudra bien m'excuser; mais cette étude est
faite et bien faite depuis longtemps, par Çurita, Blanca,
Marca, les auteurs de l'Histoire générale de Languedoc ^ etc.,
etc., dont la doctrine se trouve en partie résumée dans VArt
de vérifier les dates, ii, 332-34. Un diplôme publié d'abord
par Baluze (2), et depuis beaucoup plus correctement par
Vitlanueva (3), contient déjà une description détaillée de la
Cerdagne. Il est vrai que Baluze date la pièce de 818 au lieu
de 840; mais c'est une erreur que j'ai déjà réfutée (4). Or, de-
(1) Gaston Paris, la Géographie de la Chanson de Roland, daas la Reoue cri-
tique, 11 septembre 1869, t. viii, p. 173.
(2) Marca Hispanica, 762-66.
(3) ViLLAKUEVA, Vioje literario a las Iglesias de Espana, IX, append. xxvii.
(4) Jean-François Bladé, Église d'Urgel, dans VHistoire générale de Lan-'
guedoc (édition Privât), IV, note clxvii, pp. 903-4.
Tome XXX. — Janvier 1889. 2
- 18 —
puis 840^ époque bien antérieure à la rédaction de la Chanson
de Roland jusqu'en 1659, date où une portion de la Cerdagne
passa à la France en vertu du traité des Pyrénées, on suit
sans interruption les destinées de ce comté, et notamment
sa géographie historique, où tout dément « cette extension
plus large qu'aujourd'hui *, que M. Gaston Paris admet
à titre d'hypothèse.
Cet érudU, commentant le vers déjà cité, Passent Ne)*bonne
par force e par vigur, propose, pour les raisons que l'on sait,
de remplacer Nerbonne par Adour. S'il s'agissait d'un texte
historique et non pas légendaire, ce changement, conforme à
la géographie physique, ne me répugnerait pas. Mais, sans
aller chercher d'autre exemple que celui de Tere Cerleine ou
Cerdagne, sur lequel je viens de m'expliquer, l'auteur de la
Chanson de Roland se laisse souvent prendre en faute sur la
géographie. M. Paris en convient lui-même implicitement
dans le passage précité, où après avoir tracé cette « ligne
oblique » de Saragosse à la Gascogne, il propose dans toute
leur force deux objections à rencontre de son système.
Après M. Gaston Paris, M. François SaintMaur s'est aussi
inquiété du même sujet en 1870, dans sa brochure intitulée
Roficevaux et la Chanson de Roland, simple réponse à une
question de géographie historique.
Comme Raymond, M. François Saint-Maur identifie à bon
«
droit les porz de Sizer et les ports de Cize, proposant de
supprimer l'r de Sizer pour la régularité du mètre. Ce qu'il
dit là-dessus semble concluant, sauf une réserve. Dans son
travail intitulé Roncevaux (1852), Génin, qui ne se gênait
guère pour avancer des hypothèses gratuites, propose de
transposer IV et de prononcer Sire. Mais il ne faut pas
ici chercher la rime, par exemple en rapprochant Sizer de
accise. L'assonnance est seule requise. Or, elle est obtenue
sans suppression proprement dite, en prononçant Sizcf% l'ac-
cent tonique sur l'i. « 11 est du reste très permis de supposer
— lo-
que IV ne se prononçait point du tout; elle n'en était pas
moins légitimement écrite comme lettre étymologique, ainsi
que le prouvent les formes Sizara, Osera... citées par
M. Raymond (1). »
Evidemment influencé par l'article inséré par M. Gaston
Paris dans la Bfvue critique de 1869, M. François Saint-Maur
a cru devoir s'exercer sur le vers déjà cité : Passent Nar-
bonne par force et par vigur. Ici, l'histoire et le contexte exi-
geraient un nom voisin du pays basque. M. Gaston Paris a
proposé de lire Passent l'Adour. M. Saint-Maur propose une
autre correction. « Serait-il permis, dit-il, de supposer que
ce pourrait être Arbonne, situé non loin de Bayonne, et entre
les Pyrénées et l'Adour? — La forme Narbonne ou Nerbonne
pour Arbonne nous est donnée par deux textes authentiques :
l'un tiré du cartulaire de Bayonne, cité par M. Raymond
{Dicl. topogr. des Basses- Pyrénées); l'autre de 1507, pris
dans le testament de Dominique de Hanz, évêque de Bayonne,
où on lit : « Je lègue 30 sols à l'église de Narbonne, de mon
diocèse (J. Balasque, Eludes hist. sur la ville de Bayonne,
t. % p. 569). *
Ainsi, d'après M. François Saint-Maur, Nerbonne ou Nar-
bonne que les Francs passent par force e par vigur, pourrait
être tout bonnement Arbonne, commune de 724 habitants,
comprise dans le canton d'Ustarits (Basses-Pyrénées), et sise
entre les Pyrénées et l'Adour. Sur la toponymie ancienne de
cette localité, Raymond ne fournit que les renseignements
suivants : « Arbonne, canton d'Ustaritz. — Narbona, 1186
(cart. de Bayonne, f*» 82). — Constante, 1793 (2). »
Admettons donc qu' Arbonne se soit autrefois appelé Nar-
bonne. Est-il pour cela raisonnable de croire que l'auteur
de la Chanson de Boland ait voulu désigner celte localité?
(1) Léonce Couture, Reçue de Gascogne, xi, 383.
(2) Raymond, Dictioimaire topographique des Basses-Pyrénées, art. Nar-
bonne.
— 20 —
Mais Arbonne ne fut jamais et n'est encore qu'un village
sans importance, au point de vue de la topographie, comme
à celui de Thistoire de l'ancien pays de Labourd. Elle se
trouvait incontestablement sur le passage de l'armée fran-
que; mais est- il raisonnable de croire que le nom d'une aussi
inOme localité fut connu hors du sud-ouest de la France à
l'époque où la Chanson de Roland fut composée?
Les commentateurs de la Chanson de Roland auraient
donc tort de se prévaloir de cette circonstance fortuite qu'il
existe, sur la route suivie par l'armée franque, une petite loca-
lité jadis appelée Narbonne, tandis que la grande ville du
même nom ne se trouve pas sur la route des Pyrénées à
Bordeaux.
Quant à nous/ dit très sensément M. Léon Gautier, nous croyons
naïvement que notre poète ignorait la géographie. Une légende de son
temps attribuait la conquête de Narbonne à Charlemagne revenant
d'Espagne : ne voulant pas raconter la légende, le poète se contente de
dire que Tempereur passa cette ville par force et par vigur, c'est-à-
dire qu'il la prit. Telle est notre hypothèse. Dans une carte du xii" siè-
cle qui se trouve en une Apocalj'pse appartenant à M. Didot, Narbonne
est marquée tout près de Saragosse, sur le chemin de France (1).
Après avoir ainsi discuté le plus récent état de la doctrine
sur la géographie de la Gascogne et des pays limitrophes
dans la Chanson de Roland, je crois devoir insister plus que
mes prédécesseurs sur trois localités mentionnées au décours
de ce poème, savoir : l"" La Cize; 2^ Roncevaux; 3*^ La val-
lée d'Aspe.
Jean-François BLÀDÉ.
{A suivre).
(1) Léon Gautirr, La Chanson de Roland, p. 337, note correspondant au
vers 3683. Cf. dans le même volume, p. 416-21, l'Eclaircissement IV sur la
géographie de Rolland. V. aussi Petit de Jullelille, La Chanson de Roland,
455, note correspondant au vers 3683.
MARINS BASQUES & BEARNAIS
ESQUISSES BIOGRAPHIQUES
II
MM. DE CHARRITTE.
La famille de Charrilte, dont le nom patronymique est
Casamajor, est une des plus honorables sinon des plus
anciennes du Bèarn. Ses diverses branches ont fourni des
conseillers, des présidents à mortier et un chef suprême au
parlement de Navarre; des offlciers de terre d'un mérite dis-
tingué; des marins dont la réputation de bravoure et d'audace
persiste encore.
Originaire de Rivehaute (1), cette famille remonte, par
Gliation prouvée, à Jean deCasamajor, seigneur de la mai-
son noble de ce nom à Rivehaute, lequel rendit hommage,
le 31 janvier 1538, à Jacques de Foix, évêque de Lescar,
lieutenant général et commissaire député de Henri II, roi de
Navarre.
Guicharnaud {Guiche- Arnaud), son fils aîné, décédé en
1612, est tour à tour qualifié seigneur des maisons nobles
de Casamajor de Rivehaute, de Gestas, de Jasses, de Vielle-
nave, d'Araux et d'Araujuzon, trésorier et secrétaire du roi
Henri III de Navarre et contrôleur des réparations, fortifica-
tions et artilleries des places du royaume. De ses deux maria-
ges il eut, entre autres enfants, quatre garçons :
1* Jean de Casamajor- Rivehaute, écuyer, seigneur de
(1) Canton de Navarrenx, Basses-Pyrénées.
— 22 —
MongastoD, auteur de lâ branche de Gestas; son dernier
représentant, le comte Henri de Gestas, dont plusieurs de
nos lecteurs se souviendront certainement, est mort en 1847.
— A cette branche appartenait encore Jean, seigneur de
Gestas, lieutenant-colonel au régiment de Marche-Prince, bri-
gadier des armées du roi, chevalier de Saint-Louis, premier
jurat-gentilhomme de la ville de Bordeaux;
2" Josué de Casamajor, qui va suivre;
3" Pierre, lige du rameau des marquis de Jasses, égale-
ment éteints (1);
4*^ Jacques, seigneur de Nabas, Bisquey et Disse, successive-
ment avocat, conseiller, puis procureur général au parlement
de Navarre. Sa postérité prit fin à la deuxième génération.
Le 15 août 1608, dans la maison de la Hire, à Saint- Palais,
en présence d-'une nombreuse assistance, Josué de Casamajor
épousait noble demoiselle Jehanne de Charritte, unique héri-
tière des anciens potestals de ce nom (2). D'après les clau-
ses insérées au contrat de mariage, les enfants issus de cette
union devaient porter le nom et les armes de Charritte.
Isaac de Casamajor, seigneur de Charritte et autres lieux,
fils aine de Josué, prit à son tour alliance, le 6 août 1645,
avec Marie de Maytie, sœur d'Arnaud de Maytie, alors abbé
de Saint-Pé et depuis évéque d'Oloron. De ce mariage naqui-
rent huit enfants, parmi lesquels, Henry, potestat de Charritte,
qui n'eut qu'un fils mort sans postérité, et Jean-Pierre de
Charritte, dont nous allons esquisser Tintéressante physio-
nomie.
(1) Sur les derijiers représentants des branches de Gostas et de Jasses, con-
sulter l'ouvrage si attachant de M. G. de Lagrèze, La société et les mœurs en
Béarn, Pau, G. Cazaux, 1886.
(2) La cour de Licharre (Cort deu noguer de Licharro), qui avait dans sa
juridiction le pays de Soûle, était présidée par le châtelain de Mauléon et se
composait de dix juges, qui portaient le nom depotestats : c'étaient les seigneurs
du Domec, de l^carry, de Himein, du Domcc de Sibas, d'Olaïby, du Doniec
d'Ossas, d'Amichalgue, de Gcntein, de la Salle de^ Charritte y d'Espés et du
Domec de Chéraute.(P. Raymond, Irwentaire sommaire des Arcfiices des B, P.).
— 23 —
J.-P. DE CHARRITTE
UEUTENANT GÉNÉRAL DU ROI AU GOUVERNEMENT DE SAINT-DOMINGUE
Né an château de Charritte el baptisé en Téglise parois-
siale de ce lieu le 10 septembre 1648, Jean-Pierre de Casama-
jor de Charritte fut nommé enseigne de vaisseau en janvier
1689, et, après un long stage en mer, promu lieutenant le
1" juin 1693. L'année suivante, il recevait le commandement
de la frégate royale te Lutin, avec mission d'établir une croi-
sière dans les parages de l'île de Groix (1).
Au cours de celle campagne, et pendant qu'il escortait
une tlollille marchande d'environ cent cinquante voiles, il fut
assailli par une Flessingeoise de 22 bouches à feu et par deux
corvettes espagnoles de 10 à 12 canons chacune. Trois fois,
par de rapides et savantes manœuvres, M. de Charritte
sut éviter un abordage : l'on aurait cru que le Z^wftn jouait
avec ses formidables ennemis. A une quatrième attaque,
repoussée avec le même succès, le capitaine eut le cou percé
d'outre en outre par une balle de fauconneau, et l'épaule et
la mâchoire fracassées par une décharge de mousquet. En
revanche, il eut l'insigne bonheur de sauver le convoi et de
faire entrer les cent cinquante voiles dans la Gironde. Depuis
ce jour, M. de Charritte ne vécut plus que d'aliments liquides.
La nouvelle de ce brillant fait d'armes parvint rapidement
à Versailles. Le roi Louis XIV, « désirant gratifier et favora-
» blement traiter le sieur de Charritte, en considération de
» ses services et de ses grandes blessures » , lui fit délivrer Je
brevet d'une pension annuelle et viagère de cinq cents livres,
payable sur le Trésor (1" janvier 1697) (2).
(1) Ile de l'Océan, située eu face de rembouchure du Blavet, à 16 kilomètres
de Lorient.
(2) Biblioth. nationale. CoUect. Dom ViUevielle, vol. 26269.
— 24 -
Quelques mois après, M. de Charritle était nommé lieute-
nant du roi à l'île de Sainte-Croix, et recevait le commande-
ment de la Pf^essanle, belle frégate armée de douze pièces de
canon et montée par cinquante hommes d'équipage. Avant
de gagner son poste, il avait ordre de conduire et de proté-
ger, de La Rochelle à Bordeaux, un important convoi de
navires marchands. M. de Charritle devait, dans cette circons-
tance, se couvrir d'une gloire nouvelle : l'énergie, l'intrépi-
dité, le sang-froid qu'il déploya dans le combat acharné qu'il
eut à soutenir contre trois corsaires ennemis firent l'admira-
tion de tous les hommes de mer de cette belle période du
règne de Louis XIV.
Le jour même de son départ de La Rochelle, le matelot de vigie ap-
per^ut trois bâtiments portant pavillon étranger. M. de Charritle se tint,
dès lors à l'arrière du convoi pour attendre les méchants voiliers. Le
plus grand des trois corsaires se détacha des autres pour le reconnoître,
et, comme il vit qu'il n'y avoit qu'une frégate de convoi, il 6i signal
aux autres bâtiments d'approcher. C'étoit une frégate de 22 pièces de
canon et de 160 hommes d'équipage. Les deux autres étoient des cor-
vettes, l'une de 8 pièces de canon et de 70 hommes d'équipage, et l'au-
tre de 6 pièces et de 60 hommes. La frégate attaqua M, de Charritte
aussitôt qu'elle fut à portée de canon, et, quand elle put se servir du
mousquet, elle fit grand feu de tous les deux. Plein de sang-froid,
M. de Charritte ne fit d'abord tii^er aucun coup; mais lorsque les deux
frégates furent à la demi-portée du pistolet l'une et l'autre, il commanda
un feu si terrible que le corsaire n'osa jamais tenter l'abordage pendant
plus de demi-heure que le coiùbat dura seul à seul; mais la corvette étant
venue à son secours, il fit tous ses efforts à trois différentes reprises
pour aborder, et trois fois M. de Charritte le repoussa avec une telle
vigueur qu'il le força bientôt de se retirer. Ce n'étoit point fini : la cor-
vette de six canons, qui s'étoit mise à la poursuite d'un bâtiment de la
flottille, vint se joindre, après l'avoir pris, à la grande corv^ette, et tous
trois ensemble chargèrent de nouveau notre frégate. M. de Charritte
soutint si avantageusement ce choc que le combat ne fut pas de si lon-
gue durée que l'autre. Les ennemis se retirèrent, désespérant de pou-
voir vaincre un homme d'un tel courage.
— 26 —
La croix de Saint-Louis fut la récompense de cette belle
action (1).
Nommé en 1707 au gouvernement supérieur de Tîle de
Sainte-Croix et commandant des colonies françaises au quar-
tier du Cap et côte de Saint-Domingue (2), en remplacement
de M. de Galiifet (5), M. de Charritte fut chargé, Tannée sui-
vante, de la délimitation des frontières de la colonie de
Saint-Domingue. Il devait s'entendre, sur ce sujet plein de
dangers, avec Témissaire particulier de la cour d'Espagne.
Dom Guillelmo Morphy, — écrivait le 29 février M. de Pontchar-
train au gouverneur de Sainte-Croix, — que je vous ay mandé avoir
esté choisy par le Roy d'Espagne pour remplir la présidence de Saint-
Domingue, se prépare à partir pour s'y rendre et m'escrit pour m'as-
seurer auparavant qu'il est dans les meilleures dispositions qu'on peut
souhaiter pour entretenir une bonne correspondance avec les comman-
dants et officiers des quartiers françois et pour travailler, de concert
avec eux, à réprimer les nègres et vagabonds fugitifs qui se sont sou-
levés. Il me fait encores asseurer qu'il donnera ses soins pour terminer
l'affaire des limites et oster par là toute sorte de prétextes et d'occasions
de mésintelligence et de discussion entre les deux nations. Je vous en
fais part, de mesme qu'à M. le comte de Choiseul (4), pour vous exhor-
ter à profiter de cette situation pour establir une confiance mutuelle et
réciproque entre vous et les habitans : c'est le moyen le plus seur pour
les attirer dans les colonies françaises et lier un commerce qui ne peut
que nous estre très avantageux. Je mande aussi à M. de Choiseul de
vous charger de la négociation sur les limites, parceque vous êtes plus
(1) Hist. de Vordre royal et militaire de Saint-Louis^ pai' C. d'Aspect, tome
ni, p. 241. — Biblioth. nationale : collect. Dom Villevielle.
(2) On trouvera dans le P. de Charlevoix {Histoire de l'isle espagnole ou de
Saint-Domingue, Paris, 1731, in-4", tome ii, p. 582) une curieuse description de
Tile de Sainte-Croix à l'époque où M. de Charritte y fut appelé.
(3) Joseph de Galiifet, d'abord commandant de l'ile de la Tortue, occupait le
poste de Sainte-Croix depuis le 16 mai 1698. Il mourut à Paris le 26 mai
1706.
(4) François-Joseph de Choiseul-Beaupré, appelé le comte de Choiseul, capi-
taine de vaisseau, chevalier de Saint-Louis, gouverneur de l'île de la Tortue et
de toute la côte de Saintr-Domingue. En 1711, revenant en France sur un bateau
tiansport, il fut attaqué par une flottille ennemie. A peine le combat était-il com-
mencé que M. de Choiseul recevait une balle de fauconneau; il succombait
'treize jours après. Il était le cingt-huitième de sa maison tué au seroice du roi
Louis XIV,
— se-
au iait de cette affaire que luy. Ce sera à vous à la conduire de manière
que, sans trop demander, nous conservions le port de Bayaha et Tes-
tendue de terre qui est nécessaire pour la colonie du Cap et pour sa
sécurité et tacher d'avoir des bornes fixes. Vous m'informerez avec
punctualité de tout c€ qui se passera sur ce sujet et des mesures que
vous prendrez pour establir le commerce. J'attends avec impatience le
retour de Vlndien pour scavoir ce dont vous serez convenu avec
MM. de Choiseul et Deslandes sur les affaires principales de la colonie.
Je suis, Monsieur, etc. (1).
M. de Charritte ne sut pas mettre dans cette délicate négo-
ciation tout Tesprit de justice et de conciliation nécessaire à
une réussite parfaite. D'autre part, la hauteur, la dureté, les
exigences qu'il apportait parfois dans son gouvernement par-
ticulier, provoquèrent bientôt des plaintes nombreuses. Une
enquête fut ordonnée et le résultat en fut si défavorable que
M. de Choiseul crut devoir prononcer contre M. de Charritte
une interdiction temporaire (2).
En 1711, M. de Charritte fut désigné pour remplacer M. de
Cabaret (3) dans le gouvernement de la Martinique. Mais
quoique ce poste fut alors considéré comme le plus important
de TAmérique, le nouveau titulaire ne put se résigner à l'oc-
cuper (4). Les intérêts qu'il possédait à Saint-Domingue, les
(1) Biblioth. nation.; ibid.
(2) « A Monsieur de Charritte. — Bien loing, Monsieur, de couvrir de mon
» manteau ny vous, ny tous ceux qui sont, comme vous, convaincus de vexer
» les sujets du Roy dedans le gouvernement qu'il m*a faict Thonneur de me con-
» fier, par la protection de Monsieur le comte de Pontchartrain, son ministre,
» ennemy juré de l'injustice, — par Tauthorité qui m'est donnt'^e, je vous interdis
» de votre commandement du Cap jusqu'à ce qu'il plaise à la Cour d'en ordon-
» ner, et vous fais deffense de vous ingérer et de vous mesler d'aucune afïaii*e
» de Sa Majesté, ny de ses bons sujets, dedans toute l'estendue de mon gouver-
» nement, afin que les ordres que nous distribuons pour rétablir l'équité et la
» bonne foy ne soient point troublés, et que les sujets lassent leur commerce en
» paix, vos violences et vos excez estant par ceste voye arrestés.
» Fait au Petit-Gouavc le 23 Mai 1708. —(Signé:) Chotseul-Deaapré, »
(3) Louis de Cabaret, capitaine de vaisseau en 1653, lieutenant général en 1689,
avait lui- même succédé à Ducassc dans le gouvernement général de la Marti-
nique.
(4) Le P. de Charlevoix (Hist. de Visio de Saint-Domingue, tome ii, p. 338)
laisse entendre que M. de Charritte ne quitta point Sainte-Croix, n'ayant jamais
— $7 —
plantations et les essais de colonisation dont il y poursuivait
le développement avec les plus louables efforts et aussi le
mauvais état de sa santé, lui faisaient préférer les fonctions
plus modestes qu'il occupait depuis 1707. Il demanda et
obtint, non sans de grandes difficultés, de quitter la Martinique
et de revenir à Sainte-Croix. Un acte irréfléchi, un zèle
trop ardent,, devaient bientôt le priver du gouvernement de
cette île.
Sollicité, en 1713, par Ducasse (1), qui espérait donner ou
conquérir à la France toute Tîle de Saint-Domingue (2), M. de
Charritte, on le comprendra facilement, prit à cœur ce grand
projet, et, pour le mieux faire réussir, voulut lui-même entre-
prendre un voyage d'exploration dans la partie espagnole de
Tîle. De ses deniers personnels il équipe une petite troupe,
se munit de toutes les choses nécessaires et franchit, grâce à
un déguisement, la ligne frontière. Mais trahi par son guide,
mal secondé par les hommes de son escorte, dont plusieurs
s'enfuirent honteusement, emportant avec eux les armes et
les provisions de bouche, le gouverneur est bientôt forcé
d'abandonner cette expédition et de rentrer précipitamment
reçu ses provisions de gouverneur de la Martinique. Il y a là une double erreur;
les lettres patentes portent la date du premier septembre 1711 et furent visées trois
mois après, jour pour jour, par le Conseil supérieur de Tile. En voici le dispositif :
« Louis, etc.. Le gouvernement de nostre isle de la Martinique estant à présent
» vacant par la nouvelle destination du sieur Gabaret, nous avons estimé qu'il
» estoit important au bien de notre service de remplir cette charge d'une per-
» sonne sur la suffisance et la fidélité de laquelle nous puissions nous reposer
» de la conduite de nos sujets establis en la dite isle et de tout ce qui peut aug-
» menter leur commerce, et que nous ne pouvions faire, pour cet eflfet, un meil-
» leur choix que de la personne du sieur Char rite, gouverneur de l'isle de Sainte-
» Croix; à ces causes, nous avons »(Biblioth. nation.; coliect. Dom Ville-
vielle).
(1) J.-B. Ducasse, mort en juillet 1715 lieutenant général des armées de terre
et de mer, commandeur de Saint-Louis et chevalier de la Toison d'or. Nous don-
nerons plus tard sur cet audacieux marin quelques notes inédites et toutes
intimes.
(2) Découverte par Colomb en 1492, l'ile de Saint-Domingue (appelée d'abord
Hispaniola et aujourd'hui Haïti) y fut occupée par les Espagnols en 1495. Au
dix-septième siècle, les flibustiers la ravagèrent et s'y établirent sous la protec-
tion de la France, à laquelle elle fut en partie cédée par le traité de Ryswik. Les
Espagnols conservèrent toute la partie orientale de l'ile.
— 28 —
à Saînle^roix. Appelé à Paris pour rendre compte de sa con-
duite, M. de Charritte s'embarqua aussitôt pour la France. La
justification d'un acte désavoué hautement par le gouverne-
ment français, fut longue et difficile à être écoutée. Une des
nombreuses lettres adressées par M. de Charritte au ministre
de la marine nous initie aux difficultés qu'il rencontra à la
cour du Régent (1 ) :
De Paris, le 12 février 1715, rue des Lions, chez M. Erraud.
Monseigneur,
Il y a deux mois et demy que je suis retenu dans une chambre par
des indispositions dont j'ay desja eu l'honneur de vous informer, et
par surcroy de disgrâce je ne puis espérer qu'elles me permettent de res-
pirer le grand air qu après la fin des rigueurs de l'hiver, auquel j'en dois
attribuer une partie et le reste au mauvais sang que je fais depuis que
j'ai eu le malheur de perdre vos bonnes grâces pendant que je croiois
ne rien faire qui ne vous fut agréable et qui ne me fit mieux mériter
votre protection. Dans cette triste situation, trouvez agréable que je
prenne la liberté de supplier très humblement Votre Grandeur d'oublier
cette faute que je n'ai commise que par un excès de zèle pour le service
qui estoit si grand que, non seulement j'entrepris le voyage des quar-
tiers espagnols de l'isle de Saint-Domingue sans son agrément, mais
mesme sans faire attention aux fatigues que j'y ay essuyé et aux ris-
ques que j'ay couru pour ma vie. L'unique objet de cette caravanne
estoit pour informer Votre Grandeur, par mes propres connoissances, de
la qualité des terrains, de la situation des bourgs, villes, villages, et de
Testât de forces qu'il y avoit. J'adjousteray que je ne l'entrepris que par
le conseil de M. du Casse et sur les assurances qu'il me donna, quand
il toucha à Saint-Domingue revenant de Carthagène, il a environ deux
ans et demy, qu'il l'approuveroit et vous en aviseroit. Je le crus d'au-
tant mieux qu'il me fit entendre qu'il avoit commencé une négotiation
à la cour d'Espagne pour que toute Tisle restât aux Français, et que, à
son arrivée en Europe, il travailleroit à la finir. Je ne scay s'il Ta suivie,
mais il seroit à souhaitter qu'il fut venu à bout de ce travail dont la
réussite me paroit aujourd'huy aussi douteuse que je l'aurois crue
(1) Archives de la marine; fonds Colonies,
— 29 —
facille il y a quelques années ; mais il en a esté autrement que ce que
luy et moy en avions pensé. Votre Grandeur a désaprouvé ce que j'ay
fait dans cette occasion ; je reconnois ma faute et je la supplie de me la
pardonner, Tesseurant que, si elle a cette bonté pour moy, rien ne con-
tribuera plus efficacement à faire dissiper les douleurs de mon esprit et
à me fortifier contre celles de mon corps qu'en obtenant le pardon que
je luy demande.
Je prends la liberté de luy envoyer ci-joint un Mémoyre touchant
une grattiffication qu'elle m'a voit fait la grâce de me procurer du Roy,
il y a environ seize ans, et je la supplie très humblement d'y avoir
esgard. J'estois en l'Amérique quand elle me fut accordée, et je n'en
eus des nouvelles que deux ou trois ans après. Je la destine pour l'em-
ployer à un beau tableau de Saint-Louis , pour l'église de ma paroisse,
à laquelle nous avions donné ce saint pour patron, et dès ce temps-là
je priais le R. P. Gouze, jésuite, de recevoir la dite gratification
et de l'employer au présent que je voulois faire, — ce que j'expose
dans le dit Memoyre et sur les témoignages que M. Lefèvre,
greffier, et M, Pinconneau, trésorier dudit ordre de Saint-Louis, m'ont
donné.
Il y a deux jours que j'ay reçu la lettre que Votre Grandeur m'a fait
l'honneur de m'escrire du 27 du mois dernier. Je la prye de croire que
je me coaformeray aux ordres qu'elle contient, et j'ose l'assurer qu'il
ne luy reviendra jamais que j'y ay contrevenu. Mais si elle vouloit me
permettre de luy dire mon sentiment h leur occasion, fondé par Texpé-
rience que je puis avoir de ce qui se passe sur les vaisseaux qui intro-
duisent des nègres à nos colonies^ elle trouveroit peut-être à propos d'y
changer quelque chose.
Je suis avec un très profond respect
De Charritte.
Vainqueur de mesquines jalousies^ M. de Charritte obtint
enfin, le 28 juin 1716, Pautorisation de retourner en Amé-
rique. Il emportait avec lui son brevet de lieutenant du
roi au gouvernement général de Saint-Domingue; ainsi, désor-
mais, il allait pouvoir prêter un appui officiel aux nombreux
essais de plantations et de fabrications, dont les heureux résul-
tats devaient faire de Saint-Domingue une des colonies les
plus riches des Antilles.
— 30 —
Il est impossible de ne pas parler de M. de Charritte, — écrit Moreau
de Saint-Mery (l), — lorsqu'on décrit la partie française de l'île de
Saint-Domingue. Le gouverneur était doux, populaire, ennemi du des-
potisme. Ce fut lui qui implanta le premier les cannes à sucre dans
la plaine du Cap. Depuis, on continua leur culture en cet endroit
et presque toujours avec un succès constant. M. de Charritte fit
venir d'Europe un raflSneur instruit, et ce fut sur son habitation, au
quartier Morin (2), que fut établie la première purgerie de la colonie
française. Il obtint bientôt des sucres raffinés^ qui furent classés
parmi les premières marques (3). Pour engager les autres habitants à
rimiter, il établit une poterie où l'on faisait des formes pour le sucre,
et ce fut encore à lui qu'on dut une manu facture -de tuiles et une autre
de briques. Ces exemples furent heureux et la reconnaissance doit les
publier.
M. de Charritte avait aussi fait venir de la Havane des ouvriers pour
établir une manufacture de tabacs en poudre; mais les colons, à qui
cette fabrique n'offrait point de débouchés et pour qui les gains d'une
sucrerie avaient plus d'attrait, ne goûtèrent pas celte nouvelle tentative,
qui n'eut aucun succès.
Ce n'est pas tout : l'église du quartier Morin, une des plus jolies et
des mieux entretenues de la colonie, doit la plus grande partie de ses
ornements aux libéralités de M. de Charritte. Il y avait fait construire,
à ses frais, une chapelle latérale, du côté du Nord, sous Tinvocation de
saint Jean-Baptiste, son patron. Pour reconnaître tant de bienfaits, les
paroissiens avaient donné à perpétuité cette chapelle à M. de Charritte.
Les descendants de celui-ci en jouissent encore^ sans autre obligation
que celle souscrite au début, d'entretenir cette chapelle et de faire les frais
de l'office divin qui y est célébré le jour de la fête patronale de Saint-Jean .
(1) Deacrlption topographique ^ physique, clolle, politique et historique de la
partie française de Vile de Saint- Domingue, Philadelphie, 1797, in-4% pp. 235
et 246. — Voir aussi aux Archives de la marine le Dossier personnel indiciduel
de Charritte.
(2) Le P. Labat (Nouceau voyage aux Isles d^ Amérique, Paris, 1723, iii-12,
tome V, p. 124) donne une très curieuse description de l'habitation de M. de Char-
ritte au Cap Français.
(3) On sait que l'art de rqffiner le sucre a pris naissance chez les Vénitiens.
Amsterdam et Hambourg acquirent ensuite une grande supériorité et devinrent
le centre du raffinage européen. Mais, depuis le commencement de ce siècle, la
France s'est emparée de cette industrie et y réussit avec beaucoup de succès. —
Avant 1789, les sucres bruts de Saint-Domingue tenaient le premier rang parmi
les sucres des Antilles. Aujourd'hui l«*s habitants de oette ile en négligent la
culture et ne fournissent que des sucres gras, gommeux et de mauvaise qualité ;
on les range dans la classe des Martinique.
— 31 —
/
Ces belles et précieuses qualités étaient malheureusement
ternies par une cupidité insatiable, dont plusieurs auteurs
constatent les effets déplorables. Ainsi, au moment de sa mort,
M. deCharritle possédait le tiers du quartier Morin, mille toi-
ses carrées dans la paroisse de la Pelile-Anse, toute la savane
de la Limonade, de nombreuses forets et encore presque tout
le territoire des paroisses d'Acul et de Port-Margot. « Mal-
» gré tout, conclut Moreau de Saint-Mery, on ne lui a pas
» moins des obligations très réelles, et dont le souvenir res-
» tera toujours. »
Cet excellent administrateur mourut le 17 octobre 1723, à
Fàge de soixante-quinze ans, au moment ou on lui faisait
espérer, comme récompense de ses services, le cordon rouge et
le grade de capitaine de vaisseau. De Marie-Louise de Ladou-
bard de Beaumanoir, sa femme, qu'il avait épousée au Cap le
vingt-huit décembre 1698, M. de Charritle laissait trois
enfants :
l'* Jean-Vincent, titré marquis de Charritte en 1743 (1);
2** Marie-Louise, alliée à Louis-Joseph de Menou, maréchal
des camps et armées, commandant pour le roi dans la Haute-
Bretagne;
3** Charles de Casamajor de Charritte, d'abord conseiller
(1725), puis président à mortier (1732) au parlement de
Navarre. Marié en 1722 à Marguerite Françoise d'Andoins,
Charles de Charritte eut douze enfants, parmi lesquels nous
mentionnerons :
François, marquis de Charritte, qui fut le dernier Premier
Président de l'ancienne cour de Navarre;
Joseph-Guillaume, appelé le chevalier de Charritte, cadet à
Rocheforl en 1745, enseigne dans les troupes de Saint-Domin-
(1) Les lettres d'érection du marquisat de Charritte ont été rapportées par
MM. Dufau de Maluquet et J.-B. E. de Jaurgain dans leur beau travail, en cours
de publication dans la Reoue des Basses-Pyrénées et des Landes, sous ce titre :
Armorial général db 1696; Béarn.
— 32 —
gue en 1790, lieutenant au même corps en 1754, capitaine
en 1756, aide-major au Cap en 1758, major audit lieu en
1762, réformé en 1753. De retour en France, il se flxa à Mau-
léon, où il épousa, croyons-nous, une demoiselle de Bêla,
dont il eut deux garçons. Il mourut en 1779 (1);
Louis, comte de Charritte, vice-amiral, dont la notice va
suivre.
A. COMMUNAY.
{La fin au prochain numéro.)
(1) La lettre suivante, adressée au ministre de la marine, a pour signataire
Michel-François de Charritte, décédé chevalier de Saint-Louis et maréchal de
camp des armées. Il était le cinquième des fils du président de Charritte et de
Marguerite- Françoise d'Andoins.
« Monseigneur, Vous êtes le protecteur des enfans dont les pères ont servi et
» qui ont mérité les grâces du Roi. Les services d'un de nos frères, autrefois
» major au Cap François, Tavoient rendu susceptible d'une pension de retraite de
» 1,500 livres sur les colonies. Mon frère vient de mourir; il laisse deux garçons
» avec'une fortime très médiocre, Tun âgé de dix ans, l'autre de six. Leur mère,
» plongée dans le chagrin, se joint à moi. Monseigneur, pour réclamer vos bontés
» pour ses enfants en veuillant bien leur accorder ce que vous jugerés à propos
» de la pension de leur père pour fournir à leur éducation, et, dans la suite, aux
» dépenses du service du Roy auquel ils sont déjà destinés. Permettez, Mon-
» seigneur, que je vous recommande plus particulièrement le plus jeune, pour le
» dédommager d'une coutiune, très rigoureuse pour les cadets, qui leur laisse a
» peine la subsistance. Je n'ay nulle protection auprès de vous, Monseigneur;
» mais peut-il en être une meilleure que la confiance que j'ay dans votre justice?
» Les services du père de ces enfants, ceux de notre grand-père dans la marine,
» dans ce moment encore ceux de mon père, capitaine de vaisseau, qui a res-
» senti plusieurs fois les effets de votre bonté, si j'ose le dire, les miens, peuvent
» être auprès de vous. Monseigneur, des titres favorables à mes neveux. Ils
» payeront un jour les intérêts de ce que vous voudrez bien faire pour eux par
» les services qu'ils rendront. Ce sera à jamais un motif de reconnaissance qu'ils
» vous auront et je la partagerai bien sincèrement. Je suis avec respect, Monsei-
» gneur (Signé :) le Chevalier de Charritte. — Honfleur, ce 14 septembre
» 1779. » (Archicea de la marine, fonds colonial).
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JJ . roftfatnç. .
Il, Mur e^ mosatfues ,
À . Mur etL 171 o eu on .
6. laosai^ues,
IL, Mur en pierre c/e^/te/it -^t/i/rctrei/.
VILLA GALLO-ROMAINE
AU GI^ÉSIA, PRÂ8 MONTRÉAX.-DU-GBRS
NOUVELLES DÉCOUVERTES
Ainsi que nous en exprimions naguère l'espoir ici même (1), des
découvertes nouvelles ont été faites au Glésia. Les travaux pratiqués
durant l'automne autour des salles de la villa gallo- romaine (A) ont
amené d'heureux résultats.
Au nord de ces salles et à 40 mètres environ, sur le sommet du
coteau, on a mis au jour une salle entière (B), dont les murs, en pierre de
moyen appareil, se dessinent très bien sur leurs quatre côtés, avec une
hauteur moyenne de 0", 70. La salle elle-même a 4", 70 de largeur sur
4", 20 de longueur. Elle se distingue surtout des voisines déjà décrites
par rhypocauste qui y a été trouvé en un état de conservation parfait^
Malheureusement cet hypocauste a été détruit presque aussitôt que
découvert, et il n'est plus permis de le décrire que d'après ce qu'en
attestent à la fois et ses débris et le propriétaire. Il avait 60 centimètres
de hauteur; de nombreux piliers, les uns de pierre et monoUthes, les
autres de brique, soutenaient l'aire de l'appartement supérieur. Plus
résistants à l'action du feu, les piUers de pierre étaient placés au milieu
de rhypocauste, près du foyer même; les piliers de brique au contraire
se trouvaient près des murs. Ces derniers étaient faits de briques creu-
ses superposées^ ayant 30 centimètres de hauteur sur 17 de largeur et
30 de longueur, et percées, au point central, d'un petit orifice rectangu-
laire destiné à laisser pénétrer dans l'intérieur de ces piliers creux la
chaleur ambiante de l'hypocauste. Tous ces piliers étaient aussi sur-
montés d'énormes briques plates formant entablement. Au-dessus s'é-
tendait un carrelage en briques très grandes. Et sur ce carrelage avait
(1) Reoue de Gasc. de juillet-août 1888, p. 323.
(A) Cette majuscule et celles qui suivront dans le courant de l'article renvoient
au croquis approximatif inséré ci-après et destiné simplement à faciliter l'intel-
ligence de nos escplications.
Tome XXX. 3
— 34 —
été posée une couche de ciment ou de béton fait de brique pilée, d'une
épaisseur de 8 centimètres environ. Ce ciment formait le sol de la salle.
Au niveau de ce sol élaient incrustées dans le mur des tuiles à rebords
qui, jointes Tune à l'autre par leurs rebords, déterminaient une sorte
de petit canal large, mais très étroit; on en voit deux sur le mur du
nord, trois sur le mur de l'ouest, trois sur le mur de Test, et deux sur
celui du midi. Ces canaux ou tubes descendaient un peu au-dessous du
carrelage et prenaient naissance dans l'hypocauste même.
Sur les points adjacents à celte salle, vers l'est, se voient déjà d'au-
tres débris de murs et de briqueterie (C), dont la disposition, telle qu elle
paraît, fait supposer que là encore se trouve un second hypocauste. Il
est aussi à noter que dans l'hypocauste précédent, et au milieu, on a
relevé de nombreux ossements humains, particulièrement des osse-
ments d'enfants, tous calcinés. Les briques elles-mêmes des sommets
des piliers et jusqu'aux piliers en pierre, tout paraît avoir subi l'action
d'un feu violent.
Ajoutons qu'un canal (D), se dirigeant vers la fontaine qui se trouve au
sommet du coteau, mais à un niveau légèrement inférieur à notre salle,
part de l'angle sud-ouest de cette salle. Il est formé de tuiles à rebords
jointes les unes aux autres : au-dessus de ces tuiles, pour les protéger
contre tout éboulement, on avait placé de larges pierres. L'eau coulait
donc dans ce canal, glissant sur les tuiles entre les rebords et sous les
pierres supérieures. A mesure que le canal s'éloigne de la salle et se
rapproche de la fontaine, il s'enfonce davantage dans le sol. Le canal
lui-même est creusé entre deux murs de petit appareil qui le bordent.
A une dizaine de mètres environ avant d'arriver à la fontaine, le sys-
tème de construction du canal se complique un peu plus. On voit en
efïet qu'au-dessus des pierres recouvrant les tuiles, avait été établi un
ciment de brique pilée semblable à celui qui formait le sol de la salle.
La longueur du canal est d'environ 35 mètres.
La nouvelle salle est située à 10 mètres environ d'altitude au-dessus
de celles de VOceanus; et cette différence de niveau ne permet guère de
croire qu'elle leur fût rattachée. C'était sans doit te ici le balnéaire de la
villa. On y a découvert, dans les débris, de nombreuses poteries. Or,
toutes ces poteries étaient das fragments de vases minuscules en terre
samienne ou en terre grise, tels qu'on nous représente les unguentaria,
sorte de vases tout petits destinés à renfermer des parfums, des onguents
et diverses essences pi-écieuses, qu'on employait soit pour laver ou
parfumer le corps des baigneurs soit pour leur donner de l'élasticité. Il
est donc à croire que c'était ici une salle de bains.
- 35 —
A 100 mètres environ des salles déjà connues, au nord-ouest, on a
exhumé d'autres mosaïques (E). Mais ici les fouilles sont encore à l'état
initial . On peut cependant augurer qu'on y trouvera de nouveaux appar-
tements. Déjà deux coins de salles différentes apparaissent, séparés par
un mur de refend de petit appareil et revêtus de mosaïques. La mosaï-
que du premier est fort détériorée, celle du second est au contraire très
bien conservée; elle dessine, au point où elle disparaît sous le sol végé-
tal qui recouvre encore le reste de Tappartement, un commencement
d'hémicycle. On y voit une large bordure, faite de carrés blancs bordés
de bleu, qui portent à leur centre des sortes de croix pattées, rouges et
bleues, posées en sautoir. Au-delà de la bordure se montrent des pointes
de feuillage, des bouts d'enroulements : le reste se cache sous terre.
Sous celte dernière mosaïque règne un canal (1), lequel s'étend entre
deux murs souterrains et est d'une largeur de 30 centimètres environ,
avec une brique énorme, semblable à celles de l'hypocauste décrit plus
haut, placée sous la mosaïque. On retrouve la même disposition un peu
plus bas, sous un ciment qui paraît supporter la suite encore cachée de
celte mosaïque. Observons aussi qu'un mur perpendiculaire à ces
mosaïques (F) descend en ligne droite d'un point situé à 2. mètres environ
au-dessus de ces dernières mosaïques jusque presque au fond du coteau,
sur une longueur d'une cinquantaine de mètres environ. Mais les
débris de ce mur ne sont pas en pierre de petit appareil; on n'y trouve
que du moellon.
Il y a encore, un peu plus loin à Test de ces deux salles, un pavé de
mosaïque (G) qui se laisse déjà voir, mais dans un état bien informe
encore. Terminons en signalant un mur de pierre de petit appareil (H)
qui s'étend à mi-coteau, non loin des salles de l'Oceanus^ et leur est
oblique : c'est tout près de ce mur que reposent les sarcophages dont
nous avons parlé précédemment.
Toutes ces ruines se trouvent dans le même champ, sur la pente
du coteau, et à des niveaux très différents. Aussi pensons-nous
qu'elles ont appartenu presque toutes à des corps de bâtiments dis-
tincts et séparés, quoiqu'ils fissent évidemment partie do la villa.
L'emplacement limité par le périmètre autour duquel elles ont été
découvertes mesure environ une cinquantaine d'ares au moins. On
voit par là que cette villa n'était pas des' plus méprisables. Mais la
double question se pose toujours : qui donc a pu élever une telle villa
en un lieu si dépourvu de charmes, et pourquoi ?
(1) Ce qui parait encore un canal n'est peut-être que l'interstice s'étendant
entre deux piliers de pierre d'un nouvel bypocauste.
— 36 —
Le propriétaire m'affirmait naguère qu'on trouva dans ce champ, il y
a quelques années, un buste en marbre surmonté d'une tête d'homme
aux cheveux courts. Mais buste et tête ont disparu complètement. Une
autre trouvaille, faite dans les déblais de la salle de Thypocauste, four-
nit quelques éléments de solution sur Tépoque de la villa. On y releva
en effet deux monnaies : Tune, très fruste, qui est un grand bronze de
Trajan ou d'Adrien; l^autre, beaucoup mieux conservée, qui est un
petit bronze d'Hélène, fille de Constantin et épouse de Julien d'Aposlaf .
A l'avers, la princesse est représentée avec un diadème enroulé dans
les cheveux qui se relèvent sur la nuque (comme à la mode d'aujour-
d'hui) et, sur les épaules, un manteau brodé rappelant assez par sa
forme et ses ornements les chapes ecclésiastiques; on lit à l'exergue :
FLCaoia) HELENA AVGVSTA. Le revers porte une femme en pied
avec les attributs de la Sécurité; l'exergue est : SECVRITAS PU-
BLICA. Sous les pieds delà Sécurité on lit : PTRE, marque de fabri-
que des monnaies frappées à Trêves.
A. BREUILS.
BIBLIOGRAPHIE HISTORIQUE.
I
Catalogue des actes dk François I". Tome 1. Paris, impr. nationale, nov.
1887. In>4* de 734 pages.
L'Académie des sciences morales et politiques a résolu, aux applau-
dissements du monde savant, d'achever un des plus beaux monuments
de rérudition française, la collection des Ordonnances des rois de
France, à laquelle se rattache le souvenir de ces illustres travailleurs
qui s'appellent Laurière, Secousse, Villevault, Bréquigny, Pastoret.
L'ouvrage s'arrêtait, aveclexxi« volume (1849j, au règne de Louis Xll
inclusivement. L'Académie a dressé, comme oeuvre préparatoire d'une
continuation que tous les amis de notre histoire attendaient impatiem-
ment, un Catalogue des actes de François /«*•, dont le tome P** a
paru depuis quelque temps. J'emprunte à ce volume, contenant Ténu-
— 37 —
mération de 3,834 documents compris entre ces deux dates : !•'' janvier
1515, 31 décembre 1530, un certain nombre d'indications qui pourront
être utiles aux chercheurs du bon pays de Gascogne. ^
Ph. Tamizey de Larroque.
N° 46. — 12 janvier 1515 : Continuation et confirmation de Toffice
de juge-mage en la sénéchaussée d'Armagnac, en faveur d'Antoine
Guinhard, licencié es lois et bachelier en décret, juge-mage on ladite
sénéchaussée.
N° 173. — Mars 1515 : Règlement pour les privilèges des habitants
de Bayonne.
N° 271. — Mai 1515 : Confirmation des coutumes et privilèges des
habitants de Lectoure.
N° 285. — 19 juin 1515 : Déclaration portant défense de frapper
aucunes monnaies d'or et d'argent, sauf dans les ateliers monétaires de
Paris, Rouen, Lyon et Bayonne.
N<» 364. — 15 octobre 1515 : Lettres enjoignant aux gens du Grand
Conseil de casser les arrêts rendus par le parlement de Toulouse au
sujet de la compétition de Manaud de Martory ei de Roger de Montant
à l'évêchiJ de Tarbes, depuis que cette affaire avait été évoquée audit
Grand Conseil.
N" 367. — 21 octobre 1515 : Confirmation accordée par la duchesse
d'Angoulème, régente, aux habitants de Saint- Jean-de-Luz, de l'af-
franchissement des droits d'assise et d'issue, pour dix nouvelles années.
N" 421 . — 33 février 1516 : Mandement au parlement de Dauphiné
pour Tenregistrement des bulles et pouvoirs du cardinal Guillaume de
Clermont, archevêque d'Auch, légal du pape à Avignon et dans les pro-
vinces de Vienne et d'Embrun.
N° 451. — 28 mars 1516 : Ordonnance portant que la sénéchaus-
sée d'Armagnac ressortira de la cour de Parlement de Toulouse, ainsi
qu'elle avait fait par ci-devant.
^ N° 476. — 2 mai 1516 : Mandement aux généraux des finances de
payer la somme de 5,000 hommes de guerre de pied, gascons, navar-
rais, aventuriers français et autres, qui ont servi dans les armées du
roi en Milanais.
N° 488. — Mai 1516 : Confinnation des privilèges, franchises et
libertés des habitants de Condom (1).
N° 509. — Août 1516 : Confirmation des droits de haute justice de
la Imronnie de Came et de la seigneurie de Monthory en faveur de
Roger de Grammout, chambellan du roi.
N® 525. — Septembre 1516 : Confirmation des privilèges octroyés
aux habitants des baronnies de Labarthe et de Termes, et aux seigneurs
d'Aure, Magnoac, Barousse et Nestes.
(1) Disons, à ce sujet, combien il serait désirable que M. Soubdès publiât les
coutumes de la ville de Condom, dont il a si bien préparé le texte et le com-
mentaire.
— 38 —
N° 564. — 7 décembre 1516 : Provisions de TofGce de bailli du pays
de Labour en faveur de Jean de Saint-Pé, au lieu de Louis de Hurte-
bye, décédé.
N° 579. — Décembre 1516 : Suppression et abolition de la cour et
sénéchaussée d'Amiagiiac, avec faculté accordée au duc d'Alençon,
comte d'Armagnac, pair de France, et à Marguerite de France, sœur
du roi et épouse dudit duc, d'avoir et instituer, au lieu de leurs juges
d'appeaux et sénéchal d'Armagnac, lieutenant général et particulier,
avocat et procureur et autres officiers nécessaires, par-devant lesquels
ressortiront toutes les appellations.
N*751. — 3 décembre 1517 : Confirmation de don à Roger de
Grandmont, chambellan du roi, de la moitié des deniers de la coutume
de 12 deniers tournois par livre établie à Bayonne, à Saint- Jean- de-
Luz et à Cap-Breton, et de la moitié des 25 sols qui se lèvent auxdits
lieux sur chaque pièce de vin, à la sortie.
N° 784. — 24 février 1518 : Confirmation, en faveur des habitants
de Bayonne, de la jouissance do moitié de la coutume de 12 deniers
par livre sur toutes les marchandises vendues, tant en la ville que dans
les ports de Saint-Jean-de Luz et de Cap-Breton, et de moitié de 25
sous tournois par tonneau de vin, à eux ci-devant accordés pour être
employés eux réparations, fortifications et affaires communes de la
ville. '
N° 1,036. — Mai 1519 : Confirmation des privilèges des* habitants
de Lectoure, avec confirmations antérieures, datées de 1498 et de juin
1501 (1).
N° 1,058. — 1519 : Concession à Jean de Gramont du droit de
haute et moyenne justice en sa seigneurie de Monthory, pays de Soûle.
N° 1,101. — 30 octobre 1519 : Révocation du placet accordé au
cardinal de Clermont, archevèciue d'Auch, légat d'Avignon,
N° 1,197. — 14 juin 1520. Commission adressée à Jean de Calvi-
mont, président, et à François Cadenet, conseiller au parlement de
Bordeaux, à l'effet d'aller à Bayonne et à Fontarabie s'aboucher avec
les envoyés du roi d'Espagne et l'informer des dépradations faites par
les sujets des deux rois les uns contre les autres, pour en faire
justice.
N^ 1,238. — 6 septembre 1520 : Commission au sénéchal d'Arma-
gnac, ou à son lieutenant, pour faire la i-echerche des fiefs acquis par
les non nobles, gens d'église et autres gens de mainmorte
N° 1,333. — 5 mars 1521 : Lettres portant |X>uvoir au comte d'Ar-
magnac de nommer les receveurs des aides et tailles et autres officiers
royaux du comté d'Armagnac.
N° 1,766. — 26 février 1552 : Letti*cs qui enjoignent au baron de
Saint-Blancard, vice-amiral du Levant, de tirer des prisons des séné-
chaussées de Languedoc des hommes condamnés à mort ou à de graves
punitions corporelles (sauf pour lèse-majesté, incendie, viol, fausse
(1) Voir le fascicule ix des Archiccs historiques de la Gascogne : Archioes
de la cille de Lectoure, Coutumes, statuts et records du xiii* au xiv* siècle.
Documents inédits publiés par P. Druilhet, Auch, 1885.
— 39 —
monnaie et sacrilège) et de les faire monter sur quatre galères en arme-
ment au port de Marseille.
N° 1,796. — 1***" avril 2522 : Provisions de l'office de juge mage ou
lieutenant criminel du sénéchal d'Agenais, pour Jean d'Estrades, juge
ordinaire du Condomois (1).
N*' 1,908. — 26 septembre 1523 : Traité d'alliance entre Fran-
çois I®** et Henri, roi de Navarre. La ratification du roi de Navarre est
du 16 octobre 1523, à Orthez.
N** 1 ,959. — Décembre 1523 : Confirmation des privilèges et fran-
chises des habitants de Pauilhac, au comté de Gaure.
N*^ 2,0.25. — Avant le 30 juin 1524 : Lettres imposant aux Agenais
des corvées pour la fortification do Leotoure, mentionnées pour avoir
été lues aussitôt après leur réception dans rassemblée de la jurade
d'Agen, tenue le 30 juin 1524.
N° 2,026. — 30 juin 1524 : Nomination de Pierre Secondât à
Toffice de rece^'eur des tailles du roi dans le comté d'Armagnac.
N« 2,247. — Octobre 1525 : Création par la régente de quatre foires
par an et d'un marché chaque semaine à Mugron, à la requête de Mar-
tin de Tauna (sic pour Caunaf), seigneur du dit lieu.
N** 2,314. — 11 avril 1526 : Confirmation des privilèges, franchises
et lil)ertés, et particulièrement de Texeraption du droit d'assise, accordée
aux habitiints de Saint -Jean- de-Luz.
N*^ 2,338. — Avril 1526 : Confirmation des privilèges, franchises
et coutumes accordés aux habitants de Réjaumont tant par les comtes
de Gaure que par les rois de France (2).
N° 2,343. — Avril 1526 : Institution de deux foires chaque année
et d'un marché hebdomadaire à Mauvoisin-en-Bazadais, à la requête
d'Amanieu Ferrand, seigneur dudit lieu (3).
N° 2,375. — Mai 1526 : Etablissement de deux foires par an à Paren-
lis, dans les Landes.
N° 2409. — Juin 1526 : Don à Jean de Balaguiers, Sr de Montsal-
(1) Voir sur ce d'Estrades V Introduction à la relation inédite de la défense
de Dankerque par le maréchal d'Estrades (Collection méridionale, tome IIF,
1872, p. 3).
(2) Sous le nnméro précédent et à la même date, mention est faite de la confir-
mation des privilèges, franchises et coutumes accordés aux habitants de Fran-
cescas en Agenais, par Louis, duc dWnjou, gouverneur de l^nguedoc. A propos
de l'Agenais, n'oublions pas de signaler (n* 730) le don fait, le 26 septembre
1517, à René do Puyguion, seigneur de Bois-René, de l'office de sénéchal vacant
j>ar la mort de Rigault d'Oreille. Voir sur ce dernier personnage, dans la Reçue
cùi l'Agenais de 1887, un article de celui qui écrit ces lignes et un article de
\!. le docteur Jules de Bourrousse de I^affore.
(3) Voir Notice sur le château^ les anciens seigneurs et la paroisse de Mau-
roiin par l'abbé Alis, 1887, p. 133. Je suis heureux de dire que les éloges ici
donnés à cette monographie par M. Léonce Couture, ont été confirmés dans le
Bulletin critique du 15 juin 1888 par un juge dont les appréciations jouissent
partout d'une grande autorité, M. le marquis de Laurière, un maitre en archéo-
logie.
— 40 —
lès, porte-enseigne du grand éciiyer de France, des biens confisqués
sur Gaspard Gautier, coupable d'homicide.
N° 2,427. — 9 août 1526 : Lettres portant exécution d'un arrêt du
parlement de Toulouse intervenu à la suite d'un procès entre le syndic
des consuls et des habitants de Mirande, la comtesse d'Astarac et^ Jean
de Foix, son fils.
N** 2,495. — 6 décembre 1526 : Lettres d'évocation et de renvoi au
parlement de Toulouse d'un procès pendant au parlement de Bordeaux
entre Charles de Caumont et le roi de Navarre, louchant les terres et
seigneuries de Samazan et de Montpouillan [en Agenais].
N° 2,621. — Mars 1527 : Confirmation des privilèges, franchises et
exemptions du comté de Cominges.
N° 2,653. — 23 avril 1527 : Pouvoirs donnés à Gabriel de Gra-
mont, évèque de Tarbes, au vicomte de Tui'enne, etc., pour négocier
avec les ambassadeurs d'Henri VIII, un traité destiné à resserrer l'al-
liance entre la France et l'Angleterre.
N° 2,667. — 17 mai 1527 : Mandement au trésorier de l'épargne de
payer à Gabriel de Gramont, évoque de Tarbes, 624 livres par lui
déboursées dans le voyage qu'il a fait en Angleterre comme ambassa-
deur du roi.
N" 2,695. — Juin 1527 : Lettres de légitimation accordées à Etienne
d'Albret, sénéchal de Foix, fils naturel de Gilles d'Albret et de Jean-
nette Du Soher.
N° 2,717. — Lettres de légitimation et de naturalisation accordées à
Tristan de Clermont, fils naturel de François de Clermont, archevêque
d'Auch, né à Rome, et alors étudiant à T Université de Paris, âgé d'en-
viron seize ans.
N*' 2758. — 25 septembre 1527 : Pouvoirs et créance donnés à
Anne de Montmorency, à Jean du Bellay, évèque de Bayonne, etc., pour
aller recevoir le serment du roi d'Angleterre et lui porter les lettres de
ratification du traité conclu entre lui et François P'*.
N** 2766. — Septembre 1527 : Lettres par lesquelles le roi nomme
Henri, roi de Navarre, son lieutenant général à l'occasion du voyage
que celui-ci va faire, avec sa femme Marguerite de France, dans les
pays d'Armagnac, Bigorre et autres, pour le service du roi.
N° 2,779. — 24 octobi-e 1527 : Lettres d'évocation d'un procès pen-
dant au parlement de Bordeaux entre Antoine de Grossolles, Sr do
Buzet, et Louis Delard, touchant la seigneurie de Birac, en Agenais,
et renvoi au Grand Conseil.
N^ 2,841. — 14 janvier 1527 : Don à Camille d'Orsini, comte de
Monopollo, de la terre et seigneurie de Marmande, en Agenais, en
récompense de ses terres du royaume de Naples tombées entre les
mains de l'Empereur (1).
N° 2,899. — 10 mars 1527 : Pouvoirs conférés à Jean Du Bellay,
évoque de Bayonne, et k Charles Du Solicr de Morette pour négocier
(1) Voilà de quoi combler une des trop nombreuses lacunes de ma Notice sur
la cille de Marmande (1872).
— 41 —
avec les délégués de l'empereur un traité touchant le commerce entre
les sujets impériaux et ceux du roi de France.
N° 2,928. — Mars 1528 : Institution de deux foires annuelles et
d'un marché hebdomadaire à Castera, en faveur de M. de La Roque,
baron de Casteron.
N° 2,981. — 19 mai 1528 : Pouvoirs conférés à Jean Du Bellay,
évèque de Bayonne, ambassadeur près le roi d'Anglerre, pour négocier
et conclure une trêve avec l'empereur et la gouvernante des Pays-Bas.
N° 2,984. — 20 mai 1528 : Commission donnée k Anioine Raffin,
dit Pothen, sénéchal d'Agenais (1), de veiller avec l'évêque d'Aire à ce
que toutes les mesures de défense soient prises dans la Guyenne.
N° 3,002. — Mai 1528 : Création d'un second marché à Gimont,
le samedi de chaque semaine.
N° 3,037. — Juin 1528 : Lettres portant attribution à Antoine
Raffin, seigneur de Puycalvary, dit Pothon, sénéchal d'Agenais et de
Gascogne, de tons droits de confiscation et saisie appartenant au roi sur
les biens de Gilles de Berthelot, naguère président en la Chambre des
comptes.
N° 3,050. — 10 juillet 1528 : Mandement au trésorier de l'épargne
de payer à Jean du Bellay, évoque de Bayonne, ambassadeur du roi
en Angleterre, la somme de 1,025 livres pour dépenses faites dans
l'exercice de sa charge.
N^ 3,065. — 14 jutllet 1528 : Don à Pierre de Castrevau, Adrien
d'Aspremont et Gabriel de Castéjac, pages de l'écurie du roi, d'une
somme de 180 livres tournois, pour se rendre aux compagnies des
ordonnances, où ils doivent servir désormais.
N° 3,101. — 13 août 1528 : Mandement au trésorier de l'épargne
de payer à Gabriel de Gramont, èv^\ue de Tarbes, la somme de 7,340
livres pour le voyage qu'il a fait en qualité d'ambassadeur auprès du
roi d'Espagne, et qui a duré du 20 juin 1527 au 30 juin 1528.
N** 3,127. — 31 août 1528 : Provisions d'un office de maître des
requêtes de l'hôtel pour Gabriel de Gramont, évèque de Tarbes, au
lieu d'Ambroise de Pleurano, décédé.
N° 3,185. — Août 1528 : Création d'un marché chaque quinzaine
dans la vicomte de Soûle.
N° 3,251. — Novembre 1528 : Création de quatre foires annuelles
et d'un marché hebdomadaire à Prat, dans les Pyréçiées, en faveur de
Germain de Mauléon.
N" 3,301. — 22 janvier 1529 : Lettres de don au roi de Navarre de
l'office d'amiral do Guyenne, vacant par le décès du marquis de Sa-
luces.
N° 3,348. — 24 mars 1529 : Lettres enjoignant aux parlements de
(1) M. Joseph Beaune, ancien magistrat, membre de la Société historique de
Gascogne, mon cher voisin, confrère et ami, prépare avec beaucoup de soin»
à l'aide des vieux papiers de la maison de Rafiin, une généalofçie de cette maison,
généalogie qui sera enrichie de documents historiques parmi lesquels j*aime à
signaler d'avance une lettre de Biaise de Monluc.
— 42 —
Toulouse et de Bordeaux de livrer entre les mains de Bertrand d*Orne-
zan, baron de Saint-Blancard, 350 prisonniers valides pour le service
des galères.
N° 3,371. — 7 mai 1529 : Mandement au trésorier de l'épargne de
payer 4,000 livres à Jean Du Bellay, évêquede Bayonne, ambassadeur
de François P** auprès du roi d'Angleterre.
N° 3,407. — 25 juin 1529 : Mandement au trésorier de l'épargne de
payer la somme de 4,100 livres à Gabriel de Gramont, évèque de Tar-
bes, pour un voyage qu'il va faire à Rome comme ambassadeur du roi
auprès du Pape.
N° 3,443. — 1^4 août 1529 : Confirmation des lettres de don fait par
les tuteurs et curateurs du comté de Foix, de l'office de sénéchal de
Comrainges à François de Mauléon, baron et seigneur dudit lieu, en
remplacement de Germain de Mauléon, son père, ces dernières datées
de Cambrai, le 17 juillet 1529.
N° 3,447. — 16 août 1529 : Pouvoirs donnée à Jean Du Bellay,
évêque de Bayonne, et à Guillaume Du Bellay, seigneur de Langey,
son frère, pour régler conformément au traité de Cambrai le rembour-
sement des sommes avancées à l'empereur par le roi d'Angleterre, en
échange de joyaux baillés par François P'*.
N" 3,485. — 21 septembre 1529 : Mandement au trésorier de l'épar-
gne de payer à Potbon Raffin, sénéchal d'Agenais et capitaine de cent
archers, 15 livres 6 sous tournois qu'il avait déboursés pour la nourri-
ture et la conduite d'un prisonnier à la Bastille.
N° 3,588. — 5 janvier 1530 : Mandement au trésorier de l'épargne
de payer à Gabriel de Gramont, évêque de Tarbes et ambassadeur du
roi auprès du pape et de l'empereur, 4,100 livres pour les dépenses qu'il
fera dans l'accomplissement de sa charge.
N'' 3,590. — 19 janvier 1530 : Lettres autorisant la levée des droits
de souchet et de boucherie à Condom, pour la réparation des murailles.
N*^ 3,686. — 12 mai 1530 : Mandement au trésorier de l'épargne de
payer à Jean Du Bellay, évêque de Bayonne, 4,276 livres 5 sous
6 deniers pour les dépenses qu'il a faites pendant son ambassade auprès
du roi d'Angleterre.
N° 3,754. — 8 août 1530 : Pouvoirs donnés à Jean Du Bellay,
évèque de Bayonne, et à Jean Joachim de Passano, seigneur de Vaux,
pour faire un nouveau traite avec l'Angleterre.
N° 3,755. — 8.aoùt 1530 : Mandement au trésorier de l'épargne de
payera Jean Du Bellay, évêque de Bayonne, 1,515 livres pour les
dépenses d'un voyage qu'il va faire en Angleteri'e.
N" 3,757. — 9 août 1530 : Lettres portimt décharge en faveur
d'Anne de Montmorency, maréchal et grand-maître de France, de la
somme de 1,200,000 écus soleil par lui payée, à Bayonne, aux envoyés
de l'empereur, pour la rançon du roi et de ses fils. Avec les comptes de
la rançon.
N° 3,794. — Octobre 1530 : Institution de deux foires chaque année
et d'un marché de quinzaine en quinzaine à Doazit, ians les Landes.
N*» 3,795. — Etablissement de deux foires par an et d'un marché
chaque semaine à Montant, dans les Landes. •
!
— 43 —
II
L'IsLE-EX-DoDON, cliâtelleiiie du Comminges, par M. l'abbé B. Magre,
aumônier du couvent de la Sainte-Famille du Rouergue. Toulouse, Ed.
Privât, 1888. Grand in-8* de xxxviij-256 p.
M. l'abbé Magre vient de donner à ses confrères un bon exemple et
un beau modèle, en mettant au jour cette monographie étendue de sa
ville natale et des lieux environnants. Autant qu'un autre, il avait oui
dire que rien ne subsistait du passé de sa petite patrie et que c'était une
tâche impossible d en retracer les annales. Il a fini par ne pas s'en rap-
porter à ce « sophisme paresseux » qui retient dans l'inaction tant
d'amis platoniques de l'histoire locale et prive peut-être notre histoire
nationale elle-même d'éléments précieux. Il a cherché résolument et son
zèle a été presque aussitôt amplement récompensé. « On nous avait
affirmé, dit-il lui-même, qu'il n'existait aucun dossier relatif à notre
ville, que tous les documents avaient été lacérés ou brûlés pendant la
Terreur. Néanmoins, poussé par la curiosité, nous priâmes un jour
l'agent de police municipale d'atteindre le sommet d'une étagère où
s*entassaient des monceaux de paperasses et de jeter en bloc ces manus-
crits sur le parquet. Grande fut notre joie, lorsque au milieu de ce fatras
nous découvrîmes de vieux parchemins, des lettres précieuses et les
fascicules des délibérations communales depius l'an 1610. »
Depuis le dix-septième siècle, en effet, les informations de l'historien
sont à peu près complètes; maiâ, même pour les temps antérieurs, il
fournit bien des faits intéressants. Je ne parle pas du Comminges en
général, sur lequel il a réuni, en manière d'introduction, les notions
les plus essentielles. Mais de la ville même, peu s'en faut qu'il ne
nous fasse toucher du doigt l'origine précise. L'Isle-en-Dodon lui paraît
à juste titre porter le nom de Dodon ou Odon de Samatan, mort sous
l'habit monastique à Feuillans. en 1187. Toutefois le château de l'Isle
est encore plus ancien : dès 1150, avec celui de Cazères, il constitua
l'apanage de Bernarde, fille de Bernard IV de Comminges, mariée au
vicomte de Carcassonne.
L'église encore debout, dont une vue satisfaisante, en photogravure,
orne ce volume, fut bâtie en 1307 par Bernard VIII de Comminges,
pour l'usage du château : l'Isle avait alors une autre église paroissiale,
qui ne fut démolie qu'en 1790. L'église actuelle, qui ne manque pas de
caractère et où subsistent de précieux vitraux du seizième siècle, ne
répond malheureusement plus par son étendue aux besoins de la popu-
— 44 —
lalion paroissiale. M. Magre a retrouvé, sauf quelques lacunes, la liste
des curés depuis 1500. Le dernier curé de Tancien régime, Tabbé Las-
martres, fut député à l'Assemblée Nationale par le clergé du Commin-
ges, avec son évoque, M. d'Osmont. Il émigra depuis en Angleterre (1),
tandis qu'un jeune curé intrus donnait à sa paroisse des scandales qu'il
ne rétracta qu'à son lit de mort.
Parmi les institutions religieuses de l'Isle-en-Dodon, il faut mettre
au premier rang le couvent des Jacobins et l'hôpital de Sainte-Quitterie,
dus encore l'un et l'autre à la libéralité du comte Bernard VIIL L'his-
toire des Dominicains de l'Isle n'est pas longue, parce que leurs archi-
ves ont péri; mais on sait que leur église était l'asile funèbre des meil-
leures familles du pays et que lorsque, sous Louis XV, la trop fameuse
commission des Réguliers fit craindre la suppression du couvent de
risle, cette nouvelle jetta la « consternation » dans la paroisse. « La
ville, déclarait le maire, y perdrait quatre mille livres de dépenses, les
pauvres des bienfaiteurs généreux, les fidèles un sujet permanent
d'édification, l'église une source inépuisable de prédicateurs, le curé des
collaborateurs infatigables. » Il faut dire cependant que ces bons reli-
gieux avaient donné lieu à quelques plaintes au sujet de la qualité du
pain que fournissait aux habitants le four banal dont ils avaient la
jouissance depuis leur fondation. — Quant à l'hôpital, il fut desservi
successivement par les hospitaliers d'Aubrac (Rouergue), par TOrdre
religieux et militaire de N.-D. du Mont-Carmel et de saint Lazare de
Jérusalem, enfin par les chanoines réguliers de Chancelade, qui le
quittèrent vers 1730; il ne tarda pas h. tomber en ruines.
Les six chapitres consacrés par M. Magre à l'histoire profane de
risle (2) ne le cèdent ni pour l'intérêt ni pour l'abondance des rensei-
gnements aux six premiers qui renferment l'histoire religieuse. Je me
contente de signaler, dans le chapitre des Juges royaux, des pages
extrêmement curieuses sur la dynastie locale des Palissard; le mot n*est
pas trop fort, puisque cette famille fournit treize générations de juges,
depuis 1360 jusqu'à la Révolution française. M. Magre a eu la lionne
pensée de transcrire sur l'un d'eux, Jean de Palissard, ex-mousque-
taire de Louis XIV, et sur ses démêlés avec la mairie de l'Isle-en-Dodon
(1) Voir rexcellent ouvrage de M . l'abbé Plassc : Le clergé français réfugié
en Angleterre. Paris, V. Palmé, 1866, 2 vol. in-8*.
(2) VII, Administration comma/ia^e (consuls, maires); — viii, Juges royaux;
— IX, Impôts et budget communal; — xi. Police et coutumes municipales; —
XII, Enseignement public; — xiii, Histoire antérieure au xvii* siècle; — xiv,
xvir et xviii* siècle.
— 45 —
au sujet du banc consulaire et du banc de justice, un des plus piquants
récits de * Frédéric Thomas, dans ses Petites causes célèbres. Je
recommande également à qui de droit les pages sur renseignement
public, quoique les renseignements topiques n'y soient pas aussi nom-
breux qu'on pourrait le désirer; la liste des régents de TIsle-en-Dodon
conunence aux premières années du xvi« siècle.
Les chapitres relatifs à la Révolution et à la période contemporaine
seront lus avec d'autant plus d'intérêt que les événements et les pas-
sions du temps s'y reflètent dans un cadre étroit, mais par là-mème
facile et curieux à regarder de près. Je ne veux pas y toucher ici, non
plus qu'aux dix-neuf chapitres qui forment la seconde partie de lou-
vrage et où sont esquissées avec plus ou moins de détail, suivant l'im-
portance du sujet et l'abondance des documents, la statistique et This-
toire de toutes les locahtés de la châtellenie et du canton actuel de
risle. Rien de plus méritoire que ce laborieux inventaire, rien de plus
intéressant même, au moins pour les habitants de la région où
M. Magre trouvera sans doute le plus de lecteurs. Mais la multitude
des faits résiste à toute analyse et il suffit de recommander ces pages
comme une source inépuisable d'informations.
Un éloge sans mélange de critique serait peut-être suspect ici, parce
qu'un tel travail comporte presque nécessairement des défaillances par-
tielles, M. l'abbé Magre a laissé sans doute échapper quelques fautes.
Le savant directeur de la Revue de CommingeSj M. Julien Sacaze, en
a relevé deux ou trois dans une lettre imprimée en tête de Touvrage, et
l'historien de l'Isle lui en doit d'autant plus de reconnaissance qu'à
cotte occasion M. Sacaze a tracé une sorte d'épigraphie gallo-romaine
régionale (cinq inscriptions), qui porte l'empreinte de sa parfaite com-
pétence et qui constitue un complément très précieux de cette utile
monographie. — Pour ma part, s'il fallait absolument y noter encore
quelques parties faibles, je signalerais, d'une manière générale, trop peu
de recherches dans les imprimés au sujet de tel ou tel chapitre (1); et
puis, en particulier, parmi les étymologies assez nombreuses qui sont
semées dans ce livre et qui témoignent habituellement d'une grande
prudence, quelques cas où les linguistes ne seront pas pleinement satis-
faits. Le nom même de TIsle-en-Dodon est un de ces cas; en n'y est
(1) Par exemple Fabas^ sur lequel M. Magre a d'ailleurs un bon chapifre
p. 192-197), avait été déjà l'objet de deux études importantes qui lui ont échappé^
l'une de M. V. Fons dans la Recae de Toulouse, l'autre de M. O. de la Hitte dans
la Reoue de Gascogne; sans parler du Gallia christiana, qui n'est, ce me sem-
ble, jamais cité dans la monographie de l'Isle-en-Dodon,
— 46 —
pas une préposition, mais un titre; en (pour mossen, dit-on), voulait
dire seigneur : TIsle-en-Dodon, c'est l'île du seigneur Dodon ou Odon;
comme Tlsle-en-Jourdain, l'île du seigneur Jourdain. Pour Tétymolo-
gie difficile de Comminges, l'explication de M. Magre n'est pas plus
exacte; mais il a toute raison de renvoyer à M. Ant. Thomas, profes-
seur à la Faculté des lettres de Toulouse, qui va, je crois, revenir bien-
tôt sur ce problème plus gros de conséquences qu'il n'en a Tair.
Toutefois, le plus grave reproche que mon patriotisme gsscon tienne
à adresser à l'auteur, c'est d'avoir appelé le patois de son pays un
« dialecte bas-languedocien » (p. 118). Ce n'est pas du languedocien,
c'est du gascon I Un seul exemple : le toulousain dit uno fsnno; le lis-
lois dit uio henno. Voilà déjà deux caractéristiques essentielles du
gascon : la chute de Vn médiane, le changement de/ en A. Nul dia-
lecte languedocien n'oflFre aucun de ces deux faits phonétiques. — Après
cela et malgré cela, je suis heureux de conclure que M. Tabbé Magre
n'en a pas moins fait œuvre de bon gascon dans cette remarquable
monographie, qui constitue un excellent apport à l'histoire féodale,
paroissiale et municipale de la Gascogne.
LÉONCE COUTURE.
BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE
Travaux de M. Tabbé Luoante.
M. l'abbé Lucante, curé de Courrensan (Gers), secrétaire général de
la Société française de botanique, membre de plusieurs Sociétés savan-
tes, est l'auteur de nombreux travaux scientifiques^ dont l'appréciation
dépasse ma compétence, mais que je veux faire connaître du moins
par une énumération complète (1).
I. — Notes entomologiques. — Rennes, Oberihur impr., 1878,
in-4°, 34 pp.
Cet ouvrage se compose des articles suivants :
1° Excursion à vol d'oiseau dans l'Ariège et les Pj^énées (août
1874), écrit qui parut d'abord dans la Feuille des Jeunes Naturalistes
et etit un tirage à part (1874, în-8°, 8 pp.);
(1) M. J. Andrieu a inséré un article sur M. Tabbé Lucante dans sa remar-
quable Bibliographie générale de l'Agenais .
— 47 —
2^ Note sur VAdelops meridionalis, Jacq. Du val. Extr. de la même
Feuille;
3*^ Chasse aux coléoptères dans les inondations;
4° Bibliographie;
5*^ Chasses.
IL — Catalogue raisonné des arachnides observés jusqu'à ce
JOUR DANS LES DÉPARTEMENTS DU SUD-OUEST DE LA FrANCE.
Première partie, Bordeaux, Soriano impr., 1879, in-S*^^ 36 pp.
Deuxième partie, s, l, n. d,, in-8^, pp. 37 à 44.
Troisième partie, Bordeaux, Durand impr,, 1880, in-8^, pp. 45
à 63.
La publication de cet ouvrage, extrait du Bulletin de la Société
entomologique de la Gironde, a été interrompue par la disparition de
cette Société. Mais M. Tabbé Lucanteen donnera plus tard une seconde
édition complète.
IIL — Tableau synoptique des arachnides observés jusqu'à ce
JOUR dans le sud-ouest de la France et leur distribution dans
chaque département. — Bordeaux, Durand impr., 1880, in-8°,
VIII pp.
Le Tableau complète le Catalogue raisonné, première partie, et
peut lui servir de table des matières,
IV. — Une Chasse dans les cavernes, par A. Lucante et
G. Mestre. — Bordeaux, Soriano impr,, 1880, in-8®, 16 pp. —
Extr. du Bulletin de r Association scientifique de la Gironde.
On trouve dans cet ouvrage la description de deux espèces nouvelles
découvertes par notre auteur. M. de Saulcy a donné à Tune le nom du
savant entomologiste, professeur au collège de Gimont, M. l'abbé
Delherm de Larcenne (Trechus Delhermi), et à Tautre le nom de
M. Tabbé Lucante (Machoerites Lucantei). Ce dernier coléoptère,
avec ses élytres « à ponctuations fines et éparses », est, paraît-il, un
vrai bijou; on le trouve dans la grotte de Betharram (1).
V. — Essai géographique sur les cavernes de la France et de
l'étranger. — Angers, Germain et G, Grassin, in-8°, 202 pp. —
Extr. du Bulletin de la Société d'études scientifiques d'Angers,
Première partie : France, région du sud, 1880, 76 pp. — Deuxième
(1) Deux autres insectes portent le nom de notre savant compatriote : un
coléoptère, Bathyscia Lucantei (Abeille Pcrrin), et un Arachnide, Ischyropsalia
Lucantei (Eugène Simon).
— 48 —
partie : France, régions de Vest, du centre, du nord et de Vouest,
1882, pp. 77 à 202. — La troisième partie n'a pas encore paru.
M. Léonce Couture a rendu compte de cet ouvrage, qui est le' plus
important de notre auteur, et cité Télogieuse appréciation de M. Car-
taillac et d'autres savants (1).
VL — Desiderata d'un naturaliste de province. — Bordeaux,
Fora^tié impr,^ s. d, (1881), in-8*', 8 pp. — Extr. du Bulletin de
la Société entomqlogique de la Gironde et du Sud-Ouest.
Cette publication développe un ingénieux système de catalogues pour
faciliter les échanges entre naturalistes.
VIL — Revue de Botanique, bulletin mensuel de la Société
française de botanique (cx)tisation annuelle, 10 francs), Auch, G.
Foix, impr., in-S*'. — Le premier numéro a paru en juillet 1883; le
vu* volume est en cours de publication.
M. l'abbé Lucante, secrétaire général de la Société française de bota-
nique, est le gérant, le rédacteur en chef, Tâme de cet important recueil.
La Revue de Botanique ne renferme point ses études dans les limi-
tes d'une région, dans une catégorie spéciale de plantes; tous les végé-
taux de l'univers, depuis le chêne jusqu'aux algues de la mer, rentrent
dans son domaine; en sorte que ses articles offrent une très grande
variété.
Je tiens à signaler particulièrement le travail tiré à part et intitulé :
(vu bis) Etude sur la flore du département du Gers, première
PARTIE. — Auch, G. Foix, impr,, 1883, in-8^, 30 pp.
Cet ouvrage n'est qu'un catalogue de plantes mentionnées dans la
Florule publiée par M. labbé Dupuy en 1868. Il a été dressé, par
M. Lucante, pour faciliter les échanges entre botanistes suivant la
méthode exposée dans les Desiderata d'un naturaliste de province.
La seconde partie de ce travail sera la plus intéressante, elle nous
dira de combien d'espèces s'est enrichie la flore de notre département
depuis 1868.
M. l'abbé Lucante a inséré dans sa Revue de nombreux articles plus
ou moins étendus. Je ne puis omettre son mémoire tiré à part :
(vu ter) Projet de création d'un musée départemental d'histoire
NATURELLE A AucH. — Auch, G. Foix, impr., 1888, in-8°, 6 pp.
Nous devons tous souhaiter la réalisation de ce projet, qui serait si
profitable à la science.
(1) Rco. de Gasc, xxii, p. 298; xxiii, p. 464.
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On doit encore à M. Tabbé Lucante la table décennale (1870-1880)
delà Feuille des Jeunes naturalistes. Enfin il a été le collaborateur de
M. Tabbé Delherm de Larcenne pour son très remarquable Catalogue
des insectes coléoptères» On ne saurait trouver dix pages dans ce livre
où le nom de M. Lucante ne paraisse plusieurs fois.
Avec l'entomologie et la botanique, notre savant compatriote fait mar-
cher de front des études historiques considérables, où il apporte son
esprit méthodique et sa puissance de travail.
A l'inverse de la plupart des historiens, il a étudié tout d'abord les
temps actuels pour remonter graduellement les siècles, marchant ainsi
du connu à la découverte de l'inconnu. J'ai vu cette prodigieuse quan-
tité de fiches, garnies de notes et admirablement ordonnées. Déjà son
oeuvre remplirait des volumes. Que je serais heureux d'en voir sortir
une bonne petite histoire du clergé dans le département du Gers, depuis
1789 jusqu'au rétablissement de Tarchevèché d'Auch !
A. LAVERGNE.
NOTES DIVERSES.
C ex XX IX. M. Denis de Thèsan.
Mon excellent ami, M. Ph. Lauzun, a eu Toccasion d'annoncer ici (t. xxix,
p. 514) la nouvelle, déjà vieille de deux ans, de la mort d'un de nos coUabora-
teurs. M. le comte Victor-Marie de Thézan-Gaussan, plus connu sous le nom
de Denis de Thézan, est décédé à Paris, le 27 novembre 1886, dans sa soixante-
treizième année. Un heureux hasard m'a fait rencontrer ces jours-ci le discours
prononcé à ses funérailles par notre compatriote, M. J. Nouions, au nom de la
Société des Gens de Lettres, à laquelle ils appartenaient l'im et l'autre. Les
lecteurs de la Reçue de Gascogne, j'en suis sûr, le liront avec le même plaisir
qu'il m*a causé à moi-même. — L. C.
« Messieurs,
» Je viens, au nom de la Société des Gens de Lettres, rendre les derniers
devoirs et dire un suprême adieu à l'un des nôtres, à Denis de Thézan, qui fut
\m vaillant dans les travaux d'érudition où la notoriété est difficile à conquérir.
La majeure partie de sa carrière fut remplie par les exigences d'une fonction
administrative; le reste fut consacré aux études historiques. Il avait surtout exploré
et fouillé l'âge féodal et particulièrement la période des croisades. Toutes les
chartes et tous les documents relatifs aux expéditions de l'Occident contre
rOrient, avaient été dépouillés par lui avec une curiosité ardente et une persé-
vérance de Breton. Il était, en effet, né en 1814 à Quimper, dans le Finistère, où
son père, cadet d'une antique race méridionale, s'était implanté par suite d'alliance.
» C'est en maniant et remaniant les vieux diplômes, en respirant leur pous-
sière qu'il s'était imprégné de ce milieu et épris du passé. Sa ferveur pour les
temps évanouis avait fini par le rendre amer pour le présent et pessimiste pour
l'avenir.
Tome XXX. 4
— 50 —
» M. de Thézan avait collaboré au Journal des Villes et Campagnes en
1840;4l et occasionnellement au Figaro en 1854, à divers journaux de départe-
ments où ses articles sur M"' de Montespan à Petit-Bourg, sur 1* Abbaye de
Saint'-Denis, sur Emile Souvestre furent remarqués, de même que sa Légende
du bienheureux Kérlolet. II avait également publié dans la Reoue d'Aquitaine .
et dans celle de Gascogne des études sur les commanderies de Saint-Jean de
Jérusalem, des notices archéologiques et nobiliaires, des monographies de villes, I
intéressantes au plus haut degré pour tous ceux qui s'occupent des annales de j
nos provinces. Son œuvre principale est une Histoire de la maison de Plœuc, \
rédigée ei approfondie avec une conscience et une science bénédictines. Sa prose,
même en ces arides sujets, était vive et élégante. Un volume de poésies intitulé
Fol et Passé, dans lequel il aflQrme ses croyances, fut bien accueilli de Pie IX,
qui lui envoya Tordre de Saint-Grégoire.
» Les vers sont restés dans sa vieillesse, comme dans ses jeunes années, un de
ses exercices favoris; mais ici encore l'influence des cartulaires et des anciens
uécrologes se faisait sentir, car sa note habituelle trahissait un esprit morose et
tourné au nuir.
» Au comité de la Société des Gens de Lettres, il se montra toujours soucieux
de contrôle, d'économie et de prévoyance. Dans la vie privée, il sut toujours subor-
donner ses besoms k la modicité de ses ressources. Cette sagesse pratique, pre-
mière condition d'indépendance, surtout pour les gens de lettres, lui permit, en
ces derniers temps, de se livrer tout entier à ses recherches de prédilection. Il a
ordonné sa mort comme il avait ordonné sa vie, en réglant lui-même les moin-
dres détails de la translation de son corps dans un cimetière de Bretagne, voisin
de Notre-Dame d'Auray.
» Nos regrets l'accompagneront dans le long et solitaire pèlerinage qui va pré-
céder sa mise au tombeau. »
CCXL. Sur une lacune des « Faits d'armes de Vivant. »
Gontaud, 10 novembre 1888.
Mon cher directeur et ami,
Au moment même où je venais d'achever la lecture de votre si intéres-
sant article sur les Faits d'armes de Geoffroy de Vivant (1), j'ai eu une
petite recherche à faire dans V Histoire des Guerres civiles de Francey par
Davila, et un heureux hasard m'a tout droit amené au récit de la bataille
de Coutras. Quelle n'a pas été ma surprise en trouvant là une indication
très précise sur un point important négligé par le narrateur! Davila nous
révèle le nom de l'auteur de la principale des blessures que reçut le vaillant
capitaine « dans le petit ventre, au-dessous du nombril, » malgré la gra-
vité de laquelle « il se tint pourtant tousiours à cheval armé et ne voulut
partir du champ de la bataille qu'il ne veit le canon des ennemis pris et les
chefs morts et eux en route. » « Le capitaine Mercure, » dit-il (tome ii de
la traduction publiée par M. l'abbé M..., in-4", Amsterdam, 1757, p. 280),
« blessa dangereusement Vivans, maréchal de camp » (2).
Je ne terminerai pas cette note sans vous dire combien clialeareusement
Cl) liacue de Gasc, de novembre 1888 (t. xxix), p. 526.
(2) Quel est ce capitaine Mercure? Davila (p. 279) nous apprend que, dans
l'armée catholique^ les chevaux légers étaient commandés par Montigni et par le
capitaine « Mercure Bua, » et que, dans l'armée du roi de Navarre, le duc de
la Trémouille et V'ivant, maréchal de camp, commandaient la cavalerie légère.
— 51 —
je m'associe aux éloges que vous donnez à l'excellente publication de mon
savant ami, M. Adolphe Magcn. Là, comme toujours, vous vous êtes mon-
tré le « critique aussi fin que judicieux » que saluait récemment le Poly-
biblion dans une note sur les spirituelles fables de M. Tabbé Dulac. Je tiens,
du reste, à rappeler, lier d'avoir été d'avance d'accord avec un juge comme
vous, que j'ai rendu compte, voilà déjà plusieurs mois, avec les mêmes
éloges, de l'édition des Faits d'armes de Geojfroij de Vivant, . dans un
Journal d'Agen qui, de littéraire et très litéraire qu'il était, devient politi-
que, le Sud-Ouesty mais qui sera désormais remplacé par VEcho de Gas-
cogne, auquel je souhaite les plus heureuses destinées (1). T. de L.
CCXLI. Une aventure de Jean de Monlnc, évèque de Valence.
Quelqu'un me disait dernièrement : « Vous reviendrez donc toujours à
vos Monluc? » Je répondis tfvec la vivacité d'un bon gascon : De Monlucis
nunquam saiis. Ce sujet, en effet, n'est-il pas inépuisable? et, qu'il s'agisse
du grand capitaine, ou du grand diplomate, ne trouve-t-on pas sans cesse
quelque chose à joindre à la moisson déjà engrangée? C'est ainsi que, dans
l'excellente édition des Mémoires d'Achille Gamon, acocat d'Annonay
en Vioarais (1552-1 586) j publiés pour la première fois d'après le manus-
crit original aisec une introduction et des notes par h Brun-Durand
(Valence, 1888, grand in-8'), on remarque (p. 19-21) le récit détaillé et fort
piquant d'un épisode bien peu connu de la vie du remuant prélat. En
empruntant à cette édition qui, soit par son texte intégral, soit par son
savant commentaire, remplace si avantageusement les maigres résumés do
la curieuse chronique publiée jusqu'à présent, je suis heureux de compléter
sur un point important mes Notes et documents inédits pour servir à la
biographie de Jean de Monluc, En matière d'histoire, comme en matière
de morale, il faut le plus possible chercher à réparer les péchés d'omis-
sion... et les autres. T. DE L.
« Au mois d'aoust dudict an 1562, Jean de Monluc, evesque de Valence,
conseiller du Roy en son privé conseil, personnage de grande authoritê, de
maison illustre et de bonnes lettres, venant de la cour pour ainsy qu'il
disoit se retirer audict Valence, fut poursuivy par le gouverneur de
Je ne retrouve le capitaine Mercure dans aucun de mes livres sur le xvi* siècle.
Mgr le duc d'Aumaïe, dans son beau récit de la bataille de Coutras, n'a nommé
ni Mercure, ni Vivant (Histoire des princes de Condê, 1869, t. ii, p. 167-177).
Si j'osais interpeller ici notre éminent compatriote, M. le baron de Ruble, je lui
demanderais s'il ne voudrait pas nous faire connaître le personnage au nom
mythologique.
(1) Je recommande d'autant plus vivement ce petit frère de la Reçue de Gas-
cogne à la sympathie de tous mes chers lecteurs, que VEcho aura pour rédacteur
en chef M. Jules Andrieu, qui a fait preuve de tant de zèle et d'habileté dans
la direction du S«rf-Oa(?«^ J'ajoute que l'auteur de \3i Bibliographie générale de
l'Agenais ser3 suivi, dans le nouveau recueil, par tous ses anciens collabora-
teurs, heureux de rester fidèles à leur vaillant capitaine.
— 52 —
Tienne (1), tenant le party de la Religion, jusques à Sablon (2) où il passa
le Rosne et se vint rendre audict Annonay. Les habitans le receurent fort
humainement pour la bonne opinion qu'on a voit de lu y et pour autant
que la ville es toit journellement menassée par ceux du contraire party; il
promit s'employer envers eux, de façon que de leur part elle n'auroit rien
à creindre, comme aussy les habitans luy donnoient seureté de sa personne,
tant qu'il seroit avec eux. Il fréquentoit journellement les presches, com-
bien que les ministres luy donnassent plusieurs atteinctes manifestes, dont
il n'estoit guères content Sur ces entrefaictes les consuls receurent une
lettre signée par le baron des Adrets, qui se disoit commander en Langue-
doc, Daulphiné et Provence pour le service de Dieu et du Roy, où il man-
doit aux consuls et Ijabitans de bien garder ledict sieur de Valence et ne le
rendre à aultre qu'à luy, aultrement qu'il rempliroit ladicte ville de corps
morts, qu'il y mettroit le feu et la raseroit. Là dessus fut prins deslibera-
tion par Icsdicts habitants, qui se résolurent de tenir parole; mais cepen-
dant le sieur de Valence adverti desdicts rigoureux mandemens et crai-
gnant estre plus estroictement arresté, ainsy qu'on disoit le presche un
dimanche matin, monta à cheval avec tous ses gens et passant par la porte
du champ, au m illieu de la garde, comme s'il alloit esbattre selon sa cous-
tume, prenoit le chemin de Bouïg quand trois de la ville envoyez pour luy
faire entendre la resolution susdicte, le suivirent jusques au lieu appelle la
Croisette, entre les vignes, où il descendit de cheval, les ouyt fort benigne-
ment et après long discours, de leur instante prière, contre l'advis de ses
gens retourna dans la ville et dans la maison du seigneur de Peloux où il
estoit logé. Toutesfois le lendemain devant jour, l'on trouva que luy et
toute sa suite avec leurs chevaux, estoient esvadez par un trou de nouveau
faict en la muraille de la dicte maison, joignant aux fossez (3), dont toute
la ville fut fort effrayée craignant les menaces du sieur des Adrets. »
(1) François du TeiTail, seigneur de Bernin, gentilhomme de la famille de
Bavard. Ayant embrassé le protestantisme, il devint un des plus fougueux lieu-
tenants de François de Beaumont, baron des Adrets, et fut chargé par ce dernier
du gouvernement de la ville de Vienne le 3 mai 1562.
(2) Commune du canton de Roussillon (Isère).
(3) Ce tour si bien joué rappelle les épithètes appUquées par Brantôme à Jean
de Monluc « fin, deslié, trinquât, etc. » M. le comte Hector de La Ferrière, que
j'ai jadis surnommé — souvenir d'Ovide — implger Hector, s'est occupé de
notre homme dans la livraison du 1" octobre 1888 de la Reçue des questions
historiques (L'élection du duc d'Anjou au trône de Pologne). En reprodui-
sant les dernières Ugnes de son étude, je constaterai, non sans une patrio-
tique fierté, que plusieurs des noms par lui glorifiés sont des noms gascons :
« Voilà la grande œuvre de Catherine... C'est J 'apogée de sa fortune politique,
c'est Je triomphe le plus éclatant de la diplomatie française inspirée par elle et
servie par des hommes qu'on ne saurait trop louer et qu'il suffira de nommer :
les deux N cailles, du Ferrier, Vulcob, Ferais, Lansac, Schomberg, Mondoucet»
Vivonne de Sainl-Gouard, Monluc, La Mothe-Féuelon, de Foix et Mauvissière,
dont nous avons, à toutes les pages de cette étude, cité les dépêches. »
PIERRE SOUFFRON
MAITRB-ARCHITBCTB DB LA VILLE D'AUCH
Qaand on parle de la Renaissance et des splendides édifices
dont elle a couvert la France, on ne manque jamais d'évo-
quer, avec les noms des princes qui les ont habités, ceu^
des hommes de génie qui les ont construits. On cite surtout
les architectes des demeures royales et princières, les Du
Cerceau, les Philibert Delorme, les Pierre Lescot. Vivant au
centre de la France, encouragés et soutenus par de riches et
puissants mécènes, ceux-là ont légué à la postérité des noms
illustres. La province ne peut suivre que de loin l'exemple de
la capitale. Elle eut aussi ses grands seigneurs, protecteurs
des arts, et ses artistes de valeur; mais ces derniers, trop
éloignés de Paris, fixés dans un pays maltraité par la guerre,
ont vécu plus obscurs et sont restés presque ignorés.
Parmi ceux dont le savoir et le talent ont fait briller en
Gascogne au moins un reflet du grand art des architectes du
nord de la France, nous pouvons placer Pierre Souffron.
A part quelques privilégiés parmi ceux qui s'occupent de
notre histoire provinciale, Souffron est inconnu de nos jours,
et bien que son nom ait été cité plusieurs fois dans ce re-
cueil, nul n'a été tenté de raconter sa vie et sa carrière
artistique. Nous n'avons pas nous-même cette prétention au-
jourd'hui; nous voulons simplement grouper autour des
renseignements déjà connus quelques faits nouveaux (1),
destinés, dans notre pensée, à venir en aide au futur historien
(1) Nous devons déclarer ici que la plupart des indications qui nous ont servi
pour ce petit travail nous viennent de M. Adrien Lavergne, vice-président de
la Société historique de Gascogne, dont Tobligeance dépasse encore le savoir.
Tome XXX. — Février 1889. 5
— 54 —
de Tart en Gascogne. Ce sera, dans tous les cas, un premier
tribut payé au souvenir de cet homme modeste, qui a con-
tribué à caractériser dans notre pays cette belle pèi*iode de
l'art français, en le dotant de monuments toujours debout,
dont notre orgueil provincial se flatte et s'honore. Si nous,
Âuscitains, nous sommes justement fiers, en particulier, de
notre cathédrale, n'est-ce pas un devoir pour nous de rendre
hommage au goût et au talent de ceux qui nous ont légué ce
bel édifice?
Pierre Souffron (i), l'un des architectes les plus recom-
mandables du Midi de la France au xvi* siècle, naquit, dit-on,
à Auch, vers 4555 ou 4565; on ne sait pas grand'chose *de
sa vie privée. 11 épousa Barlhélemye de Rouéde, dont il eut
une fille, que nous verrons mariée à un sieur Nogaro.
Certains auteurs lui ont attribué une origine italienne. On
a tant de fois italianisé nos artistes français, on a si souvent
rapporté à des étrangers les œuvres de nos architectes et de
nos sculpteurs nationaux, qu'on doit se tenir en garde contre
de pareilles affirmations, surtout quand elles ne reposent que
sur de vagues probabilités. Prosper Lafforgue (2), l'historien
de la ville d'Aur.h, partisan de l'origine italienne de Souffron,
en donne comme preuve la consonnance italienne de son
nom. Mais cette observation est contestable, et nul document,
nul acte authentique ne venant à l'appui, nous croyons de-
voir écarter cette opinion (3).
Faut-il admettre encore que Souffron appartenait à la no-
blesse? Nous l'avons trouvé qualifié « fiable Pieirc Souffron,
sieur de la maison noble du Cros. » Le P. Montgaillard, son
contemporain, s'exprime ainsi : « Pelrus Souphronus, nobilis
(1) On trouve aussi Sqffron, Le P. Montgaillard et dom Bnigèles écrivent
ce nom ph, au lieu de Jffy probablement à cause de cette idée que Tidiome
gascon n'admet pas 1/.
(2) Recherches sur les arts et les artistes en Gascogne au xvi* siècle, p. 34.
(3) U s'appellerait Sufroni (on sait qu'en italien u se prononce ou); mais le
nom de Souffron (rac. soufre f) parait français et pas du tout italien.
_ 55 —
nastrœ mtalis latomiis, et ipse auscitanus civis (1). » Mais
dans le lalin du chroniqueur jésuite, nobilis veut peut-être
dire simplement illustre, distingué. Dom Bru gèles Ta inter-
prète dans le sens de noble. Ce qui semble plus décisif, dans
le procès-verbal du 18 mai 1609 de l'état de la cathédrale,
fait par de Lestanc, conseiller du roi, on lui donne ce litre (2).
Malgré tout, il est fort difficile de se prononcer. Les actes
authentiques concernant Souffron, comme le contrat de ma-
riage de sa sœur Madeleine et les registres paroissiaux de
Sainte-Marie d'Auch, ne lui attribuant aucun titre nobiliaire,
on ne peut accepter la qualification de noble qu'il obtient
ailleurs que sous toute réserve. On sait qu'il était assez
d'usage en province d'anoblir dans les actes publics les per-
sonnages marquants; c'est ce qu'on appelait « titre de cour-
toisie » .
Nous ne savons sous quel maître notre artiste apprit l'ar-
chitecture, ni à quelle époque il reçut son brevet de « maître
ès-arts de construire » . Son nom nous apparaît pour la pre-
mière fols en 1594, dans un document où il est question
d'une œuvre qui ne demandait pas une grande pratique de
Tari : la démolition du château de Rabastens, en Bigorre (3).
Souffron n'était pas cependant à ses débuts, puisqu'il portait
le titre de maître-architecte.
Le château de Rabastens, pris par les Huguenots, sous la
conduile du baron de Castelnau-Chalosse (4), et rendu moyen-
nant rançon, était un sujet de crainte pour le pays. Les Etats
(1) Hist. ms. Vase., f* 75. Bibl. de la ville de Toulouse.
(2) Manuscrits d'Aignan. Biblioth. de la yille d'Auch.
(3) Les Huguenots en Bigorre, p. 208.
(4) « Jacques de Castille, baron de Castelnau-Chalosse, était fils du baron de
Castelnau qui mourut si tragiquement à Amboise. Capitaine de cinquante hom-
mes d'armes, gentilhomme de la Chambre, chevalier de l'Ordre et sénéchal du
Béarn, tantôt ligueur et tantôt royaliste, il eut une vie fort agitée. Forcé de se
démettre de sa charge de sénéchal devant la résistance du Parlement do Béarn,
il lut, en 1597, gouverneur de Mont-de-Marsan. Catholique à la Cour, protes-
tant à La Rochelle, il mourut au petit village de Dieupentale, au retour du siège
de Montauban, en 1621. U fut enseveli à Geaune, dans les Landes. » J. de Car-
salade du Pont, Mémoires d'Antras, p. 163.
— 66 —
obtinrent du roi la permission de le faire démolir. Ils passè-
rent dans ce but un traité avec Pierre Souffron, « maîlre-
architecle de la ville d'Auch », et P. Lemoyne, architecte du
lieu de Luc, en Bigorre. Nous croyons devoir publier ce traité :
Bail à desmolir le chasieau de Rahaatenx,
Comme ainsin soyt que à la prière et requeste qu'auroyt esté faicte
par les depputés du pais et comté de Bigorre au Roy, aux fins qu'il luy
pleust ordonner et permettre pour le bien et soulagement du d. pais, la
dôsmolition du chasteau de Rabastenx; et à icelle requeste Sa d. Ma-
jesté et Monsieur de Matignon, mareschal de France, gouverneur et
lieutenant gênerai en Guienne inclinant, auroient ordonné la d.desmo-
lition estre faicte au plus tost;et pour faire travailler à icelle auroient
commis le seigneur de Benac, seneschal et gouverneur pour Sa d.
Majesté au d. païs de Bigorre, ainsin que des d. ordonnances appert, en
datte à Bordeaus, le vingt-neufviesme octobre au présent, signées du d.
sieur Mareschal. A quoy le d. seigneur seneschal, voulant procéder
effectuellement, suivant la volonté de Sa d. Majesté, ordonnances du
d. s** mareschal et délibérations sur ce prinzes par les estatz du d. païs,
est-il qu'aujourd*huy dix-septiesme du mois de décembre, après midy,
Tan mil cinq cens quatre vingts quatorze, en Tarbe et boutique de moy,
notaire, et presens les tesmoins baz-nommés, estantz presentz le d.
seigneur seneschal et M« Pierre Lacase, scindic gênerai du d. païs;
lesquelz, avec Tadvis et assistence de vénérable homme messire Saubat
d'Iharse, evesque de Tarbe, messire Anthoine de Begolle, s** du d.
lieu, de Marceillan, et ayant le droict du Roy en la baronnie de Bar-
bazan-Dessus, M®® Jean Lanusse et Jean Boerie, consuls de Tarbe, de
leur gré et volonté ont baillé et baillent à desmolir le d. chasteau de
Rabastenx à Pierre Souffron, maistre architecte, habitant de la ville
d'Aux, et Pierre Lemoyne, aussy architecte, du lieu de Luc, au présent
païs de Bigorre, presens stipulans et acceptans, lesquelz ont promis et
promettent par teneur dez présentes faire la d. desmolition, tant des
quatre tours et courtines liées à icelle, que le donjon, fauloe-porte, re-
bellin et deffenoes qui reguardent à la porte de l'entrée du d. chasteau,
le tout à la fleur du chemin par lequel on passe entre la faulce, vraye,
et muraille des d. courtines et tours ; et dans la fin du mois d'avril
prochainement venent, et à leurs costz et despens, périls et fortunes,
réservé que le bois des pilotins leur sera baillé sur le lieu^ et aussy
— 57 —
pour vrusler iceulx, lesquelz pilotins les d. maistres seront tenus tailler
et accomoder, comme sera requis, pour les mettre en besogne, à leurs
costz et despens. Et pour les frais de lad. desmolition, journées et vac-
cations qu'il leur conviendra expouzer en icelle, les d. sieur senes-
chal et scindic ont promis et promettent par teneur de ces présentes
leur payer et bailler la somme de quatre mile livres tournois, dans le
d. temps à mesure et à proportion mesmes cent escus par sepmaine
qu'ils travailleront en la d. besoigne, despuis qu'ils auront commancé
icelle jusques à rentier paiement du d. prix; et moyennant ce aussy
lesd. maistres promettent de jecter la ruine dud. ediffice dans le fossé,
du moins la plus grand partie qui pourroit tumber dans la basse court.
Et pour ainsin le tenir, garder [et] observer, lesd. parties, en ce qui à
chapcune dlcelles touche et apartient, sans faire division de debte ny
discussion de biens, ont obligés, scavoir : lesd. M**, leurs biens et per-
sonnes, et les d. s" seneschal et scindic du d. pais leurs biens et ceulx
du d. pais, que à cest effect ont soubzmis à la justice des courtz tempo-
Telle[s] du présent royaulme de France, renonçant à toutes exceptionz
de droict et de faict à ce contraires. Et ainsin l'ont juré aux Sainctz
Evangilles de Nostre Seigneur. Presens noble Bernard d'Estomès,
abl^é lay d'Angosse, habitant de Sempé, et Arnaud Latappie, de Tarbe
habitant, signés avec les d. parties et moy. — Ph[ilipp]e Monthault,
La Case, contractant, Souffron, S. Noguès, notaire, Le Moyne, de
Boerie, consul, Lanusse, consul, d'Angosse, Latappie.
Quittance.
Le treiziesme jour du mois d'avril mil cinq cens quatre vingtz quinse,
lesd. parties en ce que à chascun d'eulx touche ont dict et declairé avoir
esté satisfaict au contenu et clauses portéas par le présent conctract, et
partant concentent à la cancellation d'iceluy. En foy de quoy, à Tarbe
au Bourg-Vieulx, sur la rue et en la place de Sainct- Jehan, presens
M® Jacques Laporte et Menault de Prat, du d. Tarbe, aussy signés.—
Ph[ilipp]e Monthault, La Case, Souffron, Lemoyne, Laporte tesmoing,
M"^ de Pratj présent (1).
De 1597 au 20 juin 1601, Pierre Souffron consl^it le pont
de Saint-Subra ou Saint-Cyprien, à Toulouse (2). Ce pont,
«
(1) Archives de M* Duguet, notaire à Tarbes; minutes S. Noguès, 1593-1594,
f- 146 v-148 T\
(2) P. Lafforgue, op, cit., p. 61.
— 58 —
commencé par Nicolas Bachelier et continué par son fils,
fut parachevé par Souffron. Les travaux durèrent quatre
années. L'activité que déploya Souffron, rinlelligence quMl
montra affermirent sa réputation dans le pays et la propa-
gèrent même au delà des limites de la Gascogne, et jusqu'à
la cour.
Henri IV, heureux de pouvoir donner à un de ses braves
Gascons une preuve de bienveillance, autorisa P. Souffron à
prendre le titre d' « architecte et ingénieur des bastiments de
» la Maison deNavarre »> ,et d' « architecte pourleroyenladuché
» d'Albret et terres de Tancien domaine et couronne de
» France » . Ce ne fut pas la seule marque de la faveur royale.
Depuis longtemps Henri IV, à la fois pour occuper sa noblesse
orgueilleuse et tracassière et pour épuiser ses ressources, invi-
tait les grands qui Tentouraient à se faire construire des rési-
dences princières; il recommanda Souffron d'une manière toute
particulière au duc d'Epernon (1).
L'ancien mignon de Henri III, ce cadet de La Valette de-
venu duc d'Epernon et alors tout-puissant à la cour, suivit
les conseils du roi, et se fit bâtir un château digne de sa
fortune colossale et de sa haute situation. Ce fut Cadillac,
sur les bords de la Gironde, qu'il choisit pour y faire élever
sa fastueuse résidence (2). Souffron en dressa les plans, et
pendant les premières années, depuis d597 jusqu'en 1603,
il en dirigea la construction. Nous ne parlerons pas ici de ces
importants travaux; ce sujet a été déjà traité de main de
maître par M. Braquehaye, dans son excellent ouvrage sur
les Arlhies du duc d'Epernon (3). Mais nous devons men-
tionner à cette place le mariage de sa sœur Madeleine avec
Domingo de la Porterie, auquel il assista avec Eymeric, son
(1) Ch. Braquehaye, Los Artistes du duc d'Epernon, p. 119.
(2) Le château de Cadillac, dans le département de la Gironde, est aujourd'hui
la Maison centrale.
(3) Bordeaux, Feret.
— 69 —
frère (1). Ce fut le 6 avril 1603 qu'eut lieu celte céré-
monie.
Au même jour se rapporte un contrat d'apprentissage que
nous empruntons à M. Braquehaye, comme un document in-
téressant sur les habitudes professionnelles des artistes de ce
temps. L'apprenti de Souffron dont il est question ici, Pierre
Delherm, fut plus tard architecte de Bazas :
Ledict Soffron a promis rapprendre et enseigner au mieux de
son pouvoir Testât de masson et tailleur de pierres, comme un bon
maistre est tenu faire, et œ pendant le temps et espace de sept années
complètes et révolues l'une après Taultre A promis le nourrir et
entretenir, tant d'abitz que de nourriture, et tenir blanc et net, sans que
ledict Delerm soit teneu lui bailler ny payer aultre choze pour ledict
aprantissage, ne nourriture ni entreteuement, sauf une coiste et ung
traversin remply de plumes pesant , deux linceulx pour coucher le
dict apranti [que Souffron s'engageait à restituer à la fin des sept an-
nées].
Si Souffron ne termina pas la construction de Cadillac,
c'est qu'il dut abandonner son œuvre à la suite d'un procès
au criminel contre le serrurier du duc, Arn. Descoubes, dans
lequel il déposa comme témoin à charge. Le duc d'Epernon
prit fait et cause pour le serrurier et se brouilla avec l'archi-
tecte. A partir de ce moment le nom de Souffron disparait
des comptes de la maison du duc. Il fut remplacé par messire
Gilles de la Touche-Aguesse, écuyer, architecte du Roy.
Il revint alors à Auch. Le seigneur de Bezolles cherchait
justement un architecte capable de diriger la construction de
son château de Beaumont(2). Il passa dans ce but un accord
(1) 16 avril 1603. Contrat de mariage de Madeleine, « veulve, habitante que
dessus (Cadillac), qui promet prendre pour mari Domenge de la Porterie, maistre
masson, habitant à présent audict Cadilhac, avec rauthorité et eu présence de
Eymeric et Pierre Souffron, ses frères, de Pierre de la Porterie, frère dudict
conjonicl, de Pierre Delerm et Pierre Peraudeau, maistres massons. » Les
Artistes du duc d'Epernon, p. 122 et 123. On voit que les Souffron ne pren-
nent encore aucun titre nobiliaire.
(2) Canton de Condom (Gers).
-LuJ
— 60 —
avec Pierre Souffron. Les conditions dn traité sont assez inté-
ressantes pour que nous croyions devoir leS publier :
Accord entre le seigneur de Bezolles et Pierre Soffron^ pour
ledijice du chasteau de Boumont,
L'an mil six cens six et le troisième jour du mois de juing, dans le
chasteau de Bezolles, en Fezensac, dioceze d'Aux et sénéchaussée
d'Armaignac, avant midy, régnent Henry, par la grâce de Dieu roy de
France et de Navarre, pardevant moy, notaire royal et tesmoings bas
nommés, a esté establi en sa personne Pierre Soufifron, architecte de
Teglize Sainte-Marie d'Aux et conducteur du pont de Saint-Subran de
Tholoze, lequel de son bon gred et volonté a promis et par ces pré-
sentes promet à messyre Jean de BezoUes, seigneur dud. lieu, Bou-
montjMoissanet autres places, icy présent, slipullent et acceptant, savoir
est faire un lieu à fere les vins, et au-dessus chambm et garde-robbe.
A costé un degré de cinq paulmes de marbre dans œuvre de pierre, et
à suitte fere une cave, une escurye, le tout voûté. Au dessus ce fera
greniers, au-dessus desdits greniers une gallerie de la largeur de quatre
cannes et vingt et dus de long, le tout dans œu\Te, et laditte gallerie
montera aussy hault que faict la salle pour le jourd'huy. Aussy fera
ung aultre degré pour monter et descendre aus chambres et à laditte
salle, d'une canne dans œuvre, aussy de pierre. Aussy fera la quantité
de vingt-six croisées, quatre lucannes, dix demy croisées, doutze
aube-jours, trois cheminées, quatre portais, dix-sept portes. Le tout
dans le chasteau de Boumont. Et pour satisfere à ce dessus, ledit
seigneur de BezoUes sera teneu lu y fere randre toutes matières à ce
dessus necesseres pour fere led. bastiment sy près de Tœuvre que che-
vauls et charrettes se pourront approcher. Aussy luy fera fere tous
desmoUissements comme est de tuiles, boix, meurailhes, fere tous vui-
danges de décombres, de terre pour les fondements desdittes meurai-
lhes, tant pour lad. gallerye et le lieu à fere les vins. Comme aussy
luy fere fomir de tonals boix necesseres à fere les ponts ou chafaudages,
comme aussy pour fere les engins ou machines pour lever la pierre,
aussy de cables et guydes, les pâlies et semais a fere le mortier. De
mesme sera teneu led. sieur luy fere faire les scindres, tant pour fere
le lieu a fere la voulte des vins, que de la cave et escuerie. Aussy luy
fornira de logis commode pour loger les ouvriers, avec le boix à chaufer
pour fere cuire le repas ou cuire le pain , luy bailher licts et linseuls
pour fere retirer les ouvriers qui feront laditte œuvre jusques au nom-
-. 61 —
bre de /lesquels liots et linges seront randeux à la fin de l'œuvre
en Testât qu'ils se trouveront. Ensemble luy bailbera pour subvenir à
la despence pour la fabrication de ce dessus dict la quantité de dus
cens cartals de bled, cent pipots vin, vingt-quatre cartals fèves mesure
de Condom et trois mille six cent livres toum. Laquelle quantité de
bled, vin, fèves et argent led. seigneur de BezoUes sera teneu payer
audit Souffron à proportion qu'il advancera Tœuvre. Laquelle œuvre
led. Souffron a promis randre parfaicte dans dix-huit mois prochens à
conter du jour et datte du présent instrument. Et pour tout ce dessus
tenir, garder et observer, lesdites parties ont respectivement obligé tous
et chescuns leurs biens presens et advenir, lesquels ont soubzmis aus
forces et rigeurs du présent roj'aulme de France, l'un pour l'autre non
cessant ont renoncé aus renonsciations à ce présent instrument. Ainsin
l'ont promis et juré; presens à ce : Jacques Lebe, cappitaine, habitant
de la ville d'Aux, Dominique Ayrenx, costurier, et Berthomieu Costau,
de Saintr-Lary et BezoUes habitens, signés avec lesd. parties et moy.
Signés : Besolles, Souffron, Jacques Lebbé,
Cousteau, Ayrenx.
De Ayrenx, notaire royal (1).
On voit encore, à une clef de voûle de Tescalier du château
de Beaumont, au-dessus de la date 1606^ des sigles et des
signes lapidaires, qui semblent être la signature de notre
architecte. En voici une reproduction exacte au 1/4.
(1) Cette pièce est extraite du fonds de M' Jehan Raymond D'Ayrenx, notaire
à BezoUes, qui se trouve aujourd'hui à Tétude de M* Gelas, notaire à Roques.
Nous en devons la copie à M. l'abbé Broconat, curé de BezoUes.
— 65 —
Après la construction du château de Beaumont, Souffron
revint encore à Auch. C'est alors qu'il fut élu consul. ¥*
Lafforgue et Pabbë Monlezun mentionnent dans la liste des
consuls de Tan 1606-1607 uti Piene Sou/froy. Ce nom de
Souffray pourrait laisser supposer qu'il s'agit d'un autre
personnage. Mais nous trouvons dans le manuscrit de Jehan
Asclafer (1), conservé à la Bibliothèque de la ville d'Auch, la
preuve du contraire. Le bon notaire a écrit une relation de
la cérémonie de la pose de la première pierre de l'église des
Capucins, le 13 mai 1617. Les consuls y assistèrent en robe
rouge, et parmi eux P. Souffron (2).
L'année suivante eut lieu Téreclion de la Chambre des élus
d'Armagnac. S'il faut en croire certains écrivains, Souffron,
nommé par Henri IV, en aurait été président. Jehan de Solle,
dans son journal (3), s'exprime ainsi :
Le 16 janvier de Tan 1608, la Chambre de MM. les esleus d'Arma-
gnac feust érigée en lap resente ville par M. de Prugnes, conseiller du
roy et thrésorier général de Bourdeaux, lequel mist les esleus en pos-
session de leur charge dans la maison de ville (4), qui estoient savoir :
Irois esleus, MM. Martial d'Aignan, juge temporel; Jean Soffron,
maître-architecte de la Fabrique de Teglise Notre-Dame, et
Bien que Jean de Solle ait écrit, par distraction peut-être,
Jean Soffron^ il ne peut être question que de notre artiste.
Nous le voyons, en effet, quelque temps après, chargé par
l'archevêque Léonard de Trappes, des travaux de clôture
(1) Actes, mémoires et instructions recueillies en ce libre par M* Jehan
Asclqfer, notaire royal de la cille et citté dAuœ, pour luy sorcir et au public
comme de raison, Bibl. de la ville d'Auch, mss., n* 24.
(2) Deux pierres commémoratives rappelèrent la cérémonie, l'une pour les
dignitaires ecclésiastiques, l'autre pour les autorités civiles. Chacune portait une
inscription; celle des consuls est ainsi conçue ; Nobiles DD. cioitatis Aux,
consules qui prœerant, G. Laburguièro^ P. Paulis, P. Ramon^ G. Allemant,
F. Lassus, P. Souffron, A. Spiau, anno D. 1607. xiii malt, in pietatis monu^
menium œre perennius, hune superposuere lapidem. Mss. Asclafer, f* 186 V.
(3) Le Journal de Jean de Solle, docteur et aoocat de la cille d'Auch, publié
par J. de Carsalade du Pont, p. 13.
(4) Le bureau de l'élection existe encore à Auch, rue des Pénitents Bleus.
— 83 —
orientale du chœur de la cathédrale et dom Brugèles (1) nous
dit que « le rétable du mattre autel fut désigné et conduit
» par noble Pierre Sophron, président à Télection d'Auch. »
Il n'y a donc pas de doute possible, le Jean Soffron de Jean
de Solle est bien notre artiste; on ne connaît pas d'autre
architecte de Sainte-Marie d'Auch portant le nom de Souffron.
La construction du maftre-autel du chœur de la cathédrale
d'Auch est sans contredit une des œuvres capitales de Souf-
fron. Cette œuvre, où Tordre corinthien domine, riche en
marbres et en sculptures classiques d'un mérite incontesta-
ble, se distingue surtout par Télégance et la pureté du dessin.
Mais ces beautés ne sauraient compenser, aux yeux des archéo-
logues, le complet désaccord du style avec les boiseries (2).
€e travail demanda beaucoup de temps. Il était terminé le
18 mai 1609, ainsi que le prouve le procès-verbal de recon-
naissance qui en fut fait (5).
Les nombreuses sculptures, fouillées avec art, qui ornent
Tautel et la clôture orientale du chœur ont fait supposer que
Souffron était non seulement un habile architecte, mais encore
un sculpteur de talent. C'est l'opinion de P. Lafforgue. Mais
on peut supposer plutôt qu'il dirigea les sculptures comme il
avait dirigé la construction de l'autel. Désigner et conduire,
dit dom Brugèles, c'est-à-dire concevoir, surveiller, diriger,
telle a été l'œuvre de Souffron et c'est l'œuvre d'un architecte.
On doit cependant reconnaître que le vieux mot désigner,
signiflant proprement dessiner, tend à montrer l'action de
Souffron comme tout à fait prépondérante (4).
Après le chœur vinrent les travaux du collège. Les Jésuites,
(1) Chroniques du diocèse d'Auch, p. 4.
(2) On nous pardonnera de ne pas insister sur cet autel. Il a été admirable-
ment décrit par l'historien de notre cathédrale, M. Tabbé Cauéto, dans sa Mono-
ffraphie de Sainte-Marie d'Auch. Y revenir après lui serait une tâche à la fois
difficile et superflue ; nous renvoyons nos lecteurs à ce savant ouvrage.
(3) Mss. d'Aignan. Bibl. de la ville d'Auch.
(4) On peut faire valoir, en faveur de l'opinion de P. ï^flforgue, le nom de
Seopas, sculpteur grec, que nous allons voir donner à notre artiste.
— 64 —
établis à Âuch par lettres patentes du roi, firent construire
le bâtiment qui de nos jours sert de Lycée. Souffron fut chargé
de dresser les plans. Sa capacité, les nombreuses preuves
d'habileté quMl avait données en maintes circonstances, son
titre d'architecte de la métropole d'Auch, tout le désignait au
choix de la Compagnie. La chapelle eut tous ses soins. L'ar-
chevêque Léonard de Trappes en posa la première pierre en
grande cérémonie^ le 10 septembre 1624. En quatre ans tout
fut terminé, et la bénédiction solennelle en fut faite le jour
de saint Ignace, le 31 juillet 1627 (t). L'aulel, exécuté d'après
les [)lans de SoutTron, se distingue par Télégance et par la
richesse. Couvert de dorures, d'ornements, de sculptures, orné
de nombreuses statues, il fait un très grand effet; on y recon-
naît la main qui a tracé avec tajit de goût le rétable de la ca-
thédrale. Un contemporain, professeur du collège d'Auch, le
P. Aubéry, dans son poème sur notre ville (2), en a fait la
description; dans son enthousiasme il va jusqu'à comparer
Souffron à Scopas (3). Voici son texte :
Non me modo templi
Structura immanis capîat ; non maxima nectat
Ara moras, Christi cruce nec pendentis imago,
Quodque Scopas alius sculpsit tibi mausoleum ,
Heic ubi inauratas rutilanti luce parentis
Ignati dextra Navarreique sinistra
Xaverii effigiejs, arae majoris utrumque
Spectabis stipare latus, mediamque lueri
Qua Christus panis specie latet abditus arcara ,
Centum succinctam statuts, auroque corusami (4).
(1) « Le dernier jour de jeiiilletl627 feste de St Ignace ledit seigneur archevesqae
a dit la première messe en icelle chapelle. » Journal cle Jean de Solle, p. 34.
(2) Augusta Auscorum, auctore Jo. H. Auberio, Borbonio, e S. J. Auscis,
apud Arn. a Sancto Bonneto, in -4'. 32 p. 1632. Bibl. de la ville d'Auch. Lç poème
du P. Aubéry a été traduit en partie par M. Léonce Couture. .Voir Reotie de
Gascofjne, année 1865, p. 447.
(3) Scopas, surnommé l'artiste de la vérité, né h Paros vers 460 av. J.-C.
(4) Je ne veux pas me laisser captiver maintenant par la vaste structure du
temple, ni retenir par le grand autel, ni par l'image du Christ attaché à la croix
— 65 —
Souffron ne devait pas contribuer seulement à Tembellis-
sement du collège, il devait trouver place aussi parmi les
bienfaiteurs de la maison. Nous avons rencontré^ en faisant
quelques recherches aux archives de THôtel -de- Ville d'Auch,
la note suivante :
M. Souffron architecte fit travailler à ses fraix les peintures de
réglise (1) et de la basse cour, qui ont esté estimées 2,000 livres, et
donna en argent 20 livres et offrit un grand cierge de cire blanche, et
sa fille mariée à M. Nogaro donna une nappe de dix pans de longueur
et de six de Jarge avec un devant d'autel de damas violet (2).
C'est probablement ici le moment de parler des bâtiments
de Garaison. On connaît les circonstances qui amenèrent au
commencement du xvi* siècle la fondation de cette chapelle si
célèbre dans notre pays, et qui contribua si puissamment à
y augmenter la dévotion à la Vierge pendant les deux siècles
suivants. Pierre Geoffroy, chapelain (3), chargea Souffron
d'édifier le sanctuaire de la Vierge. A quelle époque? nous
n'avons pas de date précise, mais tout nous porte à croire
que ce fut entre 1630 et 1635, époque de la mort de Pierre
Geoffroy (4).
A peu près vers le même temps Souffron aurait, paralt-il,
fait élever Péglise des religieuses carmélites, récemment instal-
Jées à Auch. La grande fortune qu'apportèrent les dames Le
Mazuyer en entrant en religion servit à la construction de
la chapelle du couvent, P. Lafforgue attribue à notre artiste
ni par le mausolée qu'un autre Scopas t'a sculpté ici, 6 Christ 1 Vous verrez
deux images dorées, éblouissantes de lumière, à droite notre père Ignace, à gau-
che le navarrais Xavier, garder les deux flancs de Tautel et regarder au milieu
le tabernacle qui renferme le Christ caché sous l'espèce du pain, tabernacle sou-
tenu par cent statues et tout brillant d'or.
(1) Ces peintures furent exécutées par le peintre Desalingues.
(2) Fonds du collège, aux Archives de l'Hôtel-de- Ville. Liber benqfactorum,
p. 2 V.
(3) Pierre Geoffroy, curé de Montléon, fut le fondateur de ce dévot établisse-
ment en 1625. Il mourut en odeur de sainteté. Voir dom Brugèles, Chron. du
dioc. d'Auch, p. 399.
(4) Abbé Cazauran, Berceau des PP, de iV.-D. de Lourdes ou N,-D, do Garai-
son, p. 97.
-j
l- I
— e« —
la porte et même la chapelle tout entière, aujourd'hui Biblio*
thëque municipale.
Après avoir terminé ses travaux dans la ville d'Auch, ity a
tout lieu de croire que Souffron entreprit dans la province de
nouvelles constructions. C'était le moment où, après les der-
nières victoires de Richelieu, la France renaissait de ses ruines
et les relevait. La vie nouvelle que Tapaisement religieux et
.politique imposait à nos gentilshommes de province fut Tocca-
sion d'une transformation qui s'opéra dans les demeures sei-
gneuriales. Les vieilles forteresses devenues inutiles se trans-
formèrent en élégants châteaux, en maisons de plaisance.
Nous citerons comme type de cette transformation dans notre
pays le magnifique château de Caumont, Tune des nom-
breuses résidences du duc d'Epernon. Peut-être faut-il attri-
buer à Souffron la restauration de ce château. Ses anciennes
relations avec le châtelain de Cadillac, ajoutées à certains
détails d'architecture rappelant le goût de notre artiste, ren-
dent cette conjecture assez probable.
Nous savons peu de chose des dernières années de Souf-
fron. Nous ne pouvons que signaler la mort de sa femme (4)
en août 1642, et sa présence en juin 1644 au mariage d'un
nommé Pierre Nogaro, peut-être son petit-fils : il signe l'acte
avec les parents (2).
Ce sont les dernières pièces que nous avons pu trouver
ayant trait à Souffron. La date et le lieu de sa mort sont
(1) Registres paroissiaux de Sainte-Marie. Série G G 1. Arch. de THôtel-de-
Ville. « Le 21 aoust 1642 est morte mademoiselle Barthélémy e de Rouède,
femme à M. Souffron, M* Architecte, entre sept et huit heures du matin, et fut
ensevehe le lendemain 22' après la messe grande dans la présente église, tout
contre le pilier où sont les orgues. Les messieurs du chapitre y assistoient.
M. Bernard de Vacquier precenteur faisant Toffice. Anima ejus requiescat in
pace. Amen, — Roques p'" et v". »
(2) Id. Série G G 2. « Le 27* juin 1644 ont espousé de parolle de pnt M' Pierre
de Noguaro, de la pnt paroisse et Dam*"* Marie de Chanaille dans la maison de
M' Chanaille, la cérémonie a esté faicte par M' Estienne d'Aignan, vie* gàl de
monseig' Tarchevesque, en près, de M' de Chanaille père grand, Estienne Cha-
naille père de la c*, Pierre Souffron, Jacques Prunières, Aignan s' du Sendat
et beaucoup d'autres parents. »
— 67 —
inconnus. Asclafer, dans son livre de raison^ a inscrit^ près
des noms des consuls ses contemporains, la date de leur mort;
quelques-unes manquent, entre autres celle de Souffron, qui
peut-être lui a survécu. Il mourut très âgé, puisque déjà en
1594 il était architecte de la ville d'Auch.
Telles sont les quelques notes qu'il nous est permis de
publier sur cet artiste (1). Appartient-il, comme on le dit, à
récole italienne? Evidemment son œuvre se ressent de cette
renaissance italienne qui a eu une si grande influence sur
Tarchitecture française de la fin du xvi* et du commencement
du xvn* siècle. Elle conserve néanmoins un cachet d'origi-
nalité qui accuse chez notre artiste de la spontanéité et une
certaine indépendance à Tégard des principes et des formes
de Part italien.
Si la ville d'Auch ne peut pas avec certitude se flatter
d'avoir donné le jour à Soufîron, elle doit le revendiquer
comme un de ses plus habiles architectes et un de ses meil-
leurs magistrats. A ce double titre nous devions essayer d'ar-
racher à Toubli son nom trop longtemps ignoré. Il termine
dignement la série de ces artistes qui accomplirent chez nous
de si beaux travaux au xvf et au commencement du xvn* siè-
cle, et qui donnèrent à notre pays une part notable dans cette
grande période de Part français.
Charles PALANQUE.
(1) On retrouve avec lui les noms d'autres « maistres massons », comme on
disait au xvi' siècle, qui furent non pas ses égaux mais ses émules. M. Braque-
haye cite, entre beaucoup d'autres, Bernard Despéche, de Pavie, qui travailla
avec Souflron à Cadillac.
MARINS BASQUES & BEARNAIS
ESQUISSES BIOGRAPHIQUES
II
MM. DE CHARRITTE '''
LOUIS, Comte de CHARRITTE,
Vice-amiral, grand-croix de P ordre de Sainl- Louis.
A dix-sept ans (2), il faisait sa première campagne, comme
garde de la marine, à bord du Saint- Laurent, magnifique
vaisseau de 64 commandé par M. de Beaufremont. Succes-
sivement embarqué sur te Conquérant, le Protliée^ VEme-
raude, le Palmier, le Défenseur, le Formidable^ le Courageux,
r Eveillé, le Brillant, le Solitaire et te Triton, le jeune de Char-
rille était promu enseigne de vaisseau en 1755, lieutenant en
i763 et capitaine en 1777. A ce moment, il comptait déjà
cent deux mois de service effectif sur mer. Les Archives de la
marine (dossier Charritte) possèdent plusieurs de ses rapports,
datés du bord de la corvette V Hirondelle, qu'il commanda de
1771 à 1775. Ces documents, fort savamment rédigés, con-
tiennent les résultats des différentes missions qui lui furent
confiées : levée de plan de la rade du Port-au-Prince; expé-
(1) Voir au numéro précédent, p. 21.
(2) Extrait des Registres de Véglise de Sainte-Catherine de Susmion et
Castelnau : « L'an mille sept cent trente trois et le premier novembre, est né
» Charles Charritte, de Castelnau, fils légitime de François Charritte et de Mar-
» guérite Dandoins, dudit Castelnau, et fut baptisé le même jour dans l'église de
» Susmion. Ses parrain et marraine : Charles-François et Marie-Louise Charritte,
» frère et sœur, du même lieu de Castelnau. (Signé) Duboy, curé. — Pour
» ewtrait conforme à l'original, eau/ les qualités féodales qui ont été supprir
» mées : A Susmion, le 5 frimaire an xi de la République française. (Signé)
» Lageyre, maire. »
— 69 —
ditioû secrète à Saint-Marc et à Saint-Nicolas; sondage de la
rade du Cap; examen attentif de la flotte anglaise et de la
nourriture que^ sous le climat meurtrier des Antilles, cette
nation accordait aux hommes composant l'équipage de ses
vaisseaux, etc.
Capitaine de haut bord dans la flotte placée sous les ordres
du comte de Grasse, M. de Charritte fit avec lui la guerre de
r indépendance d'Amérique.
En 1784, — écrit notre futur amiral (1), — je fus fait brigadier, et
le lendemain chef d'escadre, à raison des combats auxquels je pris part,
commandant la Bourgogne, que j'avois fait peindre en noir; ce vais-
seau se fît teUement remarquer des Anglois qu*ils ne m'appeloient plus
que le capitaine du Vaisseau noir. A Chesapeak, les Anglois s'étant
présentés devant la baie, nous en sortîmes avec le signal de former la
ligne de vitesse, Messieurs d'Albert (2), de Castellanne (3) et moi. Nous
nous trouvâmes bientôt à la tête et fûmes combattus par sept navires
anglois pendant ime heure avant que nos autres vaisseaux nous vins-
sent rejoindre, ce qui, d'après le compte qu'en rendit au roi M. le comte
de Grasse, procura une pension de douze cents livres à M. d'Albert, et de
mille livres pour M. de Castellanne et moi. Après la prise de Yorcktown,
nous nous rendîmes à la Martinique où nous eûmes, les 10 et 12 avril
1782, ces deux célèbres batailles dans lesquelles, après avoir eu
l'avantage dans le premier combat, nous fûmes battus dans le second (4).
(1) Lettre datée de Tours le 16 juin 1814 et adressée au ministre (Archives de
la marine, dossier Charritte).
(2) François Hector, comte d'Albert de Rions, né à Avignon en 1788. Monté
sur le Pluton, il se distingua par le secours, inutile d'ailleurs, qu'il porta au comte
de Grasse, lors du combat des Saintes (12 avril 1782). Chef d'escadre en 1784,
directeur général du port de Toulon, commandeur de Saint-Louis en 1788, con.
tre-amiral en 1792, le comte d'Albert mourut le 3 octobre 1802.
(3) Louis de Castellanne-Majastre, alors capitaine de vaisseau, mort chef d'es.
cadre. U devait lui aussi prendre une part glorieuse à la journée des Saintes.
(4) Cette bataille de la Dominique ou des Saintes fut surtout meurtrière pour
les Français^ qui perdirent trois mille hommes, c'estrà-dire les deux tiers déplus
que l'ennemi. Six commandants furent tués : ce furent MM. Des Cars, du Pavil-
lon, de la Clocheterie, de Marigny, La Vicomte et de Saint- Césaire. Sur les cinq
vaisseaux capturés par les Anglais, trois seulement purent être ramenés ; les
deux autres coulèrent bas dans la soirée.
Nous aurons occasion de raconter plus longuement quelques incidents de ce
mémorable combat, où deux autres Béarnais, que nous étudierons à leur tour»
jouèrent un grand rôle : le baron d'Arros d'Argelos, matelot de l'amiral en chef,
et l'enseigne de Labay-Viella,
Tome XXX. 6
— 70 —
L'escadre de Tamiral Bougainville (1) se trouvant sous le vent,
ainsi que plusieurs autres, je me trouvois matelot d*aoant du géné-
ral de Grasse, qui, au coucher du soleil, me donna Tordre d'aller
joindre M. de Vaudreuil (2), pour lui dire que son vaisseau se trouvant
entièrement démonté et faisant eau de toutes parts, il se trouvait forcé
de se rendre (3). Je me dirigeai, à travers la flotte ennemie, vers M. de
Vaudreuil et lui fis part de ce que M. de Grasse mavoit dit. Celui-ci
fit alors route pour se rendre au Cap, où nous arrivâmes sans être
poursuivis.
La belle conduite de M. de Charritte provoqua^ aussi bien
en France qu'à Tétranger, une vive explosion d'admiration.
Les Etats de Bourgogne, qui avaient offert a Louis XV le vais-
seau commandé par notre Béarnais, se réunirent en séance
générale et votèrent au brave capitaine des remerciments
enthousiastes.
Extrait des Registres des Décrets des Etats généraux de
Bourgogne.
Du vendredi 6 août 1784 (du matin).
Sur ce qu'il a été observé aux Etats Généraux que M. le chevalier de
Charritte, capitaine des vaisseaux du Roy, avoit, pendant la dernière
(1) Louis-Antoine de Bougainville, chef d'escadre, commandant la troisième
division de la flotte.
(2) Lorsque la flotte anglaise, composée des escadres de l'amiral Rodney e
du vice-amiral Hood, eut, par une manœuvre hardie, réussi i\ couper la lign
des vaisseaux français, le marquis de Vaudreuil, qui se trouvait à l'avant, fi®
signal à toute l'armée d'arriver à sa suite : presque aussitôt la bataille s'engageait
Après le combat, MM. de Bougainville et de \'audreuil rallièrent la flotte: le
premier se dirigea vers Saint-liustache avec les navires qui avaient le plus
besoin de réparation ; le second fit voile avec les autres vers Saint-Domingue. A
peine arrivé, le marquis de Vaudreuil adressait un rapport détaillé au ministre
de la marine.
(3) Le comte de Grasse montait la Ville do Paris. L'effort principal des Anglais
»e porta sur ce malheureux vaisseau; plus de 400 canons le foudroient à la fois
de leurs leux combinés. Vainement le Triomphant, le Platon, l'Hercule, le
Céaar et l'Hector viennent se sacrifier pour leur amiral. Attaqué à l'arrière et
des deux bords, ayant ses munitions épuisées et à peine trois hommes valides,
l'amiral compris, la Ville de Paris cosse toute résistance, après douze heures de
combat. « Ooyant avoir assez fait pour l'honneur, le comte de Grasse se rendit
» au coucher du soleil. // donna ainsi le premier exemple d'un amiral français
» accomplissant ce triste acte de soumission. » (Rapport du marquis de Vau-
dreuil).
- 71 —
campagne^ commandé le vaisseau la Bourgogne avec la plus grande
distinction; que pendant la journée du 12 avril 1782, il avoit déployé
la plus haute valeur et les manœuvres les plus savantes, ayant cons-
tamment couvert de son feu plusieurs des vaisseaux du Roy et n'ayant
quitté le combat qu'à la nuit; que sa conduite avoit inspiré tant d*estime
et d'admiration aux amiraux anglois, les lords Rodney et Hood, et à
tous les officiers de Tarmée ennemie, qu'ils avoient expressément char-
gé un officier françois, fait prisonnier dans cette journée, d'aller porter
leurs compliments au braoe capitaine du vaisseau noir^ ne connois-
sant encore que la bonne conduite de M. le chevalier de Charritte et
ignorant son nom et celui du vaisseau ; que ces compliments flatteurs
lui avoient été faits au Cap François, chez M. de Bellecombe, gouver-
neur de Saint-Domingue, en présence des officiers de terre et de mer
des armées £rançoises et espagnoles; que cet hommage honorable et le
suffrage de l'armée angloise avoient été consignés dans la Gazette de
la Jamaïque, en date du mois de mai de la même année;
Les Etats ont décidé de charger Messieurs les élus de faire leurs
compliments à M. le chevalier de Charritte pour la gloire que le vais-
seau la Bourgogne a acquise sous ses ordres.
Fait et arrêté en l'assemblée des Etats Généraux des Bourgogne, à
Dijon, le 6 août 1784.
Signé : T. Y. A., év. d'Autun,
le vicomte de Virieu,
et Bernard de Chanteau, secrétaire en chef desdits Etats (1).
En 1790, M. de Charritte obtint lalieutenance générale de
la seconde escadre^ placée sous les ordres immédiats de
M. d'Albert. Mais sa mauvaise santé l'obligea bientôt à rési-
gner ces fondions, de même que celles de directeur général
du port de Rocbefort, auxquelles il fut appelé en 1792. Choisi
par le Directoire pour faire partie du Conseil supérieur de
marine, établi à Paris en l'an vi, il remplit ce poste « avec
9 tout le zèle que Ton peut attendre d'un citoyen dévoué à
» sa patrie (2). » Mis depuis en disponibilité, avec suppres-
sion entière de traitement, M. de Charritte, à qui également
(1) Archives de la marine ; dossier Charritte.
(2) Ibld.
. — 72 —
on avait saisi toutes ses propriétés de Saint-Domingue, n'ob-
tint une pension de trois mille francs qu'à Tavènement au
trône de Napoléon V\ Fixé alors sur une terre sise en Tou-
raine, il continua de vivre dans cette retraite jusqu'en 1844;
à cette époque il fut nommé membre de la députation du
collège électoral d'Indre-et-Loire, et peu après Louis XVIII
lui délivrait les brevets de vice-amiral et de grand'croix de
Saint-Louis.
M. de Gharritte devait jouir peu de temps de cette double
récompense. Il mourut au mois de janvier 1816. Sa fille uni-
que était alors mariée au comte de Puységur, fils d'un des
anciens camarades d'armes du valeureux commandant de
la Bourgogne (1).
A. COMMUNAY.
QUESTION
252. Sur le lieu de naissince dn D* Cabiran.
La notice, ou plutôt la série de notices, publiée par feu M. Gatien-
Arnoult, dans les Mémoires de l'Académie des sciences, inscriptions et
belles-lettres de Toulouse de 1880 (1" semestre), sous ce titre : Les Fau-
teuils de l* Académie (p. 34), renferme plusieurs noms d'académiciens
qui appartiennent à la Gascogne. Sur l'un d'eux, une question se présente
tout d'abord, que je veux porter aux lecteurs de cette Revue, Le D' Nicolas
Cabiran (1759-1 839), médecin estimé, membre de plusieurs sociétés savantes
de Toulouse, est dit, par M. Gatien-Arnoult (p. 6), né « à Armagnac, en
Gascogne (aujourd'hui dans le département du Gers), d'une famille plus
honorable que fortunée... » Le lieu d* Armagnac (Gers) doit aller rejoindre
dans la géographie imaginaire celui de Cassagnac (Gers), où tant de bio-
graphes ont fait naître l'historien des Causes de la Résolution française.
Mais quel est donc le vrai lieu de naissance du D' Cabiran?
J. B.
(1) I^ branche de Casamajor de Gharritte subsiste encore en Béarn ; elle a
pour représeatant Charles-François-Bomard, marquis de Gharritte, ancien con-
seiller à la cour d'appel de Pau, chevalier de la légion d'honneur. Son frère cadet,
Charles- Victor, était lieutenant de vaisseau et chevalier de la légion d'honneur,
lorsqu'il mourut, à bord du Magellan, le 26 juillet 1848.
ÉGLISES ET PAROISSES
D'ARMAaNÂC, EAUZAN, QABARDAN ET ALBRET
D'APRÈS UNE ESNQUÊTE DE 1548 (')
IV
V Enquête à Pouydragitin, Termes, Sarragachies, Isotges, La
Leugtie, JUaiitichore, Arparens, Mauriel, Caumonl, Tarsac
et Riscle.
Les pages qui précèdent, écrites d'après le plan adopté par
le rédacteur du Procès-Verbal , ont fait voir les divers détours
et les procédures variées de la commission dans son enquête.
On a pu suivre ainsi jour par jour et pas à pas M* Arnaud
Claverie et ses compagnons. Il était en effet, sinon nécessaire,
du moins assez intéressant, croyons-nous, de connaître au
milieu de quelles formalités et dans quel ordre se déroula
Tenquéte. Mais, ce point accordé aux curieux, comme d'ail-
leurs rien ne ressemble plus à la suile et au terme de Ten-
quéte que son commencement, au moins quant à la marche
suivie, nous arrêterons ici ce résumé qui s'est astreint à repro- '
duire le plus fidèlement possible notre manuscrit dans ses
développements successifs. Poursuivre ainsi ce travail, enche-
vêtrer les visites d'églises et les audiences des fabriciens en
les coupant de faits étrangers aux paroisses en vue, serait,
nous semble-t-il, nuire a la clarté et peut-être à l'intérêt du
récit. Aussi nous attacherons-nous désormains à grouper
simplement, sous le nom de chaque paroisse, les renseigne-
ments donnés par notre Procès-Verbal. Parla sera évitée toute
apparence de confusion; sans compter que les recherches,
pour ceux qui auraient le désir ou le besoin de les tenter et
(•) Voir au tome précédent, livraison de décembre, p. 537.
— 74 —
la patience de les faire, deviendront beaucoup plus faciles.
Le vendredi 19 novembre, nos commissaires s'éloignèrent
du Camp et allèrent dîner à Termes (1), en la maison d'Ar-
naud de Lamaison, où ils s'installèrent. Tout en cheminant
vers Termes, ils avaient trouvé sur leur route l'église Saint-
Césaire de Pouydraguin, qu'ils visitèrent (2). Ils nous la dépei-
gnent « duement bastie, voultée de bois, avec force pinctures
autour de la dicte esglise. • Convoqués à Termes pour le jour
même, Guiraud Coudyer, fabricien, Guillaume Sabalhier et
Sanfeux de la Pomaréde, consuls de Pouydraguin, comparais-
sent devant la commission. Cette année ils ont recueilli 6
(1) Termes, ancienne paroisse de Tarchidiaconé d'Armagnac, Ecclesia do
Terminis, sur les hauteurs dominant la live droite de TAdour. On sait que la
seigneurie de Termes appartint pendant de longs siècles à une branche cadette
de la Maison d'Armagnac dont feu M. Paul La Plagne-Barris a établi la généa-
logie dans le premier volume des Sceaux gasconSy p. 132 et suiv. Le vieux châ-
teau des seigneurs de Termes existe encore en partie. C'est surtout depuis une
trentaine d'années que les ruines s'y sont multipliées, à la suite d'un fait dont
l'histoire semblerait empruntée à quelque conte des Mille et une Nuits, si des
témoins des plus respectables n'étaient encore là pour l'attester. Il ne s'agit de
rien moins que d'un trésor considérable qui, étant tombé par héritage entre les
mains du propriétaire du vieux castel vers 1850, fut alors enfoui par lui dans
quelque cachette de ces murs antiques. Or, cette cachette est toujours restée
inconnue; notre Harpagon, qui allait souvent se repaitre de la vue de sa pré-
cieuse cassette, mourut, emportant son secret dans la tombe et au moment
même où, décidé par un médecin de ses amis, il allait lui montrer l'endroit où
reposait le fameux trésor. Ses héritiers démolirent, fouillèrent et retournèrent
en tous sens la plus grande partie du château, et toujours l'or tant cherché est
resté introuvable. On assurait naguère que les recherches, et par conséquent les
démolitions, doivent se poursuivre durant cet été. Actuellement, il ne reste plus
debout que quelques murs et le donjon féodal, dominant au loin la plaine de
l'Adour.
(2) Pouydraguin, paroisse de l'archidiaconô d'Armagnac; les Pouillés du
moyen âge la désignent sous ces deux noms : Ecclesia de Artlieyas, aliaa de
Podio Draguino. Dans un acte du 10 mai 1553 (Etude Castay, à Gondrin) on
trouve que M. Bernard du Castaing, « prestrede l^nnepax » et recteur de Pouy-
draguin, résigne la cure « de l'esglise parrochielle de Monsieur Sainct Cezère
d'Artigues dudit lieu de Pouydraguin avec son annexe de Monsieur Sainct
Barthélémy de Crotte, en faveur de M" Jean Sabathier, prestre dudit Pouydra-
guin. » L'église de Croûte, Ecclesia de Crota» aujourd'hui paroisse du doyenné
de Plaisance, possède, dit une tradition du pays, sous son chevet, une crypte où
reposent les restes d'un missionnaire du temps de la première prédication de la
foi en ces contrées. Un fait certain, c'est qu'en frappant le sol du sanctuaire, on
obtient des résonnances qui permettant de croire à l'existence de cavités sous
le sanctuaire. Le nom môme de Croûte (crupta, crypta) vient à l'appui de cette
croyance. Quant à l'église de Pouydraguin, elle est actuellement à peu près
dans l'état de 1546; elle a toujours sa voûte de bois; mais les peintures oiit
presque toutes disparu.
— 75 —
pipols de vin, 1 sac froment, 1 sac mesture, 4 quarts de mil,
et 30 fagots de lin. « Et n'ont point aultre chose, hors l'ar-
gent du bassin, qui est de petite valleur. » Toute la cueillette
a été vendue, sauf le mil et le lin, moyennant 7 ëcus petits,
desquels ils ont acheté à Bernard Deberl une chape qui leur a
coûté 6 écus. Il leur restait donc le septième écu avec le mil
et le lin pour tout trésor. Ils offrirent cependant de donner au
collège sur ces légers restes 4 l. 15 s. ; ce qui fut accepté, et
on leur laissa le demeurant pour leur église. Ils durent néan-
moins verser 8 sols pour obvier aux frais et dépens de la
commission.
On visita ensuite l'église paroissiale Saint-Pierre de Termes,
qui fut trouvée « bien et honorablement baslie. » Le curé de
Termes, M* Raymond Payssé, dit « n'y avoir pour lors besoing
d'aucune réparation, fors de faire quelques bancs grossiers
pour les parrochiens d'icelle quy ne pourroient couster plus
hault de huict à neuf livres tournois (1). » Les fabriciens du
lieu s'étaient empressés de fuir leurs habitations pour n'avoir
pas à répondre. Avant de quitter Termes, la Commission fait
porter chez eux des assignations à comparaître le lendemain
à Sarragachies, où elle alla s'établir dans la soirée chez Ber-
nard Duporté. L'un d'eux, Arnaud de La Maison, se rendit à
la convocation, accompagné de son curé. Il déclara que le
revenu annuel de la fabrique était de 30 à 35 sous petits;
cette année ils en ont eu 34, « desquels ils ont délibéré ache-
ter certains bois pour faire les sièges nécessaires en ladite
esglise pour les parrochiens d'icelle. » Mais les procureurs se
déchaînent contre cette prétention de faire]ces bancs avec l'ar-
gent de la fabrique. « Sy, disent-ils, lesdits habitans veulent
sièges, que lesdits fassent à leurs despans, et non aux des-
pans de ladite fabrique. » Le prononcé du jugement fut ren-
(1) I/égîise de Termes, toute voisine de l'antique castel, a été presque entiè-
rement renouvelée, il y a vingt ans environ; à cette époque elle était fort
délabrée. Quant aux vienx bancs de chêne de 1546, il n'en reste aucune trace.
— 76 —
Yoyè au lendemain : nos infortunés Termois y perdirent leurs
sièges. Ils se virent, en effet, condamnés à appliquer au col-
lège non seulement tous les fruits décimaux de la fabrique,
mais encore les deux tiers de ses créances, faisant un lotal de
1301. 56 s. Parmi ces créances nous citerons celle de « noble
Anne d'Armagnac (1), damoizelle de Termes », qui s'élevait
à la somme de 119 écus petits 15 s. 1/2, et celle de Messires
Pierre et Arnaud de Maulx, dont le montant était de 5 écus
petits, 5 s. et 5 liards.
Le lendemain, samedi 20 novembre, le sergent de la com-
mission courut de très bonne heure instrumenter à La Lon-
gue, Mauriet, Isotges, Maulicherre et Arparens. La veille au
soir, après leur souper, nos magistrats avaient tenu une
audience de nuit pour entendre Bernard de Sallabits, fabri-
cieu de Téglise Saint-Barthélémy de Sarragachies, et Bernard
de La Fontan, consul dudit lieu. Ceux-ci exposèrent qu'ils
avaient coutume de rendre compte de la gestion d2s fruits de
la fabrique chaque année, par-devant le clavaire d'Armagnac
à Nogaro. Or, en ce moment, ils ont l'intention de recons-
truire le clocher de 1 église « qui est trop petit» et comptent
consacrer à ce travail les produits de cinq années. Us ont
aussi acheté une cloche, qu'ils ont payée avec le revenu de
l'année passée, lequel a été de 56 écus petits. A la vérité, les
fruits décimaux de l'année présente sont encore en leur pou-
voir. Mais, comme on les a mêlés avec ceux de Parchevêque
d'Auch (2) et du curé de Sarragachies et que, sur l'ensemble
ainsi formé, la fabrique tire, pour sa part, « de seize neuf»,
il leur restera 15 sacs froment, 10 sacs mesture, 10 sacs
milhet, une pippe (5) de vin pur, et 8 fagots de lin; ce qui
(1) La généalogie, citée plus haut, des Armagnac-Termes, s'arrête à Anne
d'Armagnac, mariée en 1501 à Jean de Bilhères-Camicas; il est probable que
notre « damoizelle de Termes » de 1546 était issue de ce mariage.
(2) On sait que les archevêques d'Auch prenaient anciennement une i>artie
de la dime do la plupart des paroisses de leur diocèse.
(3) Ainsi qu'on le verra plus loin par les comptes de la fabrique de Mauli-
cherre, la pipe valait 40 cruches. Chaque cruche contenant 16 litres, suivant la
^Tf —
peut valoir environ 57 éciis petits. C'est là d'ailleurs le revenu
habituel de Tannée.
Dans la matinée du jour suivant^ on visita Téglrse de Sar-
ragachies, « laquelle est assez bien reparée, et n'y avons
cogneu pour lors y eslre besoing d'aulcune grande répara-
tion (1). » Les fabriciens, présents à la visite, insistent dere-
chef pour démontrer la nécessité urgente de construire un
nouveau clocher. Mais les procureurs repoussent vivement ces
allégations, dans lesquelles ils ne voient que ruses et sub-
terfuges visant à écarter toute obligation de contribuer à
l'œuvre du collège. Us déclarent donc que « icelluy clocher
est encore suffisant pour les cloches dudit lieu. » Finalement,
la cause du clocher de Sarragachies succomba, et la fabrique
de celte paroisse s'entendit condamner à payer au collège les
deux tiers de ses revenus annuels, plus 60 écus petits 6 s.
6 d. à prendre sur les créances dues à la fabrique et s'élevant
dans leur ensemble à 177 écus petits 17 s. 6 d.
Le même jour, 20 novembre, Vidal de Broqua, consul
d'Isotges, Jehan de Broqua et Bernard du Bois, fabriciens de
l'église Notre-Dame d'Isotges, se présentèrent à Sarragachies
devant la commission. Ils exposent qu'ils n'ont jamais fait
aucun règlement de comptes, prenant le revenu à mesure
qu'il arrivait et s'en servant « pour bastir et ediffier leur dicte
mesure encore universellement en usage en Armagnac, on voit qu'une pipe
renfermait 640 litres. La pipe n'était donc pas autre chose qu'une double bar-
rique b<^amaise; la barrique du Béam, en effet, adoptée pour le mesurage des
vins en Armagnac depuis des temps fort anciens jusqu'à nos jours inclusive-
ment, était et est demeurc'e d'une contenance de 20 cruches ou 320 litres. Comme
la pipe est une mesure qui revient souvent dans les documents du moyen âge
et d'époque plus récente, nous avons cru qu'il était intéressant d'en fixer ici la
contenance précise, d'après le texte de notre procès-verbal.
(1) Sarragachies, paroisse de l'ancien archidiaconé d'Armagnac : Ecclesia de
Sarragaycia, L'église est romane; sa voûte en pierre a existé jusqu'en 1835; à
cette époque, comme elle menaçait fortement ruine, on la démolit. Il n'y
avait d'autre clocher qu'une charpente en bois établie sur les murs du cou-
chant au-dessus de la tribune; les plans de construetion de clocher, que formaient
eu 1546 nos gens de Sarragachies, n'avaient donc jamais été exécutés; actuelle-
ment l'église de Sarragachies possède un bel et bon clocher en pierre et, de
plus, elle a été fort agrandfe par l'adjonction de deux chapelles latérales.
— 78 —
esglise. » Celle année, ils onl oblenu 20 carions de froment,
2 sacs de mesture, le lout valanl 14 l. 1/2 environ, qu'ils
n'onl pas encore vendu. En outre, il leur est dû 10 francs
bons, 19 liards, 2 deniers. Arnaud Claverie leur ayant
demandé de lui décrire leur église, ils certifient, sous la foi du
serment, que « la dicte esglise est à présent duemenl bastie
et ediflîée de pierre, et voullée de boys (1). » La Commission
se contenta de celle attestation et ne visita pas Téglise d'Isol-
ges. Elle émil seulement une ordonnance par laquelle la moi-
tié des produits annuels de cette fabrique dut revenir au col-
lège (2).
On entendit ensuite Manaulon de Bétons, fabricien de La
Leugue, et Guillaume de Bétons, consul du même lieu. Le
revenu annuel de la fabrique, dirent-ils, était en moyenne de
16 écus petits; mais cette année et rannce précédente « le
masson qui répare leurd. esglize a tiré la moylié du revenu
d'icelle, et l'autre moylié feust arrendée chascune desdites
années à quinze escus petits par les consuls dud. lieu quy
répartirent ledit argent aux pauvres dud. lieu, combien qu'ayt
besoing leurd. esglise d'estre reparée, et lesd. consuls n'en
onl rendu aucun compte. » Aussi, à la requête des procu-
reurs, fut-il décrôté que les consuls de ces deux années com-
parailraient devant la commission. En attendant, on procéda
à la visite de l'église Notre-Dame de La Leugue, « à laquelle
y a bien besoing de réparations, car est fort pauvrement bas-
tie, toutes fois lousiours le masson besongne pour icelle répa-
rer; bien est couverte de Ihuile à canal sans estre voullée (3). »
Suivant l'ordonnance précédente, Jean de Gougère, fabri-
(1) Isotges, Ecclcsia de Yogos, ancienne paroisse de rarchidiaconé d'Arma-
gnac. L'ôglise d' Isotges est encore à peu près dans le même état qu'en 1546 et
exigerait de nombreuses réparations, qu'il est d'ailleurs question d'exécuter.
(2) Témoms : M' Pierre de MalLx, curé de Sarragachies, et Bernard Duporté.
l'amphitryon de nos magistrats.
(3) l.a Leugue (Gers), annexe de Sarragachies, Enrîosla de Levca, ancienne
paroisse de l'archidiaconé d'Armagnac. L'église existe encore, et est à peu près
dans le même état qu'en 1546. tille a toujours sa voûte de bois, fort basse, et est
demeurée d'aspect très modeste.
- 79 —
cien, et Guillaume de Goffin, consul de La Langue Tannée
passée^ se présentèrent devant la commission quelques jours
après, à Riscle, le 23 novembre, et rendirent leurs comptes.
Ils démontrèrent que les quinze écus petits, qu'ils avaient
reçus l'année passée, ils les avaient répartis « aux habilans
dud. lieu pour la nécessité du mauvais temps, et despuis en
auroient esté remboursés, et en auroienl fourny pour les
affaires de lad. esglise. » Il leur restait encore 3 I. 12 s. Or,
les créances de la fabrique s'élevaient à 53 écus petits, 42 s.
6d., et parmi elles il s'en trouvait une de M. Marsac, cha- ,
noine de Nogaro, qui se montait à 32 écus petits 47 s. Il fut
donc ordonné que la fabrique donnerait désormais au col-
lège d'Âuch la moitié de ses fruits décimaux; la créance du
chanoine de Nogaro dut aussi être réservée au collège.
Les affaires de La Leugue paraissaient terminées, lorsque
plusieurs habitants de ce lieu, qui étaient venus à la séance
avec les fabriciens, s'unirent à ces derniers pour dire « que
jaçoil longtemps y a ils ayent prins et tiré les fruicts de lad.
fabrique, toulesfois leurd. esglise est pauvrement bastie pour
ce que les ouvriers et marguilhers presloient lesd. fruicts aux
habitans et faisoient tout fondre en charroys et manœuvres
qui disoient avoir faicts pour lad. esglise. » C'est pourquoi
ils demandèrent qu'on nommât un receveur, chargé de pren-
dre et de garder le revenu de la fabrique « et les deniers et
esmoluments qu'ils enquaissent aux bassins et couppes de
lad. esglise, lesquels deniers seront levés et régis par les
ouvriers pour entretenir le luminaire de lad. esglise, comme
est accoustumé, et tout le demeurant sera régi et gouverné par
led. recepveur, auquel sera enjoinct de le faire applicquer a la
réparation de lad. esglize et non ailheurs, nommant pour
led. recepveur M' Pierre de Belhous, notaire, et pour réadju-
teur M' Jehan de Ferrato, gens de bien. » M'Claverie approuva
ces nominations, et les nouveaux dignitaires prêtèrent entre
ses mains le serment de bien remplir leurs fonctions.
— 80 —
Ayant ainsi visité La Leugue dans la matinée, la commis-
sion rentra à Sarragachies pour dîner. Là, elle donna au-
dience aux fabriciens de Téglise Saint-Michel de Maulicherre,
Peyron de Pandellé et Arnaud de Luc, accompagnés d'un de
leurs concitoyens, Jehan de La Baye, notaire. Ceux-ci com-
mencèrent par s'excuser de n'être pas venus plus tôt : ils
avaient dû aller à Barcelonne chercher les clefs du coffre qui
contenait le livre des dettes de leur fabrique, chez « icelluy
qui les retenoit et quy se trouvoit aud. lieu de Barcelonne
pour ses affaires particulières. » Ils ajoutèrent qu'ils n'avaient
pas trouvé le dépositaire de ces comptes et demandèrent
délai pour les produire. Sur quoi, les deux procureurs décla-
rèrent que ce n'était là que subterfuges et que ceux de Mau-
licherre vouldient essaver, comme on l'avait fait en d'autres
paroisses, de tromper la commission et de lui rendre l'en-
quête impossible; aussi demandèrent-ils qu'ils tinssent « l'arr
rest jusques qu'ayent remis les livres des debtes de lad.
fabrique. » Effrayés de cette menace et voyant leurs plans
découverts, nos paysans se rendirent et exhibèrent à l'instant
leurs comptes. Les revenus annuels de la fabrique furent
estimés à 20 ou 23 écus petits environ. Cette année, on a
recueilli 6 sacs froment, 12 quarts seigle, 1/2 quart bailhar,
1 quart avoine, 12 quarts milhel, 28 cruches vin rouge, 12
cruches vin blanc, « le tout faisant une pipe » et 15 fagots
de lin. En dehors de cela, ils n'ont eu « que les aulmosnes
que les bonnes gens donnent pour la luminalion au bassin
de lad. esglise.» Tous ces fruits peuvent valoir, dirent-ils, de
22 à 25 écus petits. Mais ils ont déjà employé pour l'église
le prix de 2 sacs froment, 2 sacs seigle, 1 sac 1/2 millet,
et les 12 cruches de vin blanc. Us gardent le reste « pour
(l) Maulicherre (Oeis), ^cc^esta de Maure Serra, canton de Riscle, ancienne
paroisse de Tarchidiaconé d'Armagnac. L'église est ancienne et n'a qu'un pla-
fond en bois. Le chœur est orné d'un rétable du xvii* siècle, comme on en voit
en plusieurs autres vieilles églises de l'Armagnac. Quant au clocher, que l'on
commençait à bâtir en 1546, il est resté à l'état de projet.
— 81 -
estre employé u la continuation du clocher qu'ils ont faict
commencer d'édiffier au devant la porte de lad. esglise, pour
ce que icelluy quy est pour le presant n'estre poinct suffisant
pour les cloches quy sont, car est ung peu trop petit et mal
fondé, et que quand on veult sonner lesdictes cloches à grand
bandol, led. clocher tremble. »
La visite de Téglise de Maulicherre, faite le lundi 22 novem-
bre^ confirma cette dernière déposition. On la trouva en effet
« assez mal baslie et ediffiée, et en icelle avoir besoing de
grandes réparations, mesme à paracTiever le clocher d'icelle
quy n'a guère esté que commancé, pour ce que celluy quy y
est de longtemps est trop faible pour porter la charge des
cloches qui y sont. » L'ordonnance, qui suivit la visite, con-
damna les marguilliers de Maulicherre à donner au collège
6 écus sur la cueillette de Tannée présente, et la moitié des
revenus des années futures.
Vint ensuite Pierre de La Razet, marguillier de Téglise Saint-
Michel d'Arparens (1). Il dit qu'il n'y a point en ce moment
de revenu appartenant à la fabrique « pour ce que quatre ans
sont passés le revenu d'icelle feust bailhé à ung M"* massx)n
en payement de certaines murailhes qu'il avoit faictes en
leurd. esglise, et le retirera encore pour l'année prochaine
venante, comme peut apparoir par instrument sur ce passé et
retenu par M* Pierre Bethous, notaire de La Leugue. » Ce
revenu ne dépasse pas d'ailleurs en moyenne six ou sept écus
petits, non compris les aumônes données par les bonnes
gens pour le luminaire de l'église. « Lesquelles ils ont employé
pour l'entretenement des luminayres de leurd. esglise, à
laquelle pour le presant n'a gueres besoing de réparation, car
Font-ils tousiours faict reparer le mieulx qu'ils ont peu du
revenu de lad. fabrique et dehles d'icelle. » M' Claverie accepta
(1) Arparens (Gers), annexe de Fusterouau, canton d'Aignan. Cette église
n'est pas mentionnée dans lés Fouillés d'Auch du moyen âge, non plus, d'ail-
leurs, que quelques autres, qui cependant existaient à Tépoque des Fouillés.
L'église d'Ari>aren8 est actuellement en très bon état, comme en 1546.
— 8Ô —
pleinement ce rapport, et, sans aller y voir autrement, or-
donna que la moitié du revenu de cette fabrique serait à l'ave-
nir appliqué au collège d'Auch.
« Et tout incontinant » se présentèrent les fabriciens de
l'église Saint-Pierre de Mauriel (1), Pierre de Baillenx et
Jehan de La Fonlan, portant deux livres de comptes, Tun
« vieulx, couvert de parcbemyn, presque du tout moysi»,
l'autre « couvert de peau rouge, » Ils déclarent que le revenu
de la fabrique est de 38 écus petits environ. Mais cet argent
et celui de l'année pas^sée, c'est-à-dire 77 écus petits, ont
été donnés, comme il appert d'un acte retenu par Labadie,
notaire de Maulicherre, « pour la réparation à neuf de leurd.
esglise, quy est à presant bien reparée et en tel estât que n'y
a besoing grandes réparations, fors que conviendra encore y
employer quatre à cinq escuts petits pour parachever deux
petits pilliers quy sont fort anciens, et y a assez matière pour
les achever.J]» Devant ce [rapport, la commission s'abstint,
comme pour Arparens, de visiter Mauriet, et M« Claverie ren-
dit une ordonnance par laquelle tous les fruits décimaux de
l'église furent adjugés au collège; la fabrique ne conserva
pour elle que les créances diverses qui lui étaient dues.
Toutes ces ordonnances avaient été rendues à Sarragachies.
Le lundi 22 novembre, dans la matinée, nos magistrats quit-
tèrent ce dernier village et se mirent en route vers Riscle.
Ils prirent un chemin qui les conduisit, non sans faire un
détour considérable, par Caumont, Maulicherre et Tarsac, à
Riscle, où ils firent séjour, pour y entendre les marguilliers
des paroisses environnantes.
A. BREUILS.
{A suivre.)
(1) Mauriet (Gers), annexe de Saint-Martin, canton de Nogaro, Ecclesla de
MaurietOy ancienne paroisse de Tarchidiaconé d'Armagnac. L'église possède une
vieille voûte en brique, et on n'y voit point trace de piliers. Les piliers, mention-
nés dans le Procès- Verbal, devaient être ceux d'un cloitre qui existe encore^
quoique très ancien, et s'appuie à l'un des murs de l'église, formant ainsi un
porche très vaste.
DIVERSES LETTRES INÉDITES
DliS
FILS DE BLAISE DE MONLUC
xc)
Lettre de Fabien de Mordue^ dernier fila du maréchal^ à Robert
de Goniaut, prieur de Sainte-Licrade (1).
Monsieur, le anvoye mon frère (2) devers vous pour vous dire Tese
et le conlantemant que ie eu ayant antandu que Monsieur de Monluc
vous avoyet choisy pour avoyr l'evesché de Condom (3). Au reste ie
luy ey dit quelque chose pour vous dire de ma part; ie vous prie le
croyre comme moy mesmes, e espérant que vous vouldrés montrer
an cecy mon amy, comme ie veus fere an vostre endroyt an tout ce que
me sera possible^ ne vous feré plus longe lettre, remetant le reste au
(•) Les chiffres romains placés en tcte de ces lettres font suite à ceux des
Deux lettres de Joachim de Monluc (Voir au t. préc, p. 523).
(1) Sur Fabien de Monluc voir les Commentaires ^ tome i, p. 15; tome m,
passim. Sa biographie a été très bien résumée par M. de Ruble (tome i, p. 15,
note 1). Contentons- nous de rappeler qu'il suivit son frère Pierre-Bertrand dans
la malheureuse expédition d'Afrique; qu'il épousa, le 9 janvier 1570, « l'héritière
de Montesquiou », comme dit Biaise de Monluc (tome i, p. 15); qu'il fut blessé
au siège de Uabasteins et tué (septembre 1573) à l'assaut de Nogaro.
(2) Ce frère devait être le chevalier Jean de Monluc, futur successeur de
Robert de Gontaut sur le siège de Condom.
(3) M. le comte Hector de La Perrière (Lettres de Catherine de Médicis,
tome II, 18S5, p. 235) cite notre document en une note sous une lettre de la
reine-mère à l'auteur des Commentaires touchant l'évêché de Condom (22 novem-
bre 1564) et, se trompant plusieurs fois, il présente ce document comme « une
lettre de Charles de Monlac félicitant Sainte-Liorade (sic pour le prieur de
Sainte-Livrade), un desjils d'Antoine de Noailles, de ce que Biaise de Monluc
lui a assuré l'évêché de Condom ». On voit par la lettre de Catherine de Médicis
à Biaise de Monluc que ce dernier fut obligé de partager l'éoêché de Condom
avec Jean de Morvillier, évèque d'Orléans. Conférez les lettres de Biaise de
Monluc, tome iv, p, 360; tome v, p. 13 et suiv.
— 84 —
presant portur, me recomandant bien humblemanl à vostre bonne
grâce, priant Dieu,
Monsieur, que an santé vous doynt uruse et loungue vie.
De Flamarens, ce disiesme de desambre 1564.
Vostre meilleur amy prêt à vous fere service,
F. DE MONLUC.
le ne vous manderé rien de la maladie de Monsieur de Monluc,
m'asurant que mon frei*e vous dira comme tout et pasé (1).
XI
Lettre de Fabien de Monluc à Robert de Goniaut, éoéque de
Condom»
Monsieur, Il y a un marchant de Condom nomé Langlade auquel ie
doys 135 livres 18 sols. Si vous avez le moyen après la racolte de les
luy payer, me feriez un bien grand plesir (2). le vous prie ne trouver
estrange que ie vous emploie si souvant : car la necessyté là où ie me
trouve me le commande. En recompance de tant de biens et plaisirs que
ie resoys de vous, ie vous en rendrai toute ma vie amytié et service,
autant que à tous les omes du monde. le espère vous aller voyr devant
mon partemant, qu'et fin (3) après m'estre recommandé de bien bon
cur à vostre bonne grâce, priant Dieu,
Monsieur, que an santé vous doynt uruse et loungue vie.
De Bourdeaux, ce 12 de juillet 1566.
Vostre millur neveu prêt à vous fere service,
F. DE Monluc (4).
(1) Bibliothèque Nationale, fonds français, n* 20,462, f* 145. Copie.
(2) On voit que déjà, à cette époque, les neveux considéraient les oncles
comme on les considère dans la spirituelle variante du vers de Legouvé :
« Un oncle est un caissier donné par la nature. »
(3) C'est-à-dire : « ce qui est la fin de ma lettre. »
(4) Bibliothèque Nationale, fonds français, n' 20,462, M15. Copie.
— 85 —
XII
Lettre du chevalier Jean de Monluc, troisième fils du maréchal (!)_,
« A madame la duchesse de Ferrare » (Renée de France).
Madame, j'ai comendement de monseigneur le duc d'Anjou de me
aler mètre dedens Montargy avec des companies de mon régiment pour
le service du Roy, et m'a dict qu'il vous a escript et faict escrire à la
magesté du Roy pour vous prier de me recepvoyr pour faire son dict
cervice et vostre; et à ceste cause, madame, je vous envoyé ce gentil-
home présent porteur pour vous le faire entendre et pour vous suplier
très humblement me mander incontinent vostre voulounté et vous
assurer qu'il n'y eust seu envoyer personne qui soyst plus prest à vous
faire très humble cervice que moy quand il vous plairra me co-
mender.
Madame, je prierai Dieu vous donner en perfaicte santé très heu-
reuse et longue vie.
De Sans, ce vi« de février 1568.
Vostre très humble serviteur,
Le chevalier de Monluc (2).
(1) Sur Jean de Monluc, chevalier de Malte, prince de Chabanais, évêque de
Condom de 1571 à 1581, voir les Commenlaires, passim, mais surtout tome i,
p. 15, où Ton trouve cet éloge de sa vertu guerrière : « Et croy que s*il eust
suivy les armes, il n'eust guières esté moingz que ses frères, car son commen-
cement l'a démonstré, tant pour la réputtation qu'il a acquize au siège de Mal-
the, que là où il s'est trouvé par deçà ». M. de Ruble (note de la page 14) fait
mourir Jean de Monluc en 1585. Voici ce que dit à ce sujet M. Philippe Lauzun
(Lettres inéditea de Marguerite de Valois, xi* fascicule des Archices histori-
qties de la Gascogne, p. 31, note 2) : « Il résulte des Archives de Condom et
des minutieuses recherches que notre savant compatriote M. J. Gardère y a
bien voulu faire pour nous, que l'évéché de Condom devint vacant en ce temps-
là par la mort du titulaire, Jean de Monluc. qui arriva le 6 août 1581, à quatre
heures du soir, et non à la Un de janvier 1582, comme le dit dans son Supplé-
ment à VHistoire de la Gascogne, p. 571, le chanoine Monlezun. Le lendemain,
les consuls annoncent cet événement à la jurade. » Les auteurs du Gallia chris-
tiana (tome ii, colonne 969} n'avaient pas donné la date de la mort de Jean de
Monluc. Voir à V Appendice (n* m) un Extrait du testament de Jean du Che-
min, éoêque de Condom, relatif à son prédécesseur et bvei\faiteur le comman-
deur de Monluc.
(2) Bibliothèque Nationale, fonds français, n* 2,218, f* 76. Original.
Tome XXX. 7
— 8« —
XIII
Lettre de Fabien de Monluc au duc d^ Anjou.
Monseigneur, suyvant le commandement qu'il vous pleust me fere
estant à la court je suyz en ce payz aveq Monsieur l'Admirai (1). Mays
entendant que vous faictes armée je me prépare pour vous aller trou-
ver aveques ma compaignye; car vous estant monmaistre, jene pretendz
bien ny honneur d'aultre que de vous, et par mesme rayson j'y veulx
bazarder ma vye et celle de mes amys auprès de vous, supliant très
humblement vostre grandeur de m'onorer tant de me commender que
je vous ailhe trouver (2). Monsieur de Monluc mon père s'en va vous
trouver aveques grand volonté de vous fere service, comme je espère que
cognoistrez (3). Je me tiendray tout prest pour marcher à vostre premier
commandement.
Monseigneur, je supplye le Créateur qu'il maintienne Vostre Gran-
deur en toute prospérité et vous doint tout ce que dessirez.
De Montesquieu (4), ce xxvi décembre (1572) (5).
Vostre très humble et très obeisant serviteur,
Fabian de Monluc (6).
(1) Honorât de Savoie, marquis de ViUars, lut amiral de France depuis la fin
d'août 1572 jusqu'en 1578. Il mourut maréchal de France en 1580. Il avait suc-
cédé à Biaise de Monluc dans le gouvernement généml de la Guyenne. L'auteur
des Commentaires a dit deux mots de son successeur (tome m, p. 434 et 527).
(2) En réponse à cette prière, le duc d'Anjou écrivit à F. de Monluc, le 27 jan-
vier 1573, de venir le joindre devant la Rochelle. Voir Commentaires, tome m,
p. 527, note 4.
(3) Biaise de Monluc, accompagnant le duc d'Anjou, arriva, le 12 février 1573,
devant la Rochelle. Voir, dans Quelques pages inédites de Biaise de Monluc, le
mémoire qu'il rédigea au sujet de ce siège et qu'il adressa au futur Henri III
(p. 6-15).
(4) Aujourd'hui chef-lieu de canton de l'arrondissement de Mirande, à 20
kilomètres d'Auch. On écrivait tantôt Montesquieu, tantôt Montesquieu. La
terre de Montesquieu avait été apportée à Fabien de Monluc par sa femme. Anne
de Montesquieu, qui devint par la mort de ses frères Tunique héritière de Jean II,
baron de Montesquieu.
(5) Quelques mois plus tard, F. de Monluc mourut dans des circonstances
qu'il faut laisser raconter à son père (Commentaires, tome m, p. 527) : « Je per-
dis, pour mon dernier malheur, mon fllz Fabian, seigneur de Montesquieu,
lequel, voulant forcer une barricade de Nogaro, feust blessé d'une arquebusade.
de laquelle il mourut. Encor qu'il feust mon fils, je puis dire qu'il estoit bien né
et valeureux. Cela me cuida accabler d'ennuy ; mais Dieu me donna le couraige
de le pourter, non pas comme je de vois, mais comme je peuz. » Conférez Bran-
tôme, Grands capitaines français, tome iv de l'édition de M. Lud. Lalane, p. 44.
(6) Bibliothèque Nationale, fonds trançais, n* 15,558, f 217. Original.
— 87 ^
XIV
Lettre de Marguerite de MonluCy fille du maréchal (1), à Robert
de Gontaut, évêque de Condom,
Monseigneur, i'ay réseau la lettre qu'il vous a pieu m'escripre et
vous remercie très humblement de la peyne qu'il vous plaict prendre
pour moy. Il ne m'est possible faire vostrecontentemant si tost que me
mandés par vostre lettre à cause que sommes icy toutes seuUes sans
aucqu'une monture. Monsieur le capitayne Monluc (2) s'en a tout
amenné à Mages (3) il y a quinze iours. Des que i'eus resseu les lettres
de Monsieur et Madame de Monluc, qui feut mardy de matin, madame
de Caupenne (4) luy dcspescha pour les luy apporter affin qu'il nous
envoyast des chevaux; n'en avons encores heu nulles nouvelles; y en
mandons un autre sur l'eure presante des incontinent ne faire faute de
partir s'il est besoing; par quoy, monsieur (5), puis que l'élection tumbe
(1) Marguerite était la fille ainée de Biaise de Monluc (premier lit). Tout ce
que Ton savait d'elle jusqu'à ce jour, c'est qu'elle fut religieuse au monastère
de Prouilhan (diocèse de Condom). La présente lettre nous aidera à un peu
mieux la connaître. Rappelons qu'une de ses soetirs, Marie, fut religieuse au
monastère du Paravis (diocèse d'Agen), et qu'une autre sœur (du même lit),
nommée Françoise, épousa (janvier 1555) le baron de Fontenilles, déjà mentionné
dans les notes précédentes. Les trois demi-sœurs de Marguerite, filles d'Isabeau
de Beauville, furent : 1* Charlotte- Catherine, mariée (décembre 1581) avec
Aymeric de Voisins, baron de Montant; 2' Suzanne, mariée (décembre 1581)
avec Henri de Uochechouart-Barbazan, baron de Faudoas ; 3* Jeanne-Françoise,
mariée (octobre 1587) avec Daniel de Talleyrand-de-Griguols, prince de Cba-
lais.
(2) C'était Pierre-Bertrand de Monluc, second fils du premier mariage de
Biaise. 11 avait été fait capitaine à l'âge de 17 ans, comme on le voit dans une
lettre de l'évêque de Valence (p. 47 de mon recueil); il fut tué à Madère en août
1566. Il était toujours appelé le capitaine Monluc. Voir sur cet intrépide aven-
turier une étude spéciale de M. Paul Gaffarcl dans la Reoue historique de juillet
1879 (p. 273-332) sous ce titre : Le capitaine Peyrot Monluc.
(3) Peut-être Magescq, commune du département des Landes, arrondissement
de Dax, canton de Soustons, à 68 kilomètres de Mon t-de- Marsan.
(4) C'était la belle-mère du capitaine Monluc, lequel avait épousé, le 6 juillet
1563, Marguerite de Caupenne. Cette belle-mère s'appelait Françoise de Cauna;eUe
était mariée à François, seigneur de Caupenne. Voir Gènéaîogio de la maison
de Caupenne, dans le tome ni de V Armoriai des Landes, par le baron de Cauna
(Paris et Bordeaux, 1869, p. 193).
(5) Marguerite, après avoir donné du Monseigneur à Robert de Gontaut au
commencement de sa lettre, croit avoir fait assez et se contente de l'appeler
monsieur: seulement elle revient au titre de Monseigneur dans la formule
finale.
— 88 —
vendredy qui est demain (1), ie voudrais scavoir, si estoit voslre bon
plaisir, comme elles en auront arresié puisque ne m'y puis trouver en-
core, pour ne prandre point unne mocquerie. Aussi, monsieur, ie vous
vouldrois suplier très humblemant adviser si en prennant ceste charge
ce pourra estre gueres mon ayse ny advantage. J*ay telle fiance en
vous, monsieur, que ne me prouchasserez iames chose que ie ne m'en
doy ve contenter et me tiens fort obligée de ce bien et autre qu'ay resseu
de vous pour vous en faire toute ma vie très humble service. A quoy
m'employeray en toutz les endroictz qu'il vous plaira me comander et
que Dieu m'en donrra le moyen, d aussi bon cœur que luy prie,
Monseigneur, vous donner en santé longue vie et à moy vostre bonne
grâce, laquelle sallue de mes très humbles affectionnées reconunanda-
tions.
De Cauna (2), ce 15.
Par vostre très humble obéissante cousine,
M. MONLUC.
Madame de Cauna (3) m'a com^ndé vous présenter ces très humbles
recommandations à vostre bonne grâce (4).
ph. tamizey de LARROQUE.
(1) S'agissait-U de Télection d'une abbesse ou de quelque autre dignitaire du
monasti^re de Prouilhan? Malheureusement les auteurs du Gallia christiana
n'ont pas consacré de notice à ce monastère et lui ont seulement accordé une
mention de deux lignes (tome ii, colonne 960) : « An. 1277 conditur nobile cœno-
bium de Ponte- Viridi, seu de Prulliano, monialium ordinis Dominicani a
Vienna de Gontaldo ».
(2) Commune du département des Landes, canton et arrondissement de Saint-
Sever, à 8 kilométrée de cette ville, à 23 kilomètres de Mont-de-Marsan.
(3) M"* de Cauna devait être Jeanne d'Abzac de Ladouze, qu'Etienne de Cauna,
seigneur de Cauna, épousa après avoir perdu sa première femme Eléonore de
Pouylehaut. La seconde M"* de Cauna était donc la belle-mère (ou marâtre) de
M"' de Caupenne.
(4) Bibliothèque Nationale, fonds français, n* 20,462, f* 103. Copie.
BIBLIOGRAPHIE HISTORIQUE.
Publications du département des Basses-Pyrénéqs.
I
Recherches historiques sur le pays basque, par Tabbé Haristoy, curé
d'Irissarry. Tome u: V galerie basque de personnages de renom; 2* les
fors et coutumes des trois provinces basques cis-pyrénéennes. Bayonne,
E, Lasserre; Paris, H, Champion, 1884. 1 vol. in-8* de vi-568 p.
La Revue de Gascogne a parlé, en 1884 (1), du premier volume de
ces ReckercheSy publié Tannée précédente. Elle est bien en retard avec
le second, qui lui est par\enu vers la fin de 1885. Pour tout dire, je
Tai perdu longtemps de vue par un accident qui n'étonnera pas ceux qui
me connaissent. Je puis ajouter, heureusement, que le livre est de ceux
qui gardent durant de longues années leur fraîcheur et leur intérêt et
qui, vieax ou jeunes, méritent une bonne place dans les bibliothèques
provinciales et une mention honorable dans les recueils comme celui-ci.
Des deux parties qui composent ce volume, la seconde n'a besoin que
d'être indiquée pour attirer l'attention des hommes studieux. Elle est
composée de textes juridiques et ne renferme, sauf un petit nombre de
notes utiles, aucun commentaire personnel. J'aurais voulu seulement
que l'auteur ajoutât une bibliographie explicite et complète au sage et
modeste avertissement (p. 379-380) qui précède sa traduction des trois
codes du pays basque cis-pyrénéen : Fors de la Soûle; Fors du
Labourd ; Fors de la Basse-Navarre, D'autres auraient préféré le
texte original à une traduction française; mais la masse des lecteurs
auxquels s'adressait M. Haristoy avait sans doute d'autres désirs, qu'il
a bien fait de satisfaire.
Les personnes peu familières avec l'histoire du droit dans nos con-
trées ne seront pas fâchées de trouver ici les quelques indications qui
précèdent, dans ce volume, les trois fors du pays basque, rédigés et
imprimés tous les trois, au xvi® et au xvii® siècles, en béarnais.
Les Coutumes générales de la Soûle furent « publiées et accordées
par-devant M® Jean Dibarrola », conseiller du roi au Parlement de Bor-
(1) Wicuc de G., t. xxv, p. 234-242.
.^
_ 92 —
bonne à citer ici, parce que la première édition des Lettres édifiantes
ne se trouve pas partout :
« Le P. Jean-Baptiste du Haldeétoit depuis trente-deux ans chaîné
du soin de recueillir les mémoires de nos missions..., lorsqu'il mourut
en 1743, âgé de 70 ans. — Vous sçavez avec quel succès il a fourni
cette longue carrière. Dix-huit tomes qu'il a publiés, et qui sont égale-
ment goûtés des sçavants et des personnes vertueuses, prouvent jus-
qu'où alloicnt ses soins, ses recherches et ses connoissances. ^- Il
avoit acquis à cet égaini des lumières si sûres et si abondantes qu'il se
trouva en état de donner au public en 1735 une description générale do
l'Empire de la Chine et de la Tartarie chinoise, en quatre volumes
in-folio; grand et magnifique ouvrage, dont le projet et l'exécution ne
demandoient rien de moins qu'un esprit étendu, aisé, versé dans les
langues, actif et laborieux.
. » Tel fut en effet le P. du Halde. Il se distingua toute sa vie par un
goût fin et délicat pour les belles-lettres, par sa pénétration dans les
hautes sciences, et par un travail constant qu'il ajouta aux heureuses
dispositions qu'il avoit reçues de la nature. Mais il se distingua encore
plus par les qualités du cœur. C'était un homme doux, sociable, obli-
geant^ plein de probité et de droiture. Caractère solide qui lui concilia
une estime universelle et qu'il sçut rehausser par toutes les vertus qui
font le religieux régulier et parfait. — Ce zèle qu'il célébmit si bien
dans les autres, il en étoit lui-même tout pénétré. Une congrégation
fervente étoit, pour ainsi dire, sa chère mission. Il la cultiva pendant
plus de trente ans; et il le fit avec cette ardeur vive et infatigable qui
caractérise les ouvriers vraiment apostoliques. »
Je ne veux pas quitter les Recherches historiques sur le pays bas-
que sans dire que ce modeste et méritoire travail avait obtenu, après
le suffrage de l'évêque diocésain, signalé dans mon premier article,
l'approbation fortement motivée du métropolitain de la province, Mgr de
Langalerie, de sainte et douce mémoire.
II
La commanderie et l'hôpital d'Ordiarp, dépendance du monastkre de
RoNCEVAUx, EN SouLE \Basses-Pyrénêea); étude historique sur les rela-
tions de Tabbaye espagnole avec les diocèses d'Oloron, de Bayonne et de
Parapelune, les souverains de Navarre et les rois de France, depuis le
xn* siècle jusqu'au xix*, par M. Tabbê V. Dubarat, aumônier du lycée
de Pau. Pau, Léon RlbatU; Paris, Alpfu Picard, 1887. 1 vol. gr. in-8'
de vi-345 p.
— 93 —
L'ancien couvent des Carmes, de Bayonne, par le même. Bayonne, imp,
Lamaignére, 1887. Gr. iii-8' de 60 p.
Vie du serviteur de Dieu Louis Brroz, frère convers bamabite..., par le
R. P. Innocent Gobio, trad. de Titalien par le même. Pau, imp, Vigncm-
cour, 1887. In-18de x-138 p.
Ordiarp est une localité bien modeste du pays de Soûle; les diction-
naires géographiques et les histoires provinciales sont muets, ou peu
s'en faut, sur cette vieille petite ville basque. Cependant, comme elle a
eu jadis une « commanderie (1) » dépendant de Tillustre abbaye de
Roncevaux, M. l'abbé Altharbe, curé d'Ordiarp, a été curieux d'en pos-
séder l'histoire; et son cousin, M. l'abbé V. Dubarat, aumônier du
lycée de Pau, grâce aux conseils et aux communications de quelques
chercheurs passionnés, mais surtout avec le secours des riches Archives
départementales des Basses-Pyrénées, a pu la lui offrir, non pas dans
une mince plaquette, comme il y avait lieu, ce semble, de s'y attendre,
mais dans un beau et solide in-8°, dont les 340 pages compactes ne
renferment rien de trop. D'ailleurs l'intérêt qui s'attache, d'une part à
rhospitalité du moyen âge, d'autre part au nom épique de Roncevaux,
semble relever l'importance du sujet.
Il faut ajouter tout de suite que l'histoire proprement dite, la narra-
tion, n'absorbe pas la moitié du volume, dont le reste est occupé par des
pièces inédites, au nombre de près de cent, quelques-unes très intéres-
santes, toutes utiles. Dans la partie narrative elle-même, je crois devoir
passer par-dessus les premières pages, relatives soit à la Soûle en géné-
ral, soit à Roncevaux. Sur l'histoire de la Soûle, il y aurait bien quel-
que chose à dire; mais après tout ce n'est qu'un résumé sans grande
conséquence. Sur Roncevaux, M. Bladé a déjà promis aux lecteurs de
la Revue des notions sommaires et précises, sur lesquelles il serait
oiseux d'anticiper. Parlons seulement d'Ordiarp.
L'histoire de cette commanderie n'occupe pas moins de vingt chapi-
tres (lII-XXIIl).
La population de la commune d'Ordiarp est évaluée aujouixi'hui à
900 habitants. La ville (2) est située à 5 kilomètres S.-O. de Mauléon
(1) Il est peut-être bon d'écarter ici, au moins dans une note, l'idée chevale-
resque, militaire, que beaucoup de lecteurs seraient portés à donner à ce mot.
Les établissements dépendant pour le spirituel et le temporel de Roncevaux s'ap-
pelaient commandcries. et les ecclésiastiques qui en étaient titulaires portaient
le nom de commandeurs, l^ commanderie d'Ordiarp n'est donc autre chose que
l^ôpital du même nom, quoique certaines personnes fassent mal à propos, même
sur les lieux, cette distinction.
(2) Ordiarp ou Urdiarp (racine urdla» cochon, arpia, retraite) possède encore,
quoique en mauvais état, son église romane à trois nefs sous le titre de Saint-
— 94 —
de Soûle, dans un pays très montueux. Là s'élevait au moyen âge, loin
de toute route battue, im hôpital, ou maison hospitalière pour les pau-
vres et les pèlerins, mentionnée dès 1270. Un acte plus ancien de près
d'un siècle (1189) révèle simplement l'existence à Ordiarp d'une com-
munauté paroissiale. L'hôpital aété fondé entre ces deux dates. L'historien
réfute fort bien les opinions qui attribuent cette fondation soit à Char-
lemagne, soit aux croisés, soit aux seigneurs de Soûle, etc. et raisonne
ensuite de la sorte : Depuis le 13® siècle, le monastère de Roncevaux
dessert la paroisse d'Ordiarp à titre de curé primitif; or jusqu'en 1189
au moins, c'est une communauté étrangère à Roncevaux qui faisait ce
service; donc cette communauté a dû céder ses droits et ses charges- à
l'abbaye espagnole. Et cette uniof, des deux bénéfices a dû avoir lieu
peu avant 1270; car les Statuts de Roncevaux de 1282 semblent encore
compter l'hôpital d'Ordiarp parmi les acquisitions nouoelles (1) et l'his-
torien inédit de Roncevaux, Huarte, les interprète en ce sens, —
Disons ici que l'acte de 1189 (Jugement de Géraud, archevêque d'Auch,
en faveur d'Ordiarp), et des extraits des statuts de Roncevaux de 1282^
figurent au premier rang des pièces justificatives.
L'histoire d'Ordiarp se déroule naturellement sous la série de
ses commandeurs ou prieurs, à partir de 1270. Il y a là, malgré les
obscurités que le temps ne manque pas de faire sur le passé d'un
établissement d'ordre inférieur, une foule de traits précis d'histoire
ecclésiastique et féodale, de mœurs, de géographie, de droit local. Ce
qui domine la destinée d'Ordiarp, c'est la question de sa dépendance par
Michel, et tout autour des constructions sans caractère. Toutefois, les deux
maisons nobles qui s'élevaient autrefois dans sa juridiction, subsistent, quoique
déchues de leurs titres ; Tune, imposante encore par sa forte masse, est passée à
l'état de métairie, c'est Geintein; l'autre se nomme Ahetze. M. de Jaurgain, si
profondément versé dans l'histoire nobiliaire du pa>s basque, a communiqué à
M. l'abbé Dubarat, qui leur a donné place vers la fln de son volume, les impor-
tantes généalogies des seigneurs de Geintein et des Tardets d'Ahetze.
(1) Un curieux tableau (Arch. des Basses-Pyr., G 219), reproduit sous le nom-
bre I aux Pièces justificatives de ce volume, offre un coup d'œil saisissant des
principales possessions françaises de Ronoevaus. — Sur la ligne du milieu qui
tombe verticalement sur la chaîne des Pyrinbs montes et sur Vhospital gênerai
de Roncocaux, on lit : Burdeaus, RecaUIoa, Arçoriz, Yerralarre et cette expli-
cation : « commanderies avec hospitaux. » — Sur la ligne obliqua de gauche, se
dirigeant comme la précédente vers Roncevaux : Baco/ia, Bonloc, Vidarray,
Boneofiseil, et cette rubrique : « Toutes ces commanderies sont granges ou
administrations, sauf Bonloc qu'est bénéfice, et en toutes il y a un petit hospital
pour recevoir les pèlerins passans; et les revenus sont portés à Roncevaux. t%
— Enfin, sur la ligne oblique de droite, aboutissant toujours à Roncevaux :
Tolosa, Samatan, Casaus, Urdiarbe et Alçu: « il y a obligation de tous ces
hospitaux porter à Roncevaux les pèlerins passans malades à chival, aux despeua
de Roncevaux. »
— t6 —
rapport à Ronoevaux. Une bulle de Sixte IV (pièce justificative vu),
obtenue en 1477 par le chapitre de Ronoevaux, lui maintient expressé-
ment le droit exclusif de nommer les titulaires de toutes les conunan-
deries qu'il possède à cette date et au nombre desqudles figure Ordiarp.
Rien ne semblait plus simple^ plus clair et plus décisif. Et en effet les
ebanoines de Ronœvaux se succèdent dans l'adminiâtration de ce
bénéfice (sous Tun d'eux, D. Pedro de Saint-Jean, est rédigé en espa-
gnol un curieux dénombrement de la commanderie, inséré en entier,
sous le nombre ix^ aux pièces justificatives). Arnaud de Béon, évèque
d'Oloron, vise la bulle de Sixte IV au commencement du xvi^ siècle.
Les rapports des deux bénéfices ne paraissent pas même troublés pen-
dant la guerre de 1512-1523 entre la France et l'Espagne. Mais dès
1530 un prétendant, en vortu d'un titre obtenu en cour de Rome, fait
échec à l'élu du chapitre de Roncevaux, et pendant assez longtemps la
succession des commandeurs présente des difficultés que l'historien
n'est pas arrivé à résoudre toutes, quoiqu'il ait obtenu, ce semble, toute
la lumière possible avec les documents subsistants. La période des
guerres de religion augmente encore le désordre de toutes les adminis-
trations ecclésiastiques et les embarras de l'histoire*
Tout semble s'éclairer à partir d'Arnaud de Maylie, fils de ce terrible
catholique qui fit tomber à coups de hache la chaire où prêchait l'évo-
que demi-huguenot Gérard Roussel. Arnaud est investi de la comman-
derie d'Ordiarp par l'évèque d'Oloron en 1590; la raison canonique de
cette nomination, c'est que le bénéfice vaquait depuis longtemps par la
mort du titulaire. Malgré toutes les réclamations de Roncevaux, le nou-
veau commandeur se maintient et défend sa cause devant la cour de
Lixarre, dont l'arrêt (1592) sépare à jamais Ordiarp de l'abbaye espa-
gnole. Arnaud de Maytie essaya lui-même, il est vrai, de rétablir
l'union, mais il mourut (1622) sans que la négociation eût abouti.
Roncevaux, cependant, ne disparaît pas tout de suite de l'histoire
d'Ordiarp. Un long procès entre un élu du chapitre espagnol, Pierre de
Uriz, et deux titulaires diocésains, Pierre d'Etchart et Dominique de
Chabos, est vidé en 1627 au profit du dernier. La guerre entre la France
et l'Espagne et les conférences qui suivent la paix des Pyrénées achè-
vent de fixer le nouvel état de la commanderie émancipée. Roncevaux
fait néanmoins valoir encore ses droits sur tel ou tel bénéfice du dio-
cèse de Rayonne. Mais dans les longues guerres entre la France et
l'Espagne, « les chapitres de Rayonne et de Roncevaux voyaient leurs
biens sans cesse confisqués par des lettres de représailles, et des procès
sans fin épuiser leurs ressources. On comprit de part et d'autre qu'un
-^ 9è —
échange de biens réciproque mettrait fin à des revendications incessan-
tes. L'accord se fit et le contrat fut conclu au palais épiscopal de
Bayonne, le 12 février 1712. » Cet acte important pour la géographie
ecclésiastique fut ratifié par les deux couronnes et confirmé par le pape
Clément XL
Peu après (1715), Thôpital d'Ordiarp fut transporté à Mauléon. L'his-
torien en étudie les règlements nouveaux, qui ont certes leur intérêt,
comme les très nombreux détails relatifs à l'histoire des deux derniers
siècles que je passe entièrement sous silence pour abréger. Quelque
étroit que paraisse le cadre imposé par son sujet à Thistorien d'Ordiarp,
j'ai fait au moins entrevoir que Thistoire diocésaine de Bayonne et
même celle des rapports entre la Gascogne et l'Espagne sont souvent
intéressées dans ses recherches. Il n'est que juste d'ajouter que ces recher-
ches ont été très bien dirigées, très fructueuses et très convenablement
présentées,
Cet ouvrage est à peu près un début, si je ne me trompe; mais c'est
un début des plus brillants. Il reste ça et là quelque trace d'inexpérience,
par exemple au sujet des généalogies de la charte d'Alaon. Mais l'usage
familier et intelligent des textes inédits, l'étendue des vues, la sûreté
ordinaire du coup d'oeil y trahissent déjà une vraie vocation.
— La curiosité historique du savant aumônier s'est portée sur bien
d'autres parties de l'histoire ecclésiastique et surtout monastique de son
pays. Malheureusement beaucoup de ses recherches, confiées à des
feuilles locales ou à l'excellent Bulletin catholique de Pau, qui édifie
deux ou trois diocèses, mais qui ne subsistera peut-être presque nulle
part en collection, risquent bien de ne pas arriver à bon nombre de lec-
teurs fort intéressés à leur faire bon accueil. Voici du moins une notice
sur l^ Ancien couvent des Carmes de Bayonne qu'un tirage à part nous
permet de mettre et de conserver à son rang parmi les monographies
conventuelles de notre pays.
La partie historique de cette notice n'est pas aussi riche qu'on pour-
rait le désirer. C'est peut-être un peu la faute du temps et des hommes,
qui ont trop peu respecté les monuments de l'histoire des Carmes de
Bayonne. Il faut dire cependant que les Archives départementales des
Basses-Pyrénées renferment bien des pièces dont M. Dubarat n'a pas
voulu faire usage, pour se restreindre dans des Hmites qui lui étaient
peut-être imposées. Mais qu'il prenne ailleurs sa i-evanche et, non
content de nous livrer, comme il Ta fait ici, l'acte de fondation du
premier couvent des Carmes de Bayonne en 1264, qu'il nous montre
aussi ce qu'il nous fait seulement entrevoir : « les privilèges consi-
— 9T —
dérablcs accordés à ces religieux par les Souverains Pontifes, de
'Boniface VIII à Paul II, les conflits et les accords du Chapitre épis-
copal avec cet Ordre, les constitutions de rente et les reconnaissances
de cens faites en faveur des Carmes, les fondations d'obits et les lettres
patentes de nos rois, et enfin la copie des curieux statuts de la con-
frérie de Notre-Dame instituée dans Téglise de Tarride en 1352. »
Tarride était le nom d'un quartier situé hors des murs de Bayonne,
« non loin de la corderie actuelle », où s'éleva le premier carmel bayon-
nais, qui subsista jusqu'en 1510. Le duc de Longueville, gouverneur
de Guienne, le fit démolir à cette date par suite de préoccupations stra-
tégiques. Les Cannes demandèrent alors et finirent, non sans longues
discussions, par obtenir un autre emplacement dans l'intérieur des
murs. La première pierre du nouveau carmel fut posée le 1 3 mai 1513,
par un bienfaiteur insigne du couvent, nommé Boniface d'Albayts.
L'établissement prospéra et s'accrut de nombreuses acquisitions. « Au
XVIII® siècle^ le couvent des Carmes, beau et vaste, s'étendait de la rue
actuelle des Carmes jusqu'à la rue Lormand environ. Il comprenait
en 1752 une grande église dédiée à la Sainte- Vierge, avec de nom-
breuses chapelles latérales... Le nombre des religieux était de 15 ordi-
nairement, sans compter 4 ou 5 étudiants et 3 frères convers. Il y en
avait 17 en 1740, parmi lesquels 11 approuvés par l'évoque pour la
prédication et la confession. »
M. l'abbé Dubarat nous fait connaître, d'après un inventaire de 1668
et un autre de 1678, le mobilier du couvent, riche surtout en tableaux, —
dont rénumération deviendrait bien plus utile et intéressante si l'on
pouvait en .dire la valeur et indiquer s'ils subsistent encore et en quel
lieu; — l'argenterie et les ornements gardés à la sacristie; — surtout le
catalogue de la Bibliothèque. Cette liste bibliographique ne remplit pas
moins de vingt-quatre pages. Dans une brochure qui n'en compte pas
soixante en tout, on trouvera, je suppose, que c'est trop. Pour moi, je
l'ai lue tout entière et je n'ai pas eu grand mérite à cela, n'étant que
trop coutumier de lectures pareilles. Je dois dire cependant qu'au bout
du compte, la publication de ce catalogue est difficile à justifier, pour
deux motifs : premièrement, il n'est pas fort instructif en lui-même; les
livres de quelque curiosité (hérétiques, littérature profane, orateurs et
poètes français) pouvaient être signalés en moins d'une page, en négli-
geant le reste ou en marquant simplement le nombre des ouvrages de
chaque genre. En second lieu, la teneur de ce catalogue nous donne,
< surtout en ce qui concerne les noms d'auteurs, une médiocre estime
du copiste chargé de [le] rédiger. » Qui parle de la sorte? C'est M. l'abbé
Dubamt luir-mfime* Mais du moins il a dû corriger de son mieux
rorthographef Pas du tout^ il Ta « scrupuleusement conservée, » ce'
sont enoore ses propres termes. Singulier scrupule ! Car enfin les fautes
d*un pauvre ignorant ne peuvent avoir absolument aucun intérêt en
ellesrmêmes, et elles n'ont d'autre résultat que de créer des problèmes
pour les oisifs. Ainsi, que peut bien être un volume de la bible en
litiera trusonicaf Je propose teuionica (gothique), et je demande une
récompense. £t « Richissime tableau pour le roi » ? Lisez Richeome,
Tableau votif pour le roy Louis XIII y ou imposez-moi un gage, si
j'ai choppé. Et un traité de Senèque < avec les lettres de Malturbe » ?
Malturbet Malherbe ! c'est évident 1 Mais tout le monde corrigera-t-il
Taiarchi pour Tararetif,. Et comme je ne veux pas me faire plus
habile que je ne suis à débrouiller ce genre tout nouveau de devinettes,
je déclare en toute sincérité qu'il y en a ici beaucoup, mais beaucoup,
pour lesquelles je donne ma langue aux chiens, quoique j'aie dû acquérir
une certaine érudition livresque en lisant depuis quelque quarante ans
une déplorable quantité de catalogues de bouquins.
Malgré cette faute, — car c'est évidemment une faute de publier sans
le corriger un inventaire plein d'erreurs, — la brochure de M, Dubarat
est un bon premier apport à l'histoire des Carmes de Bayonne. Qu'il la
reprenne quelque jour et la mène tout entière à bien et nous lui devrons
trop de reconnaissance pour garder le moindre souvenir d'une pec-
cadille sur laquelle j'ai trop insisté.
— Pour le moment il prépare un travail sur un bien beau sujet qui
m'avait tenté dans le temps et pour lequel il a, aujourd'hui surtout,
plus de loisirs que moi et plus de matériaux à sa portée. Je v^ux parler
des Bamabitesde Béam. Un béarnais illustre, ou qui du moins mérite-
rait de l'être, Fortuné Colom, nouveau converti, entré dans la congré-
gation sur le conseil du cardinal d'Ossat et rappelé dans sa province
par Henri IV et par les évèques de Lescar et d'Oloron, établit les mis-
sions de Béam, fonda le collège de Lescar (1624) et fut le premier
provincial des Barnabites de France et de Piémont. Il mourut le 7
mars 1631, d'après une notice inédite trouvée Tan dernier à Bologne
et qui m'a été signalée par M. Dubarat. Les belles e( curieuses relations
qu'il écrivit lui-même de ses travaux apostoliques sont citées longue-
ment dans les Mémoires italiens de sa congrégation par le P. Barelli,
et c'est cette lecture qui m'avait mis en goût, il y a déjà de longues
années, de retracer cette guerre pacifique.
Or, parmi ses aides les plus modestes, mais les plus élevés en
sainteté, se trouvait un irère oonvers nommé Louis Bitoz, né à Bayon,
— Ô9 —
dans le diocèse de Nancy, en 1578, et qui mourut en 1617 à Monein.
Dans cette petite ville que Henri IV appelait le Paris du Béarn et ou
les Barnabites eurent leur premier établissement béarnais, frère Louis
avait déjà séjourné de 1611 à 1613. Il s'occupa surtout alors de l'en-
seignement du catéchisme, fit appliquer les règlements de saint Charles
Borromée sur cette matière et composa même une traduction béarnaise
de la Doctrine chrétienne du diocèse de Lescar, qui était en français et
dont on ne connaît pas aujourd'hui un seul exemplaire. Il fit depuis un
séjour à Saintes, mais il retourna dès 1614 à Monein pour y passer le
reste de sa vie, pleine d'oeuvres édifiantes, d'héroïques vertus et d'in-
signes faveurs célestes. Il y mourut en odeur de sainteté le 7 septembre
1617, à peine âgé de trente-neuf ans. « Encore aujourd'hui, écrivait
en 1630 le P. Colom, sa mémoire est en vénération auprès de tous :
les regrets qu'il a laissés sont toujours si vifs qu'il n'y a personne qui
ne pleure sa perte et ne dise que la mort de Louis a été un grand
malheur pour l'église de Béarn. »
On savait que ce grand serviteur de Dieu avait été enseveli dans la
diapellede Saint-Jean-Baptiste, où s'était exercé. longtemps son zèle
de catéchiste. Or, plusieurs indices avaient fait croire à M. Dubarat
que cette chapelle correspondait à la sacristie actuelle de l'église parois-
siale de Monein. Il y a donc fait pratiquer des fouilles avec l'espoir de
retrouver le corps du frère Louis, et peut-être de voir autoriser le culte
de ses reliques : le renom de sainteté qui l'entourait à sa mort, qui
persévéra à Monein jusqu'à la Révolution française et qui est encore
très vivant en Italie, autorisait cette pensée et attachait le plus vif
intérêt à des recherches qui ont été jusqu'ici infructueuses, mais qui ne
le seront sans doute pas toujours. H y a eu erreur sur l'emplacement
de l'oratoire de Saint-Jean-Baptiste; mais la vérité sur ce point finira
par être connue.
Le titre de vénérable a déjà été donné à Louis Bitoz dans de vieilles
gravures faites en Italie et en Autriche et qui le représentent s'abreu-
vant à la blessure du côté de Notre-Seigneur. Ce titre n'est pas cano-
nique, puisque la cause de sa béatification n'a pas été jusqu'à ce jour
introduite à Rome; mais il témoigne, ainsi que ces œuvres d'art et
d'autres en assez grand nombre traitant le même sujet, de la piété popu-
laire pour le jeune religieux. M. Dubarat a fait reproduire deux de ces
œuvres dans ce petit volume : l'une est un tableau très remarquable
conservé au noviciat des Barnabites de Monza, l'autre une gravure
récemment publiée à Bologne.
La congrégation à laquelle appartint l'humble serviteur de Dieu a
— 100 —
conservé, comme on voit, sa mémoii^e, j'allais dire son culte. Si le
Béam a oublié le frère Louis, c'est que les Barnabites n'y ont pas
reparu depuis la Révolution. Mais les travaux de M. Dubarat l'ont
définitivement remis en lumière, et sans doute auront encore de nou-
veaux succès.
La Vie qu'il a publiée est l'œuvre récente d'un barnabite italien, le
P. Inn. Gobio, qui a recueilli avec soin et non sans talent tout ce qui
avait été dit avant lui sur ce sujet (1). Mais le traducteur a fait à ce
travail plus d'une correction et il y a joint, outre une préface ins-
tructive, des notes et des pièces justificatives qui méritent l'attention
des amateurs de notre histoire. — Je lui reprocherai seulement d'avoir
fait naître d'Ossat à Cassagnabère, tandis que des documents certains
fixent sa naissance à Larroque-Magnoac.
Le premier biographe de Louis Bitoz fut son supérieur, le P. Colom;
j'avoue même que je préférerais à toute autre, sans la connaître autre-
ment que par le titre (2), la biographie que publia ce vénérable mis-
sionnaire. M. V. Dubarat nous rappelle qu'elle fut imprimée à Lescar,
chez Jean de Saride, en 1630, en un volume petit in-4° de x-197-iij
pages, dont l'exécution est vantée par M. Louis Lacaze (3). M. Du-
barat cite de plus une seconde édition de cette Vie latine, faite à* Flo-
rence, en 1655 (in-8° de 220 pp., plus la préface et l'index), et une
traduction française par le P. Savinien Ozon, publiée dans le courant
du XVII® siècle, mais dont je crois qu'on n'a pas retrouvé encore un
seul exemplaire. Il y en a une version italienne du P. Piazza (1717);
il existe aussi une Vie allemande de Louis Bitoz, par le P. F. Axen-
brunner (Vienne, 1721).
Notre province déploie depuis quelques années un zèle frappant et
vraiment louable pour illustrer ses monuments, compléter ses annales,
renouveler le souvenir de ses hommes célèbres. Il est juste que les
saints aient leur part privilégiée dans ce beau mouvement de recon-
naissance et de résurrection. En voilà un qui était absolument oublié,
au moins chez nous. Félicitons le pieux et savant aumônier du Lycée
de Pau de nous l'avoir révélé et faisons des vœux pour que son œuvre
aboutisse au couronnement complet de ses espérances !
(A suivre.) Léonce COUTURE.
(1) Vita del servo di Dio Lodovico Bitoz, Converso Baraabita. Milano,
E. Besozzi, 1859. ln-12 de vi 72 p.
(2) Vita Ludovici Bitosli conversi coDgrc^tionis clericorum S. Pauli, per
R. P, D. FortunatumColumbumpalenscm ipsius confossorem, ejusdem congreg.
in Galliis et Pedemonte provincialem, etc.
(3) Les imprimeurs et les libraires en Béam, p. 93.
LARCHIDÏACONÉ DU CORRENSAGUET
(diocèse d'auch)
AUX XIV' ET XV' SIECLES.
Les actes du xiv® et du xv® siècle mentionnent souvent un archi-
diâconé du diocèse d'Auch, désigné sous le nom de Corrensaguet,
Archidiaconaius de CorrensagueiOy dont il n'est plus question après
les guerres religieuses du xvi« siècle. A défaut d'informations précises,
nous avions cru qu'il se confondait avec le Corrensac, plusieurs fois
mentionné dans le cartulaire de l'abbaye de Gimont, qui s'étendait de
Saint-Guiraut à Mauvezin, le long des rives de la Gimone, et dont était
seigneur Gérault du Brouilh, fondateur de l'abbaye. Nous ne tardâmes
pas à reconnaître notre erreur, d'autres actes nous ayant appris qu'Au-
biet, Marsan, Nougaroulet et même Montant, étaient de l'archidiaconé,
quoique certainement hors du Corrensac. Nous en étions encore là,
lorsque une bienveillante communication de M. Cyprien La Plagne-
Barris est venue mettre un terme à nos incertitudes et nous faciliter le
moyen de reconstituer en quelque sorte cet archidiaconé, d'en détermi-
ner les limites, et de faire connaître les paroisses qui en faisaient partie,
soit celles qui existent encore, soit celles qui ont été supprimées à diverses
époques, particulièrement au Concordat de 1801. En 'parlant de ces
paroisses, nous aurons l'occasion de signaler nombre d'églises aujour-
d'hui disparues et dont le souvenir, le plus souvent, est même perdu,
qui ont été jadis sur leur territoire. Les informations ne nous manquent
pas pour les paroisses à notre portée; mais il n'en est pas de même
des autres, et nous serions heureux que ceux de nos confrères qui les
occupent voulussent bien nous faire part des renseignements soit écrits,
soit traditionnels, qu'ils pourraient avoir recueillis. Le travail qui paraît
aujourd'hui ne contient que les paroisses de notre voisinage entre la
Gimone et la Rats. Celles qui se trouvent sur la rive gauche de cette
Tome XXX. — Mars 1889. 8
— 102 —
rivière nous fourniront la matière d'un second article ; et dans un troi-
sième nous parlerons de celles qui sont le long du Gers, depuis Montant
jusqu'à Miramont. C'est surtout pour ces dernières que nous sollicitons
le bienveillant concours de nos confrères.
I
Limites et vue d'ensemble de VArchidiaconé de Corrensaguet.
Au levant, à partir de la limite de Mauvezin, alors du diocèse de
Lombez, l'archidiaconé de Corrensaguet avait pour limite la Gimone,
jusqu'à Fangeau, qui était, avec Bédéchan, Aurimont et Mazères, les
paroisses limitrophes du côté du midi. De là, laissant à gauche Cas-
telnau-Barbarens et Pépieux, on se dirigeait vers le couchant et on
arrivait au ruisseau de l'Arson, qui sépare Pessan de Montégut; ce
môme ruisseau servait aussi de limite à l'archidiaconé jusqu'à son
embouchure dans le Gers. A ce point on suivait le Gers jusqu'à la
limite nord de Montastruc, pour passer sur la rive gauche de cette rivière,
où se trouvaient, autour de La Sauvetat, quelques paroisses ressortis-
sant du Corrensaguet, entre autres Réjaumont et Saint-Lary. On
revenait ensuite sur la rive droite, pour arriver par la limite de Mira-
mont, dernière paroisse du diocèse d'Auch, à celle qui, au levant,
séparait, jusqu'à Saint-Antolin (c'est ainsi qu'on écrivait à cette époque),
ce diocèse de celui de Lectoure. De là, par la limite de Mauvezin, on
arrivait à la Rats qu'on franchissait pour revenir au point de départ
sur la Gimone.
Il y avait dans l'archidiaconé de Corrensaguet deux archiprêtrés :
celui de Lussan à l'extrémité sud ; et celui de Miramont à l'extrémité
opposée. Ils se partageaient, nous ne savons dans quelle proportion,
les paroisses qui dépendaient de l'archidiaconé. Elles étaient au nombre
de cinquante, que nous ferons connaître successivement dans les para-
graphes qui vont suivre.
Nous avons de ces paroisses trois nomenclatures différentes, que nous
devons à l'obligeance de M. Cyprien La Plagne-Barris. Elles sont
extraites du Livre rouge du Chapitre d'Auch, dont il prépare la publi-
cation. La première de ces listes remonte au ponti&cat du pape Urbain V
(1362-1370); la seconde à l'année 1405; la troisième, un peu plus
moderne, est paiement de la première moitié du xv^ siècle.
— 103 —
II
Paroisses de Varchidiaconé de Corrensaguei, entre la Gimone
et la Rats.
1° Ecclesia de Maxeriis. — C'est aujourd'hui la petite église sans
titre de Mazères-Campeils, dans la paroisse de Castelnau-Barbarens.
Sa condition n'a pas toujours été la même. Dans la première de nos
listes elle est desservie par un prêtre qui a le titre de Capellanus. Or,
ce titre n'était donné qu'aux prêtres desservant les églises matrices,
comme on a dit plus tard : Capellanus de Alhineto..,de S^^ Salvio,.,
de Nugarolio.,, de Marsano, etc. Pour les prêtres attachés aux églises
secondaires, on les quaUfiait de Rector : Rector S^^ Stephanide Mar-
monte,,. S^^ Bartholomei de Miramonte,,, S^^ Antolini,
Cependant cette église ne figure pas sur les listes postérieures. Pour-
quoit c'est ce qu'il ne nous est pas possible de dire. Il y avait tout
auprès, et il y a encore un château seigneurial, qui est présentement la
propriété d'un bordelais, M. Dufour.
La paroisse de Castelnau, qui a pour patronne sainte Quitterie, se
rend processionnellement, le jour de sa fête, à l'église de Mazères, pour
demander à Dieu la conservation des fruits de la terre, qui courent en
ce moment les plus grands dangers. On s'y rend encore à d'autres épo-
ques de l'année, particulièrement le 8 septembre, fête de la Nativité de
la Sain te- Vierge, ce qui nous fait penser que cette église est sous le
patronage de la Mère de Dieu.
2** Ecclesia de Fangonis, Faiigeau. — Cette église figure dans la
liste d'Urbain V. Il semble même qu'à cette époque Fangeau, dont le
souvenir est aujourd'hui presque entièrement effacé, était une paroisse
importante, ayant dans sa circonscription Aurimont, Tirent, Bédé-
chanet Saint-Guiraut. C'est toujours là qu'est l'église matrice jusqu'à
la fin du siècle dernier. Aurimont ne parait avec un titre distinct que
dans la dernière liste, sous cette dénomination : ecclesia de Alto monte,
nom primitif qu'on rencontre plusieurs fois dans le cartulaire de
Gimont, et dont le nom moderne doit être la corruption. Saint-Gui-
raut n'y parait qu'à raison de son union avec Fangeau ; et dans le
xvn* siècle jusqu'à la fin de l'ancien régime, c'est toujours Fangeau
qui a la prééminence et le titre d'église matrice, avec Bédéchan, Auri«
— 104 —
mont, Pontéjac et Saint-Guiraut pour annexes. Bédéchan, cependant,
se trouve dans les listes, avec un titre séparé, sous cette dénomination :
ecclesia de BeyssanOy de Bedeyssano; et môme dans celle d'Urbain V,
on donne au prêtre servant le titre de Capellanus, En résumé, ce qui
paraît de plus clair par rapport à ces églises, c'est que leur condition,
dans les temps anciens, a subi bien des variations. Fangeau néan-
moins n'en est pas aussi affecté que les autres et conserve jusqu'à la
fin le premier rang. Les mêmes variations se font remarquer dans les
temps modernes. A l'organisation qui suivit le Concordat de 1801,
Aurimont et Saint-Guiraut, dont le rôle avait été auparavant si effacé,
eurent seules le titre de paroisse. Bédéchan ne Test devenu que plus
tard, avec Fangeau pour annexe; Pontéjac et Tirent sont aujourd'hui
réunis, l'un à Saramon, l'autre à Boulaur.
3** Ecclesia S^^ CaprasiL Ecclesia de Castro de Cumbaprofunda.
— C'étaient autrefois deux paroisses distinctes, qui n'en font aujourd'hui
qu'une seule, Saint-Caprais. Celle de Castets, dont il est souvent parlé
dans le cartulaire, avait son église auprès d'un château, au sommet
de la colline qui domine la vallée entre Juilles et Saint-Caprais, connue
sous le nom bien justifié de Cumha profunda. Elle s'étendait vers
l'orient jusqu^à la Gimone, tandis que Saint-Caprais, de la limite qui
la séparait de Castets, arrivait du côté opposé jusqu'à la Rats. Aujour-
d'hui, Saint-Caprais réunit les deux territoires.
Le château féodal bâti sur la colline eut, pendant les guerres du xvi*
siècle, le sort de bien d'autres dans la contrée, il fut détruit; du moins
il n'en est plus fait mention après cette époque. L'éghse elle-même,
aussi bien que celle de Saint-Caprais, furent incendiées et ruinées,
comme à peu près toutes celles qui se trouvaient à la portée de Mauve-
zin; et lorsque après les guerres, l'archevêque Léonard de Trapes voulut
relever les ruines qu'il rencontrait de toutes parts, dans l'impossibilité
011 il se vit de reconstruire toutes les églises, il fut contraint de se
borner aux plus indispensables et de supprimer un certain nombre do
paroisses, qu'il réunit à d'autres dont l'église était rebâtie. Nous trou-
vons plusieurs exemples de ces réunions dans la contrée, et de ce nom-
bre sont Saint-Caprais et Castets. On réunit en une les deux paroisses,
en supprimant Castets et donnant le titre à Saint-Caprais, qui était plus
central et d'un accès plus facile pour la généralité des paroissiens. La
nouvelle église fut bâtie, sinon sur l'emplacement de lancienne, du
moins à une distance assez rapprochée.
Saint-Caprais et Castets dépendaient de l'abbaye de Gimont, en vertu
— 105 —
des donations qui lui avaient été faites en ce lieu dans les années qui sui-
virent sa fondation. Elle en avait, comme de toutes celles qui se trou-
vaient dans le ressort de sa juridiclion temporelle, le patronage et la
collation. Advenant vacance du poste, c'était elle, ou pour mieux dire,
Tabbé qui choisissait le sujet qui lui convenait pour le remplir et le
présentait à Tarcbevèque pour l'institution . Dans les premiers temps
il arrivait assez souvent, du moins pour les paroisses à proximité du
monastère, que Télu était un moine. Mais ensuite cela changea et
depuis le xiv® siècle on ne rencontre guère pour curés de ces églises
que des prêtres séculiers.
4° Ecclesia de Juilliis, Ecclesia de Marrox. — Juilles et Marrox,
comme leurs voisines de Castets et de Saint- Caprais, étaient autrefois
deux paroisses de même catégorie. Chacune avait son Capellanua*
Mais à la réorganisation de Léonard de Trapes les choses changèrent:
Marrox fut maintenu comme église matrice et Juilles lui fut donné
comme annexe avec un simple vicaire pour le service. La condition des
deux églises demeura telle jusqu'à la fin de l'ancien régime; mais au
Concordat de 1801 il y eut un nouveau changement : Juilles devint
paroisse, et Marrox, dépouillé de son titre, lui fut donné pour annexe.
Il y avait dans la même région deux autres églises : Saint-Etienne
de Marmont (1) et Sainte-Marie de Cahuzac. Le prêtre qui en faisait
le service est dit simplement rector. Lorsque l'abbaye de Gimont fut
bien établie, l'église de Sainte-Marie de Cahuzac devint un sujet de
contestations et de procès interminables entre les archevêques et les
moines. On en peut voir les diverses péripéties dans un article qui a
paru dans cette Revue (2). Nous ne donnons ici que la conclusion défi-
nitive, qui se fît attendre des siècles. On dut, pour en finir, se résoudre à
une transaction à lamiable, définitivement arrêtée et conclue le 25 avril
1604. Cette transaction donna lieu à l'établissement de la petite paroisse
de Saint-Sauveur, en remplacement de l'ancienne paroisse de Sainte-
Marie de Cahuzac, dont on fit l'annexe de Marrox. Elle fut supprimée
en 1801 et réunie à Gimont.
Quant à Saint- Etienne de Marmont, il n'en est fait aucune mention
depuis le xvi*» siècle. Nous remarquons seulement qu'au xvni®, en par-
lant de Tecclésiaste de Miramont, on dit et on écrit souvent « Marmont »
pour Miramont.
(1) Marmont. aujourd'hui la Tour blanque, en Manor, était un château où
Gérault du Brouilh, fondateur de l'abbaye de Gimont, faisait sa résidence ordi-
naire avec sa famille. De là est datée la charte de fondation.
(2) T. XXVI, 1885, p. 52, 183.
— 108 —
5^ Ecclesia S* Mariœ de Baurens. Sainte-Marie. — Nous avons
eu d'abord assez de peine à reconnaître ceUe paroisse dans les listes. Il
s'y trouve bien, il est vrai, plusieurs églises portant le nom de Sainte-
Marie : Ecclesia Beatœ Mariœ deAzelens.,, Beatœ Mariœ de Pega-
Ihano... Beatœ Mariœ de Baurens, Mais, au premier abord, aucune
de ces dénominations ne nous paraissait convenir à la paroisse de
Sainte-Marie du canton de Gimont, qui, au temps ^e la fondation de
Tabbaye, s'appelait : Ecclesia Beatœ Mariœ de Manvilla. Il nous vint
enfin en mémoire qu'à une époque assez rapprochée de leur première
installation dans ces contrées, il avait été fait aux moines, non loin de
là, des donatioijs considérables et que, pour l'exploitation, ils y avaient
construit une grange dont ou voit encore des restes, qu'ils appelèrent et
qu'on appelle encore la Grange de Barés (1). De Barés à Baurens il
n'y a pas loin, il est même très vraisemblable que ce n'est que le môme
nom avec une légère modification d'orthographe. Or, l'église de Sainte-
Marie n'est pas éloignée de cette grange. Quoi d'étonnant qu'avec le
temps l'usage ait prévalu de la désigner sous cette dénomination,
« ecclesia B. Mariœ de Baurens », ^ouv Baurés on Barés, comme on
dit aujourd'hui? Pour nous, nous considérons la chose comme certaine
et nous demeurons bien convaincu que c'est la paroisse de Sainte-
Marie que désigne cette dénomination.
Dans cette même paroisse de Sainte-Marie se trouve une autre égUse
dite de Saint-German. Elle est sans titre ; mais avant les bouleverse-
ments de la fin du dernier siècle, c'était une église paroissiale. La
paroisse, d'un territoire peu étendu, se trouvait resserrée entre la Gimone
qui la bornait au levant, Escornebœuf au midi, Sainte-Marie et Saint-
Martin à l'ouest, et Mauvezin au nord. Cette église figure dans les
listes sous ce nom : Ecclesia de Piamonte, Ce nom lui était venu de
ce que la famille de Piémont, qui probablement l'avait fait bâtir^ avait
sa résidence seigneuriale aux alentours. Le lieu précis ne nous est pas
connu; mais les indications, un peu vagues il est vrai, du cartulairede
l'abbaye, qui compta cette famille de Piémont parmi ses plus insignes
bienfaiteurs, nous portent à croire que c'était à Encoudrille, aujour-
d'hui propriété de M. d'Orcival de Pey relongue, ou au moins non loin
de là (2).
(1) La grange de Barés, en Blanquefort, voisine de Sainte-Marie, appartient
aujourd'hui à M. le baron de Ruble, qui a succédé à la famille de Lomagiie. La
partie existante des anciens bâtiments sert d'habitation au colon.
(2) Le même caitulaire nous apprend que c<ïlte famille avait une part à la sei-
gneurie de Pis, alors du diocèse de Lectoure, et qu'eu cette qualité elle percevait
— 107 —
•
6® Eccleaia 5" Martini, Ecclesia S^ Pétri de Bosco, — Saiat-
Martin du Hourc, ou d'Herbielle, est le nom qu'on donnait très ancien-
nement à la première de ces deux paroisses, qui aujourd'hui n'en font
qu'une. Dans les listes elle est ainsi caractérisée : ecclesia de sancto
MartinOy sita propre Malum vicinum, Saint-Martin n'est, en effet,
qu'à environ quatre kilom. de Mauvezin. La seconde. Saint- Pé du
Bosc, est aussi appelée quelquefois eccleaia de Peireto -de-Bosco,
Depuis rérection récente de la paroisse de Saint-Martin-Saint-Pé,
formée de la réunion des deux anciennes, les églises particulières de
chaque section ont été démolies et remplacées par une nouvelle, sur un
autre emplacement, commune aux deux sections. Cette église, dont, à
bon droit, la paroisse se montre fière, est due principalement au zèle et
à rindustiie intelligente de M. l'abbé Brousté, son curé actuel, à qui nous
souhaitons cordialement que Dieu fasse la grâce de jouir longtemps en
parfaite santé du fruit de ses travaux.
En procédant à la démolition des anciennes églises, en grande partie
bâties en terre, il a été facile de reconndtre qu'on n'avait là que des cons-
tructions destinées à pourvoir aux nécessités du culte, après les ravages
des protestants, qui avaient incendié et détruit jusqu'aux fondements
les deux églises primitives. A Saint-Pé surtout, on retrouva, sur quel-
ques pans de mur qui étaient restés des anciennes constructions, des
marques évidentes d'incendie, et on reconnut que l'église qui avait
remplacé la première reposait sur ses fondements. Nous fûmes invité
à visiter les travaux, et nous trouvâmes là la confirmation éclatante de
cette vérité historique que nos recherches antérieures nous avaient déjà
dévoilée : qu'aux environs de Mauvezin, au temps de la prétendue
réforme, tout avait été ravagé, et que, des églises répandues dans les
campagnes, bien peu, s'il y en eut, avaient échappé à la fureur des
sectaires.
N'oublions pas de dire que l'église de Saint-Pé n'a pas entièrement
disparu : on a sagement conservé son clocher, qui était probablement
un reste de l'église primitive, au-dessous duquel se trouvait la porte
d'entrée, avec le fond de la nef dont on a fait une chapelle où la messe
se dit de temps en temps pendant la semaine.
A l'occasion de Saint-Pé, il convient de dire un mot d'une autre
église qui existait autrefois dans son voisinage, mais dont il ne reste
le quart des dîmes de cette paroisse, distraction faite de la part de Tévéque.
Pis sVcrivait autrefois Piis, probablement de ce qu'en latin on disait « ecclesia
de Plis ^. M. l'abbé Martet, mort il y a peu d'années à N.-D. de Cahuzac, fit,
étant curé de Pis, d'inutiles efforts pour faire rétablir l'orthographe primitive.
— 108 —
aujourd'hui aucune trace. Le souvenir n'en est pas cependant tout à
fait perdu ; ce qui tient sans doute que cette église fut autrefois un but
de pèlerinage et de dévotion populaire, qui se manifeste encore timide-
ment de temps en temps. Elle est connue sous le nom de Saint-Gilibert,
et nous la trouvons, en effet, sous ce nom dans les listes : Ecclesia
S" Giliberii de Gojono (1). Auprès de l'église était une fontaine répu-
tée miraculeuse, où les mères qui avaient des enfants estropiés ou
marchant difficilement à cause de la difformité de leurs mcmbi-es,
venaient les baigner, espérant obtenir leur guérison par Tinlercession
de saint Gilibert. Cette fontaine n a pas disparu comme Téglise; on la
voit dans une prairie qui longe la route de Mauvezin, à quelques cen-
taines de mètres du croisement de cette route avec celle de Gimont.
Quoiqu'elle n'ait pas aujourd'hui la renommée d'autrefois, il n'est pas
rare de voir encore des mères qui s'y rendent pour le même motif qui
y attirait celles des temps anciens. Après y avoir baigné leurs enfants,
à défaut de l'église de Saint-Gilibert, elles vont faire leurs dévotions
à l'église de Saint- Pé qui n'est pas éloignée.
7° Ecclesia de Blancaforte. Blanquefort. — Cette paroisse, sous ce
nom, figure sur les trois listes, et toutes donnent au prêtre qui en fait
le service le nom de Capellanus, Dans la dernière seulement, on lui
adjoint Saint-Pé-du-Bosc comme annexe. Au xviii® siècle, elle en a
une seconde, l'église du Través. Cette église, sous ce nom, ne figure
dans aucune liste; mais il y a tout lieu de croire que c'est a ecclesia de
Salis propè Blancamfortem », que porte celle de 1405. Alors elle avait
une existence indépendante, mais le prêtre servant n'avait que le litre de
Hector.
L'église de Blanquefort n'a pas toujours été là où elle est aujourd'hui.
Elle fut transportée en ce lieu sur la fin du xvni® siècle par les soins
de la famille de Lomagne, à qui appartenait alors le château du Bruca,
en ce moment propriété de M. le baron de Ruble. L'église primitive se
trouvait au milieu des prairies, sur la rive droite de la Rats, à environ
cent mètres du chemin d'Ansan, qui la séparait du presbytère qu'on
voyait encore, tout en ruines, il n'y a que peu d'années, au nord de ce
(1) n y avait à Goujon une abbaye bénédictine de femmes, dont les ruines se
voient encore dans la paroisse d'Auradé, canton de l'Isle-Jourdain. Cette abbaye
avait des ftefs dans Saint-Sauvy, dont dépendait le terrain sur lequel était b;\tie
l'église de Saint-Gilibert. Lorsque cette abbaye disparut, vers la même époque
que celle qni se trouvait dans la paroisse d'Escornebœuf, au lieu qui porte encore
le nom de Saint-Jean de las Moungcs, ce fut l'abbaye de Gimont qui profita des
biens ôt revenus qui en dépendaient.
— 109 — .
chemin. C'est principalement pour mettre cette église à l'abri des inon-
dations auxquelles elle était exposée qu'eut lieu le déplacement. Une
croix a été érigée sur le terrain qu'elle occupait pour en perpétuer le
souvenir. Personne n'a su nous dire quel était le patron de l'ancienne
église. La nouvelle est sous le vocable de sainte Thérèse, patronne de
madame de Lomagne, l'aïeule de M. le baron de Ruble, qui avait pris
à sa charge les frais de la construction et de l'ameublement.
8** Ecclesia Albineti» Aubiet. — Cette paroisse aujourd'hui s'étend
à peu près également sur les deux rives de la Rats. Elle a une surface
de près de 4000 hectares, ce qui en rend pour le curé le service onéreux
et difficile. Ses limites sont à peu près partout celles qu'avait eues de
toute antiquité la juridiction consulaire et que la commune moderne a
conservées. Sur cette vaste surface il y avait autrefois cinq paroisses,
trois sur la rive droite et deux sur la rive gauche de la Rats, qui la tra-
verse du midi au nord. 1° La paroisse centrale, composée seulement
du bourg et de sa banlieue, qui ne s*étendait qu'à une médiocre distance
au nord, au levant et au sud. Son église gothique, du xiii® siècle, autant
qu'on peut en juger par les débris de sculpture qu'on trouve encore çà
et là, était dédiée à saint Martin de Tours; mais la paroisse, depuis le
X" siècle, avait adopté pour ses patrons les saints martyrs persans
Abdon et Sennen, dont la fête, le 30 juillet, se célébrait avec grande
pompe et attirait un grand concours d'étrangers. 2° Saint-Barthélémy
de Miramont, au sud-est, comprenant le terroir d'Uzan. 3^ Saint-Jean-
de-Bascous — de Bascolls, de Bascols — qui avait autrefois appar-
tenu aux chevaliers de Saint-Jacques de l'Épée. 4" Sainte-Catherine,
comprenant le terroir de Labarthe, la Verdale et Léchaux. 5° Dagnan
— de Agnano. L'église, dédiée à saint Jean, était bâtie à la limite sud
de la paroisse, sur le versant nord du coteau qui limitait en cet endroit
le bois de la Verdale. Elle fut de tous les temps connue sous le nom de
Saint- Jean-de- Verdale y et nous tenons pour certain qu'elle était bâtie
sur le théâtre même du martyre de saint Taurin. Toutes ces églises
sans exception furent détruites par les Religionnaires. De celle de
Sainte-Catherine il était resté, du côté du sanctuaire, un pan de mur
auquel était adossé l'autel. On conserva ces restes, qu^on arrangea de
façon à en faire un lieu de station, où l'on se rendait en procession à
diverses époques de l'année, jusqu'en 1789.
Par les soins du seigneur de Dagnan, Roch de Hélies, l'église de
Saint-Jean-de- Verdale, qui ne se releva pas de ses ruines, fut rempla-
par une nouvelle, bâtie près du château. Elle fut dédiée sous le voc>able
de saint Laurent et, dès qu'elle fut en état, le service paroissial y fut
— 110 —
transporté et organisé par l'archevêque Dominique de Vie, successeur
de Léonard de Trapes, de concert avec le curé d'Aubiet et le seigneur
de Dagnan. Le curé devait envoyer un de ses vicaires pour faire à
Dagnan les offices paroissiaux tous les dimanches et fêtes, et le seigneur
Je son côté s'engageait à recevoir ce jour-là le vicaire à sa table.
Dans le bourg il y avait trois églises : celle de Saint-Martin, parois-
siale, celle de N.-D. de Charité ou de Piété, objet d'une grande véné-
ration pour la population, et la chapelle particulière attachée à l'hôpital
Saint-Nicolas. Toutes avaient été ruinées et démolies. Il n'en restait
pas une où l'on put faire les offices. Dans l'impossibilité de les réta-
blir toutes, on donna la préférence à celle de N.-D. de Charité, qu'on
agrandit pour en faire l'église paroissiale; c'est celle que nous avons
trouvée, bien délabrée, à notre arrivée dans la paroisse.
Les églises de Saint-Barthélémy de Miramont et de Saint-Jean de
Bascous, détruites aussi de fond en comble, ne furent pas rétablies.
L'archevêque Léonard de Trapes aima mieux supprimer ces paroisses,
d'une importance secondaii-e, et en rattacher la population à celle d'Au-
biet. Du même coup il érigeait en bénéfice simple, sous le titre d'ecclé-
siaste, le territoire de ces paroisses, en gardait les revenus à sa dis-
position, sans rien laisser au curé à qui il donnait toute la charge.
Le curé, Jean Monbernard, ne l'entendait pas ainsi ; fort mécontent de
ces dispositions, il se plaignit à l'archevêque, qui ne l'écouta pas et passa
outre. Sans se déconcerter, Monbernard en appela à Rome. Le pape
renvoya l'afïaire à Tévêque de Tarbes, qu'il commit pour la juger. La
cause s'instruisit longuement devant son officialité et finalement l'ar-
chevêque fut condamné à payer au curé, sur les revenus des paroisses
supprimées, une indemnité convenable pour le surcroit de charge qu'il
lui imposait (1).
9** Insuleita Saurimonda. Eccleaia de Arneslo. — L'Isle-Sauri-
monde ou l'Islette. Eglise annexe d'Arné, aujourd'hui simplement l'Isle-
Arné.— Ces deux églises, jusqu'à 1789, ont eu chacune leur prêtre pour
en faire le service : l'un, celui de l'Islette, curé, l'autre, celui d'Arné,
vicaire, l'église d'Arné n'étant considérée que comme annexe de l'Islette.
Aujourd'hui les deux sections sont réunies en une seule paroisse; mais,
à l'inverse de ce qui était autrefois, c'est Arné qui a le titre de paroisse,
tandis que l'Islette n'est considérée que conune annexe. C'est au Cou-
Ci) Nous avons retrouvé une pièce importante qui faisait partie du dossier
présenU^ pour sa défense par le curô Monbernard. Nous la donnons en appen-
dice à la suite de cet article.
— 111 —
cordât de 1801^ sous la pression d'influences locales dont on dut tenir
compte, que ce changement, regrettable à bien des ^ards, fut accompli.
La même chose eut Heu pour Juilles et Marrox. Les résultats de ce
changement ne furent pas plus heureux dans un cas que dans l'autre.
Il s'ensuivit, comme il fallait s'y attendre, un vif mécontentement chez
les habitants de la section dépossédée, et ce mécontentement, qui dure en-
core, produisit des rivalités fâcheuses, toutes préjudiciables à l'union et
à la bonne entente qu'il devrait y avoir entre habitants d'une même
paroisse. Les curés qui se sont succédé à Juilles et à TIsle-Arné depuis
1801 ont bien pu en savoir quelque chose, et nous croyons pouvoir
alBrmer que ceux qui en ont aujourd'hui la charge ne nous contredi-
raient pas.
R. DUBORD,
Curé d'Aubiet.
APPENDICE
Procès dn cnré d^Aabiet Jean Monberoard avec rarchevéque
Léonard de Trapes.
AUX. — AUBÏET
Faits pour M® Jean Monbernard, recteur d'Aubiet, contre M*" l'ar-
chevêque d'Aux et autres.
Articulant ses faicts devant vous Monsieur Tévesque de Tarbe, juge
délégué du S* Siège apostolique, M® Jean Monbernard recteur de l'église
parochelle M^ S*^ Martin d'Aubiet, contre Mgr l'Archevesque d'Aux, le
Prieur de S* Orens, M« Hannibal Pagan et M® Estienne du Solier,
aux qualités que sont pris au procès (1).
1° Dict qu'il est recteur titulaire et possesseur de lad. église en la
ville d'Aubiet par vertu de la résignation qui lui a esté faite de lad.
(1) Le Prieur de Saint-Orens, principal décimaleur en Daignan ; Pagan et du
Solier, titulaires des nouveaux ecclésiastes de Saint-Barthélemy-de-Miramont
et de Saint-Jean-de-Bascous.
— 112 —
cure en cour de Rome par autre Jean Monbernard, et comme tel qu'il
est tenu, sauf légitime dispense, de s'y trouver et résider en personne,
tant qu'il peut; et tant présent que absent, y entretenir quatre vicaires
et coadjuteurs pour faire le divin service et les salarier tous, parce que
les charges et oflBces de lad. église sont grands et importants.
2° Car premièrement, il est tenu d'administrer les saints sacrements
à tous les habitants dépendans de Tecclésiaste de S* Barthélémy de
Miramont duquel M** Hannibal Pagan se dit titulaire, qui sont au nom-
bre de cent quarante six de cormnunion ou d'avantage, et est tenu de
les ensevelir dans son église d'Aubiet.
3° Comme aussi il est teneu de faire le service et administrer les
saints sacrements à tous les habitants qui sont bâtis et possèdent en
Tecclésiaste du d. Solier (S*^ Jean-de-Bascous) sans qu'il y fasse, non
plus que led. Pagan, aucun office ni service. Lesquels tenanciers,
sans comprendre les petits enfants, sont soixante-neuf en nombre,
auxquels par ses vicaires led. Monbernard administre comme recteur
d'Aubiet.
4^ Et pour vous faire voir qu'il lui est nécessaire d'entretenir lesd.
quatre vicaires et coadjuteurs pour s'acquitter de son debvoir, met par
faict qu'il est chargé de dire ou faire dire tous les samedis vespres et
complies et le salut ; et les dimanches messe» au matin, avec la béné-
diction de l'eau et l'aspersion à haulte voix, et à dix heures faire célé-
brer messe haulte parochelle et publier les mandements du prône et le
soir vespres à haute voix.
5° Tous les lundis doit faire célébrer messe haulte de morts, et faire
procession led. jour. Et faire procession tous les jours de feste com-
mandée par l'Eglise; et la veille d'icelles festes dire vespres haultes, et
le jour de la feste aussi; et le matin messe haulte parochelle.
6° Est teneu de célébrer et faire dire Toffice solennel toutes les festes
solemnes et les veilles; comme aussi les jours des s. s. Abden et Sen-
nen martyrs, avec procession générale par toute la ville d'Aubiet,
portant les bourdons et chapes.
7^ Depuis la feste S^® Croix du mois de mai jusqu'à pareille feste eu
septembre, est teneu de faire la procession, et à doutze heures faire les
prières à l'église à haulte voix, et toute la caresme, chaque jour com-
plies à haulte voix. Le jour de Pasques fleuries, TolTice soleimel et
procession, et toute la sepmaine Sainte l'office à haulte voix comme en
église collégiale; et le lendemain de Pasques et de Pentecoste, proces-
sion; comme aussi le troisiesme jour des Rogations faut faire procession
à la chapelle S*^^® Catherine, distante d'Aubiet d'un quart de lieue.
8^ Aux quatre festes de Nostre-Dame, Annonciation, Nativité, Puri-
fication et Assomption, est teneu faire célébrer messe basse et haulte à
diacre et soubsdiacre et dire !**«* et 2^®» vespres et les veilles des d. fes-
tes, avec les cérémonies de l'encencement au Magnificat.
— 113 —
9^ De mesme est teneu de faire dire vespres les veilles des fesles de
Pasques, Pentecoste, de la Trinité, de la Feste-Dieu, le jour de TAscen-
sion, de S^ Jean-Baptiste et de La Toussainls et autres fesles solen-
nelles, et faire célébrer messe haulte à diacre et soubsdiacre ; et tous les
samedis de Tannée vespres haultes; et les dimanches messe haulte et
le prosne; et ainsin le fait-il observer par sesd. vicaires et coadjuteurs.
lO* Et pour s'acquitter de cette charge il est contraint d'entretenir lesd.
quatre vicaires, à chacun desquels baille la somme de cinquante livres
toumoises et tout le pied de Tautel. Et oultre entretient un sacristain
pour sonner les cloches, auquel pour an il donne quatre escuts sol,
comprinse sa part du pain des offrandes qui est le premier offert.
11° Oultre, led. recteur est teneu nourrir de bouche le prédicateur
l'avant et le caresme, que lui revient pour le moins à trente escuts sols,
si est leneu de payer les décimes et contribuer à la nourriture des pau-
vres.
12** Est mis en faict que Téglise d'Aignan est annexe de celle d'Au-
biet, et qu'en icelle le dit Monbernard tient un vicaire pour faire le
servie» aux parochiens d'icelle, et qu'avant que lad. église ne feust
nexée à celle d'Aubiet les habitants d'Aignan venoient aud. Aabiet ouir
messe ce que ne font à présent; ains led. recteur leur fait administrer
aud. lieu; ce qui lui apporte une grande charge.
13° Dict que au temps jadis, auquel led. sieur archevesque pose que
le recteur d'Aubiet prenoit cinq cent livres du revenu de sa cure, les
vicaires faisoient le service sans autre salaire que du pied de l'autel ; ou
à présent led. Monbernard en paye deux cents; et les décimes et autres
charges sont accrues d'un tiers ou demoidé (ajouté d'autre mam.- mais
à présent ne veulent lesd. vicaires faire led. service à moins de vingt
escuts par an chasquun).
14° Que par tout le diocèse d' Aux les recteurs prennent la quatriesme
partie dç touts les fruicts décimes et primiciaux, et l'entier Verrouil,
Et aux diocèses de Toulouse et Lombez, la moitié bien quitte, n'ayant
tant de charge qu'il a.
15° Et néanmoins tout ce qu'il prend de sad. cure ne vaut d'affermé
annuel cent dix escuts sol. Car il ne prend rien du vin au quartier de
Daignan, sauf la quatriesme partie des fruicts décimaux. Et au terroir
d'Aubiet ne prend qu'en certains lieux lad. quatrième partie, et rien du
^in réservé au parsan appelé aux grands camps, où il ne sauroit
recueillir une barrique de vin.
16° Au contraire led. s*^ Archevesque prend en lad, paroisse d'Aubiet
les fruicts, qu'il afferme chacun an neuf cents escuts sol; et aux terroirs
appelée Hermentières, Bats et Lagarlon, il prend tout le vin de dixme.
17° Et le Prieur de S* Orens prend en une partie de la paroisse, à
la Corne, au Bosc; au Plan, d'arreu Castet, à la Boubée et Escomeloup,
~ 114 —
de quatre parties les trois du vin ; et mr TArchevesque le reste, sans
faire aucun service. (Ajouté: et sans que led. recteur en preigne rien).
18^ Led. de Solier prend en lad. paroisse, et terroir appelé de Bas-
cous, la qualriesme partie des f ruicts, et M^ TArchevesque les trois pai^
ties restantes. Lequel terroir de Bascous consiste en quinze ou setze
métairies, aux habitants desquelles ils ne font aucun service, ains led.
recteur et ses vicaires seuls.
19° Et led. Pagan prend le quart de tous les fruicts et tout le foin
de Tecclésiaste de S^ Barthélémy et mr TArchevesque les trois autres
quarts. Lequel terroir consiste en dix-huit métairies, aux tenanciers
desquelles ils n'administrent, ains le dit recteur, sans qu'ils lui laissent
rien prendre.
20° Comme de mesme lesd. sieurs Arche vesque, Prieur de S' Orens
et titulaire de Saint-Jean-de-Bascous preignent l'entier dixme du lin,
sauf qu'en d'Aignan et partie d'Aubiet le demandeur en prend le quart
pour le service qu'il seul y fait, sans que les autres susnommés y en
fassent aucun.
21° Dict qu'il ne se trouvera aucun excusât au terroir d'Aubiet. Bien
est vrai que sur led. dixmaire dud. Prieur de S^ Orens, il lui a laissé
choisir d'un champ seulement ; auquel terroir led. s*" Archévesque prend
les quarts.
22° Car quant à autre quartier qu'est appelé proprière, encore qu'il
en preigne la dixme et prémices, ce n'est pas par forme à'excusai, ains
pour avoir esté de tous temps lad. dixme propre aud. recteur. (Ajouté :
dont il tient le nom de proprière).
23° Ne se trouvera aussi qu'il preigne dixme ou dixmaire de Marsan,
car il y a curé particulier; sinon, comme a esté ci-devant desduict,
comme aussi le champ des Prestres et autres mentionnés en son escrit.
Ce dessus estant véritable persiste que les fins et conclusions ci-
devant prises par son résignant en ses sentiments, lui doivent estre
adjugées, avec despens et autres plus pertinentes. — A. Laffont.
Certifié conforme à l'original qui est en nos mains. — R. D.
L'ABBAYE DE FLARAN
II
PARTIE HISTORIQUE.
Suite (*).'
Si, roalgré nos laborieux efforts, nous n'avons pu décou-
vrir la première charte de fondation de Tabbaye de Flaran en
4154, en revanche nous avons eu la bonne fortune de trouver,
aux archives municipales de Condom (1), plusieurs des dona-
tions qui furent faites à Tabbaye dès Fèpoque de sa naissance.
Ces litres furent présentés, en 4745, par-devant le bailli de
Condom, Silvaire Joubert, comme pièces d'un procès qu'avait
intenté l'abbé de Flaran, noble Joseph de Mauvesin de Mou-
chan, contre les consuls de Condom, au sujet de la nobilité
des biens possédés par ledit abbé dans la juridiction de la
ville, et notamment de la grange de Hillet.
Collation des présents titres a esté faite, — dit la pièce de procédure,
— sur les originaux en parchemin, de la longueur de quatre pieds onze
pouces, sur cinq pouces de largeur, en trois pièces attachées Tune au
bas de l'autre par du parchemin qui sert de couture.
Vu leur importance (car ils nous font connaître une des
premières donations faites à l'abbaye de Flaran, en même
(■) Voir le vol. précédent, liyr. de novembre, p. 504.
(1) Archives mun. de Ck>ndom, série F. F. 62.
•"l
\> ^
.' 4
— 116 — '
temps que les noms des trois premiers abbés), nous deman-
dons à nos lecteurs la permission d'en citer tout d'abord
quelques extraits, leur longueur nous empêchant malheu-
reusement de les reproduire tous in extenso.
Nous donnons du moins, en note, le texte entier du premier,
qui est de H55 (1). C'est la cession aux moines de Flaran
de deux ou trois emplacements dans la terre du Hlllet, pour y
bâtir une « grange » , y planter un vignoble, etc. L^abbé donne
.'. v'V V -^ en retour 10 sous morlas et un cheval de 30 sous et promet
,. . au bienfaiteur, Forton del Tilh, et à son fils une part dans
') '^ 1 les prières de la communauté.
Le second acte est de ilo7. Le même Forton del Tilh donne
en gage à Tabbaye de Flaran et à son premier abbé Guil-
laume la totalité de la terre de Hillet pour deux cents sols
morlas, qui devront être payés le jour de la fête de tous
les saints. Sont nommés par lui fîdéjusseurs : Pierre
de Saint-Orens, Bertrand de Béraut et Emendat de Roque-
pine.
Dans le troisième acte, de 1158, Forton del Tilh donne en
outre à Tabbaye de Flaran et à son abbé Guillaume le bois
(1) In Domini nomine, sciendum est quod Porto Del Tîlh, per se et per omnes
Buccessores suos prsesentes atque futuros, dédit Domino, et Beatsû Marias Fla-
rani, et Guillelmo abbati, et conventiii ejusdem loci prsesenli et future, locum
et terrain ad aedificandum et faciendum grangiam in territorio de Hillet, deter-
minatum terminis suis, et ingressum et egressum... per totara terram de Hill«t.
Dédit etiam ipse Forto Del Tilh in eodem territorio de Hillet terram ad plantan-
dam et possidendam vineam determinatam terminis suis ; et pro his donis, sci-
licet pro loco grangiae, et pro loco ubi viridarium est, et pro loco ubi plassatum
est, dédit prœdictus Guillelmus abbas Flarani praedicto Fortoni Del Tilh decem
solidos de bonis Morlanis ; et pro terra ubi vinea plantaretur, dédit unum equum,
triginta solidos valentem, et recepit eum in orationibus ordinis ; et ut fratres
Flarani faciant pro anima ejus et pro anima fllii sui, videlicet tantum quantum,
pro uno mouacho, haec dona praedicta dédit praedictus Forto Del Tilh prsedictia
Iratribus Flarani sine omni retentione, quam ibi non fecit. Et ut habeant pr«-
dicta dona fratres Flarani et possideant omni tempore in pace sine omni contra-
dictione, et mandavit et promisit per se et per omnes successores suos bonam et
firmam garentiam omni tempore. Hujus rei testes sunt Oddo de Mayald, Beziata
f rater ejus, Senald Orodlan, Emendatus de Rocapina et Bassier, Raymundus de
Labarana monachus Flarani, et frater Oddo, conversus. Facta caria anno ab
incamatione Domini millesimo centesimo quinquagesimo quinto, Ludovic© rege
Francorum, Guillelmo Venerabili auscitano archiepiscopo, et hoc idem Sancius
monachus scripsit.
— 117 —
quad vocatur Arligaberd. Il reçoit en échange cent vingt sols
morlas. Sont témoins : Pierre de Saint-Orens, Emendat de
Roquepine et Bertrand de Béraut.
Trois ans après, en 1161, il engage à nouveau en faveur
de l'abbé de Flaran, Guillaume^ et pour deux cents sols mor-
las, toute sa terre de Hillet. Sont fldéjusseurs f Oddon de
Lomagne, Bernard de Pardeillan et Géraud de Casaubon, en
présence de Tarchidiacre d'Auch, de Guillaume de Tro et de
Bernard de Yillalongue.
La cinquième donation, qui date de 1173, est faite à
Etienne, deuxième abbé de Flaran, successeur de Guillaume.
Elle consiste dans trois portions de la dîme de Hillet, en
échange de cent sols morlas. Sont témoins : Oddo de Mayald,
Frichet, Guillaume Bernard de Sainte-Gemme, Raymond de
Labrane et frère Oddo de Seysos.
La quatrième portion de ladite dîme de Hillet lut donnée
par le même Forton del Tilh à Tabbè Etienne, Tannée sui-
vante, avec consentement de Vital de Bragayrac et de Bonete
sa sœur, qui reçurent en échange trente-trois sols morlas.
Furent témoins : Arnaud del Tilh, Raymond de Labrane,
moine, de Flaran, Guillaume Bernard de Sainte-Gemme et le
frère Oddon de Seysos.
L'année suivante, 1175, le même Forton del Tilh donne à
Tabbaye de Flaran et à son abbé Etienne, outre cent dix
sols morlas, tout ce qu'il possède et peut posséder sur sa terre
de Hillet, à savoir :
Terram cultam et incultam, homines et feminas, nemora, aquas,
pascua et prata, dominium, servitium, census et usaticos, et quidquid
ad venatum pertinet, et quidquid habebat vel aliquomodo habere
debebat.
Il nomme comme fidéjusseurs : Raymond Bernard de Gelas,
Guillaume Arnaud son frère et Oddon de Mayald. Furent en
outre témoins : Bernard de Bald, Guillaume Bernard de
Tome XXX. 9
— 118 —
Sainte-Gemme, Frichet, Larroqae, Raymond de Labrane et
frère Oddon de Seysos.
La même année Vuillinodas, Forton de Massencôme et
Guillaume et Bernard de Fillet, rogati a domino sua Forlone
del Tilh, donnèrent à Pabbaye de Flaran tout ce qu'ils pou-
vaient posséder sur celte même terre de Hillet; en présence
de Pierre de Balboso, de Forton de Torslan, de Pierre d'Aurié-
bat, de Irère Oddon de Seysos, d'Allius de Pontéjac et de
Bernard de Lassierre.
Enfin, cinq ans après, en 1180, le même Forton del Tilh
couronne toutes les donations qu'il avait faites depuis trente
ans à Tabbaye en se donnant lui-même et en revêtant Tbabit
moine. Il demeurait alors au Sempuy (1).
Cette terre de Fillet ou de Hillet était située sur le haut pla-
teau qui domine Flaran à l'ouest, à trois kilomètres environ
de l'abbaye et à un kilomètre au nord-est de la petite ville de
Gassagne. Elle faisait partie de la juridiction de Condom.
Le Hillet était une grange, ainsi que l'indique un des actes
précédents. On sait qu'on appelait granges ou villas les métai-
ries ou fermes de l'abbaye, « occupées par des frères convers
et des valets, sous la direction d'un religieux qui avait le titre
de frère hospitalier; car, dans ces villas, comme dans les sim-
ples granges isolées, l'hospitalité était assurée au voyageur
attardé, et à cet effet, une lampe brûlait toute la nuit dans
(1) In Domini nomine, sciendum est quod Forto del Tilh apud Alsumpoy
misit ad abbatem Flarani Atigeoinum, et pra^dictus abbas cum aliis fratribus
Tenit ante eum, et praedictus Porto obtulit se prsedicto abbati ad faciendum
monachum. Et abbas praedictus bénigne atque dévote recepit eum cum cseteiis
fratribus suis quiibi erant, et fecit eum portare cum magno honore ad Flaranum.
Et tune ipse Forto dédit et concessit praidiclo abbati Angevino et cunctis fratri-
bus Flarani» centum solidos de bonis Morlanis super pignus de Fillet, et re-
cognovit quod pnedicti fratres de Flarano habebant cum praedictis centum solidis
de qulnquaginta solidis super pignus de Fillet. Hujus rei testes sunt : Amaldus
de Progola, capellanus de Alsumpoi, et Vitalis Scot, Amaldus del Til, Amaldus
de Florenza, Beraardus de Villalonga, Raymundus Belon, Fortsancius, Amaldus
de Leveda, Amaldus de Bearn, monachus, Guillelmus Bernardus de Sancta-
Goma, conversus. Facta carta anno incarnationis Domini millesimo centesimo
OCtuagesimOy Ludovico rege Francorum^ et Geraldo ausoitano arcbiepiscopo.
— 119 —
une petite niche pratiquée aa-dessus ou à côté de la porte de
ces bâtiments ruraux, comme un fanal destiné à guider le
pèlerin et à ranimer son courage (1). » Ces frères convers ne
prononçaient que des vœux simples. Ils étaient sans cesse en
contact avec le peuple, et formaient une sorte d'intermédiaire
entre le cloître et le monde. C'étaient des fils de laboureurs,
d'artisans, tandis que les frères profës descendaient des plus
illustres familles. Lorsque ces granges, prenant de l'exten-
sion, arrivaient à pouvoir nourrir treize religieux ou moines,
elles avaient droit au titre d'abbaye. En deçà, elles conser-
vaient cette dénomination de villa ou de grange.
Si nous nous sommes si longuement étendu sur cette
donation de la grange du Hillet, c'est que nous avons voulu
la présenter comme un spécimen des libéralités qu'octroyè-
rent, dès ses débuts, à l'abbaye de Flaran les seigneurs du
voisinage. En moins de cinquante ans, la nouvelle abbaye
acquit une très grande importance, et dès les commencements
du siècle suivant, elle possédait déjà tout un vaste territoire,
qui s'étendait : sur la rive gauche de la Baïse, jusqu'aux hau-
teurs de Cassagne, du Busca, de Massencôme, et dont les prin-
cipales métairies étaient : la Madeleine, la Bourdille, le Gibra,
Higaro, leMoutouet, le Hillet, leMian, S. Caprasy, Polignac, et
d'autres terres encore jusqu'à Gondrin; sur la rive droite,
tout le territoire de Valence, le Coulleou, Trouillon et plus
tard Lauzit. Et nous n'énumérons ici que les terres avoi-
sinant Flaran, ses abbés ayant étendu plus tard leurs pos-
sessions dans leCondomois, la Lomagne et jusqu'aux portes
d'Âuch.
En même temps accourait de tous côtés dans ses murs un
nombre considérable de moines, les uns sortis des bas fonds
de la société, les autres issus des plus grandes familles du
pays. Dégoûtés du monde qui ne leur offrait que les horreurs
(1) Viollet-le-Duc> Dietionn. d'architecture, t. i. Voir aussi les Annales ciê»
terciennee, I. ii^ p. 50.
— 120 — .
delà guerre ou un travail ingrat, ils se donnaient librement
à Dieu, ainsi que le montre Pacte suivant de 1176 :
Notum sit omnibus hominibus quod Guillelmus Becairena dédit
semetipsum Deo et Beatae Marias de Flarano, cum omnibus habitatori-
bus hujus loci (?) Deo servientibus, et Angevino abbati, ad faciendum
suum usum. Insuper dédit duas culturas (1), unam culturam vocatam
Gasalbon et alteram culturam. De hoc facto et de hoc dono testes sunt :
Bernardus de Bretalonga, Bernardus de Bonas, S. de Gigon, frater
Oddo de Seysos, fr. R. Dascos, frater Béret, G. de las Vignas, Guillel-
mus Capdebesa, frater V. de Canterac. Anno millésime centesîmo
septuagesimo sexto (2).
Les textes qui précèdent nous fournissent les noms des
trois premiers abbés de Flaran. Le troisième était jusqu'à
ce jour resté inconnu. Nous allons, dans la suite de ce
travail, à l'exemple de dom Brugèles (3), dresser chronolo-
giquement leur liste, et rattacher à chacun d'eux, ou à
l'époque de leur gouvernement respectif, les divers docu-
ments que nous avons été à même de connaître sur l'his-
toire de l'abbaye.
Les armes de l'abbaye de Flaran étaient : « d'azur à une
Notre-Dame d'argent et une bordure de même, sur laquelle
est escrit en lettres de sable : Monasterium BEATiB MARiiE de
Flarano » . C'est la description et le dessin qu'en donne
d'Hozier dans son Armoriai général (4). A ce dessin mo-
derne nous préférons de beaucoup celui, bien plus ar-
chaïque, qu'a déjà donné dans son remarquable travail sur
(1) Ce mot (ca^^ura- couture) désigne une petite métairie, nne super^
ûcie relativement restreinte de terre, pouvant être cultivée par une seule
famille.
(2) Archives mun. de Condom, F. F. 62. Pièces justificatives de la procédure
de 1715, déjà citée plus haut.
(3) Chroniques ecclésiastiques du diocèse dAuchy p. 348.
(4) Bibliothèque nationale, manuscrits : d'Hozier, Armoriai général, t. xiv
(Toulouse-Montauban), p. 350, n' 149. idem. Dessins, volume n* xiv, p. 1039,
n-140.
— 121 —
les Sceaux Gascons (1) le très regretté M. Paul La Ptagne
Barris, et dont la matrice originale se trouve au Musée de
Toulouse.
C'est ce sceau du commencement du xv siècle, représentant
la Vierge tenaal de son bras gaucbe l'enfant Jésus et de sa
main droite une tige à trois boutons ou fleurs (allusion au
nom de l'abbaye?), et portant pour légende : SigUlum Con-
vènlus : Monasterii de Florano, que, grâce à la bienveil-
lance de M. Joseph La Plagne-Barris, nous sommes heureux
de pouvoir reproduire ici.
P. Benouville, Pb. Lkvzm.
(A suivre).
(1) Archives historiques de Is Gascogne, Sceaux Gaeoom du moyen Oge.
y
ÉTUDE
SUR
L'INSTRUCTION PUBLIQUE
(•)
CHAPITRE VI.
Etat et description du collège de Lectoure. — Aperçu sur Tinstruction et
l'éducation au xvii' siècle. — Académies. — Représentations théâtrales.
— Soutenances de thèses.
C'esl donc « toul d'une commune voix » que le clergé, la
noblesse, les consuls et les jurats demandaient le maintien
d'un établissement dont Texislence fut pendant longues
années à Tabri de toute vicissitude. La commune et les Doc-
trinaires exécutèrent scrupuleusement les conditions du
contrat du 12 octobre 4630 et c'est sans doute à cette bonne
harmonie que nous devons le profond silence qui, pendant
près d'un siècle (1668-1759), se fait autour du collège lec-
tourois (1). Nous en profilerons pour donner la description
des bâtiments scolaires, tels que nous avons pu les reconsti-
tuer d'après un rapport d'experts du 17 août 1770 (2), et
pour tracer un rapide aperçu sur l'instruction publique et
l'éducation de la jeunesse au xvn* siècle.
Le collège de Lectoure formait, lors de sa première construc-
(•) Voir au tome précédent, p. 550.
(1) Le livre des records municipaux présente une lacune de quatre ans, de
1686 à 1690.
(2) Arch. mun„ 35 pages in folio. Rapport dressé par Raymond aine et Jean
BrcssoUes cadet, entrepreneurs architectes à Toulouse, sur l'état des construc-
tions du collège. Il conclut à la reconstruction entière des bâtiments.
— 123 —
tion, un rectangle à peu près parfait, limité au midi par la
grande rue Droite, au couchant par remplacement de Tan-
cienne église du Saint-Esprit transformée en cimetière, au
nord par la rue Déserte ou de Reillas et au levant par une
ruelle qui reliait cette dernière avec la rue Droite. Il était
séparé du cimetière du Saint-Esprit par un mur contre lequel
était adossée une travée de cloîtres intérieurs supportés par
des piliers en pierre,
La porte principale de rétablissement, placée entre deux
piliers surmontés d'une plate-bande, s'ouvrait au moyen d'un
double vantail et donnait accès dans un couloir à ciel ouvert
entouré de deux murs. Celui de gauche le séparait du cime-
tière et celui de droite de ('église, dans laquelle on entrait par
une porte ouvrant sur un tambour en bois de chêne et de
sapin. L'autel placé en face, était surélevéde deux marchesetle
lambris en bois, supporté par cinq poutres, était couvert d'une
peinture blanche à la colle. Celte église, orientée du couchant
au levant, était éclairée au moyen de plusieurs baies placées
en regard les unes des autres et prenant le jour au midi sur
la grande rue Droite et au nord sur la principale cour inté-
rieure. La sacristie placée à gauche du sanctuaire était formée
de quatre murs, dont un en pans de bois, et était éclairée
sur la même cour par une fenêtre trop large pour sa hauteur.
Les carreaux losanges du châssis étaient retenus entre eux
par des bandes de plomb munies d'une double rainure. Trois
portes s'ouvraient dans cette sacristie; celle de droite con-
duisait dans une chapelle de congrégation, dite des artisans,
éclairée par une fenêtre au levant sur une petite cour appelée
cour de la souillarde, séparée de la rue Droite par un mur de
six toises environ; la seconde, placée en face de celle qui
communiquait avec l'église, menait au passage de la cloche
réglementaire, et la troisième correspondait avec le grand
escalier.
En sortant de l'église, on revenait au couloir d'entrée, clô-
— 124 —
taré au nord par une claire-voie placée en face de la porte
principale et ouvrant sur la grande cour intérieure. Cette
cour, pavée sur toute son étendue, était formée au midi par
le mur de Téglise et aux trois autres côtés par un cloître ou
galerie couverte, éclairée par des baies en forme d'arceau
reposant sur des piliers de pierre. Quelques-uns de ces piliers
étant trop faibles pour supporter le poids et la poussée des
murs, un certain nombre d'arceaux avaient dû être maçon-
nés. C'est par cette galerie qu'on entrait dans les classes.
Celles de philosophie, de rhétorique, d'humanités et de troi-
sième, éclairées sur la rue de Reillas, étaient placées au nord
et en face de l'église. Le réfectoire venait ensuite, ainsi que
la cuisine, qui formait l'angle nord-ouest et prenait jour sur
la cour de la « souillarde. » La partie du cloftre adossé au
mur du levant permettait d'entrer dans les classes de quatrième
et de cinquième et dans une tour qui renfermait un escalier
dérobé en pierre, par lequel on descendait dans les caves.
Derrière cette tour se trouvait un puits, un lavoir et la pro-
cure ou économat de l'établissement.
La classe de cinquième était placée près du grand escalier,
dans lequel on arrivait par un large arceau dont les côtés
s'appuyaient, au nord, sur le mur de la classe de cinquième,
et midi sur celui de la sacristie et de la chapelle des arti-
sans. En face et sur une élévation formée par deux marches,
une portedonnait accès dans la cour de la « souillarde » et dans
le clocher de l'église bâti au levant. Le premier palier du
grand escalier était éclairé par une large croisée au levant. A
gauche de ce palier, une porte, placée sur deux marches en
pierre, s'ouvrait dans un premier dortoir planchéié et aéré à
l'aide de trois ouvertures. Sur la gauche de ce dortoir, établi
au-dessus des cloîtres et de la classe de quatrième, on trou-
vait trois portes, dont la première et la troisième conduisaient
dans des chambres et la seconde dans l'infirmerie, éclairée au
couchant par une fenêtre unique. En face de la troisième de
ces portes, c'est-à-dire à droite, une autre porte s'ouvrait sur
un second dortoir placé au-dessus de la classe de quatrième,
du réfectoire et de la cuisine, et éclairé par une croisée. A
droite et à gauche de ce second dortoir s'étendaient huit cham-
bres éclairées au couchant et au levant, et servant selon tonte
probabilité au logement des professeurs. Pour sortir de ce
second dortoir, il fallait nécessairement traverser le premier,
par lequel on pouvait, en allant droit devant soi, revenir sur
le premier palier du grand escalier, ou, en prenant la gauche,
arriver à Tescalier dérobé par lequel on entrait dans la biblio-
thèque. Celte pièce, certainement la plus confortable du col-
lège, était planchéiée, éclairée par trois fenêtres et garnie
d'une cheminée. Le haut de Tescalier dérobé se terminait en
forme de pavillon recouvert de tuile à crochet. De là, on
arrivait au galetas qui occupait tout le haut du grand corps de
logis, c'est-à-dire le dessus des dortoirs, de Tinfirmerie et des
chambres placées à droite et à gauche de ces dortoirs. Reve-
nant ensuite au premier palier du grand escalier, on gravis-
sait quelques marches et on trouvait à gauche une porte
ouvrant sur un autre galetas, qui s'étendait au dessus de la
sacristie et de la chapelle de la congrégation des artisans. Par
une seconde porte placée sur le même palier, on descendait
au moyen de quelques marches dans la tribune de l'église,
appliquée contre le mur du nord, à gauche du sanctuaire et
du maître-autel.
Telle était, aussi exactement décrite que possible, la dispo-
sition intérieure du premier collège de Lectoure; examinons
maintenant la vie de l'enfant et le système d'éducation qui
lui était donnée au moment où ce collège fut établi.
L'éducation au xvn* siècle avait un but supérieur à tout
autre : former l'âme plutôt que le corps de l'enfant, et l'aguer-
rir, en rélevant rudement, contre les maux et les difficultés
de la vie. Tout, dans ses premières années, fait naître et déve-
loppe le sentiment religieux. On l'encourage aux jeux qui rap-
— 126 —
pelleiit les traditions cbrètiennes; on se plaît à loi voir dresser
des crèches, des paradis et des reposoirs. Les processions
surtout sont en grand honneur, et Racine, le meilleur des
pères, ne dédaigne pas d'y prendre part avec ses enfants : ses
filles étaient le cierge, son fils Louis le cure, et Fauteur
d'Àthalie, chantant avec eux, portait la croix (1). Les parents
fournissaient des ornements qui servaient à ces jeux édifiants,
que récolier reprenait avec joie quand un jour de congé Téloi-
gnait momentanément du collège. La première instruction,
presque toujours donnée par les parents, était bientôt rem-
placée par celle du maître ou de la maîtresse d'écriture, qui
prenait Tenfant en pension et se chargeait, moyennant 60
livres par an, de lui apprendre la lecture et les rudiments du
calcul. Plus tard le même enfant était admis chez un maître
latiniste, qui le recevait à certaines conditions stipulées
d'avance et à peu près invariables dans nos contrées. N'ayant
trouvé aucun contrat do pension passé à Lectoure, nous nous
permettrons de publier le suivant, à l'aide duquel on pourra
être fixé sur le prix, le mode de rétribution et les obligations
des régents latinistes de la Gascogne :
Sera mémoyre que le 13 febvrier 1641, j'ay convenu avec M. de
Colomès de luy bailher mon fils Isaac en pension chez luy, lequel il
m'a promis de nourrir et entretenir de bouche sullement et Tapprandre
et instruyre aux bonnes lettres, et ce moyennant, j'ay promis de luy
payer annuellement la quantité de neuf cartaux de bled, neuf escutz ea
argent faisant vingt-sept livres, douze charges de boys fagot, un quar-
tier de lard, une oye et une barrique de vin, payable la susdite pension
en deux parts, la moytié avant may et l'autre dans six moys, sur quoy
luy ay baillé dix-huict livres, et nous sommes soubssignés (2).
(1) L. Racine, Mémoires dans les Œuores de J, Racine, éd. Mcsnard, 1. 1,
p. 202.
(2) Livre de raison de Guillaume Plieux, procureur du roi au siège présidial
et sénéchaussée de Condom (1580-1650). — Arnaud Marquevieilhe, régent au col-
lège de Condom, prend chez lui Pierre Ducosso, écolier, né à Lauraot, « pour le
» nourrir et entretenir de bouche etcx)uche pendant le temps et espace d'un an
» moyennant la quantité de 9 cartals blé, 24 livres d'argent, 2 barriques de vin,
» 12 charges de bois et un quartier de lart, le tout payable par trois mois, pro-
— 127 —
Le raaftre écrivain et le latiniste cpnstilaaieQt les deux
étapes qu'on franchissait avant d'arriver au collège, « en la
» nourriture duquel le père de famille avoit un double regard,
» Tun à la conservation de la jeunesse gaie et innocente, Tau-
» tre à la scholastique pour faire oublier les mignardises de la
» maison et comme pour dégorger en eau courante (1). » Au
xvu* siècle Tinternat était à peu près inconnu, surtout dans
les petits collèges de province, et nous savons que les consuls
de Lectoure avaient défendu aux Doctrinaires de recevoir des
pensionnaires. Il n'y avait donc que des externes, appelés
Galoches ou Martinets (2), rentrant chez eux tous les soirs, et
ayant le double avantage de la vie de famille et de instruction
publique.
Il est vrai qu'il en résultait aussi parfois une certaine dis-
sipation^ par suite des allées et venues quotidiennes de la mai-
son au collège. L'écolier allait souvent seul dans les rues de
la ville, livré à lui-même et sans aucune surveillance, les
bourgeois chez lesquels il était logé se souciant assez peu de
l'accompagner lorsqu'il sortait pour se rendre aux classes.
De là, ces « charivaris à bassins et sonnettes » , dans lesquels
il était trop souvent surpris par les agents du guet, malgré la
salutaire terreur que lui inspirait la férule ou le martinet. Il
était externe et pouvait par suite assister aux spectacles et
aux représentations de toute nature qui se donnaient dans la
ville qu'il habitait. Les exercices du cheval avaient pour lui
un attrait tout particulier, et c'était une vraie fêle que de voir
•
» mettant de le nourrir et entretenir ainsy qu'un bon pantionnaire doibt estre
» entreteneu ». (Acte du 9 septembre 1617, Bézian, notaire à Condom, étude de
M' Préchac). — Alexandre Silvy, maître écrivain, prend en apprentissage Pierre
Marcadé pour lui apprendre « à bien lire, escripre, compter et l'art d'agrimen-
» seur » pendant une durée de quatre ans et moyennant la somme de 160 livres.
(Acte du 15 janvier 1651, Lacave, notaire à Condom; étude de M* Préchac).
(1) Mémoires inédits <f Henri do Mesmes, dans les Variétés historiques et
littéraires, t. x, p. 151.
(2) Pasquier, Recherches, 1. ix, p. 792, dans l^curne. ■— Jean Labarthe,
« hoste d de Lectoure, fournissait à François Réginon, écolier, sa dépense pour
une année complète moyennant 25 écus sols. (Acte du 6 août 1606, Lapèze no-
taire à Lectoure; étude de M* Latour).
— 128 —
arriver un < acâdëmiste » avec sa suite de chevaux et de sal-
timbanques. Les hommes d'âge mûr partageaient cet enthou-
siasme de la jeunesse et les consuls trouvaient autant de
bénéfice que d'honneur à recevoir dans leurs murs les troupes
équestres, qui, y faisant un long séjour, constituaient pour
la ville une somme de revenus considérables. Un de ces aca-
démistes, nommé de Boyssac (1), manifesta le désir de venir
à Lectoure dans le courant du mois de juillet 4645, et sur
sa demande d'un logement, la jurade prit le 28 du même mois
la délibération suivante :
M. de Jolis expose qu'un academiste a esté en ville pour tascher de
s'y loger s'il peult et demande la mesme grâce qu'on luy a faict en
d'autres villes, mesme en celle de Condom (2) où il est presanlement,
qu'on luy donne logement, escuryes et couvert pour faille le man^e
des chevaux et l'on dict que ceste cadémye apportera du bien et utillité
à la ville par le grand abord et l'agrément des personnes qui fairont et
suyvront cest exercisse, qui y despensseront leur argent et donnront à
gaigner aux hostelleries et artisans, ce quy fera reflection sur le corps
et communaulté, oultre que la ville en sera honnorée.
iM. de Lucas, juge criminel, dit :
Pour la cademiste qui désire de se loger en ceste ville, il est notoire
que l'exercisse de son ac^demye sera utile et honorable à la ville puis-
qu'un bon nombre de gens de noblesse y viendront loger et y despen-
seoir leur bien et ainsy Tutillité en sera grande soict aux artisans et
aultres personnes oultre le divertissement honnorable qui se pourra
faire de son exercisse par beaucoup de personnes; que sy à Condom et
aultres lieux où il a logé jusques icy, on luy a donné logis, escurye et
couvert pour faire son manège, il serait d'advisde luy accorder le logis
sy tant est qu'à Condom on le luy ait donné, de quoy les dits sieurs
consuls se doibvent préalablement informer et pour le loage de son
logis luy donner 40 ou 50 livres pour le louer luy-même sans que la
(1) Record du 15 juillet 1646.
(2) MM. de Cavaignan et de Lartigue, gentUshommes d'Armagnac, avaient
établi à Condom, en 1604, une académie de cette nature « pour servir à Tins-
» tniction de la jeunesse en plusieurs actes de vertu et à la commodité des habi -
» tants » (Délibérations des 22 novembre 1604 et 31 janvier 1605).
— 129 —
ville soyt tenue respondre aulcunement du dict logis ny des ruynes et
deterioiations qui y pourroient arriver au propriétaire ny aultre per-
sonne que ce soit.
Sur cette proposilion, la jurade décida quelle payerait à
racadèmisle une somme de 40 ou 50 livres, mais pour un
an seulement et sans que la responsabilité de la ville pût être
engagée par son fait (1). Il est probable que les élèves du col-
lège de Lectoure ne perdirent pas l'occasion, alors si rare
dans nos provinces reculées, d'assister aux exercices de
cette troupe composée vraisemblablement d'un « artiste »,
d'un maître d'armes^ d'un joueur de luth, d'un baladin et
de chevaux dressés en liberté.
Les travaux de l'esprit sous toutes les formes, la musique
reUgieuse ou profane^ la danse, étaient aussi très appréciés
par la jeunesse du xvn* siècle. Guillaume Amat (2), Jean
Larroque (3), Ramond Gautier (4) et Bernard Balanges (5)
donnaient de 1609 à 1660 des leçons de violon aux enfants
de Lectoure. Arnaud Labat (6), Jean de Rizon (7), Géraud
Chaubet (8), Antoine (9), Jean (10) et Bernardin Peyronel (11),
(1) Record du 2B juillet 1645. La ville paya en réalité 72 livres pour le logement
et l'écurie de Tacadémiste (Record du 15 juillet 1646).
(2) Guillaume Amat s'était marié le 1*' avril 1607 avec Ramonde Darreyx,
fille de Bernard Darreyz, praticien et d'Audide Duguassin (Lapèze notaire de
Lectoure; étude de M* Latour).
(3) Arch. de Saint-Gervais. Registre de la confrérie du Corpore Chrlsti, 1609 .
(4) Acte^ des 20 janvier 1611 et 12 septembre 1630 (Lapèze notaire de Lectoure;
étude M* Latour).
(5) Actes des 12 novembre 1620, 15 janvier 1651 et 5 lévrier 1652 (Lapèze
notaire de Lectoure; étude de M* Latour).
(6) Arch. de Saint-Gervais. Registre de la confrérie du Corpore Christl, 1609.
(7> Id. Jean de Rizon, prêtre, est qualifié dans certains actes de maître de musi-
que, de maître de la psallette et de la musique de Saint-Gervais (Actes des 6
novembre 1652, Lapèze, notaire, 12 mai 1655, 12 janvier 1656 et 31 juillet 1658,
Labat, notaire; étude de M* Latour).
(8) Arch. de Saint- Gervais. Registre de la confrérie du Corpore Christl, 1610,
1633, et 1638.
(9) Acte du 23 décembre 1665, Labat, notafre de Lectoure (Etude de M* Latour),
(10) Jean Peyronel, maître de la psallette de Saint-Gervais, marié avec Dau-
phine Gautier (.\cte du 29 janvier 1672, Labat notafre; Etude de M* Latour).
(11) Bernardin Peyronel, marié avec Jeanne Coué (Actes des 10 juin 1672, 27
juin 1687, 23 mai 1689, 9 mai 1694, 22 mai 1714, 14 septembre 1716, Labat, notafre.
et 29 octobre 1702, Bétous, notafre; étude de M* Latour).
— 130 —
Pierre Durand (1) leur enseignaient la musique (2), tandis
que Louis (3) et Jean Molinier (4), Sicard fils aîné (5),
François Thierry (6) et Jean Artiguemilh (7), maîtres sculp-
teurs sur bois, ornaient la chapelle de Notre-Dame de TAs-
somption d'un rétable artistement fouillé et de gradins dorés^
qui étaient Tobjet de leur admiration. --Mais rien ne passion-
nait les jeunes gens comme le théâtre et les discussions phi-
losophiques.
Non seulement les écoliers jouaient des tragédies ou des
comédies, mais ils en composaient eux-mêmes. C'est ainsi
qu'en 1682 « messieurs les escoUiers philosophes » dédient
aux consuls une comédie, qu'ils désirent faire jouer en ville, si
celle-ci veut toutefois se charger de monter le théâtre et de
(1) Pierre Durand, prêtre, docteur en théologie, maître de musique et direc-
teur de la psallette de Saint-Gcrvais, fit son testament le 8 juin 1666. Il vivait
encore le 23 mai 1670 (Labat, notaire de Lectoure; étude de M* Latour).
(2) Parmi les autres maîtres de musique qui se sont succédé à Lectoure, nous
remarquons :
Henri Boret (actes des 18 novembre 1759, 8 avril 1761, 6 janvier 1763, Comin.
notaire, 23 mai 1761, Labat, notaire et 30 décembre 1736, Bétous, notaire ; étude
de M* Latour),
Joseph Duoergé (acte du 23 août 1764, Comin, notaire ; même étude);
Pierre Bellaucq (acte du 7 mars 1771, Comin, notaire ; même étude);
Pierre-Christophe Locré (actes des 11 septembre 1771, 16 juin 1772 et 6 février
1775, Comm, notaire; même étude);
Jean Mouchez (actes des 29 août 1775, Comin, notaire et 22 mars 1776, Bétous^
notaire; même étude);
Arnaud Ruamps (actes des 17 octobre 1702 et 29 avril 1731, Bétous, notaire;
même étude);
Jean Lacouiure, maître à danser (acte du 13 octobre 1731, Bétous, notaire ;
même étude);
Joseph Lachapelle (actes des 19 mars 1735 et 26 avril 1738, Bétous, notaire ;
même étude).
(3) Arch. de Saint-Gervais. Registre de la confrérie de N.-D. de rÂssomption,
1705-1709.
(4) Jean Molinier, né à Bruil-de-Maigné, juridiction de la Rochelle, se maria
le 10 juin 1684, à Lectoure, avec Anne Rouillan, flUe de Dominique Rouillan^
maître arquebusier (Actes des 23 septembre 1685, Labat, notaire, et 24 mars 1709,
Bétous, notaire; étude de M* latour).
(5) Arch. de Saint-Gervais. Registre de la confrérie de N.-D. de l'Assomption,
1705-1709.
(6; François Thierry, né à Bourges, se maria le 23 septembre 1685 à Lectoure,
avec Jeanne Desvaux (Labat, notaire; étude de M' Latour).
(7) Jean Artiguemilh, maître sculpteur de Lectoure, fit en 1672, un tabernacle
pour le grand autel de l'église Saint-Barthélémy de Condom, au prix de 60 livres
(acte du 23 septembre 167;^, de Bizou, notaire de Condom ; étude de M* Préchac).
— 131 —
fournir une collation aux acteurs. Sur une demande si flat-
teuse, la jurade « donna aux consuls pouvoir de faire le tèatre
> aus dits escoliers et de leur donner la collation, le tout aux
» despens de la communauté (1) ». Quelques années plus
tard, ce sont les professeurs qui offrent à leur tour aux consuls
une comédie de leur composition, pour la représentation de
laquelle la ville leur offrit « le téatre et les chandelles (2) ».
La soutenance des thèses avait lieu à la fin du cours de
logique et les consuls en acceptaient rhommage(3), de même
quMls étaient flattés d'assister aux discussiojis philosophiques
qui avaient lieu dans les couvents. Le Provincial des Jacobins
ayant prévenu les consuls de Lectoure que le Chapitre de
rOrdre allait être tenu dans leur ville, ils acceptèrent la dédi-
cace des thèses que le P. Roques, professeur de philosophie,
se proposait de faire soutenir par les religieux (4). En recon-
naissance de cet honneur, la ville fit aux religieux une au-
mône de 60 livres (5). On pouvait voir dans les représenta-
tions théâtrales et dans la discussion des hautes questions
philosophiques les avantages et les défectuosités de rensei-
gnement classique, tel qu'il était donné dans nos collèges de
province et qui tendait à former des orateurs, des prédica-
teurs ou des avocats, plutôt que des hommes destinés à remplir
des fonctions plus modestes (6). Et cependant, cet enseigne-
ci) Record du 20 mai 1682.
(2) Aroh. mun. Quiltanoe du 30 juin 1692. Record du 13 juin 1717.
(3) Record du 10 juin 1663. « Voté 30 livres pour les tesses que les escolliers
» ont desdié à la communauté ».
(4) Record du 30 mars 1734. Trois de ces thèses furent l'objet d'une vive dis-
cussion dans les facultés de théologie. Les Nouvelles ecclésiastiques du 1*'
septembre 1734 en formulent ainsi l'exposé : a Les Dominicains de Lectoure,
» pendant la tenue du Chapitre provincial, ont soutenu (le 20 mai) que le juste
» peut rester juste sans la grâce actuelle, pourvu que ce ne soit pas pendant
» longtemps; neqae dlu stabit justus sine tali aucoilio, — Que l'homme (thèse
» du 21 mai) peut sans un secours spécial de Dieu observer un ou deux préceptes
B de la loi naturelle ; unum aut alterum. — Et dans celle du 24 mai : Dieu se
» communique, dit>on, à tous les hommes autant qu'il est en lui; la grâce suffî-
» santé ne manque à personne, et cette grâce (donnée à tous) donne (à tous) un
» pouvoir pfvchain, complot et dégagé ».
(5) Arch. mun. Quittance du 25 mai 1734.
(6) A. Babeau» Lm Bourgeois d'atUr^ois, p. 298.
— 132 —
ment, malgré ses imperfeclious, ne valaiHI pas mieux que
notre internat moderne, dans lequel la vie de famille et les
traditions du foyer domestique sont oubliées par la plupart
des élèves? et n'est-ce pas trop souvent le cas de répéter avec
Mercier : « Rien n'étonne plus un étranger que la manière
» leste et peu respectueuse avec laquelle un fils parle ici à
» son père. 11 le plaisante, le raille.... On ne saurait distinguer
» le père de famille dans son propre logis...; s'il ouvre la
» bouche, son gendre le contredit et ses enfants lui disent
» qu'il radote... (1) ».
A. PLIEUX.
{A suivre.)
LE CARNAVAL A EAUZE EN 1630
Le carnaval de 1630 s'annonça sous de fâcheux auspices. La peste
menaçait de troubler la saison joyeuse, si chère aux habitants d'Eauze.
On racontait déjà depuis de longs mois que « les maladies contagieuses »
•
s'étaient manifestées sur plusieurs points delaprovince deGuienne;néaa-
moins l'épidémie n'avait pas encore paru en Armagnac. Mais, comme les
vendanges allaient sur leur fin, le 14 octobre 1629, la nouvelle éclata à
Eauze « que la contagion estoit en Thostellerie appelée de Marrast entre
Gondrin et Lauraët, non sullement en ce lieu, mais encore à Bour-
deaux, Tholose et autres lieux ». Aussitôt le premier consul, Arnaud
Paulmé, élu par le quartier de Carbonas (2), fit publier aux lieux
accoutumés par les trompettes de la ville que les jurats devaient à se ren-
(1) Tableau de Paris, chap. 319.
(2) La ville et juridiction d'Eauze était divisée en quatre quartiers, que Ton
désignait par le nom des quatre portes de la viUe; et chaque quartier élisait un
consul. Il y avait ainsi les portes et quartiers de Carbonas au nord, de Saint^uly
à Test, du Lac au midi, et de Nogaro à l'ouest. La porte de Carbonas communi-
quait avec les routes du Gabardan, du Bazadais et du Bordelais; la porte de
Saint-July, avec celles du Condomois, de l'Agenais et de la Lomagne; la porte
du Lac, avec celles du Fezensac, de l'Âstarac et du Languedoc; la porte de
Nogaro, avec ceUe3 de l'Armagnac, de Rivière-Basse, du Béam et de la Chalosse.
— 138 —
dre immédiatement à la maison commune, où le corps de ville aurait à
délibérer sur les mesures à prendre en cette grave occurrence. La jurade
se réunit en effet; à Tunanimité il est arrêté qu'on fera la garde « le
plus'exacteinent que faire se pourra aux portes de ceste ville, qui s'ou-
vriront sur le jour, par rang, et que le consul de chasque pourtal y assis-
tera, et que les bresches se fermeront aux palissades et murailles. »
Malgré cette décision, les étrangers, franchissant fossés et palissades,
continuaient à s'introduire dans la ville.
Cependant la peste sévissait de plus en plus. Le 28 octobre, la
jurade se tint de nouveau et rendit une ordonnance plus sévère. Tous
les marchés du jeudi et la foire d'après la Toussaint furent supprimés,
et défense fut faite aux marchands d'Eauze de se rendre aux marchés
et foires du voisinage. En outre, on condamna toutes les portes de la
ville, sauf celle de Nogaro qui, seule, resta ouverte. Pour combler la
mesure, un article de l'édit consulaire décréta la fermeture des auberges,
cabarets et hôtelleries quelconques, « avec deffense aux hostes de ne les
ouvrir pour y recepvoir personne quel que ce soyt, à peyne de cin-
quante livres d'amende. » Mes lecteurs devinent comment ceci fut reçu
en un pays où « l'huile de sarment » a toujours été tenue en très spécial
honneur. 11 paraît bien que ce point délicat ne fut pas plus observé que
celui qui prohibait les promenades aux marchés voisins, et particulière-
ment à ceux de Nogaro et de Labastide, et dont il ne fut guère tenu
compte, ainsi qu'en témoignent diverses délibérations subséquentes.
Nos compatriotes étaient presque tous sans doute de l'avis que le poète
d'Astros devait exprimer six ans plus tard :
Très dits de bin blous tout dejun,
Auta plan en ger (janvier) coum en jun,
Haran la moûo à toute pesto,
A tout berenc e tout le reste (1).
Aussi, le carnaval venu, auberges et cabarets s'ouvrirent et s'empli-
rent de monde, La jeunesse dorée de la ville, circulant de jour et de
nuit sous les déguisements que la saison autorise, s'y arrêtait volontiers
et, après quelques rasades, se précipitait au dehors, se hvrant à toute
sorte de folies. Les consuls prirent l'alarme et firent proclamer « def-
fenses et inhibitions de ne se déguiser en mascarades ny faire des inso-
lances par la ville de jour ny de nuit, à cause du temps et contagion qui
(1) Playdeiata de las quoûate Sasous. La première édition de ce poème est
de 1636. Voyez Reçue de Gasc, t. xxv, 1884, p. 285.
Tome XXX. 10
— 134 —
est en ceste province de Guienne. » Autant en emporta le vent. La sévé-
rité municipale ne fit qu'exciter les jeunes gens contre les consuls et les
barbes grises de la jurade.
Un dimanche du carnaval de 1630, le 27 janvier, « plusieurs mas-
ques et déguisés couroient et battoient le pavé dans ceste ville. » Sur la
place, un des consuls, Amadou Ducos, consul de la porte et quartier
de Saint-July, causait avec quelques amis, jurats de la cité, le capitaine
Labarthe, Bernard Moncaup, et Pierre Lagardère, sieur de la maison
noble de Riberon, en Maignan, qui était venu à Eauze prendre l'air du
carnaval. Tout à coup, nos masques s'approchent d'eux et se mettent
a à passer et repasser arrogament devant led. s*" Ducos avec de gran-
des arrogances et mesprix. » Les jurats goûtèrent peu ces bravades; ils
allumèrent leur consul, qui ne demandait qu'à prendi'e feu; et voilà
maître Amadou qui se revêt en hâte de sa livrée consulaire et marche
vers les délinquants « pour les arrester. » Malheureusement pour la
majesté de la loi, nos masques se hâtèrent de prendre leurs jambes à
leur cou, toql en lançant les traits du Parthe., bardant le pauvre con-
sul de leurs brocards « et continuant leurs mesprix et arrogances. » Sur
quoi le magistrat, se piquant au jeu, s'élança à leur poursuite, et Ton
vit dans les rues d'Eauze une vraie chasse aux masques. Il finit par
mettre la main sur un des criminels, et, lui ayant arraché son déguise-
ment, il reconnut... horreur! un apothicaire, Bernard Dambès. « Et le
voilant mesner en prison », Amadou Ducos se vit en un clin d'œil
entouré d'une nuée de pierrots, amis et complices dudit apothicaire,
« qui y seroient accourus et, avec grands mesprix à l'authorité du consul,
auroient osté et faict évader ledit Bernard Dambès des mains dudit
sieur Ducos. Mesmes luy auroient donné plusieurs secousses et pous-
sades et, à raison d'icelles, faict tomber sa livrée consulaire et icelle
foliée à leurs pieds. » Le scandale était criant. Mais contre de tels fous
que vouliez-vous que fît notre homme? Vaincu, ayant relevé ses insi-
gnes enoore souillés de la poussière du champ de bataille, il courut
dresser procès-verbal « de tous ces excès » et fit convoquer la jurade
pour le lendemain lundi 28 janvier.
Bientôt, les noms de ces beaux masques furent connus et volèrent
sur toutes les bouches. Dans le nombre, — nouveau scandale, — on
citait Jacques Thore, le propre fils du premier consul d'Eauze, Marquis
Thore, représentant du quartier de Carbonas. On parlait aussi d'Arnaud
Gounère, fils d'un marchand du quartier de Nogaro. Eux du moins
pouvaient invoquer l'excuse de l'âge, car c'était des poussins sortant à
peine de leur coque; ils avaient encore, selon le mot du pays, < du lait
— 135 —
au bout du nez. t Mais il était un compagnon qui, de ce côté, méritait
beaucoup moins qu'eux Tindulgence des gens de bien. Il avait mené
toute la troupe, dirigé le combat et réparti les coups ; et c'était un ado-
lescent de 37 ans, Bertrand Dambès, frère aîné du prisonnier d'un ins-
tant, et, qui plus est, apothicaire comme lui; car il semble que tous les
hoirs de cette famille appartenaient par droit de naissance aux œuvres
et aux pompes de M. Purgon.
La jurade se réunit donc le lendemain pour trancher le cas. « A quoy
délibérant par commune voix et oppinion de lad. assamblée, a esté con-
clud et arresté que led. Dambès et autres seront vivement poursuivis
pour les faire punir en justice desd. excès et que led. s*" Ducos s'en ira
au Busca trouver Monsieur le président de Maniban, auquel il priera
voir ledit verbal et se conseiller avec luy. » Mais il y eut bien pis. Les
jurats, encore sous le coup de l'indignation contre un tel attentat à la
majesté consulaire, s'en prirent au carnaval lui-même et décrétèrent
« que inhibitions et deffenses seront faictes à toutes sortes de gens de
De se desguiser ny masquer dans la présente ville, ny marcher la nuict
par les rues après les sept heures sans avoir chandelles ou flambeaux
allumés, à peyne de vingt-cinq livres et de tenir prison, et que ce sera
placardé et publié à son de trompe affin qu'il soit notoire à chascun;
n'ayant ledit sieur Marquis Thore, consul, opiné au présent acte, pour
s'eslre récusé. » Ce qu'il advint de l'affaire, et si le carnaval se contint
depuis dans les bornes étroites que lui assignait la jurade, nous l'igno-
irons. En tout cas, il est certain qu'on ne tint pas longtemps rigueur à
Bertrand Dambès de ses pasquinades du carnaval de 1630; il fut, en
effet, inscrit sur la liste des candidats au consulat pour l'année 1634 et
élu consul par le quartier de Saint-July.
Quant à la peste, elle continua à sévir dans l'Armagnac et sur ses
confins. Durant les vendanges de 1631, les consuls d'Eauze la signa-
lent à Estang, Montguilhem, Mauléon, Mont-de-Marsan et Louspey-
roux (Lot-et-Garonne). Ils prirent contre elle de nouveaux arrêtés, « en
attendant que Dieu la veuille faire cesser ». Elle disparut enfin. Mais,
plus fort qu'elle, le carnaval résista victorieusement à la mauvaise
humeur des consuls et jurats d'Eauze, et l'on dit même que le bon-
homme vit encore.
A. BREUILS.
BIBLIOGRAPHIE
I
La dévote chapelle de Notre-Dame de Piétat, a Condom^ diocèse
d'Auch. Notice historique et descriptive de ce sanctuaire et de la dévo-
tion dont il est le siège, par Tabbé Ferran , aumônier du couvent de
Piétat. Condom, imprimerie Dupouy, S. D. (1887). 1 vol. in-18 de
288 pp.
Piétat correspond, dans notre parler provincial, au français Pitié
dans le titre de Notre-Dame-de-Pitié, synonyme de celui qui a prévalu
en liturgie, Notre-Dame des Sept-Douleurs. Parmi les nombreuses
chapelles de dévotion érigées en Gascogne sous ce vocable au xvi® et au
xvii^ siècle, celle qui s'élève encore. près de Condom, à Tembranche-
ment du chemin de la gare avec la route de Nérac, n'est pas des moins
célèbres. Il est vrai qu'à la dévotion populaire, qui déjà la recomman-
dait aux pieux chrétiens, est venue se joindre de nos jours la juste
renommée d'une institution de premier ordre pour l'éducation des
jeimes filles. Par une heureuse inspiration, l'aumônier du couvent des
Filles de Marie de Piétat a voulu se faire l'historien de la dévote cha-
pelle. Je n'ai pas attendu jusqu'à ce moment pour déclarer qu'il y a
fort bien réussi; mais je suis toujours en demeure de faire connaître
au moins quelques-uns des principaux traits de cette histoire.
11 y a d'abord la question des origines, question obscure et difficile,
dont le judicieux écrivain se débrouille à merveille. Un document très
respectable, mais relativement très récent (1688), plaçait la fondation
de la chapelle de Piétat en 1320; il y avait là un gros anachronisme :
on ne peut la faire remonter au delà du xvi^ siècle. C'est probablement
en 1520 qu'un bourgeois de Condom en fit le vœu dans la conjoncture
rappelée par le document cité. Une furieuse tempête le surprit à l'en-
droit même où s'élève aujourd'hui la chapelle, non loin d'un «aubier »
sur lequel se voyait une image de la Vierge. « Le sieur Berenjou
étant donc arrivé devant cette image, la foudre tomba au pied de son
cheval et le renversa par terre sans aucun danger; le susdit Berenjou,
3e voyant sans aucun accident, se prosterna à genoux devant celte
— 137 —
image et promit par un vœu qu'il bâtirait une chapelle sous le nom de
Notre-Dame de Piétat, ce qu'il fit... » D'après des documents d'une
incontestable authenticité, la chapelle existait déjà en 1536; Raymond
de Berenjon (évidemment l'auteur du vœu), par son testament de 1545,
ordonna qu'elle fût voûtée de pierre, aux dépens de sa succession, dans
les deux ans qui suivraient son décès ; et il mourut au commencement
de l'année suivante. Dès ces origines, la dévotion à Notre-Dame de
Pitié se développa largement à Condom et fit affluer à Piétat les prêtres
et les fidèles. L'évêque Hérard de Grossoles y contribua sans doute en
établissant dans sa cathédrale une Confrérie des Cinq-Plaies de Notre-
Seigneur et des Sept-Douleurs de la Sainte-Vierge. Une procession
générale de la ville à Piétat, le soir de Pâques, est signalée dès 1584,
comme déjà consacrée par l'usage; M. Ferran conjecture, avec beau-
coup de vraisemblance, que cet usage remontait à l'année 1538, ou R.
de Berenjon fut consul de la ville. Le protestantisme, qui fit à Condom
tant de ruines morales et matérielles, n'épargna pas Piétat; la voûte en
fut démolie, comme celles des églises de la ville, par les troupes de
Montgonmery, mais la sainte image fut sauvée, et sitôt le calme rétabli,
la dévotion populaire reprit son cours.
Je ne fais maintenant que signaler les événements qui changèrent à
diverses dates l'état de la chapelle, et dont chacun fournit un chapitre
à l'historien. En 1611 et 1612, les « gardes » ou fabriciens de la cha-
pelle, parmi lesquels on rencontre les noms les plus honorables de Con-
dom, la firent agrandir et lui donnèrent à peu près l'aspect qu'elle
oflfre encore; mais ils s'opposèrent à l'établissement d'un chapelain,
que voulait y placer l'évêque Jean Du Chemin. — Il y eut mieux quel-
ques années plus tard : deux prêtres pieux, Nicolas Pasquier, d'Eauze,
et Pierre Lassus furent, sur leur demande, nommés chapelains à vie
par ordonnance épiscopale d'Antoine de Cous (5 février 1628); un peu
plus tard (1633), le même évêque établissait la Société perpétuelle des
Chapelains de Piétat. Mais cette pieuse compagnie ne prospéra pas;
il fut question d'abord de la remplacer par des Prêtres delà Mission;
ce furent définitivement les fi'ères de Saint-Jean de Dieu, administra-
teurs de l'hôpital de Notre-Dame, qui furent installés aussi à Piétat
(10 juillet 1655). — Ces bons religieux ne négligèrent rien pour orner
le sanctuaii-e de la Vierge et pour encourager la dévotion populaire.
M. Ferran donne ici des indications très intéressantes, soit sur divers
travaux d'art exécutés à Piétat, soit sur les pratiques édifiantes, —
pnxîessions générales, pèlerinages annuels de diverses paroisses, pèle-
rinages privés, fêtes de la Sainte- Vierge, — soit enfin sur les grâces
— 138 —
signalées et les autres heureux fruits de la dévotion à Notre-Dame de
Piétat, dont il a retrouvé le souvenir dans la tradition et dans les docu-
ments écrits.
La Révolution fat encore plus funeste à Piétat que le protestantisme.
Le dernier prieur, le P. Bourjot, s'y maintint comme administrateur
de rhôpital jusqu'en 1792, grâce à la tolérance a<îcordée çà et là aux
corporations charitables. Mais après l'abolition officielle du culte (no-
vembre 1793), la dévote chapelle fut dépouillée de tout son mobilier et
servit de grange pendant quelques années. Grâce à la piété de plusieurs
Condomois et au zèle de Bourjot lui-même, qui sut réparer ainsi plu-
sieurs actes de faiblesse, elle fut remeublée et réconciliée après le
Concordat, et le culte public y rentra au plus tard le 1®^ avril 1803. 11 re-
trouva tout son éclat, avec un surcroît d'édification, en 1824, quand
M"®* Adèle de Batz-TrenqueUéon et Lolotte de Lachapelle y établirent
un pensionnat des Filles-de-Marie, ordre religieux enseignant fondé
par la première de ces deux saintes filles.
J'arrête ici ce sec résumé, qui n'est qu'une esquisse historique sur
un lieu de dévotion très digne d'être connu. Mais je ne prétends ni
dispenser mes lecteurs de recourir au livre que je viens d'extraire, ni
•leur avoir donné une idée exacte de ses mérites. Ils y trouveront, outre
le détail des faits que j'ai à peine touchés, nombre de récits intéressants
et de discussions bien menées que j'ai dû passer sous silence, et surtout
des descriptions d'art qui montrent le savant et pieux historien doublé
d'un véritable archéologue.
II
Un sermon inédit d'une hlle du roi Henri IV, publié par Ph. Tamizey
DE Larroque pour le mariage de M"* Madeleine Delpit et de M. René
Delpit, lieutenant de vaisseau, chevalier de la légion d'honneur. Salnt-
Etienney impr. Ch. Roy, 1888, in-8* de [viii]-viii-22 p. (Tiré à 100 ex.
dont aucun ne sera vendu).
Un grand amateur français du dix-septiéme siècle Fabri de Peiresc,
par LÉopoLD Deusle, membre de l'Institut. Etude suivie du Testament
INÉDIT DE Peiresc, publié et annoté par Ph. Tamizey de Larroque, cor-
respondant de Tinstitut. Toulouse, Ed. Prioat, 1889. Gr. in-8'de31 p.
J'ai eu déjà, une fois au moins (1), et je me suis hâté de saisir l'oc-
casion de louer et de recommander l'imitation en France d'un charmant
usage italien, qui consiste à profiter d'une fête nuptiale pour publier
(1) A propos d'un opuscule de M. P. de Nolhac, R. de G., t. xxix, p. 48.
— 139 —
quelque rareté, quelque curiosité bibliographique. Il n'y aura jamais
trop de bijoux de ce genre mis au jour. Je me permets, en particulier,
de croire que la mariée du 12 décembre dernier aura prisé aussi haut
que les plus précieux joyaux de sa corbeille de noces Télégante pla-
quette, au titre alléchant, que son ami et le nôtrq lui adresse avec une
lettre toute chaude de bonne vieille affection pour elle et pour ses
parents. Je le remercie à mon tour, pour la Reoue de Gascogne et pour
moi, d'un don amical qui me permet de faire participer un peu nos chers
lecteurs à la bonne aubaine de la jeune bordelaise qui embellit de sa
présence notre grande réunion de 1886, à Tarchevêché d'Auch, où elle
représentait, avec sa mère, ce digne vétéran des études historiques du
sud-ouest de la France, M. Jules Delpit.
Le Sermon inédit est bien un sermon, quoique composé par une
femme et non prononcé en chaire. Les dimensions en sont modestes,
il est vrai (p. 7-22), et on pourra l'appeler, si Ton veut, une simple
instruction ; en tout cas, c'est un morceau très édifiant, et d'un bon
style, une sorte de méditation sur le texte : Mirabilis Deua in sanctis
suis y écrite pour la Toussaint de 1657. L'auteur est Jeanne-Baptiste
de Bourbon, allé légitimée de Henri IV et de Charlotte des Essars de
Romorantin, née le 22 février 1608, abbesse de Fontevrault en 1637,
morte en 1670. Le manuscrit d'où M. T. de L. a tiré ce discours en
renferme six autres du môme auteur, qui tous ont dû être répandus,
sans passer par l'impression, dans les couvents de l'ordre de Fontevrault
pour l'édification des religieuses. Le volume in-12 utilisé par notre
savant collaborateur vient très probablement du couvent du Para vis,
près Sos; il est aujourd'hui la propriété de M. l'abbé Lapujade (1),
curé de Viane, qui consentirait à le céder à une bibliothèque publique
ou particulière, « Je regrette, ajoute M. T. de L., de n'être pas assez
riche pour joindre ce volume à ma modeste collection. »
Je prends à peu près au hasard une page du Sermon^ pour donner
quelque idée de l'esprit et du style de Tauteur : «... Ne nous y trom-
pons pas. Dieu ne demande pas de nous toute sorte de sainteté, mais
celle qui est conforme à notre état. Celle des Chartreux n'est pas la
nôtre, ni celle des Anachorètes, ni des mendiants, etc. La sainteté que
Dieu demande de nous, c'est Tobservance de nos règles, qui contien-
(1) La similitude des noms me rappelle ici que le poète agenais Antoine la
Pujade Cû&ocred chrestiennes, 1604) dédia un de ses poèmes (Vision, f 430-
450) auat Dames du ParaoLs» parmi lesquelles il nomiùo M"" Marie de Monluc,
de ('apdequi, de Lésignan, de Cours, Jeanne de Malvin, de la Scale, de Fimar-
con, de Roquepine, Giliberte de Montagnac, d'Anglade, etc.
>«
— 140 —
nent les moyons de notre sainteté : garder le silence aux heures et aux
lieux ordonnés; vaquer à la prière aux temps qui y sont destinés;
dormir, manger^ vous divertir aux heures prescrites; visiter les mala-
des, exercer la charité selon ce qui est pertnis, et tout le reste qui com-
pose la vie religieuse .dans cet ordrt. Faire ces choses avec un esprit
intérieur ; entrer autant qu'il se peut dans celui par lequel Dieu veut
être honoré et servi dans ce saint ordre; en garder les austérités quand
vous le pouvez; si vous êtes dans l'infirmité, la souffrir avec humilité
et patience; prendre garde de ne pas faire de notre infirmité la croix et
le supplice des autres; prendre avec soumission et en esprit d'obéis-
sance les dispenses et soulagements dont vous avez besoin ; travailler
à la cuisine et aux offices humbles du monastère, selon sa professioa
et Tordre des supérieurs : voilà le moyen d'être saints; c'est ce que
nous avons toutes promis librement; il le faut garder. »
On voit que la fille d'Henri IV écrit d'un style qui n'est pas pour
démentir son origine, et surtout que ses sentiments répondent à la
sainteté de son état. M. T. de L. a mis en tète de cet échantillon de
littérature pieuse de bonnes pages préliminaires ; le temps seul, je sup-
pose, lui a interdit un travail d'annotation, qui d'ailleurs n'était nulle-
ment requis en pareil sujet; mais la hâte imposée à l'imprimeur,
M. Ch. Boy, avantageusement connu par des travaux d'un autre
ordre (1), ne Ta pas empêché de donner à cette plaquette le plus gra-
cieux aspect.
— Je ne veux qu'annoncer ici une autre nouveauté de notre infatigable
collaborateur, celle-ci relative à cet illustre savant du dix-septième siè-
cle, Peiresc, dont M. T. de L. a déjà commencé à publier la volumi-
neuse correspondance. J'ai parlé de mon mieux du volume déjà paru,
dans la Revue critique du 3 décembre dernier. M. Léopold Delisle avait
parlé de Peiresc, quelques jours avant, à une séance publique de l'Aca-
démie des Inscriptions de Belles- Lettres, « avec autant de charme que
d'autorité ». Cette communication d'un des maîtres de l'érudition fran-
çaise, a paru dans le premier numéro des Annales du Midi (2), avec le
Testament de Peiresc, annoté par notre savant ami, et vraiment digne,
par la richesse et la sûreté du commentaire, de figurer en si noble com-
pagnie.
(1) La Reoue de Gascogne a' parlé d'un de ses opuscules (t. xx, 1879, p. 431).
(2) Voir sur cette savante revue la première des Notes dicerses imprimées à
la suite de cette bibliographie.
— 141 —
III
La qaieté de Baluze, documents biographiques et littéraires, par M. G.
Clément-Simon, Paris, Honoré Champion, 1888. Gr. in-8' de 88 p.,
plus un tableau.
Si nous considérons M. Clément^Simon comme un demi-compa-
triote (l)y nous ne pouvons regarder comme un étranger Le grand
érudit Baluze, qni fut < domestique » d'un de nos archevêques avant
d'être le secrétaire de Pierre de Marca, et dont plusieurs écrits, surtout
les Vitœ paparum avenionensium, sont consultés par tous ceux qui
s'occupent de l'histoire de Gascogne. Il est donc juste d'accorder ici au
moins une petite page à cette curieuse brochure, qui nous fait connaître,
sous le savant si justement vanté, l'homme spirituel et facétieux. On
a confondu quelquefois Baluze avec ses austères amis les Bénédictins.
11 avait leurs goûts studieux, mais avec une pointe d'humeur gaillarde
peu monastique, quoique toujours contenue par le bon ton et l'honnê-
teté. La notice préliminaire de M. Clément-Simon renferme de piquants
souvenirs de la « gaieté de Baluze. » Les pièces inédites qui forment
le corps de sa publication exciteront la curiosité de tous les amis du
bon vieux temps. Ce sont surtout des plaisanteries, disons le mot, des
bouffonneries malicieuses à l'adresse de certains dignitaires ecclésiasti-
ques de la ville de Tulle. Imitant en charge leur rhétorique lourde et
pédantesque, Baluze n'a pas craint de mettre sous leur nom dçs haran-
gues de fantaisie, qui sont des chefs-d'œuvre de pathos et d'ineptie.
Heureux temps, où les compliments trop solennels de M. le doyen du
chapitre ou de M. l'official devenaient le thème le plus fécond de dis-
cussions et de malices dans les cercles de nos bonnes villes I
Outre l'agréable et solide étude de M. Clément-Simon et les onze
« opuscules burlesques » de Baluze, cette brochure renferme : 1° un
beau portrait du grand érudit et des facsimilés de son écriture à diver-
ses époques ; 2** un appendice sur l'histoire de sa famille : M. Clément-
Simon y corrige bien des données acceptées par M. Louis Guibert dans
son édition, d'ailleurs très savante et très utile, du Livre de raison
des Baluze (Tulle, 1888); il y montre, en particulier, que le premier
Baluze connu, Pierre, qui vivait à la fin du xv« siècle, fut libraire et
nonécuyer; 3** un tableau généalogique, depuis Pierre Baluze jusqu'au
(1) Voir R^ue de Gase, de décembre dernier, p. 576.
— u% —
dernier représentent mftle de la famille^ Léonard de Baluze du Mayne^
mort en 1840.
Cette publication satisfera de tout point les curieux et les délicats. Je
n'y ai aperçu qu'une petite tache : une faute d'impression, deux fois
répétée, qui fausse le sens et la mesure du second de ces deux vers
(p. 39) :
En ce monde il eut tant de maux
Qu'on ne croit pas qu'il y revienne.
IV
Eloge funèbre de M. Paul Lacave La Plagne-Barris, conseiller à la
cour d'appel de Paris, prononcé dans Téglise do Montesquieu, le 11
décembre 1888, jyar M. Tabbé de Carsalade du Pont, chanoine de la
cathédrale d'Auch. Auch, inxpr. CocharauXy 1888. Grand in-S* de
53 p.
Le comte de Maulêon, ancien conseiller du Grers. Auch, impr, A. Thi-
bault, 1889. 13 p. in-8".
La Revue de Gascogne a perdu vers la fin de l'année dernière deux
de ses plus éminents amis, en la personne de M. le cx)nseiller Paul
La Plagne et de M. le comte Alphonse de Mauléon. Elle a déjà payé
son tribut à la mémoire du premier, mais un tribut trop légej pour ne
pas profiter des occasions de revenir sur un sujet si cher; elle remercie
M. l'abbé de Carsalade de lui en fournir une, et des plus heureuses,
comme elle est reconnaissante à M. de Puget de lui avoir adressé
sur M. de Mauléon une notice bien courte, mais pleine de sens et
de cœur.
A notre grand regret, le cadre étroit de nos bulletins bibliographi-
ques ne nous permet guère qu'une mention fugitive de deux opuscules,
que nous recommandons du moins à tous les amis du bien. L'oraison
funèbre de M. Paul La Plagne a obtenu déjà des éloges bien vifs; elle
les justifie tous, et au delà, par la noblesse des pensées et du langage,
par la chaleur et l'émotion du sentiment. J'en aurais cité quelque chose
si l'excellente Semaine religieuse d'Auch ne l'avait communiquée
tout entière à ses lecteurs, dont beaucoup sont aussi les nôtres. J'aime
mieux les avertir qu'ils trouveront de plus, dans la belle édition impri-
mée chez MM. Cocharaux, une douzaine de pages très compactes sous
le titre de Noies, oh abondent des renseignements instructifs et curieux
que la forme oratoire de l'éloge excluait, et en particulier des extraits
— 143 —
Vraiment inappréciables des Souvenirs de jeunesse du savant, spirituel
et saint magistrat.
Je veux rappeler seulement ici, à titre d'information utile, quel-
ques données sur les hommes illustres de sa famille. Soii grand-oncle,
le baron Barris, né à Monlesquiou en 1769, député à l'Assemblée l^s-
lative (1791-2), mourut président à la Cour de cassation en 1824, et
son éloge fut prononcé par le premier président Desèze, qui lui attri-
buait à juste titre de bien rares qualités : « Talents brillants, instruction
profonde, expérience consommée, jugement sûr, pénétration vive, saga-
cité admirable, facilité surtout qui tenait du prodige... ». Une des
sœurs du président Barris épousa l'illustre jurisconsulte Tarrible, trop
oublié parmi nous, mais sur lequel il y a un bon article dans le sup-
plément de la Biographie universelle. Une autre sœur épousa Bar-
thélémy Lacave, sieur de La Plagne; de ce mariage naquirent : 1° Le
baron Lacave La Plagne-Barris (fils adoptif du président Barris), pair
de France et président à la Cour de Cassation, mort à Montesquieu en
1858; 2° M. Lacave La Plagne^ ministre des finances sous Louis- Phi-
lippe. Celui-ci est le père du sénateur actuel du Gers. — L'autre est
le père de notre regretté confrère. M. de Carsalade cite sur ce grand
magistrat une notice de M. Cuvillier-Fleury (Journal des Débais,
4 déc. 1857), qui heureusement a été reproduite par Téminent critique
dans ses Dernières études historiques et littéraires (Paris, Lévy,
1859, 2 V., t. II, p. 212-223). C'est dans l'inlérêt des lecteurs sagement
curieux que j'indique cette source très accessible, en notant que le
morceau est des plus dignes d^étre lus, par la richesse du fond comme
par l'éloquence du langage,
— M. le comte de Mauléon, né à Gimont le 6 avril 1810, y est
mort le 3 novembre dernier. Elève de l'Ecole polytechnique (promotion
de 1829), condamné h la vie privée par l'attitude que prit en 1830 son
père, alors député du Gers, et qui répondait, sinon aux légitimes aspi-
rations du fils, au moins à ses idées sévères d'honneur et de fidélité, il
n'eut guère à remplir d'autres mandats officiels que ceux de maire de
son village et de conseiller général de son département. Mais il ne cessa
d'aimer et de cultiver l'es études historiques, dont le culte est hérédi-
taire dans sa noble famille, et les sciences qui avaient passionné sa
jeunesse (1). Use dévoua surtout, avec un zèle actif et un absolu désin-
(1) Je ne connais d'autre travail imprimé de M. A. de Mauléon qu'une
Description de la chanelle.,. de Cahusac (p. 1-20), en t-Mc du Tableau de la
miraculeuse chapelle.,,, de Jean Duclos^ réimpression de 1853 (Toulouse,
A. Manavit. In-18 de 100 p.).
— 144 —
téressementy à la cause du bien, et ne refusa jamais son concours à
aucune œuvre de religion ou de bienfaisance. « Nous qu'il honora de
son affection, dit éloquemment M. de Puget, nous savons que sa géné-
rosité était discrète comme elle était prodigue, nous savons qu'il s'ef-
façait pour donner, nous savons enfin qu'il avait la pudeur de la bonté;
mais ce qu'il a fait de bien, ce que sa main a répandu d'aumônes, ce
que, dans son cabinet toujours ouvert à toutes les infortunes, il a dis-
tribué de consolations et de conseils, Dieu seul le sait I »
Revue des Pyrénées et de la France méridionale, organe de TAssocia-
tion pyrénéenne et de TUnion des Sociétés savantes du Midi, publication
illustrée paraissant chaque deux mois, dirigée par Julien Sacaze et le
D' F. Garrigou, avec la collaboration de membres de l'Institut, de pro-
fesseurs des Facultés de Paris, Toulouse, Bordeaux et Montpellier, et
de plusieurs érudits de la région. Toulouse, Ed. Prioat (*) (n* 1, jan-
vier-février 1889, 140 p. gr. in-80.
La Revue de Gascogne, saluée avec sympathie dès le premier
numéro de la Revue des Pyrénées, a bien d'autres raisons de signaler
et de recommander ce nouveau périodique régional. Toulouse, qui
n'avait pas de revue si vante, en produit tout d'un coup deux à la fois ;
on aurait tort de s'en effrayer, car ces deux organes, également voués
aux études sérieuses, ont d'ailleurs un caractère assez différent et
même un domaine diversement limité. Nos lecteurs connaissent le
sens très large que M. Ant. Thomas, fondateur des Annales du Midi^
donne à l'expression France méridionale, et les préoccupations exclu-
sivement historiques et philologiques de sa revue. Celle de MM. J.
Sacaze et J. Garrigou n'a pour champ d'études que « les Pyrénées
françaises et espagnoles et la région du midi de la France comprise
dans les ressorts académiques de Toulouse, Bordeaux et Montpellier. »
En revanche, rien de plus étendu que son pmgramme : « Géographie,
histoire, anthropologie, ethnographie, archéologie, philologie, Uttéra-
ture, art, alpinisme, géologie, paléontologie, botanique, zoologie,
hydrologie et médecine, météorologie et climatologie, agriculture et
questions d'intérêts locaux et généraux au point de vue commer-
cial, industriel, économique, » C'est beaucoup, ce serait même peut-
(*) Voir à la troisième page de notre couverture pour les conditions d'at>on->
nement.
— 145 —
être trop, si la Revue des Pyrénées^ au rebours des Annales du Midi^
ne paraissait devoir être, au moins habituellement, plutôt un organe
de \ ulgarisation qu'un recueil strictement scientifique.
Il suffira pour aujourd'hui de signaler quelques-uns des articles
publiés dans cette première livraison : Hébert, de l'Institut. La
Faune primordiale dans la Montagne noire. — A. Couret. Les
Méridionaux compagnons d'armes de Jeanne d'Arc, (Beaucoup de
noms gascons. L'auteur de ce savant travail aurait trouvé des rensei-
gnements sur quelques-uns, en particulier sur Girault de la Paillière,
dans la Revue de Gascogne). — D^ F. Garrigou. Avenir des stations
thermales des Pyrénées. — Julien Sacaze. Inscriptions inédites.
(Six insc., toutes du Comminge). — Spécimens comparatifs des
idiomes pyrénéens (traductions en six parlers locaux, par six auteurs
différents, de la légende de Barbazan, proposée en 1887, comme sujet
d'exercice, par M. J. Sacaze).
LÉONCE COUTURE.
NOTES DIVERSES.
CCXLIII (1). Un nom de trop dans la liste des évoques de Dax.
Dans un court mais solide article du premier numéro de ses Annales du
midi, M. Antoine Thomas, professeur à la Faculté des lettres de Toulouse,
vient de restituer au siège d'Angoulême un èvèque du septième siècle qui
avait été attribué mal k propos à celui de Dax. Il est vrai que son inscrip-
tion sur le catalogue dacquois était récente et encore à x)eine connue; mais
comme j'ai pu contribuer pour ma part à répandre Terreur, je veux la
rex)ou8ser à mon tour, en profitant du travail de M. A. Thomas.
J'ai publié ici même, en 1869, un article intitulé : Un Concile inédit de
Bordeaux et neuf évoques inconnus de la province d'Eauze au wn' siècle.
Ce concile venait d'être édité, d'après une copie de Baluze, par M. Larrieu,
supérieur du grand séminaire de Bordeaux. — Il ignorait, et j'ignorais
comme lui, une édition donnée en 1849 par M. Pardessus et que M. Tho-
mas dit être la première. Je crois qu'il y en avait une et peut-être deux
plus anciennes, mais dont je ne retrouve pas en ce moment l'indication. —
Quoi qu'il en soit, ce concile est fort intéressant pour notre histoire par
divers détails, dont j'exposai quelques-uns dans ma modeste étude. Mais les
noms de plusieurs évèques inconnus de la Novempopulanie révélés par leurs
(1) Errata. Les chiffres romains placés en tête des trois Notes diverses de
notre livraison de janvier dernier (p. 49, 50, 51) doivent être augmentés cha-
cun d'une unité.
— 146 —
signatures auraient suffi pour éveiller Tattention. Seulement j'ai eu tort —
M. Pardessus et d'autres avaient commis la même erreur — d'en compter
neuf; il n'y en a que huit. Celui que je comptais pour le huitième et avant-
dernier a signé : Tomianus acquilesiminensis urbis episcopus. Je prenais
dcquilesiminensis pour synonyme de aquensis (de Dax), en avertissant
que cette forme étrange ne se trouvait pas ailleurs. M. Thomas montre fort
bien que c'est une déformation assez légère à'Acquilisinensis (d'Angou-
lême). — Il ajoute :
« Dans l'ôvêque d'Auch appelé Leviadus par le concile de Bordeaux,
M. L. Couture propose de reconnaître saint Léotade en corrigeant Leviadus
en Levtadius. Nous nous associons pleinement à cette conjecture et nous
ferons remarquer que la correction ne doit porter que sur une lettre, un t
au lieu d'un i, car la forme Leutadus est plus ancienne que Leuta-
dius, »
Je profite de cette occasion pour recommander vivement aux amateurs
d'histoire et de linguistique méridionales la nouvelle publication trimes-
trielle fondée et dirigée par l'un de nos romanistes les plus éminents. Si elle
obtient l'accueil qu'elle mente, elle deviendra le lien solide et autorisé des
divers périodiques provinciaux du Midi de France. Déjà, pour notre part,
nous avons trouvé plus d'une note utile à prendre dans cette première
livraison (1), L, C.
CCXLIV. Cours de littératare étrangère, professé à rinstitut
catholique de Toulouse (tous les mardis de février et mars, 4 h. 1.2
par M. Léonce Couture, doyen de la Faculté des lettres. —
Sources et origines de la poésie romane : les chansons populaires.
Le professeur continue & étudier la litérature orale des peuples du Midi
comme source de la poésie cultivée des trois nations romanes : France, Italie,
Espagne.
Il a traité l'an dernier des contes populaires, mais considérés seulement
en eux-mêmes, avec les questions d'origine qui s'y rattachent. Il emploiera
cette année une ou deux leçons à montrer la part qu'ils ont eue dans les
premières poésies narratives des littératures du Midi. Cette part est nulle,
ou à peu près, dans l'épopée primitive; mais elle est appréciable dans les
compositions épiques plus récentes et dominante dans les poèmes et romans
(1) Ainsi j'y apprends (p. 115) que la Lettre de Montaigne publiée par
M. Em. du Boys, et dont j'ai dit un mot en décembre dernier (xxix, 576), n est
pas de l'auteur des Essai s , mais d'un nain de la cour à qui on avait do une plai-
samment ce sobriquet. C'est M. Em. du Boys qui a corrigé lui-même la fausse
attribution qu'il avait commise. — Dans le consciencieux dépouillement de la
R. de G. de Tan dernier (v. 96-99;, je ne prends aujourd'hui que les quelques
mots relatifs à l'article de M. Breuils sur le Glésia : «... Il montre, par de bonnes
raisons et en s'appuyant de documents du moyen àce, que l'emplacement de la
villa appartenait a 1 époque gallo-romaine à la cité a'Agen. Il est singulier oue,
dans un texte de 1450 qu'il donne en note, il n'ait pas reconnu la ville de Ber-
gerac sous la forme ancienne Bragayrao, »
— 147 —
d'aventures. Elle n'est pas moins sensible dans Tapologue et la nouyelle,
en Espagne et en Italie comme en France.
Abordant la chanson populaire, comme source de la lyrique cultivée des
nations romanes, le professeur étudiera les débris de chansons latines que
Tantiquitô et le haut moyen âge nous ont transmis, pour y relever le rythme
poétique dont les langues néo-latines ont hérité. 11 s'occupera ensuite des
divers genres de chansons populaires : cliants de prière, de travail, de
noces, de danse, chants funèbres^ chants hisloriques, etc. Il tâchera de
définir et d'expliquer les différences de fond et de forme qu'offre la lyrique
populaire comparée de l'Espagne, des deux parties de la France et des trois
j>arties de l'Italie.
Enûn, il profitera des derniers travaux de la critique pour étudier, dans
leur rapport avec les chants populaires, les premiers essais lyriques des
quatre littératures romanes : française, provençale, italienne, espagnole.
CCXLV. Encore Dom B. de Montfikacon et Dom Martianay.
Le prince Emmanuel de Broglie a publié, l'an dernier, un ouvrage d'un
grand intérêt, d'un grand charme, intitulé : Mabillon et la Société de
l'Abbaye de Saint-Germain-des-Prés à lajin du xvn' siècle (Paris, Pion,
1888, 2 vol. in-8*). J'emprunte à cet ouvrage, que l'on a partout beaucoup
loué (1), une remarquable notice sur notre grand Montfaucon (p. 269-272).
« Mais à côté de Thierry Ruinart, Mabillon voyait arriver à la pleine
maturité de leur âge et de leur talent plus d'un bénédictin bien différent de
ceux qu'il avait connus dans sa jeunesse. Tout autre, en effet, est la figure
de Montfaucon, que nous voyons grandir à côté de celle de Mabillon, et qui
devait à son tour s'acquérir une véritable renommée dans l'histoire de l'éru-
dition. Nous n'avons pas à faire dans le détail le portrait de l'illustre
auteur de V Antiquité expliquée et des Monuments de la Monarchie. Mais
il nous faut dire quelques mots de cette physionomie si originale, qui res-
sort vivement dans le cadre grave qui l'entoure. Car, avec son infatigable
ardeur au travail, qu'il sut conserver au delà des limites ordinaires de l'âge,
avec sa fougue qui étonne chez un érudit et sa singulière adresse, Mont-
faucon est un des personnages les plus caractéristiques de la société des éru-
dits, et fort différent de Mabillon.
» D'une ancienne famille noble du Midi, Dom Bernard de Montfaucon
avait débuté dans la vie par la carrière militaire, et, bien qu'il eut échangé
de bonne heure la cuirasse contre la robe de moine, il lui était toujours resté
(1) J'ai eu le plaisir de faire ma partie dans le concert (Reçue des Questions
historiques du 1" juillet 1888). Si j'osais continuer la métaphore, je dirais que
nous avons eu pour chef d'orchestre le très savant critique du journal La Monda,
Dom Piolin.
— 148 —
quelque chose de son premier métier. Ses saillies gasconnes, la vivacité
d'expression dont il se servait souvent, rappelaient parfois la brusquerie de
Fancien cadet aux gardes. Mabillon Ten plaisantait et l'appelait le sieur de
la Rochetaillade, du nom de la terre de sa famille. Montfaucon n'était, en
effet, rien moins qu'endurant, surtout lorsqu'il s'agissait d'érudition et de
documents. Il faillit une fois s'en prendre même à l'archevêque de ReimSy
qui avait gardé pour son usage personnel une boite de médailles antiques,
envoyées de Rome par un clés membres de la petite colonie bénédictine du
Monte-Pincio. Fort en colère de ce qu'il regardait comme un abus d'au-
torité, Montfaucon envoie à son collègue cette vive sortie (1)...
» L'ardente curiosité d'érudit chez Montfaucon, son acharnement au tra-
vail avaient quelque chose de militaire dans leur vivacité. Il montait à l'as-
saut de l'érudition comme il eût escaladé une place forte^ s'il fût resté dans
son métier, avec une verve et un entrain incroyables. Envoyé en Italie,
quelques années après Mabillon, il y passa deux ans entiers, abattant
durant ce temps une besogne considérable, avec une fur ia toute française,
et réunissant les matériaux pour son livre V Antiquité expliquée, qui ne
parut que vingt ans plus tard. Cet ouvrage, qui depuis a été fort dépassé
par l'érudition moderne^ mais qui contenait alors de véritables découvertes,
eut un succès prodigieux; en deux ans, l'édition complète de 1,800 exem-
plaires, soit 18,000 volumes in-folio, fut épuisée. C'est le plus grand succès
de librairie pour un ouvrage de cette sorte, durant le xvtu* siècle... (2). >
Le prince de Broglie n'a pas eu l'occasion de s'occuper de Dom Martianay,
mais je trouve un mot sur notre bénédictin landais dans une récente et
curieuse brochure de M. Ernest Jovy (Etudes et recherches. Guillaume
Prousteau, fondateur de la bibliothèque publique d'Orléans et ses lettres
inédites à Nicolas Thoynardy Paris, 1888, in-8', p. 22). Ce mot est tiré
d'une lettre écrite par le docte abbé Eusèbe Renaudot à Thoynard au sujet
de l'édition de saint Jérôme : « Je ne sais si on vous a envoyé le projet de
l'édition nouvelle de saint Jérôme. C'est le P. Martianay qui s'en mêle. Je
ne suis point content de sa préface. Il y a une forfanterie qui n'est point du
caractère de nos amis ses confrères et qui sent le gasconisme trop fortement.
Il commence à fesser sur Erasme, Amerbach et autres. Il me semble que
je vois un régent de sixième qui essaye une férule neuve sur le premier
venu. »
T. DE L.
(1) Je ne reproduis pas cette lettre, que l'on peut rapprocher de divers docu-
ments publiés dans notre chère Revue (t. xix, 1878, passim),
(2) Voici un billet du premier président du parlement de Paris, M. de Har-
lay, qui prouve que nos Bénédictins allaient parfois diner en ville : « Ce 2' décem-
bre 1705. Les R. Pères D. B. de Montfaucon et Anselme ayant bien voulu pro-
mettre à M. le premier président de venir dîner avec lui vendredi, 4* du mois,
il supplie les R. Pères D. J. Mabillon et Thierry de lui faire le même honneur. »
LES ÉCOLES DE FILLES
A GONDOM
Autrefois rinstruction de la femme n'était pas aussi
développée, aussi répandue surtout que de nos jours, et nos
pères croyaient, non sans raison peut-être, que
Former aux bonnes mœurs Tesprit de ses enfants,
Faire aller son ménage, avoir Tœil sur ses gens,
Et régler la dépense avec- économie,
Doit être son étude et sa philosophie.
Or, les soins du ménage et la bonne éducation des enfants
s^apprennent dans la famille encore mieux qu'à Técole.
Il ne faudrait pas s'imaginer pourtant qu'on pensât à Con-
dom, avec le personnage de Molière,
qu'une femme en sait toujours assez
Quand la capacité de son esprit se hausse
A connaître un pourpoint d'avec un haut-de*chausse.
Nos aïeux raisonnaient autrement que Chrysale; ils s'inté-
ressèrent toujours à l'instruction de la femme, et si nous ne
pouvons constater à une date reculée l'existence d'écoles spé-
ciales de filles à Condom, c'est que la ville ne fournit jamais
de subvention aux institutrices.
La première école de filles que nous rencontrons à Condom
remonte aux premières années du xvu' siècle; elle fonction-
nait au couvent de Sainte-Glaire.
Nous avons entendu, en effet, en 1605, un conseiller au
Tome XXX. — Mars 1889. 11
— 150 —
Prèsidial déclarer, ii Tappui d'une demande de secours adres-
sée à la ville par les religieuses Clarisses pour réparer la clô-
ture de leur couvent, que ces religieuses rendaient de grands
services en instruisant les filles. « L'abbesse, dil-il, est une
fort honnorable femme qui sert de beaucoup en ceslc ville
parce qu'elle instruit de Qlhes des babitans de lad. ville qui
n'ont pas moyen de les envoyer ailheurs pour les faire ins-
truire (i). »
A cette époque, les Clarisses, dont rétablissement à Con-
dom remonte au xin* siècle, venaient de rentrer dans leur
couvent abandonné depuis quelques années; mais il est pro-
bable qu'antérieurement elles s'occupaient déjà d'éducation.
Quoi qu'il en soit, Condom ne tarda pas à avoir d'autres
institutrices. Dans le courant de Tannée 16J3, les religieuses
Ursulines, vouées particulièrement par élat à Tinstruction
gratuite des petites filles (2), vinrent fonder un couvent dans
notre ville où les atliraient « les désirs passionnés de iMesieurs
les babitans », qui comprenaient « la nécessité indispensable
d'avoir des écoles peubliques » de filles (3); la jurade générale
du 14 juin 1727 le déclare expressément « et avec plaine
connaissance de cause, » dans les termes les plus flatteurs
pour ces religieuses :
Il a esté délibéré d'une commune voix, lisons-nous dans l'arrêté de
jurade, que le motifs intéressent, qui a engagé à faire faire Testabliss^-
ment dudit monastère en cette ville, a esté la nécessité indispensable
d'avoir dans une ville episcopale et capitalle d'une seneschaussée, où
il y a nombre de jeunes filles à élever, des Ecoles peubliques où Ton
(1) V. jurade du 16 avril 1603. L'abbcsse était alors Marie Didriard.
(2) l^ jurade du 4 juillet 1633, qui consentit à leur établissement, nous apprend
que ces religieuses « oultre les excrcisses ordinaires que font les aultres corn-
munaultés religieuses en prières et oraysons, ofroint d'instruire à la piété et
bonnes mœurs, escripteure, lecteure, les jeunes fllhes de la communauté »
(3) Voir la requête adressée, le 4 octobre 1633, à rarchevêque d'Auch, par
sœurs Jeanne de Lataste, Marie d'Israël et Jeanne de Verdusan, ursiUines du
couvent de Gondrin ; cette requête, ainsi que la plupart des documents de l'an-
cien couvent des ursulines de Condom, se trouve dans l'Etude de M' L&gorce,
notaire. V. également les jurades du 4 juillet 1633 et du 14 juin 1727.
— 151 —
peut en seureté envoyer les jeunes filles pour y aprendre le cateschisme,
à lire, à escrire, et ce qu'il convient qu'une jeune fille aprene pour une
bone éducation; et comme les Religieuses Ursulines font une prof esion
expresse d'avoir des clases ouvertes à cest usage, Testablissement des
religieuses de cest ordre feut jeugé alors comme on le jeuge encore à
présent indispensablement nécessaire à Condom, et on doit rendre ce
témoignage à la vérité que les dittes dames se comportent en véritables
religieuses et qu'elles ont exactement remply leur devoir dans l'éduca-
tion spirituelle et temporelle qu'elles donnent tous les jours assidue-
ment aux jeunes filles confiées à leurs soins dans leurs clases, sans que
pourtant la communeauté soit obligée de leur rien donner à l'avenir,
comme on ne leur a rien donné par le passé
(Suivent 49 signatures).
Les Dames de la Foi, que Mgr Milon appela, en 1696, pour
soigner les malades de THôpital général ou Manufacture et
qui furent chargées de Tinstruction des enfants de cet établis-
sement, instruisaient aussi quelques filles du dehors. Mgr
d'Anterroches, il est vrai, le leur interdit formellement en
i776, d'après les termes du Règlement qu'il leur donna;
mais, si nous en croyons les traditions de notre famille, on
ne tint pas rigoureusement compte de cette interdiction (1).
(1) Notre grand'mère matemeUe, née en 1776, fut instruite à Técoie de l'hôpi-
tal par ces bonnes sœurs.
Voici des extraits du règlement précité, relatifs à l'éducation des enfants de
rtiôpital et à la défense d'instruire les filles étrangères à l'établissement :
III
Toutes les sœurs doivent se remettre souvent devant les yeux qu'elles ne sont
venues dans l'hôpital que pour faire leur salut, pour travailler, pour servir les
pauvres, pour former et pom* instruire les enfans, et qu'il faut par conséquent
de leur part l'exemple le plus soutenu et la plus grande assiduité.
XI
Elles ne se détourneront point sous prétexte de se rendre utiles à des per-
sonnes du dehors; ainsi nous défendons à toutes les sœurs de se charger de
l'instruction de quelque fille étrangère sous quelque prétexte que ce soit ; d'au-
tres conununautés (les Clarisses et les Ursulines) sont dévouées à cette bonne
cBUvre et s'en acquittent à notre satisfaction et à celle du public; mais pour les
sœurs de la Manufacture, elles doivent se regarder comme uniquement consa-
crées au service des malades et à l'instruction des pauvres de la maison; elles
doivent toutes, en effet, contribuer avec zèle à leur éducation et profiter de toutes
les occasions de leur parler utilement; il faut pour cela qu'elles leur parlent avec
— 152 —
Nous ferons remarquer, au sujet de rinstruction donnée
par les sœurs de la Manufacture, que les anciens prieurs hos-
pitaliers de Condom, ou les prêtres qui les remplaçaienl,
étaient spécialement chargés d'instruire les enfants de Thô-
pital Notre-Dame (1); c'est ainsi que Jean de Poy Bernard,
dans le traité qu'il fait en 1572 avec les administrateurs pour
le service spirituel de l'hôpital, s'engage a « enseigner les
petits enfans et filles » de l'établissement (2); de même Jean
de Melet, en 1591, offre, en sa qualité de prieur, de résider
à l'hôpital et d'apprendre à lire aux enfants (3).
Les religieuses de Sainte-Claire et de Sainte-Ursule furent
incontestablement les principales, mais non les seules maî-
tresses d'école de Condom. Nous voyons, en effet, la jurade
du 8 avril 1697 accorder une maison avec exemption du loge-
ment des gens de guerre à un sieur Pomadère, « escrivain
juré », qui avait offert de se retirer en ville avec sa famille,
a dans laquelle il y a des filles qui sont en estât d'aller dans
les maisons à apprandre les filles à escrire, lire, et à l'aril-
malbique. »
Plus lard, nous trouvons Marie Valluche, désignée comaie
maîtresse d'école de la paroisse de Sainte-EuJalie dans un
acte de baptême du i avril 1786, inséré dans les registres de
cette paroisse; Marie Valluche figure encore avec celte qua-
lification dans un acte du 30 mars 1789 (4); enfin nous
voyons au commencement de 1792 la veuve Dostes, institu-
bonté et avec charité; et si quelqu'une de ces filles s'écartoit vis-à-vis des sœurs,
elles s'en plaindroicnt à la supérieure ou à la sœur chargée spécialement de ces
filles, qui auront seules le droit de les corriger, mais jamais de les congédier.
(V. Arch. hospitaUères ; fonds Hôpital général, E. 5).
(1) Charles IX leur avait imposé cxïtte obligation dans ses lettres pat«nte5 du
mois d'avril 1566 portant union des liôpitaux de Condom. « Avons ordonné et
ordonnons, portent les lettres, pour enseigner et instruire les pou\Tes enfans
y estans (aud. hôpital Notre-Dame), les dits hospitalliers résideront cepandant
aud. hospital et feront le service chascun en son ordre » V. Arch. hospita-
lières, fonds Hôpital Notre-Dame, A. 2.)
(2) V. Archives hospitalières, fonds hôpital Notre-Dame, B. 176.
(3) Id., E. 2.
(4) Minutes de M' Escalup; étude de M' Lagorce.
— 153 —
trice « préposée à renseignement particulier (1). t II est pro-
bable qu'il y eut toujours de ces inslitulrices laïques, de ces
maîtresses d'école de quartier; mais la communauté ne leur
accordant pas de subvention, il n'en existe pas de traces
dans ses registres, et la tradition ne nous a rien appris à cet
égard.
Indépendamment de leurs classes gratuites pour l'éducation
des filles du peuple (2), les Ursulines eurent un pensionnat(5);
elles acceptaient même des demi-pensionnaires. D'après un
ancien registre de comptabilité qui va de 1649 à 1681, le
(1) Dél. du 13 février 1792. Cette institutrice devait fonctionner depuis un cer-
tain temps ; son mari, Vital Dostes, mort en 1784, avait été maître de pension.
(V. Testament de Raymond Dostes du 10 novembra 1786, minutes de Pelauque,
année 1786, Lebbé notaire. Etat civil de la par. de Saint-Pierre, actes 1773-
1784).
(2) Les classes des Ursulines se tinrent à partir de 1661 dans une maison sise
en face de leur couvent et formant actuellement la suite du n" 1 de la rue
Sainte-Ursule; ce bâtiment, le plus ancien peut-être de notre ville, offre un
curieux échantillon d'architecture romane ; les religieuses Tachetèrent en 1660
au sieur Bernard Lacapère procureur, a singulièrement pour y placer les classes
pour rinstruction desd. filhes ». (V. acte d'acquisition des 16 et 19 novembre
1660, Dupiiy notaire, étude Lagorce; jurade du 7 janvier 1661, du 20 mars 1679
etc. ; Reg. de comptabilité des anciennes Ursulines, arch. du couvent actuel). Les
religieuses y pt.ié traient au moyen d'une galerie qu'elles furent autorisées à
établir à hauteur du 1" étage.
Les premières Ursulines qui vinrent s'établir à Condom, au mois d'octobre
1633, sortaient du couvent de Gondrin ; c'étaient les sœurs Jeanne de Lataste>
Alaric d'Israël et Jeanne de Verduzan, cette dernière novice. Elles se logèrent
provisoirement dans une maison qu'elles louèrent au sieur de Salles, mais s'éta-
blirent d'une manière df'ftnitive dans une maison, comprenant tour, basse-cour
et jardin, qu'elles achetèrent à noble Charles de Laubigeois le 28 juin 1634 (acte
d'Auguin, notaire, minutes de M' Lagorce) et dont elles firent leur monastère.
C'est le grand bâtiment situé entre la rue de Sainte-Ursule et la rue de la Par-
guère appartenant aujourd'hui en grande partie à M"' Estévonet.
Jeanne de Lataste fut la première supérieure des Ursulines de Condom ; elle
alla fonder, en 1644, le couvent de Marmande (V. acte de sortie de la sœur
Lataste, du 14 novembre 1644, Auguyn notaire). Jeanne de Verdusan fit profes-
sion à Condom le 13 novembre 1633; elle doit être considérée comme la fonda-
trice du couvent, auquel elle légua 8,000 livres, « par manière d'establissement
et fondation de partie d'icelluy et pour la norriture et entretien tant d'elle que
des dames religieuses professes qui sont à présent et seront à l'advenir », aux
termes de son testament retenu par Auguyn le 12 novembre 1633.
La plupart des documents concernant l'ancien monasttire des Ursulines de
Condom se trouvent déposés, nous l'avons déjà dit, en l'étude do M' Lagorce,
notaire.
(3) V. le registre de comptabilité précité et les délibératrons municipales des
12, 22 et 24 février 1792.
— 154 —
prix de la pension était de 100 à 120 livres; celui de la demi-
pension était ûxée à 50 livres. Les religieuses de mainte-
Claire tenaient également un pensionnat dans les deun
derniers siècles; peut-être méoae n'eurenl-elles jamais d'ex-
ternes.
Il existait d'ailleurs aux portes de Condom une autre mai-
son d'éducation; c'était le riche monastère de Prouillau, où
les religieuses Dominicaines tenaient un pensionnat, dont la
réputation s'étendait Tort loin. Mais Prouilian était un établis-
sement privilégié, où les demoiselles nobles seules étaient
admises pour recevoir une éducation conforme à leur rang (1).
Cette éducation comprenait o les vertus et civilités que
lesd. dames ont acoustumé d'aprendre et enseigner aux
filbes de qualité quy sont mises aud. monastère pourcest
effect(2)».
Le prix de la pension n'était, paratt-il, que de 110 livres» la
fin du xvn* siècle; c'est, en effet, moyennant celte somme
que, le 28 octobre 1C84 (3), dame Marie Léonor du Bouzet
de Roquepine, prieure perpétuelle du monastère, reçoit en
qualité de pensionnaire et promet de a nourrir, entretenir et
blanchir, instruire et élever » demoiselle Anne Leconte de
Latrene, fille de « Messire Jean Leconte, seigneur captai de
Latrene (4), Goudourville et autres places, chevalier, conseil-
ler du roi en ses conseils et grand président en sa cour du
parlement de Guienne. »
(1) Les religieuses apparlenaient elles-mêmes aux nK-illeures familles du pays.
Le monastère de Prouilian, fondé en 1291. par Manhed'Albrei, dame deVianne.
veuve d'Arnaud Ramoudon de Uar, vicomte de Tartas (Aroh. com. FF 66),
fui la première colonie du ct'lèbre comeui de Prouille, que saint Dominique
avait lui-même fondé en 1206 pour j- recueillir et élever les jeunes ailes que la
naissance et la pauvreté exposaient à tomber dans l'hérésie albigeoise. Prouille
fui le berceau de l'ordre des FrÈrcs Prêcheurs.
(2) Voir Contrat d'entrée au monastôro de l'rouillan de damoiselle Diane
d'Esparbés du Fcuga, du 25 juin 1633; de Coq, notaire (élude de M" Lebbé).
<3) Minutes de Laboupiihère, étude de M- Lobbé.
(4) Trène ou Traîne, village de la Gironde. Le tiire de captai, de capitatit,
chef, sous lequel on distinguait aulrelois les seigneurs de l'Aquiiaiue, no demeura
plus lard aUaché qu'aujt seules seigneuries de Buch et de Truine.
Ces pieuses maisons d'éducation tombèrent comme le col-
lège de rOratoire sous les coups de la Révolution.
Les Ursulines « chargées de renseignement gratuit » ayant
refusé de prêter le serment civique, le Conseil général de la
commune de Condom établit, le 12 février 1792 (1), une école
de filles dans le local occupé précédemment par les religieu-
ses, et nomma pour la diriger à la place de ces dernières, et
« après épreuves de lecture et d'écritures », mesdemoiselles
Daunassans et Léglise (2).
Le motif qui fit remplacer les Ursulines comme institutri-
ces publiques leur fil enlever leur pensionnat; il en fut de
même des religieuses de Sainte-Claire. Sur leur refus de prê-
ter serment, la municipalité leur enjoignit, à la date du
24 février 1792, d'évacuer leur pensionnat « sur le champ
quant aux pensionnaires de la ville, et quant aux autres pen-
sionnaires dans le plus court délai. » Marie Thore, supé-
rieure des Ursulines, et Jeanne Champêtre, supérieure des
Clarisses, durent se conformer à cet arrêté, dont Texécutioû
fut assurée par des oflîciers municipaux (3).
Ainsi disparurent ces maisons d'éducation,quidepuissi long-
temps fonctionnaient à la satisfaction de tous. Les saintes filles
qui les dirigeaient furent chassées de leurs demeures au nom
de la loi, leurs biens furent vendus au profit de la nation (4),
(1) Voir délib. du 12 février 1792 et du 17 mars 1793.
(2) Ces institutrices nommées au concours furent tenues d'élever les enfants
« dans le sein de la religion catholique » et à cet effet de les conduire à la messe
de paroisse les jours de dimanche et de fête.
(3; V. dél. des 12, 22 et 24 février 1792 et procès-verbal dudit jour 24 février.
r^ nombre des pensionnaires était de 14 chez les Ursulines d'après le procès-
verbal d'inventaire fait par la municipalité, le 16 juillet de cette année, en vertu
des Lettres patentes et décret de l'Assemblée nationale des 14 et 20 avril précé-
dents. Aux termes de cet Inventaire, la communauté se composait de quatorze
religieuses de chœur et de cinq sœurs converses. Deux d'entre elles, les sœurs
Marie Montbus et Marie-Anne Descomps, étaient à la tête du pensionnat; les
sœurs Bernarde Guérin et Marguerite Bruzac étaient les maîtresses d'école des
externes.
(4) V. aux Archives départementales les procès- verbaux de vente des domai-
nes nationaux. Le couvent et jardin de Sainte-Claire notamment fut vendu le
— 156 —
leurs couvents convertis en casernes (1), et les grilles en-
voyées aux forges pour fabriquer des piques (2).
Ces malheureuses victimes de la Révolution se retirèrent,
les unes dans leurs familles, les autres dans des maisons
amies où Ton se hâta de les accueillir; mais elles continuèrent
encore de faire tout le bien qu'elles purent; ce fut là toute
leur vengeance. Dans le courant de Tan III, nous voyons celles
d'entre elles qui étaient restées à Condom et les « sœurs an-
cienes de l'hospice et manufacture (3) » employer toutes leurs
ressources au soulagement des pauvres et des malades; le
20 germinal de cette année, elles faisaient parvenir dans ce
but une somme de 500 livres à la municipalité et annonçaient
dans un délai d'un mois l'envoi d'une pareille somme, ^qu'elles
travaillaient à procurer « par leurs économies (4). »
L'exercice de la charité ne leur fit pas négliger l'éducation
des petites filles, principalement des pauvres, et dans te
tableau des maisons d'instruction de la commune de Condom
dressé le 4 nivôse an X, pour être envoyé au Ministre de
l'Intérieur (5), sur neuf institutrices qui y figurent, nous
trouvons « huit ex-religieuses qui enseignent les premiers
élémens de la lecture et de l'écriture (6). »
7 décembre 1792 pour 18,100 livres (n* 533) ; le même joiir fut adjugé le couTeut
et jardin de Sainte-Ursule pour 15,300 livres (n* 534).
(1) Les monastères de Sainte-Claire, des Cordeliers, et de Sainte-Ursule servi-
rent quelque temps de caserne au 2' bataillon des volontaires des Landes. (V. déL
des 12 novembre et 5 décembre 1792.) Le 2* bataillon des Landes quitta Condom
le l"mars 1793 pour se rendre à Bayonne. (V. délib. du 9 mars suivant).
(2) V. dél. des 14, 19 et 26 septembre 1792.
(3) Ces dernières avaient été remplacées par des infirmières laïques. (Délib.
municipales des 25, 27, 30 et 31 décembre 1791, 1", 3 et 4 janvier 1792.
(4) Voir aux Archives municipales la touchante lettre du 20 germinal an 11 F,
écrite par « une citoienne, aussi amie de la patrie que de l'humanité ». Nous l'avons
publiée dans notre Inccntalre des Archiocs hospitalières de Condom, page 44.
(5) Archives municipales.
(6) Voici leurs noms : Marie Bats, Marie Dorice, Angélique Trenqueléon,
Anne Bats de THorme, Louise Bourrouillan, Descomps, Haurrio de Laugerie,
Brusac. I^ citoyenne Bnisac, figure en qualité d'institutrice dans une lettre de
8 thermidor an VI, écrite par les officiers municipaux aux instituteurs de la
commune. La neuvième institutrice était M"* Marie Pellisson, qui fit école à
Condom avec grand succès pendant environ 50 années.
— 16T —
Deux d'entre elles, mesdames Descomps et Brosac (1),
étaient d'anciennes ursulines de Gondom, une troisième, la
dame Haurric de Logerie, nous parait être une religieuse
Ursuline du couvent de Gondrin (2); elles faisaient école
séparément. Les cinq autres étaient des Dominicaines de
Prouillan (5) : Marie de Bats et Marie Dorice de Bals sa sœur,
qui vivaient ensemble, moururent à Condom, la première le
1" juin 1818, la seconde le 28 vendémiaire an XIII; Louise
de Gaptan Bourrouillan mourut le 27 vendémiaire an XIII;
Anne Angélique de Bats de Trenquelléon et sa sœur Anne
Charlotte, qui enseignait avec elle, s'étaient fixées à Condom
dans une maison de la rue Sainte-Eulalie, où elles tenaient
une pension choisie (4). Ces dames, avec lesquelles s'étaient
retirées Marie-Françoise Saint-Julien de Bats, leur sœur, une
de leurs anciennes compagnes de Prouillan, sœur Rose
Baretge de Saint-Araille, et une sœur converse du méine cou-
vent, continuèrent leurs fondions d'institutrices jusques vers
1824 (5), époque à laquelle les Filles de Marie, récemment
établies par leur nièce, M"* Adèle de Trenquelléon, vinrent
fonder à Condom le couvent et pensionnat de Piétat.
Elles vécurent longtemps encore dans leur maison de la
(1) Marguerite Brusac de Charman, de Bergerac (Dordogue), mourut à Condom
]e 14 brumaire an XIV, dans la maison de madame veuve Lartigue, section de la
liberté; elle avait fait profession le 29 juillet 1789. (Acte du dit jour, Raynaut
Corne, notaire; étude Lagorce).
(2) V. La Persécution contre le Clergé du département du Gers, par Tabbé
Lamazouade, p. 506.
(3) V. acte de prise de possession dn prieuré de Prouillan le 6 juillet 1789 par
dame Thérèse d'Anterroches (Escalup notaire, minutes de M* Lagorce). V. éga-
lement le Tableau des maisons religieuses du district de Condom dressé au mois
de mai 1792 (Arch. départ.); d'après ce tableau les Clarisses étaient au nombre
de 12 religieuses de chœur et 4 sœurs converses; les Ursulines, de 14 religieuses
de chœur et 5 converses.
(4) La première, Anne Angélique, nous parait avoir habité Condom pendant
toute la période révolutionnaire ; la seconde, qui n'avait été que novice à Prouil-
lan, s'y trouvait en l'an IX; il est probable qu'elle n'avait pas quitté sa sœur.
(5) En cette même année (1824) fut fondé le monastère actuel de Sainte-Ursule
par une ancienne Ursuline du couvent du Chemin-Droit d'Auch, Jeanne-
Thérèse ChaiUan, qui faisait école et tenait un pensionnat depuis 1808 dans notre
viUe, où elle s'était retirée avec d'autres religieuses de différents ordres.
— 158 —
rue Sainte- Eulalie, où elles firent pour ainsi dire revivre l*aQ-
cien monastère de Prouîllan (1). Elles y èdiflèrent la ville par
la pratique de toutes les vertus, et dans bien des cœurs vit
encore le souvenir de leur piété, de leur charité, de leur rare
distinction et du charnue attrayant de leur conversation et de
leurs nianières. Anne Angélique mourut le 30 juin 1844 et
Anne Charlotte, connue sous le nom de M"' Delorme,le 7 mars
1855 (2); leur sœur, Marie-Françoise Saint-Julien, était morte
le 11 février 1834; Rose Baretge de, Saint- Arailhe mourut le
16 février 1859.
D'autres anciennes religieuses firent école à Condom au
commencement du siècle; nous citerons une hospitalière de
la Manufacture, sœur Marie-Anne de Melet, et une Clarisse,
sœur Madeleine Côme de Saint-Aignes, de la Bastide d'Ar-
magnac, qui furent, comme les précédentes, un sujet d'édifica-
tion pour notre ville, où elles moururent, la première le 2 août
1811, la seconde le 20 février 1829 (3).
Citons encore une ursuline de Gondrin, Jeanne-Marie
Couture, grand'tante du directeur de la Revue de Gascogne.
Cette dernière, après avoir enseigné un certain temps (4), se
trouvant malade, se retira dans sa famille, au Bourdilot, com-
mune de Mouchan, et bientôt après alla se fixer auprès de son
ancien couvent, à Gondrin, où elle mourut le 17 juin 1823.
(1) Elles y suivaient autant que possible la règle de leur ordre, dont elles réci-
taient quotidiennement le grand office. Cette maison des dames de Trenquelléon,
achetée en Tan IX (4* jour complémentaire, minutes d'Escalup, étude Lagoroe),
avait appartenu à M"* de Blois, cousine de M"' de Pompadour; elle porte aujour-
d'hui le n* 13 de la rue des Ecoles et appartient à M. Dubarry, ancien capitaine
de vaisseau.
(2) Elles furent euseveUes dans la robe blanche des filles de saint Dominique :
depuis la Révolution elles avaient adopté, ainsi que leurs compagnes, un costume
uniforme et sévère, qui dénotait leur origine monastique.
(3) La sœur Melet faisait école à la maison Cussac, aujourd'hui maison Lannes,
rue de THôtel-de- Ville, n* 12, où elle habitait avec ses anciennes compagnes de
l'hôpital, les sœurs Ferrel et Persil; la sœur Madeleine de Saint-Aignes, dans
une maison voisine de la cathédrale.
(4) La sœur (bouture fit d'abord école à l'ancienne maison Lahire. aujourd'hui
café Lamarque, sur le derrière, me de l'H6tel-de- Ville, n' 2, et puis dans une
maison du quartier de Darlet.
— 169 —
EnQD, lorsque, en 1808, une ancienne ursuline du cou-
vent du Ghemin-Droil d'Auch, Jeanne-Thérèse Chaillan, vint
ouvrir dans les bâtiments du séminaire une école pour les
jeunes filles avec un pensionnat et fonder le monastère actuel
de Sainte- Ursule, Jeanne Larrieu, Clarisse de Gondom, qui
s'était retirée à Vic-Fezensac depuis la Révolution, fut une des
sept religieuses qui prêtèrent leur concours à la fondatrice.
Voilà ce que nous apprennent la tradition et les docu-
ments écrits sur les services rendus pendant et après la Révo-
lution par nos religieuses expulsées. Nous avons voulu le
consigner ici à la louange de ces sentes ûlles et pour payer
de notre mieux à leur mémoire la dette de la reconnaissance
publique. Leurs services et leurs vertus leur ont d'ailleurs
mérité la seule récompense qu^elles ambitionnaient, et sans
doute elles secondent toujours, par leur intercession auprès
de Dieu, les pieux efforts de celles qui, marchant sur leurs
traces et sMnspirant de leur dévouement, sont venues recueil-
lir leur héritage et distribuer à nos enfants les bienfaits d'une
éducation chrétienne.
J. GARDÈRE.
SUR LES PAYS DE BOURJAG ET DE SERRIÈRE
EN COMMINQES
De même que les autres comtés ou diocèses, le Comminges était
divisé au moyen âge en petites régions ayant chacune un nom parti-
culier. Parmi ces subdivisions, la vallée d'Aure, le val d'Aran, le pays
de Rivière, etc. sont bien connus (1) ; mais il n'en est pas de même
des pays de Bourjac et de Serrière. Ces deux dénominations n'appa-
raissent que bien rarement dans les pièces historiques, et nous ne
voyons pas que les auteurs locaux aient essayé jusqu'ici de les expli-
quer. Pour combler un peu cette lacune, nous allons grouper dans cet
article les documents que nous avons découverts sur les territoires de
Bourjac et de Serrière, et, si nous ne pouvons parvenir à tracer les
limites précises de ces deux régions, nous indiquerons pourtant quel-
ques-unes des localités qui en faisaient partie.
I
Le nom de Bourjac n'est pas totalement effacé de notre nomencla-
ture géographique; toutefois il est probable que, si on l'emploie encore
aujourd'hui^ on a oublié quelle en a été l'acception primitive. Dans
quelques cartes et autres documents modernes le lieu de Polastron,
canton du Fousseret, est appelé Polastron- Bourjac (2). Or, d'où peut
provenir cette dénomination complexe? Elle n'a pas, d'après nous,
(1) On voit que nous entendons par Comminges, non seulement le comté,
mais aussi le diocèse de ce nom. Ce n'est, eu effet, qu'à cette dernière ciroona-
cripUon qu'appartenait, par exemple, une portion des Quatre- Vallées et du
Nébouzan, bien distincts, comme l'on sait, du domaine particulier des comtes
de Comminges.
(2) Voyez les cartes de Cassini, soit celle de la France, soit celles des diocèses
du l^nguedoc. En 1743 de Sirgan, vicomte de Couserans, était seigneur de
Polastron-Bourjac et d'Auban, et en 1789 le curé de Polastron-Bourgeac as-
sista aux Etats du Comminges réunis à Muret {Les Etats du Nébouian, par
M. Couget, 15, 79). Les éditeurs du pouillé du diocèse de Lombez n'ont pas
compris cette dénomination de Bourjac et ont cru qu'elle désignait une annexe
de Polastron; comme le montrent les mentions précédentes et mieux eucoie les
renseignements que nous allons bientôt donner, il faut rétablir ainsi le texte du
document : Polastron' Bourjac et ses annexes d'Adellhac et d'Auban (Notice
hUtor, sur l'arrond, de Lombez, par Dardenne, 31; Reçue de Gasc, v, 558).
— lei —
d'autre origine que Tancien usage de distinguer les localités homony-
mes en associant à leurs noms ceux de leurs pays respectifs. On a dit
ainsi Martres-Tolosanes et Martres-de-Rivière, Seysses-Savès et Seys-
ses-Tolosanes, Montesquieu-Vol vestre etMontesquieu-Lauraguais,etc.
C'est d'après le même procédé qu'ont été désignés les lieux de Polos-
iron-Gimoia et de Polastron-Bour/ac, les deux épithètes répondant
exactement aux deux pays où ces villages sont situés (1). Il est vrai
que, comme on l'a fait pour TIsle-en-Dodon, l'Isle-Jourdain, Montes-
quieu-de rislô, Gensac d'Aurignac, etc., on a aussi employé parfois
dans le même but des noms de personnes et de villes, et que rien jus-
qu'ici ne prouve au lecteur que nous ne sommes pas en présence d'un
cas de ce genre; mais nous montrerons un peu plus loin, au moyen de
textes formels, que ce vocable de Bourjac avait bien en réalité la signi-
fication de territoire.
Cet exemple n'fest pas du reste le seul que nous ayons à citer. Le
pouillé du diocèse de Lombez mentionne la paroisse de Monlégut, à
laquelle il attribue une annexe du nom de Bourjac ou Barrau. Mais
ce document n*est pas exact sur ce dernier point (2). D'abord Montégut,
aujourd'hui dans le canton du Fousseret, n'avait pas en ces derniers
siècles plusieurs églises; et ensuite l'emploi de Bourjac, qui vient d'être
signalé pour Polastron, suffit pour nous révéler que la première de ces
dénominations ne doit pas être séparée de Montégut, et qu'elle n'est
qu'une épithète distinctive, adoptée d'après la même méthode. Celte
correction ne peut d'ailleurs soulever de difficulté lorsque l'on voit déjà
le même pouillé errer manifestement en détachant du nom principal les
annexes imaginaires de Bourjac et de Savès, bien qu'il s'agisse sans
aucun doute possible de Polastron-Bourjac et de Mauvesin-Savès. Il
est donc certain que Montégut a été appelé anciennement Montégut-
Bourfac ou Montégut-Barrau, et cela dans le but de le distinguer de
ses homonymes, et, par exemple, de Montégut-Savès, actuellement
dans le canton de Lombez. Le nom de Bourjac, ainsi joint à celui de
Monlégut, est fort rare, et nous ne le retrouvons ni dans les livres his-
(1) Polastron-Gimois, oant. de Samatan, est ainsi nommé dans Cassini et dans
plusieurs livres de géographie. Ce lieu n'appartenait pas, comme on a cru, à la
vicomte de Gimois (Bladé, Coût, munie, du Gers^ 67), mais plutôt à la judicature
de Verdun, ainsi que le montrent les dénombrements de Catel et de Monlezun,
et les cartes de Delisle, Jaillot, etc. ; c'est sa position dans le bassin de la Gimone
qui lui a valu son surnom.
(2) Dardenne, 32. — Il faut dire toutefois que la Reoue de Gaac, v, 558, se
rapproche un peu plus de la vérité en n'indiquant qu'une seule églike sous les
noms de Montégut, Bourjac ou Barrau,
— 162 —
toriques ni dans les cartes (1). Il est probable qu'il est d'une date
ancienne, et en ces derniers temps on lui subtituait celui de Barrau
ou celui de Séglan, empruntés aux seigneurs du lieu (2).
Arrivons maintenant aux documents dans lesquels Bourjac apparaît
clairement avec le sens de division territoriale.
En remontant Tordre des temps, le premier est une liste des béné-
fices du diocèse de Comminges, dressée en 1775, et publiée dans VHis-
ioire des populations pyrénéennes de M. Castillon (3). Cette sorte de
pouillé énumérant les archidiaconés de ce pays indique parmi eux ceux
de Rivière, de Bourjac et d'Aran. On voit par là que Ton désignait
autrefois sous le nom de Bourjac une des circonscriptions religieuses
relevant de Tévèché de Comminges. A la vérité cette liste ne nous dit
pas espressément de quel côté s'étendait ce territoire; néanmoins, si
Ton tient compte des positions qu'occupent les autres archidiaconés
précités, et aussi ceux du Nébouzan, de Saint-Gaudens et de Barousse,
qui figurent dans d'autres sources (4), on sera porté à admettre que
celui.de Bourjac devait être situé au nord de la Garonne, et plutôt vers
l'est que vers l'ouest.
N'ayant pas consulté les archives encore conservées pour le Com-
minges, nous ignorons les autres renseignements que ces dépôts doi-
vent contenir sans doute sur le même sujet, et nous devons passer sans
transition à ceux que nous fournissent quelques chartes déjà imprimées
des xn« et xi® s. ; mais du moins on va voir que ces derniers documents
peuvent à eux seuls appuyer suffisamment notre démonstration.
(1) Nous rayons vainement cherché dans les listes des lieux du Comminges
rapportées par Catel, Expilly, Monlezun, etc., ainsi que dans les cartes de Dehsle,
de Jaillot, de Cassini et de TEtat-major. Tous ces documents ne citent que Mon-
tégut sans épithète.
(2) Pour ce qui est du premier de ces noms, déjà cité par le pouillé, on cons-
tate que les Barrau étaient, en effet, seigneurs de Moutégut au xvni* siècle
(Nobil. Toul. par Brémond), et qu'en 1789 les Etats du Comminges élurent pour
député de ce pays le baron de Montagu Barrau (Couget, les Etats du Nébou-
tan, 83). — Quant au surnom de Ségla ou Séglan, que Ton retrouve sur la
carte du Dépôt des fortifications, de 1878, et dans la liste des communes de la
Géog. de la Haute-Garonne, par Joanne, nous soupçonnons qu'il provenait de
la famille Ségla, laqueUe l'aurait pris au lieu de Séglan, cant. d'Aurignac; cepen-
dant nous n'avons aucune donnée certaine à ce sujet.
Ajoutons ici que Montégut faisant partie de la chàtellenie d'Aurignac a reçu
aussi parfois le nom de Montégut-d'Aurignac (Hist. de la Gasc, ii, 453).
(3; Tome ii, 452.
(4) L'archidiaconé du Nébouzan est nommé en 1245 dans le Gallia Christ.
(i, 1114), ouvrage qui mentionne aussi dans ses corrcclions de la un du vol.»
col. XI, un archidiacre d'Aure en 1366. — Dans son histoire de L'Isle^en-Dodon,
p. XXVI, M. Tabbé Magre nous fait connaître en outre les archidiaconés de 8aint-
Gaudens et de la Barousse.
— 163 —
On sait que les comtes de Comminges formèrent anciennement plu-
sieurs branches qui eurent chacune en apanage une certaine portion du
pays, et dont plusieurs jouirent concurremment de la dignité comtale.
C*est ainsi que Ton voit vivre en même temps plusieurs comtes de
Comminges et aussi les seigneurs de Savès, de Sainte- Foy (1), et plus
tard ceux de Serrière, appartenant tous à la môme famille. Aux xi® et
xii** siècles, il paraît même que le titre de comte pouvait être attaché en
particulier à des portions de territoire formant le domaine de chaque
branche (2); et c'est là ce que Ton constate entre autres pour le pays de
Bourjac. Nous avons, en effet, une donation, qui est comprise entre
1106 et 1123 environ, et qui fut faite aux Hospitaliers de Saint-Jean
par Fortanier, comte de Bourjac (cornes de Burgiaco), et par Raimond
GuiUaume et Pierre Raimond (3). Or, d'après la conformité des ^oms
et des époques, ce Fortanier est évidemment le même que Fortanier,
comte de Comminges, qui figure dans d'autres documents de 1121 et
1123. Nous ne savons pas découvrir la place exacte des localités qui
firent l'objet de cette donation, mais le nom de l'évêque de Saint-Ber-
trand, inséré dans la date, permet de dire qu'elles étaient dans son
district ecclésiastique; de plus, les autres lieux cités dans la même
source, tels que Savères, canton de Rieumes, Lussan, cant. du Fous-
seret, et Anerac ou Mauvezin, canton de l'Isle-en-Dodon (4), laissent
croire que les domaines de Fourtanier étaient dans les environs, et cela
nous ramène encere une fois vers la partie du diocèse de Comminges
comprise entre le septentrion et le levant.
EnBn nous croyons devoir reconnaître le nom du pays de Bourjac
dans une charte encore plus ancienne, relative à la fondation de la col-
légiale de Cazeneuve. Cet acte mentionne un alleu inculte t qui est in
comitatu Cominico, in terra quœ dicitur Bugiaco, et in loco qui dicitur
(1) Sur les Comminges, seigneurs de Sainte-Foy, voyez Reoue de Gasc, xv,
174, et Hist de Lang., éd, Friv. vi, 720.
(2) Un Fortanier, comte de Benque, qui possédait au commencement du xii* s.
des droits à Lussan, cant. du Fousseret, doit être confondu sans doute avec For-
tanier qui figure à la même époque dans la généalogie des Comminges (M. du
Bourg, HUt. du g rarid prieuré de TouL, preuv. p. i; et HisL de Lang., iv, 113>
Nous voyons aussi vers le milieu du même siècle le comte Bernard I V^ indiqué
spécialement comme seigneur du Comminges, du Savès, du Couserans et de
l'Aran, dominante in terra Conoenarum, in Saoes, in Conseranis et inAranno
(Du Bourg, preuv. p. xxxiv).
(3) Hist. du grand prieuré de TouL par M. du Bourg, preuv. p. ii. — Les
dates des autres personnages cités dans l'acte (Géraud, prieur de THôpital,
1106-23; B., évéque de Comminges, 1073-1123; Roger, comte de Comminges,
1114) montrent assez qu'il a été rédigé durant le premier quart du xu* siècle.
(4) Du Bourg, preuv. p. i et u.
— 164 —
Cazanova (1). » Comme nous ne connaissons pas de territoire appelé
Bougiac, et comme la confusion de ce vocable avec celui dé Bourjac
est des plus faciles^ nous n'hésitons pas à rétablir dans le texte la leçon
Burgiaco. Non seulement notre rectiôcation s'harmonise avec cette
expression de terra qui semble signifier ici un véritable district du
comté, tel que Tétait le Bourjac, mais ce qui contribue à la justifier, c'est
qu'elle parait cadrer également avec la position du lieu de Cazeneuve,
lequel ne peut guère être placé, en effet, que dans le canton actuel
d'Aurignac ou dans la commune de Fabas qui en est limitrophe (2).
De l'ensemble des données ci-dessus il résulte que le Bourjac a été
au moyen âge une des subdivisions du Gomminges. Il s'étendait
d'abord dans une portion du diocèse où il formait l'archidiaconé de son
nom ; cette région était placée vers le Nord-Est puisqu'elle renfermait
entre autres le lieu de Cazeneuve, que nous retrouvons dans le canton
d'Aurignac ou du moins sur ses confins. Mais, en tant que division
civile ou féodale, ce pays, tout comme le Comminges lui-même, le
Fezensaguet, le comté de Foix, etc., franchissait les limites des diocè-
ses voisins. C'est, en effet, dans le ressort ecclésiastique de Toulouse
que se trouvaient les lieux de Polastron et de Montégut^ déjà mention-
nés comme dépendants de notre petite région. On voit par là que les
localités connues du Bourjac sont toutes comprises ou à peu près dans
les cantons d'Aurignac et du Fousseret. Malheureusement c'est à ces
seules conclusions que nous devons encore nous borner; la publication
de nouveaux textes historiques pourra seule sans doute fournir quel-
ques autres précisions sur l'étendue de ce district religieux et féo-
dal (3).
(1) Gallia Christ i, 1093, et preuv.» 176. L'acte n'est daté que par les règnes
de révéque Pierre (1003-35) et du comte Roger. Ce dernier pourrait être Roger I,
comte de Carcassonne et en partie du Comminges, qui vécut de 957 à 1012 ;
mais nous estimons qu'il s'agit plutôt de Roger II, comte de Comminges, cité
par des actes de 1021, 1026 et 1035.
(2) Le Gallia n'indique pas la position de Cazeneuve, et les arguments d'après
lesquels Castillon (HisL des popul. pyr, \, 206) la fixe à Cazaunous, cant. d'As-
pet, sont inadmissibles. On peut proposer avec plus de vraisemblance soit le
village de Cazeneuve, cant. d'Aurignac, soit une autre église de ce nom que les
archives de l'abbaye de Lézat mentionnent plusieurs fois aux environs de Fabas,
cant. de l'Isle-eu-Dodon, et qui existait peut-être au lieu de Cazeneuve, marqué
dans cette commune par l'Etat-Major. Confér. Gallia, i, col. 1120.
(3) Quoique plusieurs autres noms terminés en ac paraissent n'avoir jamais
appartenu qu'à des régions (Magnoac, Astarac, Armagnac, etc.), celui de Bourjac
n'aurait-il pas désigné à l'origine quelque château féodal détruit et oublié dains
la suite f Ce qui autorise la question, c'est que nous trouvons dans la même
contrée (commime de Saûxt-Marcet, cant. de Saiut-Gaudens) un petit groupe
d'habitaUous dont l'ancien vocable Borjaget (Du Bourg/ preuv.p. xxxiv) paraît
— 165 —
II
L'acte le plus ancien qui cite le pays de Serrière est une bulle de
1195, par laquelle le pape confirme à la cathédrale d'Auch la possession
de tous ses domaines ecclésiastiques et entre autres des églises de Saint-
Ferréol et de Saint-Frajou, dans le pays de Serrière : « In Sarreria
ecclesiam {corr, ecclesias) sancti Ferreoli et sancti Frajolfi (1). » On
sait que Saint-Ferréol et Saint-Frajou, aujourd'hui dans les cantons
de Boulogne et de TIsle-en-Dodon, sont tous deux dans le Commîn-
ges, et cela suffit pour prouver que Ton entendait dès lors sous le nom
de Serrière une des divisions de cette contrée.
Nous devons arriver ensuite au xiv® siècle pour voir reparaître dans
les documents la circonscription qui nous occupe. A cette époque ce
territoire appartenait à une branche cadette de la famille des comtes de
Comminges, et nous trouvons mentionnés, de 1313 à 1342, Pierre
Raimond de Comminges et, de 1342 à 1375, son fils Pierre Rai-
iiiond II, l'un et l'autre recevant le titre de seigneur de Serrière, dorai-
nus de Serreria (2). Ces deux indications, les seules à peu près que
être une forme diminutive impliquant l'existence d'un château ou village de
Boiurjac plus important. S'il était reconnu qu'il s'agit bien en ce cas d'un lieu de
Bourjaguet ou petit Bourjac, il faudrait admettre seulement que les formes
modernes Boargaut (oart. Delisle) ou mieux Bourgaget (carte de l'Etat-Major)
sont une altération du nom primitif.
(1) Monlezun, Hlst. de la Gasc. vi, 412, et aussi ii, 152. L'existence de deux
églises distinctes étant incontestable, il faut nécessairement corriger le texte
comme nous l'avons fait ou bien encore de la manière suivante: « ecclesiam
sancti Ferreoli et (ecclesiam) sancti Frajolfl. » — Saint-F'rajou, en Comminges, fut
donné à Sainte-Marie d'Auch dès les x' ou xi* s. et constitua une maison gou-
Tcmée par des abbés (Hlst. de Lang. Addit. du Mège, m, 60 et 130; Gallia
Christ. I, 1113 etpreuv. 177; Cartul. de Conques, 70; etc.). — D'après quelques
liistoriens,* la cathédrale d'Auch fut dotée de Saint-Ferréol dès le x* s. (P.
Anselme, Hùst. généal. ii, 629; et Castiilon, i, 183); mais nous trouvons ailleurs
que ce fait ne remonte qu'au siècle suivant (Addit du Mège, m, 61). On sait
que, de même que celle de Saint-Frajou, l'église de Saint-Ferréol fut longtemps
abbatiale (Ibid.). Rappelons encore que Saint-Ferréol, en Comminges, apparte-
nait en 1231 à l'ordre de Saint-Jacques {Gallia^ i, preuv. 165, et Reoue de Gasc,
XVIII, 353) et que c'est sans doute en ce lieu qu'étaient conservées les reliques
de saint Ferréol dont il est question dans VHist. do Lang,, sous la date 1114
(Ed. Priv. m, 626, et v, 847).
(2) Voyez P. Anselme, Hist. généalog., ii, 633 à 636 ; et Hist. de Lang., éd.
Priv., table, v" Pierre Rainx. de Comminges, et Serrière, et x, table, V Com-
minges (P. R. de). — D'après le P. Anselme, le premier de ces deux seigneurs
aursut même été qualifié oicomie de Serrière; et le Gallia, i, 1101, dit à son
tour qu'en 1338 P. Raim., oicomte, fixa avec l'évèque de Comminges les limites
de Saint-Frajou ; mais les actes cités par D. Vaissete ue l'indiquent que comme
seigneur de Serrière.
Tome XXX. 12
— 166 —
contiennent les ouvrages imprimés, ne sauraient cependant nous four-
nir rien de nouveau sur la situation et l'étendue do cette ancienne
région féodale. Aussi sommes-nous heureux qu'un texte inédit, et qui
n'est autre que le testament de Pierre Raimoud II, vienne suppléer à
leur insuffisance (1). Dans cet acte (19 octobre 1375) le testateur, qui
se qualifie comte de Comminges et seigneur de Serrière, ordonne
qu'après son décès sa veuve jouira de sa dot et de son augment, et
qu'elle aura en outre l'usufruit de la terre de Serrière, du lieu de
Sauveterre et des autres domaines qu'ils ont acquis depuis leur mariage.
Mais il a soin d'observer en môme temps que cette donation ne doit pas
porter préjudice au legs qu'il a déjà fait à sa sœur Eléonore de Com*
minges du revenu de certains lieux, enclavés dans la susdite terre de
Serrière. Ces lieux, qu'il désigne par leur nom, sont ceux de Castel-
gaillard, d'Agassac, de Mauvesin et de Coueilles, tous situés de nos
jours dans le canton de l'Isle-en-Dodon (2).
Grâce à ces précieux renseignements il ne reste plus aucun doute
sur la place qui doit être attribuée à la région de Sorrière. Cette région,
qui se prolongeait jusqu'à Salnt-Frajou et Saint-Ferréol, d'après la
bulle de 1195, correspondait surtout au canton de l'Isle-en-Dodon, et
devait confronter, vers l'est et le nord, au Bourjac et au Savès.
Sur la fin du xiv« siècle et le commencement du xv% il est encore
question de Marguerite, comtesse de Comminges et dame de Ser-
(1) Une copie de cet acte se trouve dans les mss. de Doat (vol. 44, f. 313 et
suiv ); mais il est préférable de recourir à un autre texte qui fait parUe des
chartes de Foi^ et Comminges, classées sous les cotes J. 332-334, aux Archives
nationales. D. Vaissette ne fait guère que signaler le document, et les analyses
du P Anselme et du Cabinet histor. m, catal. 190 sont des plus sommaires.
(2) «Item ultra predicla, dictus testator legavit et dari jussit dieu» domuiîC
Johann» Dei gracia, comitissai Convenarum, ejus consorti. toUim illam suam
terram sérreriae et locum de Salvaterra et omnia alia bona et feuda Utwlo cmp-
tionis per ipsum testatorem et dictam comitissam acquisila a tempore citra quod
dictum matrimonium inter ipsos contraxerunt usque ad diem preseutem, et hoc
ad vitam ipsius oomitissae tantum et dum vitam duxerit m humams ; voluit
tamen testator quod post decessum ipsius comitissae terra e\^<^,«* Pf ^^.^l^^^l^
hseredem ipsius dommi testatoris infrascriptum revertautur, \olmt et ordina\it
dictus dommus testator quod legatum factuin nobili dominai Helienordi de Con-
venis sorori ipsius testatoris, de fructibus et redditibus de C astrogalhardo, de
Agasaco, de Malo^âcino et de Culhes, infra dictam terram Serrenac scituaus,
minime eidem nobili dominae Helienordi impediatur, sed m sua robons ttrmi-
tate permaneat. » Ce même acte fait encore plusieurs fois mention du pays de
Serrière Ainsi P. Haim. ordonne que s'il avait plusieurs fils posthumes, Je
second aurait la terre d'Albigeois ou bien celle de Serrière, mais à la charge
poiu" lui de les tenir de son frère aine sous l'hommage noble et sous le sermon
de fidélité. Enfin le testament est reçu par P. Maurm de Villeneuve, qui se dit
notaire de Muret et de toute la terre du comté de Comminges et de Semère.
— 167 —
rière (1); mais dans les siècles suivants nous ne retrouvons plus
aucune mention de ce pays, et, à cause du silence des cartes et des his-
toriens, il y a lieu de soupçonner que son nom est aujourd'hui en
désuétude (2).
En terminant cet article nous ne voudrions pas laisser croire que
nous attadions une extrême importance aux deux anciennes subdivi-
sions du Conaminges dont nous venons de rappeler les souvenirs his-
toriques. Mais il arrive parfois que le zèle du chercheur est moins
excité par la grandeur que par Tobscurité d'un sujet. Quelques-unes des
mentions du Bourjac et du pays de Serrière, que nous avions d'abord
remarquées isolément, ont constitué pour nous des énigmes, que nous
ne sommes parvenu à résoudre qu'après y avoir mis beaucoup de
patience. Le lecteur, qui pourrait avoir l'occasion d'être arrêté par les
mêmes difficultés, nous pardonnera de lui avoir fait part de nos solu-
tions, solutions bien modestes sans doute, mais qui peut-être auraient
exigé de lui une plus longue perte de temps qu'elles ne méritent.
Edmond CABIÉ.
(1) P. Anselme, ii, 636. Voyez aussi Cabin. hist, m, catal. 191, 192. —
D'après les annotations des Comptes de Risclo, p. 144, la baronnie de Serrières
serait encore citée en 1473.
(2) Au dernier moment nous trouvons dans Thistoirc de VIsle^n-Dodon,
p. 180 et 209, que déjà, avant la féodalité, la coUine de Saint-Frajou était appelée
Serrières (de Serrer lis) ; s'il en a été ainsi il ne serait peut-être pas impossible que
cette dénomination ait été appliquée plus tard, par extension, à la région envi-
romiante; toutefois il est à noter que nos documents originaux portent toujours
Serrière, au singulier, et que ce n'est que dans deux traductions seulement que
ce nom prend un s final, en 1333 et 1473.
Nous ferons remarquer aussi qu'en traduisant par Serrière le nom du pays qui
nous occupe, nous nous sommes conformé à l'orthographe adoptée par la plu-
part des historiens. H ne faut pas oublier cependant qu'eu Gascogne, à l'inverse
de ce qui a lieu dans d'autres provinces, les noms latins terminés en aria ou
erùa perdent habituellement VI au lieu de le transporter avant Ve en passant
dans la langue vnlgaire. Aussi serait-il bon de retrouver dans les documents
quelque ancienne traduction locale pour savoir s'il ne faudrait pas dire plutôt
Serrèro que Serrière.
LA GASCOGNE
ET LES PAYS LIMITROPHES
DANS LA JLÊGENDE CAROLINGIENNE
Suite (*).
4. CiZE. — Nul chroniqueur ne s'est encore donné la peine
de consacrer à ce pays une notice suffisante. Tâchons de
combler cette lacune.
Avant 1512, le royaume de Navarre se composait de six
provinces ou merindades, savoir: Pampelune, Eslella, Tude-
la, Sangûesa et OU te, au-delà des Pyréoées; en ileçà des
monts, la Basse-Navarre, appelée aussi en gascon Navarra deçà
Portz, et Navarra ullrapuerlos dans les chartes de Pampe-
lune. Mais en 1512, Ferdinand V, roi d'Aragon de son pro-
pre chef, et roi de Castille de celui de sa femme Isabelle,
s'empara, au préjudice de Jean d'Albret, roi de Navarre, des
cinq provinces ou merindades espagnoles. Ferdinand V pré-
tendait faire ainsi valoir les droits de son autre femme décèdëe
Germaine de Foix, sœur et héritière prétendue de Gaston de
Foix, duc de Nemours. Voilà comment Jean d'Albret et ses
héritiers se trouvèrent réduits au royaume de Basse-Navarre,
réuni à la couronne de France par l'avènement de Henri IV.
La Basse-Navarre comprenait les districts suivants :
1* Pays d'Arberoue; 2" pays de Cize et châtellenie de Saint-
Jean-Pied-de-Port; 3" pays d'Irissarry, Armedarrits el Lenla-
bat; if'' pays d'Ostabaret; 5° Vallée de Baïgorry; 6' Vallée
d'Ossès.
(*) Voir oi-dessus, liyraison de janvieri p. 5.
— 169 ^
Chacun de ces districts, et par conséquent le pays de Cize,
possédait trois juridictions : 1" Valcalde mineur ou alcalde
démarché, statuant en première instance sur les contestations
entre les vilains; 2^ Valcalde majeur, jugeant en dernier res-
sort les appels des sentences rendues entre vilains; 5* la Cour
du Roi, composée d'un alcalde et de ricos hômbres. La créa-
tion de la chancellerie de Navarre (1524) fit disparaître ces
juridictions. Par édit de 1620, cette chancellerie fut unie au
Parlement de Pau; mars la chose ne fut exécutée qu'en 1624.
La chancellerie fut remplacée par le sénécfial de Saint-Palais,
créé par édit de juin 1621, supprimé le 10 décembre de la même
année, et rétabli définitivement en juin 1659. La police de la
Basse-Navarre était confiée au châtelain de Sainl-Jean-Pied-de-
Port, aux baillis de Mixe et d'Ostabaret, à r.ilc ilde et au mer-
cin d'Arberoue. Louis XIII confia le soin de la police au vice-
sénéchal de Navarre, nouvel office dont le titulaire remplissait
les fonctions de prévôt de la maréchaussée. Cette dernière
compagnie, supprimée durant le même règne, fut rétablie en
1729, sous les noms de grand prévôt, prévôté et maréchaus-
sée de Navarre (1).
Voici maintenant la toponymie ancienne du pays de Cize
d'après Raymond :
CizE {le pays de). — Vallis quœ dicitur Cirsia, vers 980 (charte du
chapitre de Rayonne). — Pors de Sixer, Cisre, xi" siècle (chanson
de Roland^ chant i, vers 582). — Cycereo, xii" siècle (Dicc. geogr.
de Espana). — Syzara, xii® siècle (Roger Hoveden). — La porte
de César y 1154 (Ëdrisi). On peut aussi traduire le texte arabe par la
porte de Oser. — CUia, 1186; Osera, Cisara, xii« siècle; Ciza,
commencement du xiii® siècle; Cizie, 1154 (ch. du chap. de Bayonne,
£«• 15, 26, 32, 50). — Cisia^ 1302 (ch. du chap. de Bayonne). — Les
pors de Cisaire, xiv« s. (Chron. de Saint-Denis, Histor. de France,
V. p. 301). — La terre de Sisie, 1472 (not. de la Bastide- Villefran-
che, n*^ 2, f° 21). — Cize se dit en basque Garaci (2).
(1) Raymond» Dictionnaire topographique des Basses-Pyrénées, Introd. ix.
(2) Raymond, id., art. Cize.
— 170 —
La Cize, y compris la châtellenie de SainWean-Pled-de-Porl,
englobait les paroisses ou communautés suivantes : Ahaxe,
Ainhoue, Alciette, Aincille, Bascassan, Béhorlèguy, Bossu-
narits, Bustince^ Çabalse, Çaro^ Gamarlhe, Garatéguy, Janils,
Jaxu, Iriberry, Ispourre, Lacarre, Madeleine (La), Men-
dive, Mongélos/ Sarrasquette, Sorhapuru, Sainl-Jean-Pied-
de-Port, Saint-Jean- le-Vieux, Saint-Michel, Uhart, Urritue,
Utziat.
Ledit pays formait un des archidiaconès du diocèse de
Bayonne, démembré de celui de Dax à une époque indéter-
minée, mais antérieure à 980 (1).
La Chanson de Roland porte, au vers 583 : Li rois serai
as meilliirs porz de Sizre. C'est bien par Cize qu'il faut tra-
duire en français; car ce pays touche à Roncevaux. Quant
au mot porz y qui revient plusieurs fois dans le poème,
Raymond fait remarquer à bon droit qu'il ne signifie pas
seulement « les passages des montagnes », mais les
« montagnes » elles-mêmes. Dans la vallée béarnaise d'Ossau,
peu distante du pays de Cize, porz a toujours eu ce sens
durant le moyen âge. Los porlz generaus de ta terre ctOssan
sont mentionnés dans le Car tutairc d'Ossau, dit Livre rouye,
au f^ 38, et pour l'année 13S5. Il s'agit bien ici des monta-
gnes communes entre les diverses paroisses ou municipalités
composant cette vallée. L'expression por:2 doit donc cire prise
avec la même acception dans la Chanson de Roland.
2. Roncevaux. — Je ne connais, sur cette localité, aucune
notice historique vraiment sérieuse. Celle qu'on vend au
couvent même de Roncevaux ne compte pas (2). Quanl
(1) GalL Christ, i, 1308-9.
(2) Je suppose qu'oti a dû la tirer en grande partie des manuscrîts de Don
Juan HuARTK, Roncescalles y la hintorla de las cosa^ mémorables en et sure-
didaSy manuscrit in-folio de l'église de Honcevaux, mentionné par Mrndisz 4ans
les Viajcs dot P. Florez, p. 192, et par Munoz y Uomero, Diccionario biblio^
grdjîco-histôrico de Espana, art. Roncescallcs,
— 171 —
à l'article Rmcesvdks inséré dans le Diccionario geogrdfico-
histôricr) de Espana de Madoz, il n'est pas documenté, et
laisse d'ailleurs à désirer sous d'autres rapports. Ici, je
suis donc forcé de tirer bien des choses de mon propre
fonds.
•
L'élymologie latine de Roncevaux, — dit M. Léon Gautier, — est
plus que douteuse. A côté de Roscida vallis (vallée humide), qui est
rorigine la plus communément adoptée, il faut étudier la forme i?an-
ciœmllis, qui est la forme adoptée par la Chronique de Turpin.
M. Hugo Meyer, l'ultra-scandinave, voit dans Ronceval la * vallée
des épines » dont il est question dans la mythologie du Nord. Mais,
sans nous arrêter à ces derniers textes, ni au Runcivallis du Roland
en vers latins, ni môme au Rainchevaux de la Chronique de Tour-
iiay,il faut remarquer que, dans les textes les plus autorisés, on trouve
un « à rint^cur de ce mot. Cet s éclate dans notre RencesoaU, dans
le Runtseoal de la Kelser Karl Magnus's Kronike, dans le Runizi-
val de la Karlamagnus Saga (z = iz), dans le Roncisoalle des poè-
mes italiens, le Roncesvalles des romances espagnoles, et jusque dans
le Roncescaux du Remaniemcut de Paris et le Rainscevaiis d3 Phi-
lippe Mouskes, etc. etc. — Mais personne, jusqu'à ce jour, n*a tenu
compte de l'étymologie basque, et nous nous empressons de publier à
ce sujet les lignes suivantes de notre ami M. P. Raymond, archiviste
des Basses-Pyrénées. « Dans le pays basque beaucoup de noms de lieu
se terminent par çabal, écrit aussi zabal. il a pour signification p^a/,
étendu, déployé. C'est Padjectif que Ton retrouve dans Larcecau,
Zarzabal (Larre ou Lar, lande ou pâturage), de Çabaléta, que je
traduirais village de la plaine, et de Çabala, qui a la môme significa-
tion. Les exemples peuvent être très multipliés, car le mot çabal se
place soit avant soit après les noms. — Çabal d'ailleurs, convient
parfaitement à la localité qui porte le nom de Roncevaux. En effet,
dès qu'on a descendu la montagne d'ibagnéta, et que la porte voûtée
de l'abbaye est franchie, on se trouve devant un assez large vallon. —
Quant au mot Ros qui forme la première partie du nom, il est fréquent
dans la région sous la forme arros, parce qu'il n'y a pas en basque de
mot commençant par r, et que Ton dit, par exemple, Erroma pour
Roma (Voy. Arros, section de Larceveau; Arros, canton de Nagi;
Arros, canton d'Oloron-ouest). — Le sens de ce dernier mot m'est
inconnu et je le regrette, car j'aurais eu à cœur de compléter cette
— 179 —
note sur RosçabaL II ne me reste plus qu'à vous affirmer que toutes
les formes du moyen âge, Roscida-Vallis, Roncesvalles, etc., sont
des noms forgés; car, au courant du xiii® siècle, on disait Rosçabal
i^uv RoncevauXy tout comme Larçabal pour Larceveau. Je ne saurais
trop insister sur ce point (1). »
Voici maintenant quelques autres indications sur la topo-
nymie ancienne de Roncevaux : Rencewals, Chanson de
Roland, v. 814, 923, etc. — Rossida Vallis, 1341, Rôles gas-
cons, I, 3. — Roncidawallis, 1273, Archives historiques de la
Gironde, v. 312. — Ronssesvaus, vers 1210, /rf., iv, 62. —
Roncevaus, 1326, id., xix, 311 (2).
Le village espagnol de Roncevaux se compose d'environ
trente-quatre maisons. Population : 89 habitants, dont 34
vccinos ou gens domiciliés. Le territoire de ce village est
borné au nord par la France et par Valcarlos, qui appartient
à l'Espagne, au midi par Orbaiceta (Espagne), au sud et à
Touest par Burguete (Espagne).
Roncevaux, situé dans la Navarre espagnole, dépendait
jadis du district {merindad) de Sanguesa. Il est aujourd'hui
compris dans la circonscription judiciaire d'Aoiz, audience
territoriale, province et diocèse de Pampelune.
Jusqu'au règne de Sanche le Fort, roi de Navarre (1194-
1234), on ne sait rien que des fables sur Roncevaux. Sanche
donna aux habitants la montagne de Vidosi pour s'y établir en
sûreté. Voilà du moins ce qu'il est permis de conjecturer avec
quelque vraisemblance, car l'acte de concession est en partie
détruit, et ne porte aucune date. En 1257, le roi Thibault I
concéda à l'hospice ou monastère do Roncevaux la pleine
liberté de dcpaissance sur la montagne pour mille porcs (3).
L'année suivante (1238), ce prince Qt transporter de la cha-
(1) Léon Gautier, La Chanson de Roland, 620-21. Je laisse à Raymond, i\\n
a renseigné M. Léon Gautier, la pleine responsabilité de ses hypothèses.
(2) Archices de Pampelune, Cartulaire ii, f 122.
(3) ïd., cart. ii, f 122.
— 173 —
pelle de Tadela à l'église de Roncevaux le corps de son oncle
Sanche le Fort (1). Signalons rapidement les privilèges oc-
troyés au monastère, à Tliospice ou aux habitants par
Henri III, roi d'Angleterre (4241) (2), par les rois de Navarre
Thibault II (1365-1369) (3) et Philipe III (13M) (4). N'ou-
blions pas non plus les SlatuU de Roncevaux {Rosddevaltis)
datés du 6 décembre 1282 (5), ni la confirmation de ses
privilèges {monasleHi liospitalis geno'alis béate Marie de Ros-
cideuallibus), faite par le pape Sixte IV, le 21 février
14-77 (6). En 1366, Roncevaux comptait soixante-dix-neuf
habitants domiciliés ou vecinos (7). L'année 1400 est mar-
quée par Tinccndie du village et de son église (8). Six ans
plus tard (1406), le roi Charles III cède au monastère le
patronage des églises de Villava, Sorauren, Sanguessa-la-
Vieja, Vidangos et Ochavia, et en 1415 celui d'Alzoriz. En
14'33, le roi Juan II transporte au même couvent le patronage
des églises de Erdozain, Olaberri et Zemberoain (9). Plus
tard (1467), la princesse Dofia Léonor, voulant manifester sa
dévotion à la sainte Vierge Marie et favoriser les pèlerins, fit
à son tour diverses libéralités audit monastère (10). Un docu-
ment sans date, et qui paraît être du xv* siècle, contient une
supplique adressée au roi de Navarre par les fratres de Ron-
cevaux. Il y est dit que le roi don Sanche V fît bâtir sur une
montagne contiguë à la chapelle de Charlemagne un hospice
pour les pèlerins et les pauvres malades. Cet étabhssement
fut enrichi par les rois de Navarre, qui lui accordèrent de
nombreux privilèges. Le même document porte que ledit
(1) Archioes de Pampelune, caisson 137, n' 32.
(2) Carte, Rôles gascons, i, 3.
(3) Archioes de Pampelune, cart. ii, f* 122.
(4) Id., cart, n, f ?29.
(5) DuBARAT, I^ Conxmanderle et l'hôpital d'Ordiarpt 127-28.
(6) Id., ibid.. 140-48.
(7) Archices de Pampelune, Comptes, libro de fuegos.
(8) Id., caisson 92, n' 26.
(9) Id., caiss. 137, n* 32; caiss. 160, n* 20.
(10) /rf., caiss. 137, n' 32.
— 174 —
hospice était desservi par des religieux, clercs, frères et laï-
ques, qui portaient une croix de velours vert sur la partie
gauche de leur vêtement (1), etc. etc.
Je crois devoir signaler encore les faits suivants :
En 1472, Gaston IV, comte de Foix, meurt à Roncevaux.
Le 4 janvier i 559, passe dans cette localité la reine Dona
Isabel de La Paz, venant de Paris, sous la conduite du cardi-
nal de Bourbon et da duc de Valdona. Elle y est reçue par
Tarchevêque de Tolède, le duc del Infantado, etc. De là ils
partent pour Guadalajara. En 1794, les troupes de la Répu-
blique française, passant à Roncevaux, y détruisent un
monument élevé à une date indéterminée, en souvenir de la
défaite de Tarrière- garde de l'armée de Charlemagne. Sous
Napoléon l", le maréchal Soult, avec 35,000 hommes, force
le passage de ladite vallée, défendu par le général Bying,
par sir Lov^ry Cole* Enfin, en 1814, une partie de l'armée
des Alliés, aux ordres de Wellington, pénètre d'Espagne en
France par Roncevaux.
U n'est pas rare de rencontrer le nom de cette localité dans
les documents de la période féodale relatifs à la Gasco-
gne. Ainsi nous voyons, en 1273, Amanieu de Pouy {de
Podio) viguier de Mimizan {de Mimissano), mentionné comme
ayant donné la terre d'Arbenhac, dans la paroisse de Saint-
Julien {lerratn d'Arbenhac, in parrochia Sancii Juliani) à
l'hospice de Roncevaux {HospUali RoncidewaUis). Cet hospice
tint ensuite la terre dont s'agit du roi d'Angleterre (2). A
peu près vers 1310, Gaillarde de Saint-Seurin lègue entre
autres choses cinquante livres à chacun des hôpitaux de Bor-
deaux, ou qui se trouvent sur la roule jusqu'à l'hospice de
Roncevaux {Vespiiau de fiomsesvam) (3). Enfin le compte
des subsides levés pour le pape dans l'archevêché de Bordeaux
(1) Archices de Pampelune, caisson 31, n* 37.
(2) Archioes historiques de la GirondCy v, 311.
(3) Id., IV, 62.
— 175 —
en 4326 contient, pour le diocèse de Condom, archiprétré
de Bmilhois, la mention du correcteur ou précepteur de la
maison de Galard, ordre de Ronce vaux {ordinis de Ronce-
vaus), taxé à cinquante sols (1).
Roncevaux possédait en outre, en deçà des Pyrénées, d'au-
tres commanderies avec hôpitaux ou hospices de pèlerins, et
notamment : Bordeaux, Recaldea, Açoriz, Yerralarre, Or-
diarp. Rayonne, Bonloc, Bidarray, Bonconseil, Toulouse,
Samatan, Cazaux, Alçu (2).
La collégiale de Notre-Dame de Roncevaux, placée sous la
protection immédiate dd Saint-Siège, avait pour patron le roi
de Navarre ou ses ayant-droit, qui nommaient le prieur. Ce
dignitaire officiait pontiQcalement, et prétendait à la juridic-
tion ecclésiastique quasi nullius. Il s'intitulait aussi grand
abbé de Cologne, en Allemagne. Les titres qui lui donnaient
ce prétendu droit, auraient, disait-on, péri dans Tincendie des
archives du couvent. Au xvin' siècle, le chapitre de Roncevaux
se composait de six chanoines, deux bas-chanoines pu sous-
chantres, un sacristain,' un organiste qui devait être prêtre,
deux bedeaux {bajetes) et cinq enfants de chœur. Le prieur et
les chanoines portaient à gauche, sur le camail, une croix
de velours vert, en forme d'épée, et sur la soutane une mé-
daille d'or ou d'argent, insignes du très ancien ordre de
Roncevaux, auquel ces ecclésiastiques appartenaient. Cet
ordre disposait jadis de troupes chargées de la garde du
château de Segain, qui existait encore en 1471. Aujour-
d'hui le chapitre de Roncevaux se compose d'environ douze
chanoines.
5. AsPE {Vallée d'). — Elle dépendait de la vicomte de
(1) Archioea historiques de la Gironde, xix, 311.
(2) Arch. dép. des Basses-Pyrénées, G. 219. — Excepté Toulouse et Bor-
deaux, et les deux localités de Samatan et de Cazaux-Savés, qui font aujourd'hui
partie du département du Gers, toutes les autres paraissent appartenir aux
Basses-Pyréuées, quoique Açoriz, Yerralarre, Bonconseil et Alçu manquent, au
moins sous ces formes, au Dictionn, topogr. de P. Raymond.
— 176 —
Béarn, Voici, d'après Raymond, la toponymie ancienne et la
composition de celte vallée.
Aspe. Aspuy 1077 (charte de Tabbaye de la Pena, d'après Marca,
Hist.de Béarn, p. 324). — Uarcidiagonai d'Aspa, 1249 (not. d'Olo-
ron, n^ 4, f° 50). — Aspea, 1290 (ch. d'Aspe, Arch. dép. des Basses-
Pyrénées, E. 427). — Aspes, xiii** siècle, Chron. des Albigeois, vers
1765). — La Bag d'Aspe, 1443 (contrats de Caresse, F 244). — La
vallée d'Aspe se divisait en deux vies : le vie d*en haui, comprenant
Celte-Evgun, Borce, Lescun, Etsaut et Urdos; le vie d'en bas :
Accous, cheMieu de la vallée, Bedous, Osse, Léès-Athas, Aydius et
Escot.
L'archidiaconé d'Aspe dépendant de révôché d'Oloron, le vie d'Aspe,
établi au xm"^ siècle, le baillicige d'Aspe établi en 1385, eurent tous la
circonscription indiquée par la nature, celle du canton d'Acous (l).
Raymond n'en dit pas plus long. Voici quelques renseigne-
ments historiques puisés ailleurs, et dont le suivant a aussi
son intérêt au point de vue du folk-iore de la Gascogne.
On trouve, — dit Marca, — dans les vieux Liures Censiers des
Communautés de cette Vallée, que les Aspois estans entrés auec armes
dans la Vallée de Lauedan, qui est assise dans les montagnes du
Bigorre, un Abbé laïque d'vn village proche (ki Monastère S. Sauin,
monta sur un suzeau (sureau?); et ayant lu quelques coniurations
dans un Liure de magie, troubla le sens, et Tentendcmcnt des Aspois,
en telle sorte qu'ils furent mis hors de défense par la force des enchan-
temens, et demeurèrent exposés à la discrétion de leurs ennemis de
Lauedan, qui en firent vue sanglante boucherie, et les tuèrent de sang
froid, sans se mettre en aucun deuoir de réparer celte iniure. De sorte
qu'à cause de leur obstination au mal, le Pape lascha vn interdit sur
la terre de Lauedan, qui fut suivie d'vne telle malédiction, comme si
le Ciel feust deuenu d'airain, poiu* leiu^ regard, et eust retiré la bénignité
de ses influences ; l'effet de la vertu primitiue et originaire départie à
la terre, aux plantes, et aux animaux, de fructifier et de produire leur
semblable, fut mise en souffrance, et comme en vne espèce d'interdict :
de façon que pendant six ans Thumeur végétante et séminale fut des-
séchée en toute la terre, sans que les herbes, ni les arbres poussassent
(1) Raymond, Dictionnaire topographique des Basses-Pyrénées, art. Aspe*
— 177 --
des fleurs, ni les brebis, vaches, ni iumens portassent de fmict, ni que
les femmes engendrassent. Ces effets respondoient aux malédictions
insérées dans l'Anatheme du Concile de Tours Canon 2. où TEuesque
fait des imprécations expresses que les criminels soient maudits en la
Cité, et aux champs, et que les finiicts de leur ventre, et de leur terre
soient maudits ; et qu'ils reçoiuent les malédictions mentionnées dans
le Deuteronome. Ces montagnards estonnés d'viie si rude et si sensible
punition, estimèrent que, comme la terre d'Attique auoit esté condam-
née a vne stérilité générale pendant trois ans, pour chastier le meurtre
commis en la personne d'Androgeos, qui continua iusqu'à ce que le
crime feust expié par diuers sacrifices, chés Plutarque, et les Auteurs
Grecs; ils estoient semblablement obligés d'apaiser l'indignation de
Dieu, par leur repentance, et par l'indemnité des intéressés, et procu-
rant le relaschement des censures Ecclésiastiques.
Ceux de Lauedan envoyèrent deux preud'hommes de leur terre en
Cour de Rome, pour y demander au Sainct Père l'absolution de 1^1 n-
terdict, laquelle sa Saincteté leur accorda, sous certaines conditions :
et adressa son Rescrit aux Euesques de Lascar, et de Tartes; Qui
firent à mesme temps assembler dix hommes de la Vallée d'Aspe, et
autres dix de la Vallée de Lauedan, auec pouuoir suffisant de leurs
Communautés, leur ordonnèrent, et firent iurer vne paix et amitié per-
pétuelle entre les Vallées : sous peine contre l'infracteur de la paix,
d'encourer l'anatheme, et la malédiction de l'Eglise, d'estre poursuiui
comme traistre, et de payer cent marcs d'argent à l'intéressé, et autres
cent marcs d'argent au Seigneur de la personne iatéressôe. Enioigni-
rent aussi à ceux de Lauedan, par voye de satisfaction, et pénitence
Ecclésiastique, d'enuoier dix pèlerins à Sainct lacques de Galice, et
faire célébrer en cette Eglise quatre Messes d'Euesques, dix messes
d'Abbés en habits Pontificaux, et cent Messes de Prestres et Religieux;
et en outre de payer annuellement et a perpétuité la somme de trente
sols Morlas, au Procureur de ceux d'Aspe, le iour de S. Michel, dans
l'Eglise de S. Sauin : sans que ce payement peut estre prescrit par
aucun laps de temps, sauf pour les arrérages reclus de trente années
dernières : estant mesme loisible aux Aspois d'arrester en cas de retar-
dement, ceux de Lauedan, et les contraindre par corps au payement,
vn chacun pour le tout, en quelle part qu'ils les trouuent. Cette somme
est despartie de ce titre sur chasque village, à proportion de ses forces,
et correspond au denier dix, à l'arrende de l'amende coutumier d'vn
meurtre, payable au proche, qui est taxée dans les vieux Fors, à trois
cent sols Morlas. Le payement de ces trente sols Morlas se fait par
— 178 —
intervalles, y estant interuenu divers Arrests de condemnation, donnés
au Parlement de Pau, contre les particuliers de Lauedan retenus pri-
sonniers en vertu de cet accord.
Cette action mémorable n'est point consignée par aucun date dans
les vieux titres, qui taisent aussi le nom du Pape et des Euesques.
— Neantmoins ie pense que Ton doit rapporter cette guerre, et le
meurtre des Aspois arrivé en suite, en Tannée M. C. V. ainsi que i'ay
apris du Chartulaire de S. Sauin. D'où Ton peut recueillir le sujet de
cette guerre. Car il y est rapporté, que le Vicomte de Lauedan Forta-
ner, auoit donné au Monastère de S. Sauin le village de Suin, du
temps de Louis Comte de Bigorre, c'est-à-dire environ Tan 980, pour
raison duquel y ayant eu procès entre TAbbé Bernard, et les enfans de
Dat-Loup d'Aspe, en la Cour du Comte Centulle, c'est-à-dire environ
Tan 1080, le duel en ayant esté ordonné entre les parties, ceux d'Aspe
furent vaincus. Or il n'y a pas grand effort à se persuader, que les
maistres de la maison d'Aspe renouuellerent cette querelle quelque
temps après, d'où s'ensuivit le meurtre de Aspois, fait auec supercherie.
Pour ce Dat-Loup d*Aspe, c'estoit le Vicaire, ou Viguier héréditaire
d'Aspe, qui résidoit dans la Vallée, sous le commandement du Seigneur
de Bearu; auquel Vicaire le vieux For d'Aspe attribue deux deniers
Morlas pour teste de chenal, mulet, ou asne, qui passent en Espagne (1).
«
De tous temps, pour la juridiction ecclésiastique, comme
pour la juridiction civile, la vallée d'Aspe a dépendu d'Olo-
ron. On ne trouve pas, en effet, qu'il y ait eu des vicomtes
d'Aspe, comme il y avait un vicomte d'Ossau. C'est pourquoi
nous voyons, sous Centulle IV (1060-1088), vicomte de
Bèarn, la vallée d'Aspe réunie à la vicomte de Béarn en même
temps que la vicomte d'Oloron.
Ladite vallée avait son §tatut ou for particulier confirmé par
Gaston VII, vicomte de Béarn, en 1274. Mazure et Hatoulet
en ont publié le texte (2). Ce for témoigne, en faveur des
Aspois, d'un grand esprit de liberté, dont on trouve aussi
d'autres preuves dans des documents postérieurs. Exemple,
la sentence de la Cour majour de Béarn, en date du 18 no-
(1) Marca, Histoire de Béarn» 552-58.
(8) Mazurb et Uatoulbt, FQr$ de Béarn, 230-42.
— 179 —
verabre 1477, rendue entre le procureur-général et les gardes-
forestiers de Béarn contre les voisins, universités et lieux de
la val et montagnes d'Aspe. On y lit :
•
Que le procureur-général et les gardes-forestiers prétendoient que
les montagnes et herms d'Aspe appartenoient au souverain comme
seigneur de la terre. Les Aspois soutenoient, au contraire, que la val
d'Aspe fixi avant le seigneur, et qu'il n'avoit sur icelle sinon ce qu'il
lui fut donné par les habitants. En conséquence la Cour déboute le
procureur-général, etc., et maintient la vallée dans sa propriété, etc.
C'est le même esprit de liberté qui a inspiré l'article 2 de
leur déclaration générale :
liera. Déclare ledit syndic, qu'anciennement ladite vallée d'Aspe,
étant une république, se donna volontairement au seigneur de Béarn,
qui promit de la maintenir dans ses fors et libertés (1).
Jean-François BLÂDÉ.
{A suivre.)
(1) Mazure et Hatoulet, Fors de Béarn, 231, note 1.
DES
PETITS-FILS DE BLAISE DE MONLUC
XV n
Lettre de Charles de MonluCy petit-fils du maréchal (1), au roi de
France Henri III,
Sire, suyvant vos comandemens j'ay esté parler au sieur de Lussan,
gouverneur de Blaye (2), auquel j'ay faict entendre la créance qu'il
vous avoict pieu me donner, et m'a dicl pour responce qu'il n'a jamais
eu autre intention que d'estre vostre très humble fidelle subjet et ser-
viteur; toutesfoys, qu'ayant ceste plac^ en charge, où il estoict
enguaigéet son honneur aussy pour vostre service, il s'y est trouvé sy
(•) Ce chiffre et les suivants continuent ceux des Lettres des fils de Biaise de
Monluc, publiées dans notre numéro de février, p. 83.
(1) Charles de Monhic, seigneur de Caupène, était le second fils de Pierre-
Bertrand de Monluc. Il devint chevalier de Tordre du Roi, capitaine de cinquante
hommes d'armes de ses ordonnances et son sénécLal d'Agonais et Gascogne. H
fit son testament le 3 jamier 1595 et fut tué, le 19 mai 15%, sous les murs de la
ville d*Ardres qu'assiégeaient les Espagnols, dans une sortie où brilla sa valeur
et où il se montrale digne fils du capitaine, son père, et du maréchal, son grand-
père, (\'oir sur cet événement la Chronologie noccnnaire de Palma Cayet,
l'Histoire du président de Thou, celle de Mézeray, etc.). Voir dans les Archices
historiques du département do la Gironde (tome xix, 1879, p. 287) le contrat
passé, le 17 février 1597, par Florimond de Raymond, conseiller au parlement
de Bordeaux, premier éditeur des Commentaires, et Théodore de Hius, écuyer,
au nom de haute et puissante dame douairière de Monluc, avec deux maîtres
magons pour la construction d'un tombeau en marbre, que les représeutants de
la mère de Charles de Monluc s'engagent à faire porter de Bordeaux en la viUo
d'Agen, au couvent des Cordehers.
(2) Jean Paul d'Espajbez, septième fils de Bertrand d'Esparbez, seigneur de
Lussan, et de Louise de Saint-Eélix, fut seigneur de Lussan, de la Serre, de la
Garde, de Saijt-Sa\in, de Viiriesse et de Chadenac. Capitaine des gardes écos-
saises du corps du roi, chevalier de l'ordre du ^aint-Esprit, il eut, outre le gou-
vernement de Blaye, le sénéchalat d'Agenais et de Condomois. 11 mourut fort âgé
le 18 novembre 1616. Les documents lelatifs soit à J.-P d'Esparbès, soit à sa
famille, abondent dans la Reçue de Gascogne, comme dans les Archices histo-
riques du département de la Gironde.
— 181 —
nécessiteux et hors de moyen de la conserver qu'il a esté contrainct
d'entreprendre ce qu'il faict et de fere payer le succide (1) qu'il prend
aux baysseaus quy passent au habre (2) de la dicte ville pour y entre-
tenir les soldats et mortepayes ; bien que c'a esté aprez avoir souvent
donné ad vis à Vostre Majesté et à Monsieur le Mareschal de Matignon
de l'importance d'icelle et de la nécessité en quoy il y estoict, et n'y
ayant esté pourveu, cella Tauroict forcé de s'en dispencer, mais que s'il
plaict à Vostre Majesté luy fere cest honneur de remedyer à ses néces-
sitez, il cessera tout soudain ce qu'il en a comencé, qu'est tout ce qu'il
m'a respondeu. Au reste, Sire, je ne faudray d'assembler le plus de
mes amys que je pourray tant de ma compagnie que d'autres volontai-
res et me tenir prest attendant vos comandemens;ores que je ne pour-
ray meclre beaucoup de gens aux champs qu'avec grand incomodité,
attendeu le long temps qu'il y a que ma dicte compagnie n'a faict
monstre, nonobstant qu'elle a esté durant les guerres passées tousjours
des premières en pied en ce pays pour vostre service, sy est-ce que je
feray tout ce que je pourray et supplieray très humblement Vostre
Majesté de s'en ressouvenir, affîn que les gens d'armes d'icelle ayent
plus de moyen avecques moy de vous rendre le très humble et fidelle
service que nous vous debvons tous.
Sire, je supplie le Créateur augmenter et accroître les grandeurs de
Vostre Majesté.
De Bordeaulx, ce xv® avril 1585.
Vostre Ires humble et très obéissant subjet et serviteur,
MONLUC (3).
XVI
Lettre de Charles de Monluc au roi de France Henri III,
Sire, il y a desja ung moys que je vous escrivy de Bordeaux la res-
ponce que le sieur de Lussan, gouverneur de Blaye, m*avoict faicte
sur la créance qu'il pleust à Vostre Majesté me donner pour luy fere
(1) Charles de Monluc écrit succide pour subside. Au xvi* siècle, Vincent
Carloix se sert de la forme suscide.
(2) On a reconnu l'ancienne prononciation gasconne : bayaseaua pour oais-
seauxy habre pour haore.
(3) BibUotbèque Nationale, fonds français, n* 15,569, f* 92. Original.
Tome XXX. 13
— 182 —
entendre; et despuys m'en estant venu en ces quartiers de Guascogne,
i'ay faict toute la diligence que j'ay peu à rechercher des hommes pour
rendre ma compagnye en estât et digne de vous fere service, sy bien
que rheur m'a esté si favorable que j'ay trouvé ung bon nombre d*ho-
nestes hommes, et plus qu'il ne m'en fault pour la rendre complecte,
tous disposez et en boime volonté de rendre à Vostre Majesté le très
humble et fidelle service que nous vous debvons tous, et les entretiens
en ceste bonne oppynion, attendent ce qu'il vous plairra, Sire, que je
face, soyt d'aller devers Vostre Majesté, ou demeurer par deçà pour
m'employer aux occasions qu'elle me commandera; ores qu'on m'a
escript de delà qu'il vous avoict pieu me faire cest honneur de me
mander vostre intention, laquelle toutesfoys je n'ay poinct entendue, ne
moings receue aucune despeche de Vostre Majesté ne d'autre quy en
fist nulle mention, sy est-ce que je me tiens prest avec tous mes amys
pour obeyr à tous les commandemens qu'il vous plairra me fere. Bien
est vray que ceulx de ma dicte compagnye n'ayant poinct faict il y a
fort long temps monstre desireroyent qu'il pleut à Vostre dicte Majesté
de s en ressouvenir et mander à Monsieur le Mareschal de Matignon
qu'il leur en fist faire affin qu'ilz ayent plus de moyen avec moy de
vous temogner le zelle et cincerité que nous avons et debvons à vostre
très humble service, car sans ung peu d'ayde à tout le moings d'une
•monstre il me seroict malaisé d'admenner hors de ce pays une belle
trouppe telle que je pence avoir pour vostre dict service, et avec ceste
étemelle dévotion.
Sire, je supplie le Créateur augmenter et accroistre les grandeurs de
Vostre Majesté.
D'Estillac, ce 14 jour de may 1585.
Vostre très humble et très obéissant subjet et serviteur,
MONLUC (1).
XVII
Lettre de Charles de Monluc au roi de France Henri III,
Sire, Il y a environ cinq semaines que je receus une lettre de Vostre
Majesté par laquelle vous pleust me donner assurance d'employer en
bref ma compagnie de gens d'armes après avoir faict montre, tellement
(1) Bibliothèque nationale» fonds français, n* 15,569, f* 250.
— 183 —
que soubz ceste sperance ung bon nombre de gentilshommes que
j^avois enrollés pour le service de Vostre Majesté ont demeuré en leurs
maisons; toutesfois ne pouvant effectuer ce que leur avois promis, ilz
s'ennuyent d'une si longue attante, d'autant qu'ilz ont veu les autres
oompaignies tant vieilles que nouvelles avoir faict monstre, estant la
miene des plus antienes, ce que les faict entrer en opinion que Vostre
Majesté n'en faict poinct d'estat, qu'il ne peult eslre que fort desadvan-
lageus pour moy, m'arrivant ce malheur de n'estre employé avec mes
amis pour votre service, chose que je désire d'aussi bon cueur comme
je suplie très humblement Vostre Majesté vouloir croire que nul sera
honoré de vos commandementz qui ait meilheure volonté d'y obéir que
moy qui ne pourrois qu'avec regret insupportable demeurer à ma mai-
son (1) lorsque les autres seront employés, mais sur Tesperance que
j'ay de recevoir ceste faveur de Vostre Majesté je tascheray à conserver
les homes que j'avois disposés pour vostre service, bien qu'il me sera
malaisé, si la dilation en est longue, estant recherchés de plusieurs; et
attandant quelque resolution de vostre volonté, prieray Dieu qu'il luy
plaise,
Sire, vous conserver en toute prospérité et santé.
D'Estillac, ce xi juillet 1585.
Vostre très humble et très oubeissant subgect et serviteur,
MONLUC (2).
XVIII
Lettre de Charles de MonluCy sénéchal d'Agenais, à Henri IV.
Sire,
L'honneur qu'il a pieu à Vostre Majesté me fere par vos lettres que
le sieur de Gignan (3) m'a rendues et les propos qu'il m'a tenus de
vostre part m'avoyent faict préparer de vous aller trouver pour vous
rendre preuve de Textresme désir que j'ay tousjours eu de vous fere très
humble service. Je reçoys beaucoup de desplaisir qu'il m'ayt esté
(1) C'est-à-dire à Estillac, où Charles de Monluc avait remplacé son grand-
père. Nous retrouverons Charles de Monluc à Estillac en 1594.
(2) Bibliothèque nationale, fonds français, n* 15,570, f* 117. Original.
(3) On ne trouve pas ce nom (peut-être mal lu) dans la TabU générale des
matières du Recueil des Lettres missiœs de Henri /V«
— 184 —
impossible pour les justes ocasions que le sieur de Monbrun (1), pré-
sent porteur que j'envoie exprés vers Vostre Majesté, vous dira. Je la
supplie très humblement m'honnorer tant que de Touyr et do le croii-e,
et vous assurer, Sire, qu'au despens de ma vye et de mon honneur je
ne manqueray point aux choses qu'il vous assurera de ma part et
d'obeyr aux commandemans de Vostre Majesté; atandant lesquels et
que j'aye ceste faveur de les aller reœvoyr, je suplie très Immblement
Vostre Majesté s'assurer qu'il n'y a gentilhomme en ce Royaulme qui
désire vous rendre plus d'effaictz de sa fidellité et très humble obéis-
sance que moy, qui pour sûreté de ce oblige ma foy, à laquelle je ne
contreviendray jamais (2), comme je me promectz que Monsieur le
Mareschal de Matignon me fera ce bien d'en assurer Vostre Majesté,
suivant ce que je l'en ay suplié (3). Cepandanl je m'esforceray de tout
mon pouvoyr à m'oposer avec mes amys à tout ce qui se passera de
(1) Ce sieur de Monbrun serait-il le même que Je personnage du même nom
dont il est parlé dans la Chronique d'Isaac de Pérès, à l'annôc 1593, comme
d'un chef de ligueurs qui gagna Esclarmonde de Burs, ancienne nourrice du
capitaine Laporte, et obtint de cette nouvelle Tarpeia que le château de Nêrac
lui serait livré? Isaac de Pérès ajoute que, le complot ayant été découvert, la
malheureuse Esclarmonde eut la tête tranchée et que ses quatre membres furent
exposés sur la place de Nérac, le 13 avril 1593. Aucun personnage du nom de
Monbrun ne figure dans les neuf volumes des Lettres misslces de Henri IV,
' (2) Charles de Monluc tint sa parole, et quelques mois plus tard, il rendait à
Henri iV le grand service de réduire la ville d'Agcn sous l'obéissance du nou-
veau roi de France. Voir à ce sujet deux lettres de Henri IV, une à M. de Les-
telle, du 26 juin 1594 (tome iv du Recueil, p. 183), l'autre à M. de Boissonade,
premier consul d'Agen, du même jour (tome vin, p. 523), Dans les notes qui
accompagnent les deux documents, on a donné à Charles de Monluc le prénom
de Biaise,
(3) Le maréchal de Matignon, le 13 novembre 1590, avait écrit h Henri IV, au
sujet de Charles de Monluc (Archioes historiques, tome vu, p. 215) : « Il est en
mauvais mesnage avec ceulx d'Agen, qui ont gecté hors ung homme qu'il avoit
laissé dans la tour de la porte du Pin, rompu tous les forts de la dicte ville, qui
me faict croire qu'il n'aura plus telle créance et autorité dans icelle qu'il en a eu
ordinaire, et qu'il n'ozera se mettre entre les mains de ce peuple-là, qui est de
tout temps, comme Vostre Majesté sçait, assez prompt à entreprendre. » A c<»té
de cette tirade contre Monluc ligueur, je tiens à reproduire un fragment inédit
d'une lettre du môme maréchal à Henri IV (malheureusement non datée) en
faveur de Monluc repentant : « Sire, le sieur de Monluc m'a mandé qu'il est
tout résolu de se remettre au service de Vostre Majesté en luy laissant la senes-
chaussée d'Agenois et Condomois et la ville de Castillon pour luy servir de
rcttraite du costé de delà la rivière, n'y en ayant autre où il se peusi retirer. Il
m'assure fort de servir fidellement Vostre Majesté, à laquelle plaira commander
que ses depesches et provisions me soient envoyées. Il me doibt venir trouver
devant que je les luy délivre. Je le doibs aussy aller installer en sa charge à
Condom et au Port-Sainte-Marie. Je supplie très humblement Vostre Majesté
qu'il luy plaise me permettre pour si peu de temps qu'il luy plaira de l'aller
trouver pour luy faire entendre au vray Testât des aiSaires de deçà, où j'espère si
bien pourveoir que pendant mon voyage il n'y arrivera aulcun inconvénient à
— 185 —
deçà conlre te bien de vostre service avec aullant d'affection que je
suplie Dieu^
Sire, vous conserver avec toute félicité et accroissement de vostre
estât en parfaicte santé, très longue et très hureuse vye.
D'Estillac, ce v febvrier 1594.
Vostre très humble, très obéissant subjet et serviteur,
MONLUC (1).
XIX
Lettre de Charles de Monluc à « Monsieur Daffis^ conseiller du
Roy en son conseil d* Estât et son premier président au parlement
de Bourdeaulx » (2).
Monsieur,
Suivant les nouvelles occasions qui arrivent, je suis contrainct vous
escripre et vous importuner. Maintenant il y a une telle rumeur popu-
laire par prinse d*armes en es paiz d'Agenoiz que j'y prevoy ung grand
raalleur qui nous menasse d'une perte irréparable sy de bonne heure
on n'y donne les remèdes convenables. Voilà pourquoy, Monsieur, je
vous faicz ceste-cy affin qu'il y soict apporté quelque remède pour l'in-
termission que la cour de Parlement y peult faire attandant la veneue
de monsieur le mareschal de Matignon. Pour moy je n'y voy poinct
aucung remède s'il n'y est pourveu par la force, car ilz ne font nul
estât des edictz du Roy ny des arrestz de la Cour, tant leur licence est
effrénée, et sy je metz des genz en pied, cela ne peust estre qu'avec la
ruyne du paiz, n'ayant de quoy les entretenir, et cela leur servira de
prétexte pour les faire mutiner touz. Le sieur Delpeuch, procureur du
rostre service, faissant estât de laisser le sieur de Poyanne et mon fils pour res-
ter. » (Bibliothèque nationale, ancienne collection des Missions étrangères,
volume 302, non paginé à Tépoque déjà lointaine où je l'ai dépouillé. Sur la sou-
mission de Charles de Monluc, voir Falma Cayet, Chronologie nooonnaire, sous
Tannée 159'i).
(1) Bibliothèque nationale, fonds français, n' 24,066. Original, comme le docu-
ment ci\/S dans la not« précédente.
(2) Sur le premier président Guillaume Dafifls voir, outre de nombreux docu-
ments dans les Archiccs historiques de la Gironde (tomes ii, iv, vi, viii, xin,
XIV, XV, XIX, etc.), rexcelleute notice de M. A. Communay {Le Parlement de
Bordeaux, 1886, p. 45-53). Daffls envoya la présente lettre au roi Henri IV
{Archices historiques, tome xiv, p. 316).
— 186 —
roy au siège d'Agen vouz faira entandre et vous discourra particulière-
ment d'ung affaire important au paiz et à la conservation de ceste ville,
lequel je vous suppliray très humblement, Monsieur, vouloir escouter
et y apporter ce qui sera de vostre pouvoir à ce que leur requeste leur
soit accordée. Honorez-moy tousjours, je vous supplie, de vos bonnes
grâces et servez-vous franchement. Monsieur, de vostre bien humble
serviteur,
MONLUC.
D'Agen, ce seguound de julliet 1594 (1).
XX
Lettre de Charles de MonluCy sénéchal d'Agenais, à M, de Gour-
gueSy maître- d'hôtel ordinaire du Roi^ et président du Bureau
des finances en Guienne (2).
Monsieur, Il y a déjà quelques jours que je n'ay peu vous escripre
parce que le service du Roy m*avoit appelle vers c^s peys de Comenge
aveques la prière que m'a faite toute la noblesse de ces quartyez de les
aller assister à mettre soubz Tobeyssance de S. M. les villes de Sainct
Bertrand, Sainct Gaudens, Sainct Beat et Montrejau, lieux fort irapor-
tans à son service pour estre près la frontyere d'Espagnie et lesquelz le
Marquis de Vilars (3) avoit promis mettre en main aulx Espagnolz
par les mennées qu'en fait Monpezat (4). Mais m'estant mis en campa-
gne aveques ung bon nombre de gens et force noblesse, nous alames
droict audit Sainct Gaudens que nous primes d'abord, sauf la cytadellc
où les gens de guerre qui estoyent environ de cent aveques quinse ou
(1) Bibliothèque nationale, fonds français n* 24.066. Copie.
(2) Ogier de Gourgues, seigneur de Monlezun, vicomte de JuiUac, baron de
Vayres, clait le fils aîné de Jean de Gourgues, seigneur de Gaube et Monlezun,
et d'[sabeau Dutau. Il était né à Mont-de-Marsan comme son illustre frère
Dominique de Gourgues, l'intrépide vengeur des Français assassinés à la Floride
par les Espagnols. G. de Lurbe dit dans la Chronique Bourdeloiso, à l'année
1594 : « Augier de Gourgues conseiller du Roy en son conseil d'Estat, Maistrc
» ordinaire de son hostel, et Président des Trésoriers de France en la généralité
» de Guyenne, au Bureau estably à Bourdeaux, après avoir fldcUement servy
» cinq Koys, plein d'ans et d'honneur, decede audit Bourdeaux en sa maison
» le 20 d'octobre audit an, n'ayant laissé de sa qualité son pai*eil en Guyenne. »
Voirie curieux Testament d'Ogier de Gourgues (du 1" janvier 1594) iJublié par
M. l'abbé J. Pailhôs dans le tome xxiv des Archices historiques (p. 46-58).
(3) Emmanuel, marquis de Vilars, sur lequel on trouvera une longue note
dans les Vieux papiers du chdteau de Cauiac (Agen, 1882, p. 3-4).
(4) Henri de Savoie, seigneur de Montpezat, frère cadet d'Emmanuel.
— 187 —
vingt gentilzhommes c'estoyent retyrez cuydans y faire resistanoe,
mais nous les joignismes de sy près aveques ung canon, une coulevrine
de baterie et deulx moyennes, qu'après avoir lyre cent ou six vingtz
coups nous les contraignismes se randre à nous et je leur donnai les
champs avecques ung bâton blanc. Cest heureuz commancement donna
tel esfroy à tout le reste des villes qui tennoyent pour la Ligue que le
lendemain après la prinse de ceste cyladelle, ceulx de Monrejau vind-
rent me trouver pour prester entre noz mains le serement de fidélité et
obeyssanc^ au Roy. Sainct-Beat en feyrent le semblable. M. de Lussan
qui commande dans Sainct-Bertrand m'envoya prier par force gentilz-
hommes ses amys de le vouloir recevoir comme serviteur du Roy, me
remetant d'hors et déjà la ville de Sainct Bertrand entre mes mains
pour la tenir soubz l'obeyssance de S. M.; ce que je luy accordé soubz
le bon plaisir de M. le Mareschal de Matignon. De toutes ces villes
réduites je me délibéré d'en faire despesche au Roy pour luy represan-
ler la charge que j'ay prinse du peys pour assurer S. M. de leur fidé-
lité et obeyssance; et voyant que je n'a vois rien- plus à faire vers ces
quartiers, je prins la route pour m'en revenir. Et ayant prins mon chemin
vers d'Aux, ceulx de la ville craignant que je leur voulsisse faire faire
le degast se rezolurent soudein de cryer vive le Roy, ce qu'ilz ont fait
aveque les aultres cerymonyes requises et me vindrent trouver pour
me randre certain de leurs bonnes intentions (1). Ce bon succez me
poussoit d'aller plus avant jusques à Grenade pour en faire deslonger
le marquis de Vilars et la remetre en l'obeyssance du Roy (2). Mais je
me trouvai manque de gens ayant déjà presque tout commencé à pren-
dre son chemin. Si j'eusse heu moyens pour les rettenir, sans failhir je
vennois à bout de ce dessaing, mais je suis si desnué de moyens que
je ne scay de quel cousté m*en prendre. Je ne puis entrer en ses assem-
blées qu'il ne me cx)uste gros et vous scavez le peu de commoditez
qu'on m'a baillié. Je me pleins librement à vous et vous descouvre
toutes mes nécessitez, m'assurant tant de l'honneur de vostre amytié
que si Toccazion s'offre à propos d'en faire quelque récit à S. M. que
vous en aurez le soing; aussi vous scavez le pouvoir que vous avez
sur moy. Je me délibère maintennant que je suis de retour de ce voyage
de faire melre les armes bas à ses croquans, et sy la voye de la douceur
(1) Les annalistes gascons n'ont rien dit, ce me semble, de la manifestation
ici racontée. Du reste, je n*ai pas besoin de le faire remarquer, toute cette lettre
est une bien importante page d'histoire régionale.
(2) Voir sur le marquis de Villars et son frère à Grenade la lettre déjà citée
du président Daffis à Henri IV, du 8 juillet 1594 (Archioes historiques de la
Gironde, t. xiv, p. 316).
— 188 —
nô les y peult esmouvoir j'y employeray à bon esciant la force et irray
partout à main armée où je sauray qu'ilz seront pour les tailher en
pièces, à quoy je trouve toute la noblesse fort dispozée. Je ne tarderay
gueres à mètre la main à l'œuvre, Dieu aidant, et dans peu de jours
j'espère vous en mander des nouvelles. Cependent je vous supplierai,
Monsieur, me vouloir donner advis si mon dit sieur le Mareschal arri-
vera encores à Bourdeaux, affin qu'à mesme temps ou quelques jours
avant son arrivée je m'y puisse randre. Veuillez moy conserver tous-
jours en voz bonnes grâces et faites assuré estât de mon service comme
de celluy qui est éternellement,
Monsieur, vostre bien humble à vous faire service^
MONLUC.
D'Estilhac, ce xix juilhet [1594] (1).
ph. tamizey de LARROQUE.
(A suivre.)
BIBLIOGRAPHIE HISTORIQUE.
I
Catalogue des travaux personnels, dossiers généalogiques, autographes,
pièces diverses et Bibuothèque de M"' la comtesse Marie de Raymond,
légués en majeure partie aux Archives départementales de Lot et-Garonne,
où ils forment le fonds de Raymond; par G. Tholin, archiviste départe-
mental. Agen, impr. V Lamy, 1889. 1 vol. gr. in-8* de xxxix-316 pp.
Un catalogue n'est souvent qu'une nomenclature offrant tout au
plus un intérêt commercial ; mais souvent aussi c'est un répertoire
vraiment instructif, un secours précieux pour les travailleurs. Je ne
songe pas ici à Tattrait de curiosité qui fait lire des titres de livi-es avec
un insatiable appétit par les bibliophiles, je ne parle que de Futilité
sérieuse. A ce titre, peu d'inventaires méritent autant que celui-ci l'at-
tention des personnes vouées aux recherches historiques, généalogi-
ques et féodales, surtout dans les pays de Guyenne et de Gascogne.
(1) Bibliothèque nationale, fonds français, n* 24,066. Original.
— 189 —
Les indications neuves qui abondent dans ce volume sont déjà bon-
nes à noter ; de plus, comme presque tout le trésor de M°*® la comtesse
de Raymond pourra être bientôt abordé par tout le monde, moyennant
le voyage d'Agen, voyage déjà traditionnel parmi nous, c'est de nos
propres richesses que nous commençons à y prendre possession.
Le portrait de la noble donatrice est placé en tête du livre; figure
vraiment parlante, dont un embonpoint marqué ne détruit ni la distinc-
tion, ni la grâce, ni la finesse. Suit un extrait de son testament. Parmi
ses richesses littéraires, quelques-unes sont léguées à M. Pierre Secon-
dât de Montesquieu, son neveu; le reste va aux Archives départemen-
tales de Lot-et-Garonne^ mais grevé d'un usufruit au profit de l'héri-
tière générale, M"« Gavini, sœur de M^^ de Raymond. Encore, par
suite d'une généreuse renonciation à cet usufruit, livres et manuscrits
doivent-ils bientôt, s'ils n'y sont déjà, pi'endre place dans le local qui
leur est destiné aux Archives d'Agen.
M. G. Tholin a mis à la suite du testament les deux principales notices
consacrées, dans la presse provinciale, à la mémoire de M"*« de Ray-
mond. La première est connue de nos lecteurs, qui n'ont pas oublié les
charmantes cx)nfidences de M. Taraizey de Larroque, au sujet d'une
amitié et d'une collaboration de vingt-cinq années (1). La seconde,
signée de MM. Ad. Magen et G. Tholin, et publiée dans la Bévue dj
VAgenais, complète utilement la précédente par des indications plus
précises sur la méthode, les travaux et les collections de la très regret-
tée chanoinesse. Je ne puis me défendre d'en citer, pour mettre en goût
mes lecteurs, deux ou trois courts passages, d'abord sur la « travail-
leuse », puis sur la « causeuse. »
«... Une sincérité parfaite donne un grand prix à ses travaux per-
sonnels. Il ne lui semblait pas moral que l'histoire des familles se
résumât en des panégyriques. « Ilfaut tout dire, faisait-elle. D'ailleurs
» le temps amnistie. Une condamnation frappant au xvi« siècle n'at-
» teint pas une famille vivant au xix®. Puis, où s'arrêter dans la voie
» des réticences? Je sais des familles qui voudraient dissimuler des
» ancêtres protestants ou des alliances bourgeoises... C'est à peu près
» comme si on souhaitait qu'un homme au soleil n'eût pas d'ombre.
» Faites avec cala des portraits ressemblants I »
»... Un grand nombre de travaux préparés par M™® de Raymond
méritent d'être publiés. Non seulement elle n'a pas voulu les faire
imprimer de son vivant, mais une clause de son testament porte l'in-
(1) Rcoue de GascognOy t. xxvn, p. 245.
— 190 —
terdiction formelle d'une publication intégrale à quelque époque que ce
soit. Ces généalogies ne pourront, en conséquence, être utilisées que
par extraits et comme source de renseignements.
»... On se plaint, non sans raison, qu'il n'y ait plus de salons en
France. Grâce à M"*® de Raymond, Agen en a possédé un, où tout hon-
nête homme était admis, où Ton se sentait comme chez soi et dans un
milieu bien français. Réunis par l'attrait d'une causerie facile, sous l'œil
bienveillant d'une maîtresse de maison à l'esprit et au cœur très
ouverts, qui mettait la saine liberté de notre vieux langage bien au-
dessus de la pruderie gourmée et jugeait que la politesse ne va pas
sans simplicité, des hommes d'opinions très diverses s'y sont coudoyés
pendant plus d'un quart de siècle, discutant sur la politique, sur la
littérature et sur l'art avec une constante égalité de ton, une aisance,
une courtoisie parfaites. Un tel résultat, toujours rare. Test surtout
dans des temps troublés comme le nôtre ; il tient presque du merveil-
leux. C'est la finesse, la bonté, le sens droit de M°*® de Raymond qui
ont fait ce miracle. »
Le Catalogue est naturellement divisé en deux parties : Généalogies
et dossiers généalogiques, — Bibliothèque, La première a 511 numé-
ros; la série continue dans la seconde, jusqu'au n° 2339. Je signa-
lerai dans celle-ci, comme les groupes les plus riches et les plus inté-
ressants, ceux qui ont pour titres : Auteurs agenais. Histoire de
VAgenais, Livres imprimés dans l'Agenais, n^® 732 à 1050; — Biblio-
thèque héraldique, 1051 à 1258; — Provinces,., Guienne et Gascogne,
1315 à 1442. Je dirais que dans cette dernière série il ne manque pres-
que rien, si j'y voyais la Revue de Gascogne, dont la bonne comtesse
était, du reste, l'amie déclarée et l'assidue lectrice.
Mais il faut insister un peu plus sur la partie manuscrite, contenant
les généalogies. J'y signale d'abord' plus de trente cahiers autgraphes,
intéressant des maisons nobles, souvent gasconnes : généalogies des
familles de Saint-Géry, — de Coquet, — de Las, — de Pellicier, —
de Saint-Pierre de Baillasbats, — de Monlezun-Campagne, — de Ver-
duzan, — de Bazillac, — de Pardaillan Lamolhe-Gondrin, — de Jeu-
gounous-Poucharramet, — de Lasseran-Mansencome-Monluc, — de
Boussort, — de Campels, — de Lustrac, — de Montix?zat-Carbon, —
Du Kourc Monteslruc, — de Polastron, — de Patras, — de Mauléon,
— de Bezolles, etc. — Je dois encore une mention très spéciale
aux a Notes biographiques et généalogiques sur des capitaines et des
personnages cités dans les Commentaires de Monluc. » 11 y a sous
ce titre plus de cent vingt notices, souvent accompagnées d'armoi-
— 191 -
ries. M. Tholin explique ainsi l'objet et Futilité de ce recueil : « L'édi-
tion critique la plus complète des œuvres de Monluc, publiée par
M. de Ruble, ne pouvait comporter des notes généalogiques éten-
dues sur tous les personnages dont les noms figurent dans ces textes ;
le programme imposé par la Société de l'histoire de France était res-
treint. Mals^ en nous plaçant au point de vue de notre histoire locale,
nous pouvions souhaiter de mieux connaître la vie et les origines des
gascons contemporains du célèbre maréchal, les uns ses amis déclarés,
les autres ses ennemis implacables. C'est à quoi M™« de Raymond
s*est attachée. »
Viennent ensuite deux registres (41, 42), très soigneusement rédigés,
sur la descendance de la noblesse d'Agenais en 1789 et depuis; —
vingt-cinq portefeuilles de notes autographes et de pièces diverses, con-
cernant des familles nobles du sud-ouest rangées par ordre alphabéti-
que; — soixante-neuf registres composés de notes et de copies de pièces
pour servir ^ des généalogies ; — trente-sept portefeuilles, registres ou
liasses de documents originaux et titres de famille. Je note la liasse
n° 144 : dix pièces (1549-1764) concernant les Lasseran-Mansencome;
— le n° 152, « registre des sœurs du couvent de VAve Maria d'Agen »,
vraie chronique (1534-1590), où sont mentionnées les sœurs du Para-
vis, les Clarisses de Mont-de-Marsan, etc. ; — huit registres (n*^** 153-
160) achetés à un chiffonnier en 1870 et tous relatifs à Lectoure : actes
du bureau des pauvres (1291-1600); minutes des notaires Dufaur,
Hugues Boah, Jean Malus, contenant beaucoup de fondations et actes
importants de 1549 à 1648. Il y a aussi un registre de Lagutère,
notaire condomois (1615-1616), plein d'intérêt pour la cathédrale et
révêché de Condom.
Je me contente de signaler aux curieux une belle suite d'autographes,
comprenant près de 300 articles ; — une riche collection de cachets
armoriés, — et plusieurs volumes reliés de lettres de faire part, qui
achèvent de faire connaître les préoccupations spéciales de celte femme
distinguée que j'ai pu appeler « un vivant ahnanach de Gotha de la
noblesse de Guyenne et de Gascogne. >
Je ne veux pas finir sans louer Texactitude et la métliode parfaite du
rédacteur de ce Catalogue^ sans le remercier surtout du plantureux
« Index des noms de lieu et des noms de personne » qui termine le
volume et qui en rend l'usage dix fois plus facile et plus profitable.
— 19-2 —
II
Saint Vincent de Paul est né en France, par un Prêtre de la Mission,
Au Berceau de saint Vincent de Paul près Dax (Landes), 1889. G9 pp.
grand in-8*.
Ce titre peut paraître singulier. Nous savons tous où est le berceau
du plus illustre de nos saints gascons, et nous ne pouvions pas nous
attendre qu'il fallût soixante pages à un de ses enfants pour démontrer un
fait aussi absolument sûr. Mais, comme tout arrive, une contradiction
s'est produite contre ce fait. Elle est venue d'Espagne, il est vrai, c'est-à-
dire d'un pays où l'hagiographie a été depuis longtemps altérée et trou-
blée par « de vaines hypothèses, des quiproquos plus ou moins invo-
lontaires, mais presque toujours ridicules, enfin des mensonges, des
vols et des faux en écriture proprements dits. ^ C'est ce que je disais
il y a trois ans, à propos de notre sainte Quitterie, usurpée par les
Espagnols, et je me serais gardé de rappeler ces gros mots à propos de
la question de saint Vincent de Paul, si un très judicieux critique
n'avait bien voulu s'en autoriser dans un article récent de la Reçue
catholique de Tarbes (9 févr. 1889). Dieu me garde d'accuser de mau-
vaise foi les vénérables personnages qui sont en cause ici ! Mais il est
bon de tenir compte des habitudes invétérées de l'hagiographie espa-
gnole, précisément pour les excuser dans un cas qui pourrait autrement
sembler inexcusable.
Je laisse la parole à l'auteur français, que je puis bien nommer ici ;
c'est M. Pémartin, lazariste de Dax, le savant éditeur des Lettres de
saint Vincent de PauL
« Une thèse historique fort étrange vient d'être publiée en Espagne,
à Barcelone, dans un appendice à la traduction espagnole de l'ouvrage
de M. Arthur Lot h : Saint Vincent de Paul et sa mission socialr.
— Si nous en croyons les assertions de l'honorable M. Feliù y
Perez, saint Vincent de Paul n'est pas né en France, mais en Espa-
gne...
» Les assertions de l'honorable traducteur pour établir que saint
Vincent est espagnol se résument ainsi : les Français ne peuvent rien
dire de précis sur l'enfance et la jeunesse de saint Vincent de Paul,
tandis que la tradition espagnole assure que le saint est né à Tama-
rite de Litera, en Aragon, et y a été baptisé; qu'il a passé sept ans à
l'Université de Saragoss^et y a reçu le grade de bachelier en tliéologie,
-. 193 --
et enfin qu'il a reçu en Espagne le^ saints ordres ou au moins la prê-
trise. »
Malgré l'assurance de toute celte argumentation, il est clair qu'elle
ne peut pas tenir une minute contre une possession et des témoignages
qui remontent absolument jusqu'aux origines^ dont la congrégation des
Lazaristes est la gardienne naturelle et qui sont inscrits dans la litur-
gie elle-même. Et pourtant nos voisins d'outre-monts chantaient déjà
A'ictoire; ils songeaient, dit-on, à consacrer leurs droits dans des
leçons de bréviaire... En tout cas, ils étaient sûrs de leur fait et le
traducteur de M. A. Loth n'était pas seul à le dire. Je trouve parmi ses
complices un brillant professeur de Barcelone, M. Hernandes y Fajar-
nés, dont je suis habitué à vanter dans le Polyhiblion les travaux
métaphysiques; mais l'histoire lui réussit moins.
Il n'est pas moins vrai, je le répète, que tout ce bruit n'est rien.
Mais il faut toujours prendre garde à l'erreur, surtout quand elle a
pour elle un zèle passionné et un patriotisme respectable. D'3 plus, la
longue discussion de M. Pémartin contre les cinq ou six sophismes
espagnols est instructive, même pour ceux que ces sophismes n'au-
raient pas émus. Il est bon de voir comment le faux prend la couleur
et la place du vrai, grâce à des illusions singulières de respect pour la
tradition et à des fantaisies inconscientes d'interprétation. Voilà le côté
négatif de l'opuscule. Mais il a aussi, et avant tout, sa partie positive,
oii le savant auteur démontre « que saint Vincent de Paul est né à
Pouy, aujourd'hui Saint-Vincent-de-Paul, dans l'ancien diocèse de
Dax; qu'il a étudié sept ans à l'Université de Toulouse, où il a reçu le
diplôme de bachelier et expliqué, c'est-à-dire enseigné, le second livre
du Maître des Sentences, Pierre Lombard ; enfin, qu'il a reçu la ton-
sure et les ordres mineursà Bidache, au diocèse de Dax, le sous-diaconat
et le diaconat à Tarbes, et la prêtrise à Château-l'Evêque, près de Péri-
gueux. 9
Les preuves de M. Pémartin sont irrécusables, même quand elles
n'ont pas l'appui du document authentique conservé. Mais cet appui ne
leur manque pas toujours, et nous voyons ici, une fois de plus, combien
il est bon de signaler et même d'imprimer textuellement les pièces ori-
ginales. Peut-être aux lettres d'ordination et aux autres documents
publiés dans cette excellente dissertation, pourrons-nous bientôt en
ajouter quelque autre. Un de mes collègues à l'Institut catholique de
Toulouse, M. l'abbé C. Douais, a déjà entrepris de retrouver les témoi-
gnages officiels des titres académiques de saint Vincent de Paul, et il
n'a pas encore lieu de désespérer du succès de ses recherches.
— 194 —
III
[Nomenclature des édifices religieux du Gers vendus comme biens
nationaux (1791-1811); p. 331-362, et 329-350 de 1'] Annuaire du Gers
(de 1888 et de 1889). Auch, impr, Cochar aux frères, In-12, 2 fr. 50; par
la poste, 3 fr.
J'ai fait connaître Tan dernier l'objet, le plan et l'utilité de c«
relevé (1), en me réservant d'y revenir cette année pour le détail, parce
que la publication n'en était pas encore achevée. J'aurais à la rigueur
la même excuse aujourd'hui, la liste des édifices civils vendus révolu-
tionnairement ayant été renvoyée à l'Annuaire de 1890; mais comme
celle des édifices religieux est épuisée, c'est le cas d'en donner une idée
par quelques citations. Je ne puis faire autre chose; les personnes qui
s'occupent de l'histoire de nos églises, ou simplement de tels ou tels
édifices religieux, ne peuvent se dispenser d'avoir sous les yeux le tra-
vail entier de M. Parfouru, qui n'est qu'un catalogue çà et là muni de
quelques détails descriptifs d'origine officielle, mais exécuté par notre
excellent archiviste avec l'attention et la sûreté qu'il apporte à tous ses
travaux.
U Annuaire de l'an dernier renfermait les « Eglises paroissiales et
chapelles votives », par ordre alphabétique. Les décrets révolutionnai-
res visaient les églises isolées ou « non principales i>, qu'on ordonna
d'abord de démolir de fond en comble et, depuis, de vendre « au profit
de la République ». La nomenclature de ces édifices est, par consé-
quent, fort utile pour la reconstitution de l'état religieux de notre pays
à la. fin de l'ancien régime. Certains des édifices aliénés ont été depuis
rendus à leur première destination, mais de bien d'autres on peut dire :
eiiam periere ruinœ. Prenons pour exemple la ville archiépiscopale.
La cathédrale est indemne, mais on vend « sept emplacements entre
les contreforts », où les acquéreurs eurent le droit de bâtir jusqu'à la
hauteur du premier cordon placé au-dessous des fenêtres basses. De là,
d'ignobles échoppes, qui « déparèrent pendant une trentaine d'années
la cathédrale d'Auch... Elles furent achetées et démolies [par l'Etat] de
1826 à 1829. » — L'éghse de Saint-Orens fut vendue à Jacq. Lodoyer,
42,813 fr. ; celle de Saint-Pierre, à Lacomme cadet, 9,171 fr. — L'église
rurale de Saint-Cricq, dont il reste encore quelques traces, ne coûta au
citoyen Beaugrand, juge suppléant au tribunal civil, que 410 fr. Les
(1) Reçue de Gasc, t. xxix, p. 477.
— 195 —
deux chapelles rurales de Notre-Dame des Neiges, près du cimetière
actuel, et de Samtes, n'étaient déjà représentées que par des pâtus
« provenant de démolitions ».
A CoNDOM, se trouvent mentionnées, outre des emplacements entre
les contreforts de la cathédrale et de Téglise Saint-Nicolas, les églises
d'Escrimis, de Sarrazan, de Pujos, de Sainte-Germaine, de Saint-
Caprais, de Calezun, qui me semblent déjà bien oubliées. — Pour ce
qui me concerne, je relève, dans ma commune natale, un nom qui
m'était absolument inconnu : « une ancienne église appelée de Saint-
Orens, et une ancienne place qui servait de cimetière ou pâtus de la-
dite église, le tout situé dans la paroisse de Cutxan, municipalité de
Cazaubon. »
Je dois, ce semble, mentionner au moins toutes les villes épiscopales.
Lectoure manque : je crois pourtant que Saint-Geny fut vendu
comme bien national. Lombez n'y est que pour « l'emplacement de la
ci-devant chapelle de Saint-Majan », vendu 75 livres 12 sous; Eauze,
pour « les matériaux et le sol de la ci-devant église de Cieutat, avec le
cimetière qui en dépend », vendus 855 fr. au citoyen Firmin Ducos-
Lartigue.
U Annuaire de cette année nous donne : 1° la liste des < couvents et
^lises de communautés religieuses » vendus révolutionnairement. Ici
Lectoure comprend six articles : Capucins, Carmes, Cordeliers, Jaco-
bins, Carmélites, Clarisses ; — Condom, quatre : Capucins, Jacobins,
Carmes, religieuses de Prouillan. — A Auch, le beau couvent des
Cordeliers ne fut pas vendu, parce qu'on y établit un magasin de sub-
sistances; les acquéreurs de celui des Capucins (auj. Asile des aliénés)
3' installèrent une manufacture de draps. Il fallut dépecer en plusieurs
lots ceux des Jacobins, des Carmélites, des Ursulines du Chemin-Droit
et des Ursulines de Camarade.
Les grandes abbayes de la région trouvèrent acquéreur à des prix
naturellement plus élevés. Berdoues fut payé par M. de Montesquiou-
Fezensac, 46,500 1.; Boulaur, par Peyrussan, d'Auch, 43,996; le
Brouilh, par Molas, d'Auch, 38,700; Gimont, par le citoyen Destouet,
842,000; Flaran, par M. Thore^ 340,100; Saint-Mont, par M. de
Comeilhan, 78,000; Saramon, par M. Cassassoles, 10,800; Simorre,
en plusieurs lots, 7 à 8,000; Tasque, par le sieur Lajoye, de Nogaro,
30,000. — Il faut consulter V Annuaire pour la contenance et la des-
cription, parfois assez détaillée, de ces divers objets.
2P « Maisons et chapelles de Pénitents. » Il y avait des églises de
Pénitents à Auch (trois)y Barran, Bassoues, Condom (deux), Eauze^
!
— 198 —
Fleurance, Gimont (deux), Mansonville, Marciac, Mirande, Nogaro,
Samatau, Saramon, Vic-Fezensac. Il y en avait aussi une à Cologne
et une à Masseube, qui ne furent pas vendues, ayant été réservées (au
moins celle-ci) pour servir de temple décadaire.
IV
Numismatique. Variétés inédites, 3* liste. Poids monétiformes et autres
poids inscrits du Midi de la France, par M. Emile Taillebois, secret,
gcn. de la Société do Borda, etc. Dax, inipr. Hazaël Labèque, 1889.
46 pp. gr. in-8'.
M. Taillebois ajoute une série de variétés monétaires inédites à celles
qu'il a données en 1882 et 1884. Sa nouvelle brochure compuend des
monnaies, des papiers-monnaies et des poids monétiformes.
Parmi les monnaies, la plus intéressante est, je crois, un Adrien de
la collection de M. Castaignède, à Pissos (Landes), denier dont le revers
porte à Texergue les trois lettres Lem, c'est-à-dire Limoges (Lemovi-
cum) ou Poitiers (Lemonum), d'après M. Taillebois, qui propose d'y
voir un souvenir du passage, non signalé ailleurs, d'Adrien dans l'une
de ces deux villes, — La série la plus nombreuse est celle des monnaies
baronales anglo-aquitaines, presque toutes de la collection de l'auteur.
— Notons encore un Enricus Cartus, Henri IV roi de Castille et de
Léon (1454-1474), donné au musée de Dax par M. E. Lapeyrère et
qui achève de réfuter une erreur de Poey d'Avant attribuant ce type à
un roi d'Angleterre.
Je signale des papiers-monnaies d'Auch (billet de 5 sous forcé, id. de
20 s.), de risle-Jourdain (assignat de 5 s.), de Saramon (billet de 5 s.
forcé), — qui font partie de la collection Delorme (Toulouse), avec des
objets pareils des départements du Lot, de Lot-et-Garonne, de la
Haute-Garonne, etc.
Les pages (16-44) consacrées à la stathmographie, — j'espère que le
mot pondérographie ne restera pas, — sont les plus nombreuses et
les plus remplies; mais M. Taillebois y a fait entrer beaucoup de tj'pes
déjà connus. Il décrit quatre poids de Condom, — un de Bayonne, —
dix d'Orthez, — deux de Morlàas, — trois de Sauveterre-de-Béam,
— sans parler de ceux du Languedoc, de la Provence, etc. M. Taille-
bois se préoccupe, non seulement de l'exactitude des descriptions et des
lectures, mais encore du poids légal, qui ne laisse pas de donner lieu
à de difficultés.
LÉONCE COUTURE.
NOTE SUR UNE MARQUE DE VERRIER
DECOUVERTE PBàs D'AUOH
Dans le Bulletin de la Société de Barda, du 4' trimestre
1888, M. Emile Taillebois s'exprime ainsi :
« 19. CN . A ING . V . A . V . M
» Cette marque n'est pas une poterie^ mais elle trouve néanmoins sa
plaoe ici. M. Palanque Ta relevée sur une fiole en verre trouvée à La
Hourre (Auch) et faisant partie de sa collection. La fiole a 19 centi-
mètres de hauteur. Sur le fond, on lit cette inscription formant im
cercle, au milieu duquel se trouve un grand V » (1).
Dans la séance du 7 février 1889, Térudit secrétaire général
de la Société de Borda a communiqué d'autre part à ses col-
lègues les différentes lettres qu'il avait reçues au sujet de cette
inscription.
J'emprunte au compte-rendu ce qui suit :
€ ... 2*^ Une lettre de M. Allmer, le savant épigraphiste lyonnais,
faisant quelques observations sur les marques de potiers publiées
dernièrement par M. Taillebois.
» Pour M. Allmer, l'inscription sur verre : CN • A • ING • V •
A • V • M • V ., ne serait pas une marque de fabrique. Il la lirait
ainsi : C^ieus) A.... ING(enaa») Y{ixit) k{nnos) V, M{enses) V.
» ... 3** Une deuxième lettre de M. Allmer, acceptant [une] réflexion
de M. Taillebois au sujet du grand V central de Tinscription sur verre,
(1) £m. Taillebois» Quelques marques de potiers trouoéea dans les déparU-
ments de$ Landes et du Gers, dans le Bull, de la Société de Borda, 1888» p. 331
(tirage à part, p. 7).
Tome XXX. — Mai 1889. U
— 198 —
et proposant de lire ainsi cette inscription : CN(eas) A... lNG{enuus)
Y(ixit) A{nni8) V, MÇenses),,, V{alef)
» •.. 5° Une lettre de M. Vaillant, à Boulogne- sur-Mer, relative à
rinscription de la fiole de verre. M. Vaillant cite la même marque indi-
quée par Froehner sous le n^ 32 : M • CN • A • INGV • A • V • (ïl
n'y manque que le grand V central). Froehner traduit ainsi celte ins-
cription : M{arcus) CN{aeu8 et) k{idus) INGV... A{rtifice8) Y{itrarii
ou V{iirariorum).
9 M. Taillebois admet parfaitement celte lecture et pense qu'on doit
de même lire la légende circulaire de la fiole d'Auch, en commençant
par M. (au lieu de CN). Quant au grand V central, il représenterait
peut-être un chiffre de fabrication (la 5® série?) » (1).
Je ne crois pas utile de m'arrêter aux inlerprétalions qui
ont été mises en avant par M, AUmer, Le maître incontesté,
aux lumières de qui j'ai été heureux de faire appel plus d'une
fois, ne les aurait certainement pas proposées, s'il avait été
prévenu, d'une part que la fiole d'Auch n'avait que des
dimensions fort restreintes, d'autre part, qu'il en existait de
similaires en d'autres lieux. Mais il me paraît intéressant de
discuter ici la valeur de la lecture qui a été donnée, d'après
Froehner, par M. Emile Taillebois, et de réunir, dans un même
article, tous les renseignements que j'ai pu me procurer sur
les quelques vases semblables que l'on connaît.
La fiole à parfum qui fait aujourd'hui partie de la col-
lection de M. Ch, Palanque, présente assez d'analogie avec
deux autres fioles en verre découvertes en France, pour que
les trois puissent être considérées comme ayant été fabriquées
dans une même officine de verriers.
De celles-ci, l'une a été décrite par Germer-Durand dans
les Mémoires de l'Académie du Gard (2), l'autre a été signalée
par Benjamin Fillon, qui l'avait découverte près de Nalliers,
dans le département de la Vendée.
(1) Bull, do la Soc. de Borda, 1889, pp. xxvi et xxvii.
(2) Découoerto8 faites à Nîmes et dans le Gard, dans Mém., 1872, p. 100
(tirage à part, p. 33).
— 199 —
La note de Germer-Durand est à citer en entier :
, « X. — Fiole en terre portant le nom du fabricant (1). — M. Irénée
Giroux, adjoint au maire de Nimes et notre confrère, nous a remis
pour le Musée une autre fiole, en verre ordinaire, provenant des sépul-
tures trouvées au bord de la voie secondaire dont nous avons parlé (2).
C'est une de ces fioles à parfum, vulgairement désignées sous la déno-
mination impropre de lacrymatoires, à col étroit et allongé, surmon-
tant un culot épais et évasé. lia partie supérieure manque; mais ce qui
fait rintérèt de ce qui nous est resté, c'est la marque de fabrique sui-
vante, imprimée en creux sous le culot, et que nous allons essayer
d'expliquer.
» On y lit, disposés circulairement, les caractères que voici :
A V • M . CN A LVGV •
» Et au centre :
AF
» Les marques de fabrique sont rares sur les fioles en verre; et
celle-ci offre une particularité nouvelle : sur celles qu'on connaît
jusqu'à présent, les caractères sont en relief, parce qu'ils étaient moulés
en creux dans la forme qui servait à fondre le verre; sur notre
fiole, au contraire, ils ont été imprimés en creux à l'aide d'im sceau
estampille appliqué sur la matière non encore complètement refroi-
die.
» Voici notre lecture de cette marque de fabrique :
» Partie circulaire : Alrtemisii] \[alerii\ M[anu]. CN[eu8] A[teu8]
LVGV[dani].
» Partie centrale : A[teiLs] F[ecit]y ou bien A[tei\ F[abrica].
» Un sceau estampille de la collection de M. Edw. Barry, de Tou-
louse {Exp. univ. de 1867 y Hist. du travail, France, n^ 798), nous
montre le potier Artemisius Valerius travaillant pour la fabrique de
Silvanus ou Silvinus (ARTEMISIi VALerii Manu. Fabrica
SlLvani), dont les produits se sont rencontrés souvent sur divers
(1) [Cette fiole a été découverte en 1871, et non en 1870 comme l'indique le
tome XII du Corptis inscript, latin, qui la cite sous le n* 5696, 18].
[2) [M s'agit d'une voie romaine qui, descendant du Nord au Sud, « latérale-
ment au Cadereau », allait aboutir à la voie Domitieune, <c représentée aujour-
d'hui par le chemin vieux de Montpellier »].
— 200 —
points de la Gaule (musées de Narbonne, Clermont-Ferrand, Limoges,
Tours, Rouen, etc.)
» Quant à Cnéus Atéus, il est connu des antiquaires comme ayant
signé un très grand nombre de vases samiens, soit seul, soit comme
associé des ^gull Xanthus, Evhodus, Optatus et Mamertus (1). Si
notre explication était admise, il en résulterait que Cnéus Atéus aurait
eu à Lyon, non seulement une fabrique de poterie (^^a/maj, mais aussi
une verrerie (vitrarium).,. »
Le vase de Nalliers a été décrit par Quicherat, d'après une
communication de Fillon :
« ... La première découverte [faite à Tllôt-les- Vases de Nalliers],
lit-on dans les Bulletins des Antiquaires de France (2), est celui d'une
sépulture qui avait été contenue dans un cercueil. Il ne restait de
celui-ci que les parements. Une quantité prodigieuse de vases avait été
enfermée avec le mort Le fond d'une fiole brisée portait une marque
de fabrique imprimée en creux. C'est un médaillon sur lequel on lit les
initiales A. F., entourées de la légende :
A . V • M . CN . ALINGV •
» Il n'est pas facile d'expliquer les sigles qui composent la plus
grande partie de cette inscription. M. Benjamin Fillon a conjecturé
que le mot alingu pourrait être l'abréviation de Alingone ou Alin^
gonensis et s'appliquer au lieu de Langon, qui n'est pas éloigné de
ri lot-les- Vases. »
Ayant eu connaissance de la note de Quicherat, Germer-
Durand ajouta ces quelques lignes à ce qu'il avait déjà dit:
€ Au moment de donner le bon à tirer de cette feuille, je lis ... que,
dans une sépulture gallo-romaine de l'Ilôt-les-Vases de NaUiers
(1) [Il n'est peut-être pas inutile de faire remarquer, en passant, que les noms
de Xanthus, Euhodus, Optatus et Mamertus, auxquels on pourrait ajouter
encore Crestus, Cantus, Curialis, Maetis, SaloitSt Zoïlus, etc., ne paraissent
pas avoir été portés par les assoeiés d'une seule personne. C'étaient plus vrai-
semblablement les cognomina des parents ou des descendants du premier
potier qui porta le nom d'Ateius, et fut ainsi le fondateur d'une dynastie de
fabricants dont les produits se répandirent pendant plusieurs siècles sur toute
l'étendue de l'empire romain].
(2) BulL Ant. F , 1872, pp. 114 et 117.— Quicherat est revenu sur ce même
sujet, mais sans apporter une opinion nouvelle, dans la Reeue arekéologique,
année 1874. Sa note a été reproduite (p. 378) dans les Mélanges d'archéologie
et d'histoire, qui ont été publiés après sa mort.
— 201 —
(Vendée), on a rencontré une fiole en verre portant, à sa partie infé-
rieure, les mêmes caractères, disposés de la môme façon et gravés en
creux comme sur notre fiole. La seule différence de lecture porte sur
les quatre derniers caractères, où Benj. Fillon croit pouvoir lire
LÏNGV. Nous sommes sûrs de notre lecture. »
Le vase de Nalliers fait aujourd'hui partie de la collection
de M. 0. de Rochebrune, et je dois à Tobligeance de cet aqua-
fortiste distingué de pouvoir compléter par quelques notes la
description donnée par Quiclierat :
a Défiez-vous, m'écrit-il, de la description donnée par Qui-
clierat, attendu que Benjamin Fillon, mon ancien collaborateur, pre-
nait beaucoup tix)p souvent ses désirs pour des réalités. Il n'y a jamais
eu le mot alingu sous le vase; ce serait plutôt un X qui précéderait le
G. Malheureusement, dans un tiers environ de la circonscription, le
verre s'est exfolié et les caractères ont disparu. Le texte, coulé en
beaux caractères, est parfaitement lisible, surtout les grandes majus-
cules centrales, M • A • F. La pâte de cette fiole est une sorte de cristal
factice, mat et blanc, épais, ressemblant à de Topale... »
Tandis que le fond du vase de La Hourre a 9 centimètres de
diamètre, celui du flacon de l'Ilôt-les- Vases n'a que 5 cent. Ii2.
Les lettres de la légende circulaire qui, dans le premier cas, ont
i centimètre de long, n'ont que 9 millimètres dans le second.
Les lettres centrales n'ont pas non plus tout à fait la même
hauteur. Le V de la marque de la Hourre a 16 millimètres
de haut; le monogramme de la marque de l'Ilôt-les-Vases n'a
que 11 millimètres.
La fiole qui porte cette dernière marque n'a elle-même
que 42 millimètres de haut.
Dans les Marques de fabrique du musée de Nîmes, publiées
€71 fac simile (1), M. Aurés a donné un dessin de la marque
antérieurement publiée par Germer-Durand, dont il paraît
(1) Nimes, 1876, in-8% p. 84 et pi. 20, flg. 213. (Extr. des Mém. de TAcad. du
Gard, 1875).
~ 202 —
avoir complètement accepté la lecture. Ce dessin n'est pas
entièrement exacte et la lecture :
C N'ALVGV AV'M-
AF
qu'il indique, n'est pas celle que j'ai lue moi-même et dont
je puis certifler à mon tour l'authenticité.
En réalité, cette légende circulaire ne diffère pas de celle
qui a été fournie par le vase d'Auch; il faut bien lire encore
INGV, mais le sigle central n'est plus le même dans les
deux cas. L'existence des deux lettres AF ne fait pas plus de
doute que celle de l'I initial, pris pour un L par Germer-
Durand qui aura rattaché à cet I le bas du premier jambage
de TN, probablement parce que le restant de ce jambage était
insufûsamment apparent.
D'ailleurs, la même erreur n'a pas été commise par l'édi-
teur du tome xii du Corpus inscriplionum latinarttm qui
s'exprime ainsi, en parlant de la marque de Nîmes :
a M . CN • A . INGV. (non LVGV) A • V • (in medio circulo
AF) in vasculo Romano certo legi adfirmat Frœhner 1. c. (1); LVGV
auctores Nemausenses (2), sed in imagine FJouesti videtur magis esse
INGV » (3).
Les lettres de la légende circulaire de cette marque ont
9 millimètres de haut, les siglcs du milieu ont 7 millimètres;
le diamètre du fond du vase est lui-même de 46 millimètres.
Le n** 32 de Froehner, qui résume tout ce que l'on savait il
y a dix ans sur la marque dont il est ici question, contient
textuellement ce qui suit :
« 32. MarcuSy Cnaeus et Aulus Ingu
• M • CN • A • INGV • A • V (légende-circulaire en creux).
AF (au centre).
(1) Nomenclature dos ccrriors grecs et romains, 1879, in -8*, p. 24, n* 32.
(2) Germer-Durand, loc. cit. — Klouesl, Reoue des Soc. sao., 6* série, t. i.
1875, p. 127. — Allmer, Inscriptions de Vienne, t. iv, p. 18. — Aurès, loc. cit.
(3) C. /. L., t. XH, p. 794, 3* col.
— 203 —
» Points triangulaires. Ampulle en verre blanc. J'en connais quatre
exemplaires :
a. Trouvé à Rome. Ma copie. La leçon est absolument certaine.
h. Musée Fol., t. ii, 483 : A • INGV • AVMCN.
c. Trouvé à Nimes. Reo, des Soc. savantes, 1875, 1. 1, 127. Aurès,
Marques de fabrique, p. 84, pi. 20, 213 : CN • A • LVGV • A • V • M.
d. Trouvé à Tllôt-les- Vases de Naliers (Collection de M. O. de
Rocbebrune, à Fontenay-le-Comte), Benjamin Fillon, dans Vlndi-
cateur de la Vendée y 29 mars 1872.
» Je ne sais comment il faut compléter le gcntilicium des trois
frères. A • V • pourrait signifier artificum vUriariorum, »
En résumé, les cinq marques similaires que Ton connaît
jusqu'ici paraissent devoir être les suivantes:
1 . Marque de La Hourre. Lecture certaine. — CN • A • ING •
V . A . V . M — Au centre : V (Voir pK i).
.2. Marque de TlIôt-les-Vases. 3/a lecture d'après un fac-
similé de M, 0- de Rochebrune. — CN. ////IG V:A-V-M- —
Au centre : MAA(?)F en monogramme (Voir pi, n, fig. 1),
3. Marque de Nimes. .Va fec/wre.—CN- A- INGV- A- V- M-
— Au centre : AF (Voir pi. ii, fig. 2).
4. Marque de Rome, Lecture certaine de Froehner. —
CN. A. INGV. A. V. M. —Au centre: AF,
5. Marque du musée Fol. — CNA • INGV • AVM.
A Texception de la dernière, qui n'a probablement pas été
convenablement reproduite quant à la ponctuation, toutes
ces marques sont identiques de forme et ne diffèrent que par
le monogramme central autour duquel la légende a été
gravée.
il y a lieu de remarquer cependant que dans la marque
de La Hourre, il existe dans le groupe de lettres INGV un
point triangulaire parfaitement apparent, que les autres
marques nindiquent pas. Il y a même plus : dans celte mar-
que, et dans le même groupe, la lettre V est séparée du G
qui précède, par un espace assez grand pour que, en admet-
— 204 —
tant que Texistence du point triangulaire fût contestée^ il
puisse être en quelque sorte impossible de rattacher ce V
au mot dont les trois premières lettres seraient ING.
Il me semble, dans ces conditions, que les légendes de
toutes ces marques doivent se lire de la même façon; mais
s'il est relativement assez facile de le constater, il Test
beaucoup moins à coup sûr de proposer quelque lecture
certaine.
M. Mimer, que j'ai consulte à ce sujet, m'a fait part de
la suivante, qu'il croit possible :
« VUriaria (pfficina) Marci, Cnei, Auli, Ingenuiorum V.....
A y.....
» Verrerie de Marcus, Cneus et Aulus Ingenuius V... A... V...
» Je ne connais, dit-il, aucun genlilice commençant par les lettres
Ingu ; au contraire, Ingenuius est connu par d'autres exemples.
Les trois dernières lettres seraient les initiales des cognomens des
trois frères associés. »
Cette interprétation est ingénieuse, mais n'est pas exemple
de toute critique. De même que celle proposée par Froehner,
elle nécessite d'abord l'intervention d'une association de ver-
riers, ce qui, sans être impossible, ne laisse pas que d'être
fort douteux; ensuite elle a l'inconvénient assez grave de ne
pas s'appliquer à tous les cas, puisque le mot VUriduia, qui
serait fourni par le sigle central V, ne peut plus être fourni
de même par les monogrammes des autres marques.
M. Adrien Lavergne, dans un autre ordre d'idées, serait
assez tenté de proposer l'interprétation que voici :
« Cn{ei) A{lphii) Ing{enui)j V..... AÇlphii) V{erî) m{anu) r^itra-
rîorum) ».
De la main des (deux frères) verriers Cneus Alphius Ingenuus et
V... Alphius Verus.
Les mêmes objections que précédemment peuvent être
faites encore. En outre, sans m'arrêter à la restitution d'un
gentilice et d'un cognomen qui ne peut être certaine évidem-
— 205 ~
meut, puisqu'elle n'est fournie que par une initiale, je ferai
remarquer de plus que le mot vilrariorum se trouverait à la
fin de la phrase et serait ainsi rejeté sans aucune nécessité.
L'interprétation A{lphia) f(abrica) proposée par M, Laver-
gne, pour les deux lettres centrales des marques de Ni mes,
de Rome et probablement aussi du musée Fol, serait plus
acceptable, si la position même qu'elles occupent ne tendait
à leur faire attribuer, sinon le même sens, du moins une
raison d'être analogue à celle du V central fourni par la
marque dé La Hourre et du monogramme, assez compliqué,
fourni par celle de Nalliers.
Quant aux interprétations proposées l'une par Germer-
Durand, l'autre par Fillon, à défaut d'autres critiques, qui
cependant ne manqueraient pas, les restitutions Lugduni,
Alingu ou Alingone seraient plus que suffisantes déjà pour
les faire complètement rejeter.
Ce qui rend en effet tout particulièrement intéressant le
flacon que possède M. Palanque, c'est surtout son état de
conservation, qui, se trouvant des plus parfaits, facilite assez
la lecture de la marque qu'il porte, pour qu'il n'y ait plus
aucun doute sur le rejet de ces restitutions.
Les lettres ING, qui ne peuvent pas fournir la nationalité
d'un fabricant par l'ethnique d'un nom de ville, constituent,
selon toute apparence, l'abréviation, suffisamment intelligi-
ble du cognomen Ingenuus, d'ailleurs parfaitement connu.
Quant à la marque complète elle-même, je crois être dans le
vrai en la décomposant en deux parties absolument distinc-
tes. L'une, textuellement reproduite par les différentes
matrices, doit se rapporter plus spécialement au verrier —
seul ou associé — qui fabriqua les flacons; l'autre, différente
avec chaque sceau, ne peut recevoir qu'une interprétation
spéciale à chaque cas; mais entre les diverses inlerpréla-
tions^qui seraient obtenues de la sorte, il me semble qu'il
doit exister un certain rapport, et je n'en vois pas d'autre
— 206 —
qui soit plus probable que celui qui permettrait de considé-
rer les sigles V, AF, MAA(?)F, ou quelques autres encore
qui peuvent ne pas être parvenus jusqu'à nous, soit comme
des marques de série, ainsi que Ta supposé M. Taillebois,
soit comme des abréviations suffisantes pour désigner le con-
tenu de chaque flacon.
Les vases au long col, que trop de personnes s'obstinent
à appeler lacrymaloircs, comme si les Romains qui en firent
plus particulièrement usage pouvaient avoir pour la conser-
vation des larmes quelque prédilection que nous n'avons
plus, n'étaient en réalité que des flacons à parfum. Il se
pourrait dès lors, — mais je ne donne celte hypothèse qu'à
défaut d'autre plus certaine, — que la nature des essences
contenues dans chaque flacon fut exprimée dans la partie
centrale de la marque. J'en verrais une preuve dans la pré-
sence de la lettre F qui, dans ce cas, serait apparemment le
sigle du mot flos.
La légende elle-même, — toujours à défaut d'une solution
meilleure, — pourrait au besoin s'interpréter ainsi :
CN- A. ING- V. A. V- M-
Cniflei) i4(..../) Ing{enui) {officina). V{ ), a{rtificis)
v{itriarii), m{anu).
Fabrique de Cnaeus A Ingenuus. De la main de V ,
ouvrier verrier.
Je sais bien que le mot vilrianus, gravé sur un flacon de
verre, semble constituer un pléonasme, mais j'essaierais vai-
nement de tirer un meilleur parti des deux sigles M et V,
Les verriers, comme les potiers aussi, ne fabriquaient
évidemment pas toujours eux-mêmes les produits qui por-
taient leur nom. Il ne me paraît pas impossible, par consé-
quent, qu'à côté du nom du maître, nous puissions trouver
le nom de l'ouvrier, ou, si l'on profère, le nom du directeur
de l'un quelconque des ateliers que ce maître pouvait posséder.
^ 207 —
Toutefois, — et je ne saurais trop le répéter, — la ques-
tion que j'ai essayé de traiter, est d'une nature beaucoup trop
difficile pour que je puisse avoir la prétention de la résoudre
complètement. Je me considérerai d'ailleurs comme suffi-
samment payé de mes peines, si j'ai pu donner quelques
aperçus nouveaux dont pourront profiter des chercheurs
plus heureux.
ESPÉRANDIEU.
Saint-Maixent, le 15 avril 1889.
LE CIMETIERE PÀIEN DE LAl HOURRE
Le cimetière païen de la Hourre, près Auch, où a été trouvé le
Ûacon dont la marque fait l'objet du savant travail de M. Espérandieu,
a été découvert en 1880. Des ouvriers, travaillant à l'extraction de la
terre nécessaire aux travaux de la tuilerie Lartigue, dans un champ
dépendant do la Hourre, mirent au jour plusieurs sépultures antiques.
Averti de cette découverte^ je me transportai sur les lieux et je recueillis,
avec plusieurs objets antiques, ces quelques notes que je livre au public
sans nuUe prétention, avec le seul désir d'être utile aux archéo-
logues, mes maîtres, et de leur prouver que tout jeune encore, —
j'avais dix- huit ans, — j'ai marché moi aussi sur leurs traces... Et in
Arcadia ego.
Ces sépultures n'offraient rien de bien remarquable : pas de sarco-
phages sculptés, ni de chambre funéraire comme à l'hypogée de
Lagrange (1). Ici, tout est plus modeste; le mode d'ensevelissement,
la pauvreté du mobilier funéraire, tout prouve que nous sommes en
présence d'une nécropole de pauvres, de la sépulture de l'homme du
peuple. Je ne saurais donner une date précise à ces sépultures; mais
dans tous les cas, elles ne sont pas antérieures au ii^ siècle, époque à
laquelle, on le sait, l'incinération tomba en désuétude.
Dix-sept sépultures furent successivement découvertes sous mes
yeux. Une d'elles particulièrement attira mon attention. Unique en son
genre, eUe mérite une mention toute spéciale. Entre deux rangées de
cailloux, sur un pavage en briques, on trouva un amas noirâtre, com-
(1) L'hypogée de Lagrange, à Auch, chambre funéraire contenant six sarco-
phages en pierre ou en marbre, trouvée en 1879. Ces sarcophages sont maintenant
au Musée de la Société historique de Gascogne.
— 208 —
posé de terre, de charbons et d'ossements calcinés. D'un côté, on
recueillit une lampe funéraire et des fragments de verre; de l'autre,
une petite figurine ressemblant à un lapin, sorte d'amulette ou de
jouet qui semblerait indiquer une sépulture d'enfant. Le tout devait
être recouvert de tuiles à rebord, dont les fragments gisaient à côté.
Rien de particulier ne distinguait les autres sépultures; toutes se
ressemblaient et se composaient d'un trou, de 0"*, 50 de diamètre,
entouré de fragments de briques. On y voyait le môme résidu noirâtre,
accompagné parfois de la boîte crânienne et des tibias.
Des lampes funéraires de formes diverses, des fioles à parfum
(unguentaria) et autres ustensiles, des fragments de bronze compo-
saient tout le mobilier funéraire. C'est dans une de ces sépultures que
fut trouvée la fiole dont la marque est étudiée ci-dessus par M. Espéran-
dieu. Cette fiole, en verre blanc, est mince; son cou très long et son
fond plat la font plutôt ressembler à un chandelier qu'à un flacon (1).
Elle est intacte, et plus heureuse que bien d'autres, dont nous avons vu
les débris, elle a échappé à la pioche du terrassier.
Telles sont les trouvailles de la Hourre. Sans être des plus riches,
elles sont intéressantes et curieuses. Cet endroit du reste semble privi-
légié* Déjà les années précédentes, dans les fondations de l'usine Lar-
tigue, on avait trouvé un petit cheval de bronze d'un travail assez
barbare. Quoique bien mutilé, c'était encore un curieux spécimen de
l'art gallo-romain. Il est regrettable qu'il soit perdu pour le pays et
qu'il ait enrichi une des collections de la capitale (2).
M. le baron de Prinsac, dont les connaissances archéologiques et
le bon goût sont connus des collectionneurs, possède le plus grand
nombre des objets trouvés dans ces fouilles. Quelques-uns sont dans
mes vitrines. Ce ne sont pas les plus riches, mais à mes yeux ce sont
les plus précieux, tant il est vrai qu'on tient surtout à ce qu'on trouve
soi-même, et à ce qui vous a coûté bien des émotions et des fatigues.
Voilà mes notes épuisées. Je serais trop heureux si, toutes minces
qu'elles sont, elles pouvaient intéresser quelques lecteurs de la Revue
et aider les érudits à reconstituer l'A a^Ms^a Auscorum des anciens.
Charles PALANQUE.
(1) L'ouvrier qiii la trouva s'écria en mêla donnant : AqtU, moussa^ lou can-
delè dou mort. (Voilà, monsieur, le chandeltur du mort).
(2) Il est, je crois, dans la collection de M. Decker, frère de M. Decker-David,
propriétaire de la Hourre. — Je profite de cette occasion pour ruppeïer aux lec-
teurs de la HcDue que la Société historique de Gascogne a fondé un Musée
archéologique, déjà enrichi de plusieurs collections publiques et privées, et
qu'elle acceptera toujours avec reconnaissance les objets qu'on voudra bien lui
ofibrir.
ÉTUDE
SUR
L'INSTRUCTION PUBLIQUE
A LECTOUHE (•)
CHAPITRE VII
Misère du peuple; «èle des Doctrinaires. — Projet d'établissement d'un
Grand Séminaire par Hugues de Bar, Robert de Beaufort et Claude de
Narbonne-Pelet. — Etat des possessions des Doctrinaires. — Vote de
la jurade les autorisant à recevoir des pensionnaires. — Les Doctrinaires
et le Jansénisme à Lectoure.
Les difficultés qui avaient marqué le début du collège de
Lectoure étaient aplanies et, si les Doctrinaires (donnaient à
leurs élèves le pain de Tintelligence, ils distribuaient aussi
celui de la vie spirituelle aux populations éprouvées par la
misère et la famine. Plus les besoins de Tâme et du corps se
faisaient sentir, plus ils se dépensaient en prédications de
toute sorte et en missions suivies de plantations de croix
commémoratives (1). Les pauvres mouraient littéralement de
faim et nul ne voulait les ensevelir (2); les religieux se char-
gèrent de ce soin pieux. Le personnel des Doctrinaires était
d'ailleurs assez nombreux pour parer à toutes les exigences,
puisqu'en 1695 ils étaient au nombre de dix, savoir quatre
prêtres, quatre clercs et deux frères lais (3). Ils formaient,
non seulement des jeunes gens aptes à toutes les professions
civiles, mais encore des aspirants au sacerdoce. Les études
de ces derniers étaient forcément limitées et, après les deux
(•) Voir ci-dessus, p. 122.
(1) Records des 3 juin 1724, 21 mai 1738, 27 mai 17e5, etc...
(2) Livre des recettes et dépenses, 1694, p. 12.
(3) Arch. mun. Recensement de la population de Lectoure, 1695.
— 210 —
années de philosophie, ils devaient se rendre dans les villes
d'Auch, d'Agen ou de Toulouse.
L'évêque Hugues de Bar, voulant faciliter le recrutement
de son clergé, résolut d'établir un grand séminaire dans sa
ville épiscopale. Il acheta dans ce but à Bernard de Mauquié,
avocat à la cour présidiale, trois maisons, dont l'une très vaste
était entourée d'une vigne et d'un jardin. Ces divers immeu-
bles, situés au faubourg Saint-Gervais, furent payés avec une
somme de 2,000 livres, que Pierre de Castaing, lieutenant
principal à la sénéchaussée d'Armagnac, avait léguée à l'èvê-
que par une clause spéciale de son testament du 13 février
1678 (4). Ils étaient limités au midi par une vigne apparte-
nant au syndic des Jacobins, au couchant par un pâtus com-
munal, au levant par diverses maisons qui débouchaient sur
la rue du Campardiné et au nord par la grande rue (2). Mal-
gré son étendue, cet emplacement était encore trop restreint
et Hugues de Bar obtint en 1680, de la communauté, la ces-
sion d'une certaine quantité de terrain, qui lui permit d'en
reculer les limites du côté du couchant (3). C'est dans ces
conditions que l'évêque entra en pourparlers avec la congré-
gation de l'Oratoire, et que, par acte du 1«' juin 1681, il
revendit aux PP. Vincent Pelant et Louis Darfeuille, tant
pour eux que pour leurs successeurs, au profit de l'Oratoire
et de la commune de Lectoure, la maison qu'il avait précé-
demment achetée à M. de Mauquié (4). Les Oratoriens parais-
saient décidés à prendre possession du séminaire, puisque
quelques mois plus tard ils se rendaient, concurremment
avec la ville, acquéreurs d'une maison appartenant à la veuve
Chelle et contiguë à la leur (5).
(1) Labat, notaire à Lectoure (Etude de M* Latour).
(2) Acte du 30 avril 1680 (Id.).
(3) Record du 26 décembre 1680.
(4) Labat, notaire à Lectoure (Etude de M* Latour).
(5) Acte du 10 septembre 1681, même notaire. Cette maison, achetée au prix
de 36 livres, fut payée moitié par les pères de l'Oratoire et moitié par la ville de
Lectoure.
I -. 211 ~
Les deux établissements d'instruction dirigés par les Doc-
trinaires et les Oraloriens se seraient complétés l'un par l'au-
Iro. Malheureusement des obstacles divers empêchèrent la
réalisation de ce projet^ qui ne fut repris qu'en 1743, sans
pouvoir jamais être complètement exécuté, malgré le désir et
rinlérêt de la ville, nettement étabhs par la délibération sui-
vante, du 31 juillet de cette année. M. Darribau, premier con-
sul, y expose d'abord que l'évêque veut arriver à une entente
avec les Pères de l'Oratoire relativement aux biens- fonds que
son prédécesseur Hugues de Bar avait laissés pour l'entretien
du séminaire dont il avait commencé la construction, et que
les arbitres chargés de régler cette affaire étaient nommés.
Il n'est personne, ajoute-t-il, dans cette assemblée, qui ne sentît et
ne vît avec douleur que la maison des Pères de l'Oratoire de Con-
dom (1) profitât et s'enrichît d'un bien destiné à l'utillité de ceste ville
et l'éducation de ses enfans et donné par un de ses évoques, et que de
l'autre il seroit aizé d'exposer sous les yeux de Mgr l'Evêque tous les
avantages en détail dans un mémoire qui luy seroit adressé pour en
faire l'uzage que sa charité et son zèle trouveroit à propos, et qu'en
veue de tous ces différents objets il priait la communauté de délibérer
si dans une occasion sy intéressante et en même temps si favorable il
ne conviendroit pas de remercier Mgr l'Evoque des soins qu'il a bien
voulu se donner jusques icy pour procurer à la ville de même qu'au
dioceze rétablissement d'un séminaire en y faizant revenir les biens
qu'un de ses prédécesseurs y avoit déjà donnés, de même qu'en rappel-
lant leurs revenus qui ont été si injustement perçus et employés à
toute autre destination que celle pour laquelle M. de Bar les avoit
baillés, et de prier en même temps mon dit seigneur evêque de conti-
nuer ses pieux soins affin de veoir bientôt la fin de cette affaire et l'éta-
blissement de ce séminaire désiré depuis sy longtemps par cette ville,
en l'assurant encore que la communauté faira toujours ce qui dépendra
d'elle pour remplyr de sy sages veues.
Sur quoy, les voix recueillies et après que M. Solaville-Bidon, avo-
cat et substitut de M. le procureur du roy, a déclaré qu'il n'empechoit
(1) Les revenus de TOratoire de Lectoure étaient de 342 livres en 1728 et de
1,580 livres en 1788. Cf. J. Gardère, Le collège de Condom sous les Oratorions
{Rec, de Gascogne, t. xxvni, p. 321).
— 212 — '
qu'il fut délibéré sur la proposition qu'il reconnoissoit très avantageuse
à la ville et au dioceze, et que d'ailleurs il n'y avoit rien de contraire
aux intérêts du Roy, a esté délibéré 4'une commune voix, et par
M. Darribau, conseiller du roy et consul titulaire, conclu et arresté, en
l'absance du maire, que Messieurs les Consuls sont priés de remercier
très respectueusement Mgr TEvesque des soins qu'il a bien voulu se
donner jusques icy pour l'établissement du séminaire dans ceste ville,
tachant d'y joindre les bien et revenus que M. de Bar son prédéces-
seur y avoit déjà donnés et de supplier mon dit seigneur l'Evesque de
vouloir bien continuer à ceste ville les soins à ce sujet et faire valoir
les raisons qu'il peut avoir pour rappeler les revenus qui ont déjà esté
perçus par les Pères de l'Oratoire et l'assurer en même temps, de la
part de toute la communauté, que dans ceste occasion comme dans
toute autre, elle secondera ses veues avec un zelle aussi vif que respec-
tueux (1).
Les démarches de Robert de Beauforl restèrent infrac-
tueuses et les revenus du séminaire de Lectoure furent,
comme ils Tétaient depuis 1710, affectés à l'entretien du col-
lège de Gondom.
Nous ignorons si, avant ou depuis les premières années
du xvni' siècle, les Oratoriens ont résidé, même temporaire-
ment, à Lectoure, où ils n'ont laissé aucun souvenir; ce qu'il
y a de certain, c'est que le grand séminaire n'a jamais fonc-
tionné, quoiqu'il fût possible de croirg le contraire à la lecture
des obligations imposées aux Clercs dans les Ordonnances
synodales de Robert de Beaufort (2). Ce prélat eut pour
successeur Claude François de Narbonne-Pelet, qui s'expri-
mait ainsi en 1747 :
Nous gémissons de nous voir nous-mêmes dans ce diocèse privés de
l'avantage d'y avoir une de ces saintes maisons (les séminaires) et
Nous sentons d'autant plus vivement cette privation que nous n'avons
pas lieu de nous flatter dans les circonstances présentes de voir jamais
cet établissement Nous n'avons point de séminaire et nous ne
(1) Record du 23 juillet 1743.
(2) Ordonnances synodales, 1728, p. 3.
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— 213 —
voyons pas même aucun moyen d'en avoir malgré tous les mouve-
ments que s'est donné notre digne prédécesseur pour s'en procurer
un (1).
Le grand séminaire n'existait donc pas en 1747 et rien ne
prouve qu'il ait existé antérieurement. Les constructions
avaient été commencées, puis interrompues, et finalement
inoccupées. 11 n'y avait à Lecloure, à cette date, aucune
communauté d'oratoriens; le supérieur du collège de Con-
dom s'y rendait lorsqu'il y avait lieu d'affermer les immeu-
bles appartenant à la Congrégation. C'est dans ce but que le
P. Boyer vint le 19 janvier 1742 (2) dans notre ville, pour
consentir en faveur de Bernard Saint-Martin « hoste » un
bail à location de deux maisons, granges et jardins contigus
au séminaire, avec faculté pour le preneur de se servir « du
» courroir d'entrée » dudit séminaire. Ce droit de passage
devait prendre fin dans le cas ou le P. Boyer, c'est-à-dire les
oratoriens, viendraient à y loger, ou bien encore si M. de
Vitalis avait besoin pour une cause quelconque de l'utiliser
à son profit. Jean-Joseph de Vitalis, chanoine et grand-archi-
diacre de Saint-Gervais, administrait les revenus du sémi-
naire (5) et gérait les propriétés qui en dépendaient, notam-
ment la métairie de La Tuilerie, que Joseph de Vitalis, orato-
rien et vicaire général de Hugues de Bar, son oncle, avait
acquise de Pierre Ducasse, juge-mage, pour en faire bientôt^
après donation à l'établissement projeté (4). La terre de La
Tuilerie, située près de la forêt du Gajan, contenait environ
54 concades (^). Elle avait appartenu jadis à noble Raymond
de la Viguerie et à Anne de Tillères, qui payaient aux consuls
(1) Ordonnances synodales, 1747, p. 62.
(2) Minutes de Barbalaue notaire à Lectoure (Etude de M* Boue du Boislong).
(3) Actes des mars, 24 mars, 25 avril, 4 mai 1700, 5 février 1702, 4 juin 1756»
3 mai 1758. 10 février 1760, 16 novembre 1764. Labat notaire, et 24 mai 1760,
Comin notaire (étude de M* Latour).
(4) Acte du 13 novembre 1690, Gardey notaire à Lectoure (Etude de M* Boue
du Boislong).
(5) Acte de 8 septembre 1742, Barbalaue notaire à Lectoure. (Id.).
Tome XXX. 15
— 214 —
de Lecloure une somme annuelle de 54 sols pour droit de
fief et directe (1). Le P. Arnaud Caillons, représentant TOra-
toire, se rendait à Lecloure le 5 mai 1722 (2) et le i janvier
1724 (3), pour stipuler au profit de sa congrégation une rente
de quinze livres, qui lui était consentie par noble Joseph de
Pérès, seigneur de Hustarcau. Toutes les propriétés du sémi-
naire étaient affermées à des particuliers, qui en jouissaient en
fabsence des Oratoriens. Le jardin contigu aux bâtiments (4)
était loué à une femme nommée Marquèze, à qui Marie
Michelle de Fillol de Caillavet, veuve d'Alexandre de Mun,
marquis de Sarlabous, légua le 24 janvier 1749 six chemises
et « son vieux câpuçon de Barraquan (3). » Les maisons
voisines étaient affermées à un voiturier nommé Dominique
. ^^ — Cabiran (G), et les directeurs de la tannerie royale de Lectoure
y^ 1^2^ — autorisés à emmagasiner dans les bâtiments du séminaire
m^ti^L^ ; J^ '^^ écorces nécessaires à leur industrie. Ils occasionnèrent
X/^ -g-^^par ces dépôts des dégâts, qui, après transaction entre Jean-
y ^ Joseph de Vitalis et Jean-Antoine Maurin, caissier de la laii-
• J >< nerie, agissant au nom des frères Duclos, banquiers à Tou-
**^ *- louse, furent évalués à la somme de 1,500 livres (7). Le P.
^ •*^^'^^ ^''^ Jean- Antoine Fairin, supérieur de fOratoire de Condom, se
éiJ^^ rendit à Lectoure le 21 juin 1785, comme ses devanciers,
-Jf*JU^i*t^v pour affermer la métairie du Frandat, qui appartenait à sa
^7^ ^ji^_//- congrégation (8).
-Jl/ J^U- •.^?^ K^ ^1) f^ç^^ ^^ 21 mars 1540, devant Fabry, et du IG février 1617, devant Bôgué,
*" y^j^^ ,- ->*<* ^notaires à Lectoure.
_— c77'>»*^ -^ ^^ Minutes de Dumoulin, notaire de Saint- A vit (Etude de M' Salles).
^ (3) Minutes de Barbalane, notaire i\ Lectoure (Ltude de M' Houl^ dïi Bois-
long).
(4) Ce jardin dépend actuellement du couvent des sœurs de la Providence
de Gap.
(5) Testament retenu par Comin. notaire à Lectoure (Etude de M' Salles).
(6) Acte du 17 avril 1757, Comin, notaire à Lectoure (Etude de M' Salles),
Procuration du F. Zacharic Bordes, sup;''ricur de l'Oratoire de l'ondom en faveur
de Jean-Joseph de Vitalis, en date du 20 juillet 1761 (l'ugens notaire à Condom,
Arch. de NL IMieux).
(7) Acte du 25 février 1762, (^omin notaire (Etude de M' Salles).
(8) Labat notaire à Lectoure, étude de M* l^tour. Cette métairie était affer-
mée pour le prix de 1,500 livres, 10 paires d'oies et 10 paires de dindons.
— 215 —
n résulte de ce que nous venons de dire que les Doctri-
naires restèrent les maîtres absolus de renseignement secon-
daire à Lectoure. Leurs élèves devaient être nombreux et la
plus grande partie d'entre eux payait une rétribution volon-
taire, dont le produit permit aux Religieux de faire des acqui-
sitions territoriales dont les Archives municipales ont gardé
la mention. On lit, en effet, dans le Livre Terrier du dedans
de Lectoure pour 1683-85 (1) :
Les Pères de la Doctrine tiennent métairie à Capdaroc contenant
1 conquade 59 sols; — une vigne au même lieu contenant 46 sols; —
une maison, métairie, jardin, bois, champs et vignes à Bartherote con-
tenant 14 conquades 48 sols; — pré à Lacoustère contenant 7 sols; —
métairie, jardin... aux Coutoulis, contenant 57 sols;. pré à la rivière
de Boulouch contenant 1 conquade 34 sols.
Et dans le Livre des Charges et Décharges du Tenier pour
le dedans de Lectoure pour 1682-85 (2) :
Les Pères Doctrinaires pour une métairie payent au simple 18 sols
2 deniers; — plus pour la métairie de Boulouch, acquise de M. de
Castaing, contenant 29 conquades 13 sols, payent 1 hvre 18 sols
7 deniers; — le 9 janvier 1692 sont chargés d'une maison achetée par
eux à Arnaud Darmaignac le 16 avril 1686; — le 6 juin 1700 sont
chargés de 13 journaux 1/4 de vigne, acquis à Géraud Montassin par
contrat du 6 décembre 1793 retenu par Barbalane notaire; — Le 6 juin
1700, sont chargés de 46 sols de pré parla rivière de Boulouch, acquis
aux héritiers de M. de Maignas par contrat du 6 décembre 1693; —
le 27 juin 1703, de 18 sols de vigne à eux vendus par les héritiers de
Barthuet; — le 3 juin 1703, chargés de 7 sols de jardin à Capdaroc,
acquis de Je^n Dubarry ; — le 8 avril 1709, chargés de 33 soi» de vigne,
contrat du 8 mars 1709, retenu par Barbalane notaire.
Ces divers achats éveillèrent l'attention des consuls, qui se
souvinrent qu'aux termes du contrat du 12 octobre i630 les
Doctrinaires étaient tenus de diminuer la rente à eux faite par
la communauté au prorata du revenu des biens qu'ils pour-
(1) Page 166.
(2) Page 56.
— 216 —
raient acquérir. Plusieurs habitants s'étaient plaints de ce que
celte diminution n'avait pas été effectuée et MM. Dupin et de
Bastard chanoines, Belin avocat et Saint-Avit consuls furent
chargés d'examiner quelle pouvait être, à ce sujet, l'étendue
des droits de la communauté (!)• Aucune suite ne fut donnée
à ce projet et les Pères continuèrent à toucher l'intégralité de
leur rente. Un vote de la jurade leur permit, quelques années
plus tard, de recevoir des pensionnaires ou internes vivant
et couchant dans la maison (2). C'est probablement pour
faciliter à ces élèves le moyen d'aller dans les jardins situés
au nord du collège, que hs Doctrinaires demandèrent à la
municipalité l'autorisation, qui leur fut accordée, de cons-
truire un arceau sur la rue de Reillas (3).
L'histoire des congrégations religieuses chargées de la direc-
tion des établissements d'instruction publique se lie intime-
ment à l'histoire de ces établissements eux-mêmes, de telle
sorte que l'une complète l'autre. C'est à raison de cette Iden-
tification entre le collège de Lectoure et ses professeurs que
nous nous permettons d'analyser en quelques lignes le rôle
joué par les Doctrinaires pendant la période du Jansénisme.
Robert de Beaufort voulait à tout prix faire accepter la cons-
titution Unigenitus par les prêtres séculiers ou réguliers et par
les communautés religieuses de son diocèse. Il ne put réussir
dans son dessein et nous savons combien fut vive la résis-
tance de certains ecclésiastiques. Celle des Carmélites dura
pendant de longues années et les disciples de César de Bus
ne se montrèrent pas moins récalcitrants que les filles de
sainte Thérèse (4).
Le Chapitre général des Pères de la Doctrine chrétienne
(\) Record du 12 juin 1718.
(2) Record du 10 mai 1733.
(3) Record du 19 décembre 1734. La môme autorisation fut accordée ce jour-
là aux Pères Cordeliers.
(4) A. Plieux. Notice sur le monastère des Carmélites de Lectoure, 1887,
p. 43 et suivantes.
— 217 —
s'ètanl réuni le 9 mai i723 sous la surveillance de M. Bignon,
intendant de Paris, chargé comme commissaire du roi de
faire signer par tous les capitulants un formulaire d'adhésion,
plusieurs assistants et dignitaires de la Congrégation refusè-
rent d'y souscrire. Cet exemple venu de haut ne pouvait
qu'encourager la résistance des religieux, qui se divisèrent
en deux partis : celui des adhérants et celui des rôfractaires
ou anti-bullistes. L'évêque de Lecloure trouva chez les Pères
du collège une opposition à laquelle il ne s'attendait pas.
N'ayant pu réussir par la persuasion à leur faire accepter la
bulle de Clément XI, il leur montra les instructions du car-
iWwdl de Bissy cl la liste des couvents de Bénédictins mitigés
dans lesquels il avait la faculté de les exiler; il les menaça
(lu cachot et de la justice impitoyable du régent, mais ce fut
en vain. Les PP. Pagez, Sellier et Décis restèrent inébranla-
bles; aussi durent-ils quitter nuitamment la ville, afin d'éviter
les poursuites de Robert de Beaufort, et se réfugier dans le
diocèse de Condom (1). Les chaires dans lesquelles les Doc-
trinaires avaient, pour ainsi dire, acquis le monopole de la
prédication, leur furent interdites, et l'évêque leur déclara
nettement, en leur retirant leurs pouvoirs, qu'ils étaient
désormais des ouvriers inutiles dans son diocèse (2). La lec-
ture du mandement épiscopal du 21 janvier 1750 dans la
chapelle du collège occasionna un véritable scandale. Le P.
Lespinasse refusant d'en entendre la lecture, quitta bruyam-
ment sa place et fut suivi dans sa retraite par les PP. Catu-
gicr et Dohnière (3). Ils se rétractèrent peu après et firent
amende honorable, mais cette rétractation n'était pas sincère
ot ne dura pas longtemps. Le P. Catugier, professeur de phi-
losophie et prédicateur distingué, écrivit à l'évêque une lettre
dans laquelle il lui déclarait ne point reconnaître le formulaire
(1) Nouccllca ccclésiastiquos du 2 juin 1723.
{Z) Id. du 31 mai 1731.
(3) . Id. du 3 juillet 1730.
— 218 —
qu'il avait, disait-il, signé sous Tinfluence de la peur el par
conlrainlc. Cette lettre provoqua chez Kobert de Beauforl
une si vive irritation, qu'ayant rencontré le P. Catugier dans
la chapelle du couvent de Sainte-Claire, il ne put s'empêcher
de lui adresser les observations les plus sévères :
Mgr révêque étant allé, disent les Noucelles ecclésiastiques^ célé-
brer la messe dans Téglise des religieuses de Sainte-Claire, le jour de
la fête de cette sainte, trouva dans la sacristie le professeur de philoso-
phie des Doctrinciires, qui se préparait aussi à dire la messe : « Que
faites-vous ici, lui dit le Prélat d'un ton de colère? » — Le Doctrinaire
répondit qu'il priait Dieu. — L'évêque : « Vous fairez bien de ne pas
dire la messe ici; il ne convient pas à des gens qui ne sont pas soumis
au Pape, à TEglise, au Roi, aux Evoques d'approcher de Tauiel el de
se trouver avec leur évêque à qui ils refusent de se soumettre de cœur
et d'esprit. » (Comme le Doctrinaire voulait se justifier) : « Puisque
vous n'êtes pas de la religion de votre évoque, reprit le Prélat, tenez-
vous enfermé chez vous et n'en sortez pas. » — « Monseigneur, repar-
tit le Doctrinaire, il est permis de prier Dieu partout et je suis venu ici
pour cela. » — L'Evêque : « Il faut édifier avant que de monter à Tau-
tel. » Le Père, craignant de l'irriter davantage, se priva de dire la
messe, entendit celle du Prélat avec sa permission et se retira (1).
Ces luttes des Pères contre Tévêque d'une part, et des
Pères entre eux d'autre part, devaient fatalement nuire à la
discipline du collège. La classe de philosophie n'était plus
faite avec régularité el les professeurs négligeaient les exerci-
ces de la doctrine voulus par Tusage et prévus par les règle-
ments. Les écoliers se plaignirent à la municipalité; M. Des-
camps, premier consul, rappela le P. Recieur à ses obliga-
tions, et le menaça, en cas de récidive, d'une poursuite
devant le sénéchal (2). Ce désordre ne fut que passager; les
Pères exilés furent remplacés plus tard par de' meilleurs sujets
demandés par les consuls (3), mais ils étaient sous le coup
(1) Nouccllca ecclésiastiques du 16 octobre 1733.
(2) Record du 16 mars 1727.
/ (3) Record du 8 juin 1755.
— 219 —
des plus grandes inquiétudes et ils craignaient de voir leur
collège lie Lect ou re fermé, comme celui d'Aix, par ordre du
roi (1), D'un autre côté, leurs élèves n'étaient admis dans
!es grands séminaires, notamment dans celui d'Aucli, qu'après
avoir écrit deux traités dogmatiques sous la surveillance des
Jésuites et souvent même ils étaient refusés de piano par le
seul fait qu'ils venaient du collège des Doctrinaires (2). Les
jeunes clercs étudiants en philosophie étaient rigoureusement
examinés par les vicaires généraux du diocèse de Lectoure,
notammciU par M. Boubée de Lacouture, grand-vicaire et
cTiré de la paroisse du Saint-Esprit, que les ecclésiastiques
avaient surnommé Quinqucnnium parce que pendant cinq
ans il avait étudié sans succès la philosophie et la théologie.
Les Doctrinaires, quoique très prévenants et pleins de cour-
toisie vis à vis de Mgr de Beaufort, ne purent jamais obtenir
ses bonnes grâces et pendant tout son épiscopat il refusa de
renouveler leurs pouvoirs. Le P. Catugier, nommé recteur du
collège, fut oblige d'abandonner ses fondions avant le terme
rôglemelitaire et le P. Baric, recteur en 1744, ayant fait prê-
cher une mission par ses confrères, dut Tinterrompre à cause
d'un discours dont Tévêque n'approuva ni le fond ni la
forme. Le P. Baric s'excusa et prêcha devant le prélat un
sermon très orthodoxe sur la foi, mais ce fut inutile. Le P.
Larlal, recteur et curé de Nérac, directeur de la mission, ayant
déplu à révéque, dut quitter Lectoure malgré les démarches
de son conlrère. La procession générale qui suivit la clôture
anticipée de la mission s'arrêta dans toutes les églises de la
ville sauf dans celle des Doctrinaires, malgré l'avis du Cha-
pitre et sur l'ordre formel de Mgr de Beaufort (3). La division
régnait entre les Pères du collège eux-mêmes et, pendant son
rectoral, le P. Catugier eut les discussions les plus violentes
(1) NotLccllos cticlcsùastiquos du 28 septembre 1732.
(2) Id. du 12 juUlct 1737.
(3) Id. du 23 octobre 1745.
— 220 —
avec son confrère le P, Denux, qui n'était pas encore prêtre et
que Mgr de Beaufort voulait ordonner malgré ropposition
des supérieurs. Plusieurs plaintes furent adressées par le P.
Denux et par Févêque au P. Caragues, alors provincial, qui
déplaça le premier sans lui accorder la satisfaction qu'il dési-
rait (i).
Le P. François Goulard, ancien élève du collège de Lec-
toure, né dans celle ville cl mort à Nérac le 19 juin 1746,
âgé de 70 ans, fut un des adversaires les plus ardents de la
Bulle Unigenitus et des « constitutionnaires. » Il fit une propa-
gande très active à Lectoure, où sa qualité de religieux et ses
attaches de famille lui donnaient une influence considérable.
Ses fonctions principales consistaient à visiter les pauvres à
domicile, à leur faire des aumônes et a leur distribuer des
livres de piété. Il dut abandonner Lectoure, comme il avait
déjà quitté Villefranche, par suite de son hostilité avec Tau-
torilé diocésaine (2). Le P. Reniai au contraire, qui préférait
à sa chaire d'humanités le rectorat de Ncrac, qu'il obtint
plus tard, donnait et retirait, suivant les circonstances, Tadhè-
sion que lui demandait Mgr de Narbonne-Pelct (3). Ce reli-
gieux fut un des derniers opposants et son départ pour le
collège de Nérac, où il fut nommé recteur vers 1755, rétablit
la paix parmi les Doctrinaires de Lectoure.
A. PLIEUX.
(4 suivre.)
(1) Noacellcs ccclèsiastiqtœs du 24 avril 1746.
(2) Id. du 15 octobre 1748.
(3> Id. du 24 avril 1751.
L'ABBAYE DE FLARAN
II
PARTIE HISTORIQUE (Suite^)
Xir SIÈCL.B
Le premier abbé de FlarâD, celui gui fut institué en 115i
par Bernard, premier abbé de TEscale-Dieu, fut Guillaume,
le même que nous avons vu précédemment recevoir les dona-
tions de Forton del Til jusqu'en 1161. — Wilklmus, aut
primus aut fere primus, Flaranensi ccmobio, dit Dom Es-
tiennot (1), jam prœerat anno MCLV, quo Porto del TU
dédit Deo et Beatœ JUariœ de Flarano ac WUlelmo abbati
quœdam apud Filet, quœ auxit annis JUCLVIJ et MCLVIII, imo
et MCLXj in manu Willelmi archiepiscopi auxitani. — Et
il ajoute qu'en Tannée 1162 le pape Alexandre ill accorda
au monastère de Flaran des privilèges considérables, ainsi
qu'il résulte d'une bulle, dont il ne donne malheureusement
dans ses Probaliones que de courts extraits (2).
(•) Voir ci-dessus, p. 115.
(1) Dom Estiennot. Bibliothèque nationale. Mss. fonds laUn, n* 12,752, f 188.
(2) Idem, Probationes, f* 451. — « Alexander, episcopus servonim Dei, dilectis
flliis Willelmo, abbati monasterii de Flarano, ejusque fratribus tara praesentibus
quam futuris regularem vitain professas in perpetuum. Justis religiosorum desi-
deriis, etc In quibus lucc propriis duximus exprimenda vocabulis : grangiam
de Serre, grangiam de Serra, terram ad Pontras, terram de Quinrelens sane
novalium Ego Alexander catholicae ecclesiae episcopus; Ego Grcgorius Sabi"
nensis episcopus; Ego Hubaldus, Hostiensis episcopus; Ego Hubaldus, pres-
biter cardinalis tituU Sancti» Crucisin Jérusalem; Ego Albertus, presbiter cardi-
nalis lituliSancti Laurentii in I.ucina; Ego Gatherius, Albanensis episcopus;
Ego Jacinthus, diac. card. S. Marise in Cosm. ; Ego Bosco, Diaconus card.
S. Cosmae et Damiani.
Datum apud Dolum, per manum Hermani S. R. E. subdiaconi notar. xvi kal.
octobris et Inoamationis Domini anno mclxii, pontiflcatus vero Domini Alexau-
dri PP. III, anno m. »
— 222 —
Le second abbé de Flaran fut Etienne, déjà mentionné
dans les donations précédentes de Forton del Til, en 1471,
1173 et 1173. « Ce fut de son temps, nous dit Dora Brugè-
les, qu'Arnaud de Roger, évéque de Comminges, légua au
monastère de Flaran soixante sols Morlas, par son testament
vers Tan 1177. »
Voici le passage que Dom Esliennot consacre à ce second
abbé de Flaran :
Stephanus Flaranensis memoratur abbas, amiis mclxxiii, mclxxv
et aliis, quo sedente, et assenticnte Geraldo archiepiscopo Auxitauo,
prœfatns Forto del Til quasdam terras dimisit. Vixit aut cessit aiino
MCLXXV Stephanus abbas noster (1).
Sous le gouvernement de cet abbé, Tabbaye de Flaran prit
déjà un accroissement considérable. Nous pensons que c'est
pendant sa vie que fut commencée Tédification de TEglise.
Elle fui achevée en tous cas sous le gouvernement du troi-
sième abbé. Angevin, que nous révèlent les donations précé-
dentes et dont Dom Estiennot fait également mention dans
son texte manuscrit :
Angeviims memoratur Flarani abbas, amio mclxxvi, quo B. de
Rocafremia monachum induit in Flarani cœnobio et normulla cessit.
Regebat adliuc anno mclxxx, quo, Geraldo archiepiscopo auxilano
volerite et approbante, Forto del Til quœdam apud Filet possidenda
■
dimisit (2).
Cet abbé devait être encore à la tête du monastère de Fla-
ran lorsque le pape Grégoire Vil octroya, le 2 novembre
1187, à la maison-mère de TEscale-Dieu une importante
bulle de confirmation de toutes ses possessions. Dans la liste
des monastères français de sa filiation nous relevons les
noms de « Gavardosa, Capadur, Masseube, Montsalut, Por-
toglione ou Bouillas et Flaran. « Abbatiam de Flarano, cnm
grangiis, decimLs, premitiis el omnibus appendiliis suis. » En
(1) Bib. nat., fonds laliii, ii' 12.752, folio 1S8.
(2) Idem.
— 223 —
outre le pape réglemente tous les droits et devoirs des abbés
de cette importante maison; et il assujettit à sa règle toutes
celles qui en dépendent, par conséquent Flaran (1).
XII !• SIECLE
Serail-ce Gilbert, celui dont le Gallia Christiana dit qu'il
vivait de temps de Géraud, comte d'Armagnac (Géraud IV,
mort en i2i9), qui succéda à Angevin et fut par suite le
quatrième abbé de Flaran? Dom Brugèles n'indique pas son
nom. Il dit simplement « que Tabbé de Flaran qui vivait en
1220, eut un long procès contre le chapitre d'Auch, qui fut
terminé par la médiation de Garcîe de THort, archevêque
d'Auch. » Nous trouvons dans le Cartulaire blanc du chapitre
de Sainte-Marie d'Auch (2), tous les détails relatifs à cette
affaire. Il s'agissait de droits sur certaines paroisses que
réclamaient les religieux de Flaran. Deux sentences arbitrales
furent rendues à ce sujet, l'une en 1220, l'autre en 1247.
Dans la première, rendue par Garsias, archevêque d'Auch,
Ledit seigneur Garsias, réformant autre sentence arbitrale, rendue
par son prédécesseur Guillaume d'Andozille, archevêque, qui avait
condamné lesdits abbé et religieux de Flaran à payer annuellement au
chapitre d'Auch la pension de vingt conques de bled, pour la quarte
des dîmes de Saint-Jean de Flaranet où est bastie ladite abbaye, et
autres dismes et églises qui sont en nombre désignées dans ladite sen-
tence, condamne lesdits seigneur abbé et religieux à payer audit chapi-
tre d'Auch le fief ou pension annuelle de cinquante sols morlas pour
lesdites dimes Datée de l'an 1228, sous le pape Honoré III, Phi-
lippe roy de France.
Le procès s'étant réengagé quelques années plus tard, une
seconde sentence arbitrale fut rendue, en 1247,
par Garsie, sacriste de l'Eglise Sainte- Marie d'Auch, et frère Jacques,
religieux de Berdoues, qui adjuge au chapitre les entières dimes des
(1) Archives de l'Escale -Dieu. Ce document de premier ordre est reproduit in
extenso pdiT M. Bascle de Lagrèze, dans sa Monographie de V Escale-Dieu, p. 104.
(2) Archives départ, du Gers, C. 18.
— 224 —
églises de Cezan ou Cezeran, de Sainte-Gemme et de Cossian; et qui
condamne ledit abbé de Flaran à payer au chapitre d'Auch la même
rente au fief de 50 sols morlas pour les autres dimes et églises spéci-
fiées dans la sentence de 1220.
En revanche Tabbé de Flaran continuera de posséder les
églises d'Àulan et de Gimbile, avec toutes leurs dimes, et il
restera en possession des églises en litige de Marambat, Las-
serre et Saint-Jean de Lasse.rre. La présente sentence fut ren-
due en juini247, dans le cloître de Téglise Sainte-Marie d'Auch,
en présence de G. officiai d'Auch, frère Jacques de Caslelnau,
moine de Berdoues, Bernard, vicaire perpétuel de Gavarret, For-
tins Garsie, greffier de Fofficial, et de plusieurs autres. Elle était
Scellée du sceau du chapitre en cire noire où il paraît une effigie de la
Vierge, et de celui de l'abbaye de Flaran, aussi en cire noire, autour
duquel est écrit : S* Flaranensia abbatiœ, avec une main au milieu
tenant une crosse; lesdits deux sceaux pcudans à deux lacs de soye :
écrite en une grande feuille de parchemin, en caractère gothique (1).
Cet acte de 1247 ne désigne que par la lettre L. le nom de
Tabbé de Flaran.
Au pied du mur oriental de la dernière absidiole de droite
de réglise de Flaran se trouve encore, cachée modestement
sous des touffes de lierre, Tinscription suivante :
fANNO AB IN CARNA
TIONE DNI M ce XX VII
XIIII KL IVLll VI SCI LC FR NR
OBIIT VITALIS DE
PRIOR FL.
Notre savant ami, M. Adrien Lavergne, qui Ta reproduite
dans son dmipte-rendu de rexcursion de la Société fran-
(1) Cartulaire blanc du chapitre do Sainte-Marie d'Auch. — Voir aussi les
Matiascrits d'Aignan, t. iv, Pièces Justijîcatices, p. 1,365.
— 225 —
çaise d'archéologie dans le déparlement du Gers en 1881 (1),
la traduit ainsi :
L'aa de rincarnation du Seigneur 1227, le 14® jour avant les Kalen- ■
des de juillet (18 juin), veille de saint , mourut notre frère Vital
de...., prieur de Flaran.
Le cinquième abbé fui Arnaud de Montesquiou. Sous son
gouvernement les terres de Tabbaye furent ravagées par Cen-
tulle V% comte d'Astarac, alors sans doute qu'il combattait .
pour le comte de Toulouse contre les Croisés et les armées
du roi de France. L'abbé de Flaran porta plainte en 1228
contre lui à Tarchevêque d'Auch Amanieu, qui, lui donnant
raison, excommunia le comte jusqu'à ce qu'il eût dédommagé
Tabbaye (2). On sait quel zèle ce prélat montra à combattre les
hérétiques, et comment il institua en Gascogne Tordre de la
Foi. Cen tulle fit sa soumission, non seulement à Tarche^
vêque et à Fabbé de Flaran, mais encore au roi de France.
Bientôt même, il se fit pardonner ce dernier acte par Ray-
mond, comte de Toulouse, qui lui donna le château de Saint-
Puy, et en outre tous les droits qu'il possédait sur les châ-
teaux de Saint-Orens, de Caussens et de Béraut, voisins de
Tabbaye de Flaran. Dans son testament, qui doit être de l'an-
née 1230, le comte d'Astarac, pénétré sans doute de remords,
lègue, entre autres abbayes, à l'abbaye de Flaran cent sols
Morlas afin que les moines prient Dieu pour lui : A Flaran,
c sols de Morlas, que preien Dieu per mi (3).
L'année suivante, en 1231, le cartulaire de l'abbaye de
Gimont mentionne un abbé de Flaran dans un arrangement
passé avec Vital, abbé de Berdoues.
(1) Reoue de Gascogne, 1883.
(2) Voici à cet égard ce qu'écrit Dom Estiennot : « Ârnaldus de Montesquivo,
gentehujusnominisin Novempopulanianobili, Flaranumregebatanno mccxxviii,
que congressus est apud Amaneum auxitanum archiepiscopum quod Centullus,
Astaraci Cornes, bona Flaranensis cœnobii invaserat. Monuit eum super hoc
Domiuus archiepiscopus, et quia prsedicta bona restituere noluit, eum excommu-
nicavit. Sed facti penitens> injuste rapta reddidit et absolutus est. (Ex. ms. eodem
aquensi). »
(3) Monlezun. Tome vi, p. 338, testament du comte d'Astarac.
— 226 —
Mais l'acte le plus important de tout ce siècle pour Tab-
baye de Flaran, et que les archives du séminaire d'Auch nous
•ont conservé intégralement, est la bulle célèbre que le pape
Innocent IV accorda à Tabbaye, le 3 octobre 1247 (i). Dans
l'impossibilité où nous sommes de la reproduire ici intégra-
lement, vu sa longueur, nous en donnerons, avec quelques
extraits, une analyse sommaire.
. Tout d'abord, le pape prend sous sa garde le monastère
de Notre-Dame de Flaran, du diocèse d'Auch. Il rappelle aux
moines qu'ils doivent suivre exactement la règle de saint
Benoît, et il déclare inviolables toutes leurs propriétés, de
quelque provenance qu'elles soient, largitione regum, vcl
prindpum, aut oblatione fidelium. Puis, il confirme l'abbaye
en la possession de tous ses biens, qu'il énumère soigneuse-
ment :
Locum ipsum in quo prefatum monasterium situm est, cum omni-
bus pertineiitiis suis, grangiam de Serres cura omnibus pertinentiis
suis, grangias de la Serra, de Filet et de Gaudum cum omnibus per-
tinentiis earumdem, décimas quas habetis in locis qui dicuntur Filet^
Boulin, décimas et possessiones quas habetis in locis qui Ceseran et
Sancia-Gemma dicuntur y domum quam habetis in villa de Condomio,
possessiones quas habetis in locis qui dicuntur Lagnet, Laroset,
Montautet, Cardouede et Daubin, décimas quas habetis in locis qui
dicuntur Sanctus Martinus et Sanctus Germanus, décimas quas
habetis in loco qui dicitur Ducid, cum pratis, vineis, terris, nemori-
bus, usagiis et pascuis in bosco et piano, in aquis et molendinis, in
viis et semitis, etc.
Innocent IV affranchit ensuite les religieux de tout paie-
ment de dîmes pour leurs propriétés. Il leur permet de rece-
voir les clercs et les laïques a seculo fugientes. Il donne plein
pouvoir à l'abbé pour prononcer contre les moines. Il défend
à ceux-ci le vol, la rapine, l'incendie, la violence, le meur-
(1) Archives du séminaire d'Auch, n' 8,496. C. 70. L. 139. Voir aussi Doxn
Estiennot, Probatlones. Bibl. nat. fonds latin, n' 12,752, p. 451 et suiv. Voir
encore les Manuscrits d^Aignan, t. iv, p. 1,367. Nous donnerons cet acte in
ewtenso, dans l'appendice de notre tirage à part.
— 227 —
tre, et il leur prescrit de vivre continuellement dans la paix
et la tranquillité. Il règle ensuite la condition, de vente et
d'achat de terres appartenant à l'abbaye, ainsi que le mode
de procédure civile et criminelle. Enfin il réglemente, dans
les plus longs et les plus intimes détails, les rapports, de plus
en plus tendus à cette époque, qui doivent exister entre
révéque et Tabbé. — Signèrent à cet acte capital :
Innocent IV, pape; Pierre, cardinal prôtre du titre de Saint-Marcel;
Guillaume, cardinal prêtre du titre de la basilique des douze apôtres ;
Frère Jean, cardinal prôtre du titre de Saint- Laurent in Lucina; Frère
Hugon, cardinal prêtre du titre de Sainte-Sabine; Oton, évêque de
Sainte-Rufine; Pierre, évoque d'Albano; Jean, diacre de Saint-Nicolas
in carcere Juliani; et Guillaume, cardinal diacre de Saint-Eustache.
L'acte fut donné à Lyon par M^ Marin, Vice-Chancelier de
TEglise Romaine, le 5 avant les nones d'octobre. Tan de l'Incarnation
de N.-S. 1247.
Le présent extrait, — ajoute la copie du séminaire d'Auch, — a été tiré
à son propre original, parmoy, Nota.ire soussigné, de Larrocquau, ledit
original nous ayant esté exhibé à moy et à M® Pierre Marignac, notaire,
pour tous deux ensemble, en faveur et à la réquisition de frère Jehan
Bayolle, prieur de labbaye de N.-D. de Flaran, lequel original étoit
escript en une peau de parchemin, marquée de semblables marques
que celles qui sont de l'autre part; scellé de plomb, en lacs pendans de
soye et rouge, ayant ledit sceau deux faces, de l'un costé et au dessus
des dites faces estoit une écriture contenant ces lettres S. P. A : S. P. E.
et de Taultre costé dudit sceau est escrit : Innocentius P. P. IIII.
Un nouvel abbé nous est signalé deux ans après par Dom
Estiennot. C'est Pierre, abbé de Flaran en 1249, -sous lequel
Bernarda de Faiices dedil ecdcsiam S^' Freli de Aumiano
{quœ modo désir ucta est et desolala) ciim suis perlinenliis.
En 1251, nous voyons Tabbé de Flaran, Gislebert, très
probablement le septième abbé du monastère, mentionné
dans un acte dont l'importance est considérable pour This-
toire de ce pays. C'est le testament de Pétronille, comtesse
de Bigorre. Cette princesse, veuve de son cinquième mari et
— 228 —
entourée de ses nombreux enfants, sentant sa fin prochaine,
se fit porter dans Thospice de l'abbaye de l'Escale-Dieu, et le
3 novembre 1251 elle y dicta ses dernières volontés. Dans
son testament, véritable monument féodal, dont les clauses
devaient dans la suite amener tant de conflits entre ses des-
cendants, elle institue pour héritier son pelit-fils Esquivât,
fils d'Esquivat, seigneur de Chabannes et de Confolans, et de
sa Qlle Alix. Elle lui substitue son frère Jourdain; et dans le
cas où ce dernier viendrait à mourir sans enfants, elle lègue
le comté de Bigorre à sa fille Mathe. En même temps, elle
comble de présents Tabbaye de TEscale-Dieu, où elle choisit
sa sépulture; et elle prend comme témoins de son testameat
Pierre d'Androni, abbé de Bouillas, et Gislebert, abbé de Fia-
ran, dont les deux monastères dépendaient de TEscale-Dieu :
Venerabiles abbates de Portoglione (Bouillas) et de Flarano,
qui lune temporis in monasterio Sealœ Dei divino nutu per-
sonaiite)' extiterunt, et presens instrumentum suof*um sigil-
lorum signaculis munierunt {l).
On peut se rendre compte par cet acte de Timportance
qu'avaient acquise à cette époque les abbés des principaux
monastères gascons. Ce sont eux qui, le plus souvent, inspi-
rent les princes dans les résolutions diverses qu'ils ont à
prendre, eux qui dirigent leurs consciences, eux qui leur
dictent des ordres suprêmes pour le gouvernement de leurs
Etats. Par leur intermédiaire se contractent les grands maria-
ges; et presque toujours, comme l'abbé de Flaran dans ce
cas, ils assistent à leur lit de mort les puissants du siècle.
Eux-mêmes, du reste, étaient issus des plus grandes famil-
les et, malgré l'observance du cloître, ils savaient se souve-
nir de leur noble origine. C'est ce que nous dit formellement
Dom Estiennot, dans la courte notice qu'il consacre à Fab-
(1) Trésor des chartes (archives nationales). Layettos publiées par M. Jos. de
Laborde, faisant suite aux deux volumes de Teulet.' Tome m, p. 143 et suiv.,
n* 3,966. Voir également l'Art de oérlfier les dates; Marca, p. 827, etc.
\
\
baye de Flaran, et dont nous avons déjà reproduit divers
passages :
Nobilcs nonnulli in hoc c(feuobio vota vovere. Hos tantum e paucis
quae supersunt carlis novimus : e gente toparchoram de Leheron
vicina plures monachi; itemque quidam e génie de Flarano, de
CasalibonOj de Andirano, del TU vel Filioy de Moniesquico et de
aliis patria nobilioribus. Praesules et abbates e Flarano prodiere;
interquos Bernardus de Villa, ex abbate Flaranensi episcopus Bayo-
iiensis Jacent item haud dubie in Flarano plerique Domini de
JLeberoriy de Vopillon, del TU; at cœnotaphia periere (1).
Vers la même époque, les abbés de Flaran engagèrent
un procès avec leur voisin, le seigneur de Maignaut, touchant
les limitiis de leur territoire. Une curieuse sentence arbitrale,
dont nous ne pouvons donner ici que de courts extraits, et
qui nous apprend le nom d'un nouvel abbé de Flaran, mit
fin^ à la date de 1259, à leurs discussions :
Notum sit que frai Sans, abas de la maison de Flaran, per si et per
le couvent de quel meis loc, de una part, et en Vidal de Maiaut, fil
d'en Viguer de Maiaut, sa en darreira^ d'aultra part, reconogon que
s'eron mes en mas e compromes en frai W. Peire, prier de la dita
maison de Flaran, e en maestro W. Eysia, caperan del castel de
Maiaut, e en frai Bernard d'Ascaters trencador etc.
Lesdites parties s'engagent, sous peine de cent marcs d'ar-
gent, à reconnaître les décisions desdits arbitres; lesquels
ordonnent en premier lieu, que le seigneur Vidal de Maignaut
abandonnera à Tabbé et au couvent de Flaran,
Asaber, la terra el bosce lasaguas que son entre lo cil de La Roca et
enter la agua apelada Baïsa e la meissa agua que es apelada Baisa e
enter la font de Pontarag et enter la riu deu Bou. — Item la coltura
apelada de Guda Limac, aisi cum lo cil de ladita arroca el bosc dou
Seuhe casaus s'estenon e duron e s'en dabaron entre a la dita agua
que es apelada Baïsa. — Item la coltura d^Arguaiexcs e tôt Tafar
»
(1) Dom Ëstiennot, bibliothèque nationale. Mss. fonds latin, n* 12,753. Texte,
loÙo 188, et Probationes, folio 451.
Tome XXX. 16
— . 230 —
ab SOS apertenemens de Sent Avid, e tota ia terra que es eoter lo Cas-
terar de Flaran e enter la Baisa^ aisi cum s'esten e dura entre al gua
de Bascos, — Item tôt lo casai et Tafar de Bascos ab sos aperte-
nemens, e lot l'afar Uhela ab sos apertenemens, el prad e la terra
enter lo camin d'Auxis e la Baïaa:
En revanche, ledit abbè abandonnera au seigneur de
Maignaut et à ses ayant-droit :
La dezma de Flaranvelh, so es asaber tôt aitant quant la dita mai-
son de Flaran près e recebo de la dita dezme de Flaranvelh, enpens
per C sol de Morl. del senhor Arnaut de Marembad, e quel meis
abad el couvent donesson e paguesson al dit en Vidal o a son ordenh
C sols de Morl. per esmenda e satisfaction dels frugs que il auen e près
oltra los dits C sols de ladita sort de ladita dezma, e quel dit en Vidal
quitas a lor e a lors successors la rémanent dels frugs, si plus n*auen
près ne aguds oltra la dita somma.
Il lui cédera en outre :
Una sesterada de terra sober lo claus de Ponsag, et la terra que es
enter la coltura d'Argaienxcs e enter la gleisa de Sent Vincenis el
camp de LobapesUy quel dit abad per si e pel couvent demandaua
al dit en Vidal.
Quant à « sober lo camp qui es enter la gleisa de Oloe
e enter lo camin d'Auoc^is, quel dit abad per si e per lo dit
couvent demandaua al dit en Vidal 9, les arbitres tiennent à
faire une enquête nouvelle, et pour le moment ne se pronon-
cent pas. Ils exigent néanmoins en terminant, que les deux
parties « se coselhon e s'amon e s'ordrin es valhon en cors e
en amna fielment e leialement, aisi cum bon et fidel et leial
amig deuon far. »
L'acte nous donne à la fm les noms de presque tous
les moines de Flaran, en cette année 1259. Signèrent en
effet :
Frai W. Peire, prior del dit loc, e frai Ar. W. Campanes, cererer,
e frai de Pieds, cantor, e frai W. de Briwe, et frai Sans de Mezin, e
frai Arnaud de Basatz, frai Gilibert, frai Johan de Lartigola, frai Peire
— 231 —
de Casterar, frai Ramon Barrau, frai Sans Vidal de Laomed, frai Sans
d'Arricau, frai Bertrand de Nogarol, frai Fors de Moisan, frai Vidal
deu Calhau, frai Vidal de... (papier déchiré).
L'acte fut sigaë le 14 mai 1259 :
Testes sunt Vitalis de Beraut, Arnaldus de Navar, Willelmus de
Montcaup lo macip, Sans de Marquestaa, R. Od. de Beraut, Petrus
de Marmont lo macip, et ego Willelmus Motas, communis notarius
Condomensis, qui prsedicta omnia scripsi, et in publicam formam
redegi, et duas cartas ejusdem tenoris inde confeci, quarum abbas et
Conventus pnedicti habuerunt unam et dictus Vitalis alteram. Anno
Domini mccl nono, régnante Alfonso Comité Tholosano, Augerio
abbate Condomensi (1).
Dom Esliennot nous signale à cette époque un nouvel
abbé de Flaran :
Petrus d^Asperinha (Pierre (VAsperrens), abbas idem forte qui
supra sedet anno mcclxv (1265), quo Geraldus de Casalibono, domi-
oelius, nonnulla cessit apud Gimbellam (2).
Les luttes entre les abbés de Flaran et leurs puissants voi-
sins, les seigneurs des environs, ne se terminaient pas toutes
aussi pacifiquement que celle-ci. En ces heures troublées,
elles surgissaient à tout propos, et c'était le fer à main qu'el-
les étaient presque toujours résolues. C'est durant la seconde
moitié du xin* siècle, et pour ces motifs, que s'éleva, autour
de l'abbaye de Flaran, celte série de châteaux- forts, tous
construits sur le même modèle, d'un type absolument spécial
à la Gascogne, et dont les plus remarquables spécimens,
encore assez bien conservés, sont les châteaux du Tauzia et
de Massencomme. Ceux de Saint-Orens, de Roquepine, de
Pouypetit, de Maignaut, du Guardès, de Lagardère, etc.,
dont il ne reste plus que des débris, datent également de
cette époque, où les seigneurs ne pouvaient espérer trouver
(1) Archives du séminaire d'Auch, n* 8,491. C. 70. L. 139. Orig. sur parchemin,
(2) Dom Estiennot, Bibl. Nat.» fonds latin, n* 12,752, fol. 189.
— 232 —
quelque sûreté que derrière leurs sombres cl épaisses
murailles.
La Gascogne, en effet, était en feu. Les Anglais cherchaient
toutes les occasions d'envahir le pays et d'y établir leur
domination et dans les moments de trêve, c'étaient les
barons, de quelque importance qu'ils fussent, qui se livraient
entre eux à des luttes souvent sans merci. On connaît la ter-
rible affaire de 1272, où Géraud V, comte d'Armagnac, après
les démêlés qu'il eut avec les habitants de Condom, vint pro-
voquer sous les murs du Sempuy {Summum Podium) Géraud
de Cazaubon, retiré dans le château qui couronnait la ville.
On sait que ce dernier, dans une sortie mémorable, tua lui-
même d'un coup de hache Arnaud Bernard, frère du comte
d'Armagnac, se rua avec sa vaillante petite troupe sur l'ar-
mée du comte, la tailla en pièces ou la força à s'enfuir. Mais
Géraud revint avec des forces considérables. Il eut vite raison
de l'offense qui lui avait été faite, et malgré les secours que
Géraud de Cazaubon reçut du roi de France, il prit d'assaut
la ville rebelle, la réduisit en cendres, et extermina la plupart
de ses habitants. Le château du Sempuy devint la proie des
flammes, et Géraud de Cazaubon y trouva la mort avec sa
femme et sa fille (1).
Les moines de Flaran durent supporter le contre-coup de
cette terrible lutte. Car ils possédaient déjà alors près du
Sempuy un vaste domaine, au Ueu appelé La Grangette, que
nous leur verrons échanger plus tard contre la métairie de
Lauzit.
Comment, du reste, l'abbaye, sous les murs de laquelle
passait et repassait sans cesse cette multitude de soldats pil-
lards, aurait-elle pu résister à leur audace et souvent à
leur haine, si elle aussi, à cette époque où de simple pouvoir
monastique elle était devenue véritable pouvoir féodal, elle
(1) Voir sur cette affaire Dom Vaissette. Mss. d'Aignan, l'Art de vérifier les
dates, Monlezun, Samazeuilb, etc.
— 233 —
ne s'ctail pas fortifiée? Nous croyons, en effet, que c'est à la
fin- du xin* siècle que les moines construisirent son mur
d'enceinte, et fortifièrent principalement le côté sud de Tab-
baye, le seul vulnérable, en élevant la porte crénelée et per-
cée de meurtrières qui subsiste encore au milieu des cons-
tructions modernes de la ferme de la Madeleine. La Baïse,
à Test, et le canal du moulin, au nord et à Touesl, la proté-
geaient suffisamment des trois autres côtés.
P. Benouville, Ph. Lauzun.
{à suivre.)
Cette double signature était déjà imprimée lorsque nous avons appris
la mort de M. Pierre Benou ville (1) frappé subitement le matin du
15 avril; à Tàge de 38 ans, en pleine voiede succès et de fortune. Cette
perte sera vivemement sentie dans le département de Lot-et-Garonne,
auquel Benouville était attaché comme architecte diocésain et dans
celui du Gers, dont il allait publier les Monuments dans nos Archives
de Gascogue. Nous avons tout lieu d'espérer que cette publication,
déjà préparée par de nombreux dessins, se poursuivra et s'achèvera,
grâce à des travailleurs dévoués et avant tout à un excellent dessina-
teur, frère de Téminent artiste.
Mais qui consolera sa veuve, ses deux jeunes enfants, les nombreux
amis que lui avaient valu ses rares qualités de cœur, et les admirateurs
de son talent aussi distingué que modeste et qui semblait destiné à
un si brillant avenir?
(1) Nous empruntons quelques lignes biographiques sur lui à un article du
Journal de Lot-et-Garonne :
« Fils d'un peintre distingué et neveu du célèbre auteur de la Mort de saint
François d'Assise, l'un des chefs-d'œuvre du Louvre, IMerre Benouville était
lui-même un dessinateur de rare talent. Aux Salons de 1876 et de 1877, des
.médailles d'honneur avaient couronné ses succès d'école, et les publications
auxquelles son nom refete attaché attestent les brillantes espérances qu'il était
permis de fonder sur sa carrière.
» Comme tous les élèves les plus remarquables de Viollet-le-Duc, il joignait
à une connaissance approfondie des lois du dessin une érudition archéologique
impeccable
» Il y a quinze jours à peine, Pierre Benouville recevait du Conseil des monu-
menis historiques, la mission de procéder à une étude d'ensemble sui les prin-
ripaïix monuments civils, religieux et militaires de notre département. En juil-
let il devait commencer l'exécution de cette grande œuvre que son magnifique
talent aurait rendue des plus fécondes pour l'histoire del'Agenais... »
MARINS BASQUES & BÉARNAIS
ESQUISSES BIOGRAPHIQUES
III
PIERRE DULIVIER
CHEVALIER DK l'oRDRE MILITAIRR DE N.-D. DU MONT-CARMEL,
GOUVERNEUR DES VILLE ET KORT DE POXDlCïïÉRY,
DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA COMPAGNIE DES INDKS.
« Des cinq grandes puissances marilimes de TEurope au
» seizième et au dix-seplième siècle, — écril le colonel Mal-
» leson dans sa remarquable Histoire de VInde (1). — la
» France fut la quatrième à établir des relations commercia-
» les avec Tlnde. Le Portugal, la Hollande et TAnglelerre
» avaient déjà recueilli des profils considérables de leurs
» entreprises avant que rallenlion du peuple français eut
» èlè suffisamment attirée vers ce but. Néanmoins, quoique
» le dernier à tenter Faventure^ et ne le faisant que lorsque
» ses trois devancières avaient déjà poussé dans le sol de
x> profondes et solides racines, son génie se manifesta bientôt
» de manière à le mettre rapidement à la hauteur de ses
» rivaux les mieux places. »
Après avoir rappelé que ce fut Henri IV qui, le premier,
posa les bases d'une compagnie des Indes Orientales; que le
privilège, concédé en 4604, fut renouvelé en juillet 1615 par
le roi Louis XUI; que Richelieu échoua, comme ses prédé-
cesseurs, dans ces vastes projets de colonisation, Timparlial
(1) Histoire des Français dans Vlnde^ d4»piUs la fondation de Pondichèry
Jusqu'à la prise do cette aille (1674-1761), par le lieutenant-colonel Mallc-son,
traduction de M" S. Le Page, Paris, 1874, in-8*.
« 235 —
auteur arrive au ministère deColbert. 11 entre alors dans de
nombreux détails et décrit longuement Texpédition organisée
par Caron et l'amiral La Haye, et leurs entreprises commu-
nes, couronnées de succès, sur plusieurs villes de la côte de
Coromandel. Après ces deux chefs d'entreprises, le colonel
nous présente François Martin, le fondateur de Pondichéry,
et rappelle l'habile politique de cet homme qui, à la tète de
quelques compajjnons, sut « par son énergie, sa persévé-
» rance, sa douceur à l'égard des indigènes, son équité dans
B les transactions », jeter les fondements d'un splendide
édiQce dont l'honneur devait revenir à ses successeurs.
« Jamais aventurier, si même en bonne part on peut lai
» appliquer cette épithète, n'eut les mains plus pures, ne
» fut plus entièrement dévoué aux intérêts de la France et
» plus insoucieux des siens propres (1). »
Martin disparu, son successeur immédiat, Pierre DuUvier,
obtient à grand'peine de l'historien anglais, non quelques
lignes, mais quelques mots.
Cet injuste oubli, gardé également par plusieurs autres
auteurs, nous voulons essayer de le réparer. Il nous semble
que ce prédécesseur de Dupleix, comme lui sacriQé à de viles
intrigues, mérite mieux qu'une passagère mention, et que
son nom doit prendre place parmi ceux des hommes qui ont
servi la France avec quelque honneur et quelque proQt.
Lorsque, le 6 août 1699, Dulivier débarqua à Pondichéry,
il y avait à peine cinq mois que F. Martin avait repris posses-
(1) On trouvera l'éloge de François Martin, chevalier de Saint-Lazare, anobli
pour ses nombreux services, dans tous les ouvrages écrits sur la marine fran-
çaise, mais principalement dans le Nouoeau voyage aux grandes Indes, par
l.uillier, Kotterdam. 1726, m-12 ; — V H L-ito ire des Indes Orientales, anciennes
et modernes, par Tabbé Guyau, Paris, 1744. 3 vol. in-12; — V Histoire générale
des co^ar/es, par rabbé Prévost, Paris, 1715-1770, in-4', tome ix; — Notices
statistiques sur les colonies françaises, Paris, 1837-1840, 4 vol. in-8*;— l'His-
toire de la marine française, parle comte de Lapeyrouse-Bonflls, Paris, 1845,
3 vol. in-4*: — V Histoire de la rivalité des Français et des Anglais dans
l'Inde, par L. Herman, Paris, 1852, in-8'; —etc.
— 236 —
sion de cette ville au nom du roi Louis XIV et de la compa-
gnie royale de France (4).
Les Hollandois ont fait naistre de grandes difficultés, écrivait alors
noire héros (2), parce que l'article de paix qui regarde Pondichéry
n'est pas bien expliqué, de manière que, quoyque nous soyons dans la
forteresse, on peut dire que nous n'en sommes pas les maîtres : ils
gardent une des portes et tiennent le vilage. On attend des instructions
d'Europe pour aplanir toutes les difficultés.
L'évacuation hollandaise s'opéra peu de jours après, et
Dulivier put bientôt s'embarquer pour le Bengale, dont il
avait la promesse d'être Directeur général, en remplacement
de M. Deslandes, titulaire actuel, rappelé en France sur sa
demande.
Quoique jeune encore (3), Pierre Dulivier avait fait ses
(1) A la fin d'août 1693, une flotte hollandaise de vingt-six navires, portant 3,500
marins et soldats, était venue assiéger Pondichéry. Entouré de 30 à 40 Euro-
péens et de 300 indigènes, Martin résista durant quarante joiu*s. Le 6 septembre
intervint une capitulation qui livrait Pondichéry à la Hollande. Le traité d^
Ryswick nous ayant rendu cette place, Martin fut de nouveau appelé à la tôle
de son gouvernement.
(2) Sous la cote 44,267, 1699-1705, les archives municipales de la ville d«
Bayonne possèdent un volumineux: dossier composé de quarante-quatre lettres
adressées du Bengale par P. Dulivier à divers membres de sa famille, résidant
à Bayonne, et notamment à son cousin Léon Dulivier. Ces lettres, auxquelie*?
nous ferons de fréquents emprunts, contiennent de très nombreux détails sur
rinde, la Chine, la Perse, et sur les établissements français, hollandais et anglais.
M. L. Hiriart, l'aimable et savant bibliothécaire de la ville de Bayonne, avait eu
un instant Tintention de publier cette correspondance. Mais, absorbé par d'im-
portants travaux, il a bien voulu renoncer à ce projet en notre faveur. Qu'on
nous permette de lui exprimer toute notre reconnaissance pour sa si précieuse
générosité et les nombreuses informations qu'il ne cesse de nous donner.
(3) Pierre Dulivier, né à Bayonne, rue du Pont Matou (depuis rue Chêgaray
et aujourd'hui rue Victor Hugo), avait ét*^> baptisé en l'église cathédrale de cette
ville, le 4 mars 1663. Il était le fils aîné de M. Pierre Dulivier, bourgeois, mort
en 1672, et de demoiselle Catherine de Laborde. De ce même mariage uaquiront
encore quatre enfants: Etienne, plus tard curé de Saiut-Picrre-d'lrube; Jeiui'
bourgeois et marchand; Marie, alliée à M. M* Claude Ravel, avocat; et Jeanne,
femme de Pierre Labat, aussi bourgeois et marchand.
La famille Dulivier appartenait à la riche bourgeoisie de Bayonne. Trésoriers
des deniers conununs de la ville, hommes d'armes, échevins, jmrats, dépun s
de Bayonne au Conseil de commerce à Paris, les Dulivier étaient, au xvin* «i''-
cle, divisés en deux branches. Pierrs Dulivier appartenait à l'aînée. Iji caiU'iie,
plus fortunée par siiite de son long séjour en -Angleterre et des grandes affaire^;
qu'elle y avait traitées, était alors représentée par trois frères, cousins-germain^
du futur gouverneur de Pondichéry : 1' Léon Dulivier, marié depuis 1683 a
— 237 —
preuves pour mériter ce poste fort enviable. Elevé en Angle-
terre,
Il avoit, pendant plusieurs années, dirigé à Londres une maison de
commerce fort considérable, ayant succédé à des oncles qui avoient
l'établissement avant lui et dont la réputation étoit connue de toute
TEurope. Pendant son séjour à Londres, il y avoit acquis une parfaite
connoissance des différentes marchandises intéressant le commerce
des Indes dans la plupart des villes du royaume. La descente du prince
d'Orange en Angleterre, en 1688, et la retraite du roy Jacques en
France, duquel il étoit connu et employé pour des affaires de confiance,
l'obligèrent de se retirer.
En l'année 1667, étant en France, à la suite du roy d'Angleterre à
Saint-Germain, la Compagnie des Indes Orientales, le connoissant de
réputation et capable de remplir un poste aux Indes, lui proposa de
passer à Pondichéry, lui offrant le poste de Bengale, qu'étoit le second,
parceque le sieur Deslandes, qui Toccupoit avec réputation et probité,
demandoit à repasser en France (1).
Dalivier accepta volontiers celle proposition. Il s'embar-
quait en février 1699, touchait au Cap de Bonne-Espérance
le 44 mai, cl, après avoir essuyé une horrible tempête non
loin (le Tîle de Ceylan, il arrivait à Pondichéry le 6 août.
Après avoir pris les ordres de M. Martin, gouverneur géné-
ral, Dulivier quittait Pondichéry le 17 août, sur le vaisseau
la Toismi d'or, touchait le 30 du même mois à Balassor (2)
et le 4 septembre se trouvait en vue des bouches du Gange (3).
En cet endroit, il fut obligé de prendre un navire de plus
demoiselle Laurence de Roll ; 2* Joseph Dulivier, qui, après avoir habité long-
temps Londj'es, s'était fixé à Paris; et 3' Jean Dulivier, doyen du chapitre de
Saint-Ksi)rit et chanoine de l'église cathédrale de Bayonne. — C'est h Léon
Dulivier que sont adressées la plus grande partie des lettres composant le dos-
sier 44,267.
(1) Archives de la marine : fonds des colonies. Mémoire de P. Dulivier, dressé
en 1717, au roi et à son conseil de marine.
(2) Ville et port de la province d'Orissa, dans le Dekkan.
(3) Le fleuve sacré de l'Inde, le plus grand de l'Hindoustan. Il prend sa source
dans l'Hymalaya, et après avoir reçu les eaux de vingt rivières, il se jette dans
l'Océan par dix-sept embouchures principales, occupant sur la côte une étendue
de cinquante myriamotres. C'est la grande voie commerciale de la riche et fer-
tile contrée nommée le Bengale.
— 238 —
petit tonnage, à cause de la saison avancée et des gros cou-
rants. Remontant ensuite la rivière THougly (4), il débarquait
le 19 septembre sur le mole du cheMieu du comptoir français
dans le Bengale (2).
11 n'y a pas de ville qui porte ce nom, — écrivait Dulivier quelques
mois après son arrivée, — et le comptoir que nous avons icy (Hou-
gly) (3) est conligu à une aidée ou habitation qu'on appelé Chander-
nagor (4). Le terrain appartient à la compagnie, et les psuples qui y
sont luy payent une rente qui n est pas bien considérable. Nous som-
mes parfaitement bien logés et on peut dire qu'il n'y a pas dans les
Indes une plus belle maison ny mieux entendue. Au rez de chaussée
se trouvent la chapelle et la sacristie : la maison est élevée d'un étage
et flanquée de deux ailes, dans lesquelles nous logeons. Tout autour
un très vaste jardin, avec un étang au milieu. Nous avons deux grands
magasins détachés du corps de logis, vis à vis Tun de l'autre, à chaque
bout desquels il y a diverses salles occupées par les employés. Il y en
a encore d'autres éloignés, quoique pourtant dans l'enceinte, qui ser-
vent à loger les sergeants et autres personnes. Le long de la muraille
qui borde le Gange, se trouve un magasin pour les matériaux et autres
choses nécessaires pour les vaisseaux : un second pour le salpêtre et
(1) Hougly, — alias Hoiigli et Hagly, — bras principal du Delta formé par le
Gange et sur lequel s'élèvent les villes de Calcutta, Chanderuagor et Hougly.
(2) Ancienne soubahbie de l'empire Mogol, ayant une étendue d'environ 125
lieues de long sur autant de large. Au dire des auteurs de cette époque, le pays
du Bengale « était regardé comme le plus fertile de toutes les Indes, en sucre,
» soie, fruits, salpêtre, lacque, cire, civette, opium, poivre et ris, dont il fournit
» les provinces éloignées. Le pais est coupé de fréquens canaux, qui servent à
j» l'arroser et à faciliter le transport des marchandises; ils sont bordés de bourgs
» et de villages bien peuplés, et de grandes campagnes de ris, sucre, froment,
» légumes, sezame, grenadiers, citronniers, orangers et de quantité de petits
» mûriers pour la nourriture des vers à soie. C'est principalement dans celte
» contrée qu'on voit des rinoceros et des muscs. Les plus beaux joncs que Ton
» aporte en Europe viennent de ce roïaume. 11 y croit une espèce de petites
» cannes, beaucoup plus déliées que l'ozicr, dont les habiians font des vases,
» qu'ils enduisent de lacques en dedans, et qui contiennent toutes sortes de
» liqueurs aussi sûrement que l'argent ou le verre. On y recueille une certaine
» herbe qui pousse d'abord une tige assez haute, de la grosseur du doigt, ensuite
» des feuilles, et au-dessus un gros bouquet en forme de houpcs. Les Indiens
» le ûlent et en font des t;ipis, des couvertures et de fort belles étoffes, sur les-
» quelles ils représentent toutes sortes de figures. » (Hitttoire des Indes Orien^
talcs, par l'abbé Guyon, t. ii, p. 27).
(3) Le comptoir frant^ais d'Hougly était sur la rivière de ce nom, à quelques*
kilomètres des facioteries anglaise et hollandaise.
(4) Etablissement français sur la rive droite de THougly. Il n'acquit de Tim-
portance que trente ans plus tard.
— 239 —
les marchandises de volume. Au bout, un bastion de briques, qui bat
la rivière et les terres avoisinantes ; on y peut mettre 10 à 12 pièces de
canons en batterie. Un bastion pareil bat également la campagne. Les
cuisines et les offices sont à une petite portée du corps principal. Enfin
pour ne rien oublier, je vous dirai encore que au-dessus de la maison
principalle se trouve une belle terrasse, et sur le devant une galerie
qui communique dans tous les appartements et qui est contenue par
diverees arcades qui forment en bas une orangerie.
Le poste, vous le remarquerez, est très bien choisi, et le commerce
avec le pays y seroit des palus faciles (1), si la compagnie ne laissoit
pas manquer trop souvent le comptoir des fonds nécessaires (2).
M. Deslândes accueillit avec la plus grande bienveillance
son jeune successeur. Il sa hâla de le présenter au personnel
placé sous ses ordres, de rinltior au roulement des affaires,
eafln de lui remettre les livres et la caisse du comptoir d'Hou-
gly. Avant de quitter définitivement cette province, où il avait
su, avec des moyens précaires, seconder les généreux efforts
du gouverneur général Martin, il tint à faire visiter au nouvel
arrivant toutes les dépendances du comptoir et à le chaude-
ment recommander aux Directeurs des deux compagnies
anglaise et hollandaise, établies à Hougly, avec lesquels il
avait constamment entretenu les meilleurs rapports.
Si jesuccédois à un homme ordinaire, — constate modestement Duli-
vier dans sa correspondance, — mon embarras ne seroit pas si grand
qu'il est : mais quand on est obligé de soutenir une si grande réputation
que celle que mon prédécesseur s'est acquise, je vous avoue que ce tra-
vail surpasse mes forces. Je ne puis pas me promettre d'atteindre, ni de
jamais approcher, cette profonde capacité et cette étendue de lumières
qui lui fesoient pénétrer dans un moment les aflaires les plus difficiles.
(1) Le commerce d'Hougly, ou du Bengale, était excessivement varié. Outre
les produits déjà indiqués, on trouvait encore dans le pays des casses ou mous-
selines doubles ; des doréas ou mousselines rayées ; des tangcbs ou mousselines
serrées; des amans ou toiles de coton; des soieries, des taffetas, des satins, des
brocarts et d'admirables broderies d'or et d'argent. Les colons filés, les laines,
les cires, l'indigo, les laques, la myrrhe, les muscs, les parfums, l'ambre gris,
le salpêtre, le borax formaient encore une branche importante du commerce.
Enfin le Bengale possédait une mine de diamants, d'une limpidité et d'une
richesse extrêmes.
(2) Archives de Bayonne, 44,267. n* 8.
— 240 —
Ses manières douces, agréables et généreuses fesoient qu'on ne sortoit
jamais méconlant d'auprès de luy et qu'on recevoit en quelque manière
avec plus de plaisir ses refus qu'on ne reçoit souvent les grâces d'autres
personnes qui n'ont pas le talent d'obliger de bonne façon. Aussi, vous
voyez, mon cousin, que la prodigieuse irrégularité qui se trouve entre
mon prédécesseur et moi seroit capable de me décourager sy je n avois
une grande confiance dans le Tout-Puissant (1)
Le départ de M. Deslandcs (2) plaçait donc Diilivier à la
tête des affaires du Bengale. Depuis déjà quelques années la
situation de la compagnie des Indes était loin d'être pros-
père (3). Mal dirigée, privée de capitaux suffisants pour lutter
contre les Anglais et les Hollandais, dans Timpuissance de
faire elle-même des expéditions directes, la compagnie ne
subsistait que par la vente de nombreuses licences; et pen-
dant que les négociants qui les achetaient faisaient leur for-
lune, les directeurs réalisaient à peine de quoi empêcher leurs
employés de mourir de faim (4). Si, grâce à Tintelligence, à
la boime direction de Martin, Pondichéry continuait à pros-
pérer, les autres comptoirs se soutenaient, se protégeaient à
grand'peine.
Surale (5), qui, en 1672, après Tabandon de Madagas-
(1) Archives de Bayoïmo, 41,267, ir 14.
(2; Dt'signé un instant comme devant succtklor à François Martin, à Pondi-
chéry, M. DcvSlandcs s'embarqua pour la France en janvier 1702. Anobli par
Louis XIV pour ses services dans l'Inde, il fut en 1704 envoyé dans nos posses-
sions d'Amérique en qualité de commissaire ordonnateur. 11 mourut à Saint-
Domingue en 1707.
(3) On sait que cette Compagnie, créée en 1664 par Colbert, avait obtenu, par
édit royal, pendant cinquante ans, le droit de commerce exclusif avec Tlnde.
Son privilf^ge ne devait prendre fin c^u'cn 1714. — La Sociétû des Etudes histo-
rigws de Franre vient tout dernièrement do couronner une Hist. de la com-
pufjnio des Indos, écrite, d*ai)rés de nombreux documents oflicieis, par M. .^•
Clarin de la Kive. Mais comme cette Histoire est encore inédite, on trouvera de
nombreux renscignoments, ainsi qu'un r<'sumé fort exact des principaux faits et
gestes de la compagnie, dans V Histoire dos Indes Orientais de l'abbé Guyon.
Consulter également les ouvrages, déjà cités, de Luillier et du colonel Malleson.
(4) Colonel Malleson, op., cit. p. 31.
(5) Ville importante du Ciuzerate, dans le Haut-Indoustan. I es Portugais s'y
établirent en 15:10, les Anglais en 1009 et les Hollandais en 1616. La création de
la loge française ne remontait qu'à 1605. « l'ne partie de cette ville esloit jiavéc
» de porcelaine et queUiues maisons en esioient revêtues avec un art qui saisis-
» soit l*î voyageur d'admiration. » ^^Luillier, ibid.).
— 241 —
car (1), était devenu le siège des affaires françaises dans
rinde, perdait peu à peu toute son importance, surtout
depuis que le Conseil supérieur de Tlnde avait été établi à
Pondichéry. À la fin du xvii* siècle, cette factorerie, qui avait
pour Directeur un sieur Pilavoine, n'était d'aucun avantage
pour la compagnie. Son commerce était des plus languissants.
Dulivier nous apprend que, menacé, en 4703, par un corps
considérable de troupes de Ram Radjah, prince gentil de la
dynastie de Sevadji, le directeur Pilavoine ne put grouper
autour de lui que cinquante-cinq défenseurs. Cependant la
contenance de ces braves fit une telle impression sur les
Maharattes, « gens peu disposés à aller à l'assaut et à affron-
ter le feu du canon », que ceux-ci se rejetèrent sur les fau-
bourgs, pillant et incendiant tout ce qu'ils trouvaient.
Ils se répandirent ensuite dans la campagne, ou presque toutes les
aidées ou villages à dix-huit ou vingt lieues à ia ronde eurent le même
sort, tellement que le pays a été tout à fait ruiné et sera hors d'état de
pouvoir jamais se remettre (2).
Les factoteries secondaires de Mazulepatam (3), fondée en
1669, par le persan Marcara, de Chandernagor, dont la créa-
tion remontait à 1688, celles de Balassor et de Kassimba-
zar (4), étaient, en 1700, d'une importance toute restreinte.
Elles ne devaient acquérir de l'autorité et de l'influence que
beaucoup pins tard. Les comptoirs de Tissery, de Bendor-
Abassi, dans le golfe Persique, et de Siam, s'éteignirent après
quelques années d'une existence peu brillante.
Hougly était donc l'établissement français le plus impor-
tant après Pondichéry, Mais, de même que cette ville, son
existence était grandement menacée. Son commerce ne se
(1) Histoire et géographie de Madagascar» par Macé Descartes, Paris, 1846,
in-^*.
(2) Archiv. de Bayonne, 44,267, n* 29.
(3) Chef-lieu de la province de ce nom et le meilleur port de la cote du Coro-
mandel.
(4) Petite ile située dans le Gange, un peu aunlessus du Delta.
— 24â —
soutenait plus qu'au moyen d'emprunts onéreux, sans cesse
renouvelés. Celte ressource menaçait même de lui faire
défaut, car les indigènes n'ignoraient pas que les rapports de
la compagnie avec ses représentants devenaient chaque jour
plus tendus et plus incertains (!)•
A. COMMUNAY-
{A suivre.)
BIBLIOGRAPHIE
L*abbô Joachim Gaubin. — La sainte chapeUe de Notre-Dame de Goueyte
en Rivière-Basse, diocèse d'Auch, autrefois diocèse de Tarbes. Tarbesy
impr, J.'P. Larrieu, 1889. 56 pp. in-8\
Ne négligeons pas cette heureuse occasion d'attacher à notre livrai-
son de mai un nom bien peu connu jusqu^ici de notre livre < mariai >
de la Gascogne. L'opuscule de M. J. Gaubin, mon excellent collaborateur
et ami, m'arrive presque au dernier moment; mais je l'avais déjà lu par
parties dans le Souvenir de la Bigorre et il ne faut d'ailleurs ni beau-
coup de temps ni la moindre peine pour le relire sous sa forme défini-
tive.
La position oh fut la chapelle de Goueyte est tout d'abord admira-
blement décrite. L'auteur a été bien inspiré par les beautés pittoresques
qui s'offrent aux yeux « à la jonction des deux plaines de l'Arros et de
l'Adour, » du haut de ces monticules qui vont rejoindre, au sud, les
plateaux du Rustan. Il a été bien servi surtout par sa profonde
connaissance des annales sacrées et profanes du pays de Rivière-Basse;
chaque ruine se relève pour lui des ombres du passé, chaque localité a
son histoire, chaque nom est gros de souvenirs. Celui de Goueyte
(roman français. Guetté) convient bien au plateau qui sans doute fut
(l) « Le Conseil supérieur de Pondichéry ne pouvait à cette même époque
« s'empêcher de craindre que le moment ne fût proche où Pondichéry se rer-
» rait abandonner comme cela était arrivé pour Surate et Madagascar. » (Colonel
Malleson, p.' 31).
— 243 —
un poste d'observation avant de porter la dévole chapelle de Notre-
Dame.
Quelle fut Torigine de cette fondation? M. Gaubin publie (p. 4-5,
note), d'après le Glanage de Larcher, une charte gasconne de 1308, où
déjà se trouve la mention de « Sente Marie de Gueite » et où le terri-
toire qu'elle occupe est attribué à « madone Guillelme. » C'est évidem-
ment Guillelmette, fille de Gaston VII de Béarn et de Mathe de Bigorre
et qui, après la victoire de son père sur Esquivât, petit-fils et héritier
de la comtesse Pétronille, devint dame de Rivière-Basse.
« Il est fortement à présumer, dit l'auteur, que cette pieuse dame,
pour remercier le ciel des succès de Gaston qui lui valurent la qualité .
de souveraine de Rivière-Basse, peut-être aussi à litre de réparation
pour le sac de l'abbaye de Tasque, se sera concertée avec les moines
de ce monastère, coseigneurs de Goueyte, pour l'édification d'une cha-
pelle expiatoire sur « lo terratori de madone Guilhelme » et qu'elle l'aura
comblée de libéralités. »
Quoi qu'il en soit de ces intentions, d'ailleurs très dignes d'une des
bienfaitrices de la Case-Dieu, la fondation de Notre-Dame de Gouevte
vers 1290 reste probable. Il est certain que celte église était paroissiale
au commencement du quatorzième siècle. Mais rien n'indique, à celte
époque reculée, l'habitude de s'y rendre en pèlerinage. La dévotion des
peuples a pu s'y attacher à l'occasion des terribles fléaux de la seconde
moitié du xv® siècle et des deux siècles suivants. Mais le premier texte
précis qui en fasse mention est de 1645, et il semble fixer avec préci-
sion le commencement de la « dévotion extraordinaire » pour l'église
de Goueyte à l'année 1643. L'évêque de Tarbes, Salvat d'Yharse II,
approuva et régla ce mouvement populaire et il érigea la chapelle en
consorce ou collège de quatre prêtres. Les processions des paroisses
voisines y affluaient, spécialement aux fêles de Notre-Dame des Neiges
(5 août) et de la Nativité (8 septembre). Le concours des pèlerins ne
cessa que par ordre d6 l'autorité diocésaine, en plein dix-huitième siècle.
L'évèque Pierre de La Romagère (1751-1769) fut sans doute déter-
miné à cette suppression par quelqu'un de ces abus qui se glissent
aisément dans les réunions nombreuses ; mais peut-être céda-t-il un
peu, comme les meilleurs évêques le firent quelquefois vers cette épo-
que, aux tendances rigoristes et à la défiance à l'endroit des pratiques
traditionnelles. J'émets ce soupçon, téméraire peut-être, à mes risques
et périls. M. Gaubin, plus prudent, se contente de dire : « H ne nous
appartient pas de juger, moins encore de blâmer, la conduite d'un
évèque. »
— 244 —
Le dernier fait de l'histoire de la chapelle, c'est la vente nationale
des édifices et des biens lui appartenant (1). Aujourd'hui « le cime-
tière de Notre-Dame de Goueyte et le sol sur lequel était bâlie la
sainte chapelle , sont, du moins en partie, traversés par le chemin qui
conduit de Tieste à Belloc; une croix indique la place de l'autel, dit-
on... » Ce sont les termes du pieux historien; ils montrent bien à quel
point la destruction est arrivée. M. labbé Gaubin ne met que plus
d'éloquence et de zèle à réclamer la restauration du vénéré sanctuaire
et le renouvellement des pèlerinages et des processisns vers la chapelle
et vers la source miraculeuse qui Tavoisinait.
Je suis loin d'avoir donné une idée suffisante des faits et des docu-
ments réunis et agencés dans cette modeste mais savante notice. En
particulier j'ai passé entièrement sous silence, outre bien d'autres détails,
les deux importants chapitres « Dons à la sainte chapellç, — Trésor
de la sainte chapelle », les plus intéressants peut-être pour les chroni-
queurs et les archéologues. Je veux signaler au moins, dans ce dernier,
la description de plusieurs objets sacrés, appartenant aujourd'hui à
l'église de Belloc, dont le territoire embrasse celui de Goueyte. A ces
descriptions sont joints de bons dessins de M. l'abbé J. Dulac, repré-
sentant : des poinçons imprimés sous un calice et un ciboire, un blason
buriné sur le pied du même ciboire, et un plat de quête inscrit. D'après
l'interprétation très ingénieuse et assez probable de M. Gaubin, le tout
trahirait une origine espagnole et une date postérieure à 1681, mais
antérieure à 1700.
On voit que Topuscule de notre excellent collaborateur intéresse l'ar-
chéologie et l'histoire provinciale, en même temps que la piété des
fidèles serviteurs de Notre-Dame de Gascogne.
Au moment de donner lo bon à tirer de cette dernière feuille, je reçois
le fascicule xvu' de nos Archives historiques de la Gascogne (2). C'est la
ir partie dos Sceaux gascons du moyen-âge (gravures et notices), pu-
bliés par lo très regretté M. Paul La Plagne-Barris. Contentons-nous de
dire pour aujourd'hui, que ce magnifique volume (|)p. 197-537), renferme
plus de 400 gravures de sceaux seigneuriaux, accompagnées de notices. et
de documents concernant une foule de familles nobles de la Gascogne.
L. C.
(1) M. Gaubin, non sans motifs, rapporte à Goucyte-Belloc (sa « sainte cliâ-
pelle ») la mention de Giwyte, dans VAnntiaire du Gers de 1888, mentioii que
M. Breuils (/?. de Gasc. xxix, 523, note 2) avait appliquée à Gueyte-Aoeron,
(2) Auch, Cochai'aux frères; Paris, Hon. Champion. Prix (pour les non-sous-
cripteurs) : 12 francs.
LA CULTURE DE LA VIGNE
DANS LE BAS-ARMAGNAC.
Les documenls plus ou moins anciens qui nous ont servi pour cette"
étude regardent presque exclusivement la commune de Cazaubon;
mais nous pensons que les données qui en résultent peuvent s'appli-
quer généralement aux terres du Bas-Armagnac.
Le plus ancien de ces documents, le seul qui puisse nous renseigner
d'une manière certaine pour cette époque reculée, est la Reconnaissance
féodale de 1477, en faveur de Madeleine d'Armagnac. *
Malheureusement, il ne nous est pas parvenu dans son intégrité;
mais il en reste des fragments sur chacune des huit sections de la
commune de Cazaubon, qui nous permettront de juger de la situation
de la culture de la vigne dans son ensemble.
L — PROGRÈS DE LA CULTURE DE LA VIGNE.
Malgré son état de délabrement, la Reconnaissance de 1477 contient
le dénombrement de 88 propriétés; sur ce nombre, 28 seulement pa-
raissent renfermer des vignes. Il est permis de croire que la même
proportion existait sur tout le territoire de la communauté; c'est-à-
dire qu'à cette époque, environ les deux tiers des tenanciers ne culti-
vaient pas la vigne. Nous remarquons d'ailleurs qu'on ne consacrait
alors à cette culture que de petites parcelles, tout au plus quelques
lattes (1), et toujours non loin des habitations.
Il est probable que la plupart des vignes étaient hautes et échalassées
et que les sillons étaient très rapprochés les uns des autres, ce qui obli-
geait de les travailler à la bêche. Nous retrouvons cette façon de culture,
du moins en partie, dans les âges suivants. Dans les actes de vente,
quand il s'agissait d'exprimer la contenance d'une pièce de vigne,
(I) Il fallait 25 lattes pour un journal, qui n'était lui-même que les 89 parties
et fraction d'un hectare. Chaque latte faisait environ 3 ares 50 centiares.
Tome XXX. —Juin 1889. 17
— 246 —
surtout lorsqu'elle était de peu d'importance, le notaire, au lieu de re-
chercher le nombre de lattes, se contentait de mentionner celui des
hommes nécessaires pour la travailler dans un jour. J'en trouve
des exemples assez nombreux jusque vers 1680. Cela suppose
évidemment que le notaire, les intéressés et les témoins étaient par-
faitement fixés sur la quantité de terrain en vigne qu'un homme pou-
vait bêcher dans un jour : ce qui nous paraîtrait comme impossible,
si ce genre de travail n'avait pas était très commun. Nous trouvons
d'ailleurs que l'usage de planter des vignes à sillons serrés s'est per-
pétué, comme nous l'avons déjà dit, pendant les deux derniers siècles,
du moins pour les pièces de petite contenance. Il en restait des échan-
tillons, un peu partout, vers 1840. Mais, à cause de la difficulté du
travail à la bêche, elles ne tardèrent pas à disparaître entièrement. Nous
avons pu constater également que les vignes échalassées étaient, le
plus souvent, surtout dans l'ancien temps, un mélange de plants
blancs et rouges, qui produisaient un vin clairet fort agréable et des-
tiné sans doute à la table des familles aisées de la contrée. Quand ces
vignes étaient entremêlées d'arbres fruitiers, elles prenaient le nom de
« vergers. » Il était peu de maisons bourgeoises qui n'eussent un vei^r
près de leur habitation. Ces vignes, qu'on appelait aussi pacherenques,
à cause des échalas, nommés vulgairement pacA6?^s (paxillà), disparu-
rent presque de partout, durant le cours du dernier siècle, et cédèrent
la place à des vignes non échalassées et au plant qui porte le nom de
piquepout et qui produit l'excellente eau-de-vie du Bas-Armagnac.
Maintenant, pour nous rendre compte du progrès de la culture des
vignes pendant le seizième siècle, il nous faut descendre de la Recon-
naissance de 1477 au Terrier de 1600, établi par ordre et sous l'auto-
rité de François d'Aubijoux, comte d'Amboise, alors chef des Baron-
nies d'Auzan. Car nous n'avons à notre portée aucune autre pièce
qui puisse nous éclairer. Ce document authentique, et parfaitement
conservé, nous apgrend que sur 552 propriétaires, habitants de la ju-
ridiction ou forains, 368, ou environ les deux tiers, possédaient des
vignes. Il est donc certain que cette culture avait fait de grands progrès
pendant ce long intervalle de 123 ans ; puisque les viticulteurs n'étaient
que le tiers en 1477, et qu'ils formaient environ les deux tiers du
nombre total des propriétaires en 1600. Encore faut-il remarquer
qu'il n'y avait que les tout petits tenanciers, possédant à peine quelques
lattes, qui fussent privés de cet avantage.
Les possesseurs de vignes tenaient dans leurs mains 4110 journaux,
tandis que les 184 qui en étaient dépourvus n'en occupaient que 546,
— 247 —
y compris les forains, qui, généralement, ne possédaient, sur notre
territoire, que des prairies, des bois et surtout des landes. C'étaient ces
derniers qui détenaient une grande partie des propriétés privées de
vignes.
Cette culture continua à progresser pendant le xvii™® siècle. Pour
nous en convaincre^ nous n'avons qu'à comparer le terrier de 1600
avec celui de 1686, qui nous est également parvenu dans une parfaite
intégrité. D'après ce dernier document, le nombre des propriétaires a
subi une grande diminution. De 552, en 1600, il est descendu à 467,
en 1686 : 76 tenanciers ont donc disparu, dans ce laps de temps, et
plusieurs domaines se sont arrondis. Le nombre des possesseurs de
vignes a aussi un peu diminué; de 368 il est tombé à 343, Mais celui
de ceux qui en étaient privés a diminué dans des proportions bien
plus considérables : de 184, en 1600, il est réduit à 122 en 1686. De
sorte que le possesseurs de vignes, qui n'étaient que les deux tiers des
propriétaires à la première date, en formaient presque les trois quarts
en 1686.
Si nous considérons la contenance de chacun des deux groupes,
nous trouverons une disproportion bien plus considérable. Les 345
propriétaires viticulteurs tenaient 5,011 journaux, tandis que les 122
n'ayant pas des vignes n'en occupaient que 367; de sorte que ces der-
niers n'avaient, en moyenne, que deux journaux chacun, tandis que
les premiers en possédaient 14, aussi en moyenne.
Il est probable que la contenance des forains avait fortement dimi-
nué. Si les terrains avaient exprimé distinctement l'étendue du terrain
en vignes de chaque propriété, il eût été plus facile de constater par
là les grands progrès de cette culture. Mais ils ne donnent cette conte-
nance que pour les pièces isolées. Sinon, ils portent : Un tel possède
une maison, grange, jaixlin, verger, vignes, prés, champs, bois et lande,
en un tenant, contenant x journaux, plus une pièce de champ, vignes
et pré, en un tenant, d'une contenance de x journaux et x lattes, etc.
11 est impossible de démêler la part de chaque nature de terrain. Néan-
moins nous pouvons juger par les pièces isolées que retendue des
vignes a considérablement augmenté. Car, dans le terrier de 1600, on
rencontre bien rarement une pièce d'un journal, tandis que, dans
celui de 1686, nous en trouvons beaucoup d'une contenance de plu-
sieurs journaux. Il est plus que probable que les vignes, contenues
indistinctement dans les groupes de terrains de plusieurs natures,
avaient gagné, en étendue, dans la même proportion.
Cet accroissement dans la culture de la vigne ne cessa pas et même
— 248 —
s'accéléra dans le siècle suivant. Les grandes familles et notamment
celle de Maniban lui donnèrent une grande impulsion. Le chef des an-
ciennes Baronnies avait soin de laisser, chaque année, une somme
assez forte entre les mains de ses fermiers, pour y planter des nou-
velles vignes, ou pour améliorer les terres. Ses vassaux, principale-
ment les plus aisés, encouragés par cet exemple, convertirent en vigno-
bles leurs terres les moins productives. On excita les métayers à faire
des plantations à leurs frais, en leur abandonnant tout le produit
d'un certain nombre d'années. M. Cailhava, notaire, abandonna, en
1756, au métayer d'Arnaude, au Sentex^ les récoltes des six premières
années d'une vigne plantée dans ces conditions. En 1721, le sieur
Despiet, aussi notaire^ promit également le fruit de six années d'une
vigne, dans sa métairie de Pichot, à Jean Tachousin du Lanas, à con-
dition qu'il la soignerait en père de famille et remettrait tous les pieds
qui viendraient à périr.
Cet usage s'est conservé jusqu'à ces derniers temps. J'ai été moi-
même témoin de semblables plantations, dans les premières années de
mon séjour à Barbotan, vers 1840.
Pour faire une plantation, l'autorisation du chef de la province était
nécessaire. Mais ce n'était, du moins dans le dernier siècle, qu'une
simple formalité. Cette permission n'était jamais refusée. Il suffisait
que, dans un semblant d'enquête, deux voisins ou deux amis afinmas-
sent que ce terrain était impropre à toute autre culture. Le grand
avantage qui en résulta, c'est que les terres les plus improductives, où
l'on ne récoltait que du millet, de la milhade et de l'orge, se couvrirent
de superbes vignobles et firent ensuite la richesse du pays.
• Avant le milieu du xviii® siècle, sans parler des maisons seigneu-
riales, qui tenaient le premier rang dans les diverses cultures, nous
voyons plusieurs familles bourgeoises en possession d'une grande
étendue de vignes (1).
Le Bas-Armagnac était déjà riche d'une immense étendue de vigno-
bles à la fin du dernier siècle. Mais cette culture prit un développe-
ment beaucoup plus considérable dans la première moitié du xix® et
surtout pendant le second empire. Le haut prix du vin, occasionné par
les ravages de l'oïdium, qui, durant plusieurs années, respecta le
piquepout de notre région, y produisit un véritable enthousiasme pour
(1) Ainsi celle de Genous de Larroque en possédait 28 journaux en 1740,
comme nous l'apprenons par un inventaire fait à Toccasion d'une succession.
On en comptait 12 journaux sur la propriété de Sancet en 1756.
— 249 —
celte culture. On peut dire que plus des deux tiers des terres laboura-
bles se trouvaient plantées, lorsque cette maladie commença à se mon-
trer vers 1870. Les récoltes diminuèrent graduellement, et finirent
par disparaître, presque en entier, sous ^influence délétère du mildew.'
Il serait difficile d'apprécier la quantité des vignes arrachées pendant
ces dernières années. Le succès du sulfatage, en 1887, a réveillé la
confiance. Il est probable que si ce traitement réussit à faire dispa-
raîlre ce fléau, on ne tardera pas à les remplacer par des plantations
nouvelles.
II. — PRIX DES TERRES PLANTÉES EN VIGNES.
Observons d'abord que la vigne a toujours tenu le premier rang,
quant à la valeur, parmi les terres de diverse nature, mais que les prix
de ventes faites à la même date peuvent avoir entre eux des différen-
ces considérables, selon les qualités du terrain, et selon les soins d'une
bonne ou d'une mauvaise culture.
Nous partons des premières années du xvii® siècle; le peu d'actes
antérieurs que nous avons sous la main se bornent à détailler les
confronts, sans mentionner la contenance. Pendant le cours dudit
siècle, le^i prix varient de 75 à 350 livres le journal. Naturellement
ils croissent avec les années, mais non pas d'une manière régulière :
nous trouvons souvent des points d'arrêt et même des mouvements
rétrogrades. En prenant trente ventes, en diverses années, j'obtiens
pour le xvii° siècle une moyenne de 171 livres le journal. Le prix des
vignes hautes était un peu plus élevé que celui des basses, plantées de
piqaepout,
La valeur des terres plantées continua à croître dans le siècle suivant.
La convenance, la proximité de la ville ou d'un gros hameau, une
fertilité extraordinaire pouvaient quelquefois donner à une pièce de
vigne une valeur exceptionnelle. Ainsi je trouve une vente, en 1774,
à 675 livres le journal, et une autre, en 1777, à 700 livres. Ces prix s'é-
cartent trop du cours ordinaire, à cette époque, pour que nous y ayons le
moindre égard. En prenant, pour le dix-huitième siècle, la moyenne d'un
gi-and nombre de ventes en divers temps, nous obtenons environ
300 livres le journal. Dans le partage d'une succession, en 1740, les
vignes sont estimées 250 livres le journal. Dans un autre partage, en
1745, elles sont portées à 300 livres. Je trouve encore ailleurs une esti-
mation par arbitres à 400 livres. Je puis donc croire que la moyenne
de 300 Uvres, pour le xviii® siècle, est très près de la vérité.
— 250 —
Ce prix continua à s'élever : je trouve uneni05^enne de500fr. Thec-
tare pour les premières années de noire siècle. Un peu plus tard, les
vignes se vendaient de sept à huit cents francs l'hectare. Vers 1850,
pour les vignes bien tenues, le prix était de mille à douze cent francs.
Mais à partir de 1852, le haut cours des eaux-de-vie leur donna soudai-
nement une valeur extraordinaire, de deux à trois mille francs Thee-
tare pour les ventes au détail.
Les maladies de l'oïdium et du mildew les ont ramenées au-dessous
du prix moyen du xvni® siècle; de sorte qu'on aurait peine de trouver
des preneurs, même à ce prix. On commence à espérer (1888) que le
sulfatage, en détruisant le mildew, ramènera les beaux jours dans ce
pays si éprouvé.
III. — DE LA QUANTITÉ ET DU PRIX DES VINS.
Parlons d'abord de la quantité du vin produit dans le Bas- Arma-
gnac pendant les deux derniers siècles. Nous ne nous arrêterons pas
longtemps sur celte question, qui se trouve comme résolue par le P^^'
mier point de cette étude : « du progrès de la culture de la vigne; » i^ ^^^
évident que la quantité du vin récolté doit être en rapport direct avec
rétendue des terres plantées. Nous pouvons en conclure qu^ dès les
premières années du xvii® siècle, chaque propriétaire possédant quel-
ques journaux de terre cultivait, pour le moins, quelques lattes ae
vigne rouge ou blanche, et que, généralement, sauf les accid^ï^ls de
grêle ou de gelée, il n'était pas privé de l'usage du vin. Les grands
propriétaires en récoltaient déjà au-delà de leur consommatiaJ^- ^^^
excédent devait donner lieu à un petit commerce, parmi le^ ^^"^'
tants de la région. Il est probable qu'une exportation sérieuse ^® ^
produisit que plus tard, avec l'abondance des eaux-de-vie. Il est iJi^l^''^
d'ajouter que la quantité du vin s'accrut rapidement, en même temps
que rétendue des vignobles, à tel point qu'il devint et qu'il est oTicore
aujourd'hui le principal revenu du pays.
Recherchons maintenant quel fut le prix du vin dans ces di^'^'"^
temps. Notons d'abord qu'il fut toujours des plus variables - "'^^
d'une fois on le voit monter ou descendre d'un chiffre consid^^^^
dans un délai de quelques jours. Une forte gelée, une fausse po"^^^'
un temps défavorable ou de belles vendanges inattendues^ ^^'
fisaient pour produire ces soubresauts en avant ou en a**^^^^*^'
C'est encore aujourd'hui, de tous les produits de la terre, l^ P^^^
sujet aux changements soudains . Nous ne trouverons donc pa^ ^^^
— 251 —
marche ascendante régulière. Nous pourrons néanmoins constater cette
progression en établissant, comme pour la valeur du terrain, la moyenne
du prix dans chaque siècle.
Dans le xvii* siècle, la barrique ne contenait généralement que 32
veltes, ou 256 bouteilles, environ 250 litres; ce que Ton appelait
« barrique à petite jauge. » Nos calculs sont basés sur cette mesure.
Celle a à grande jauge , » dont il est quelquefois question et dont l'u-
sage devait prévaloir vers la fin du dernier siècle, contenait 40 vel-
tes.
Les documents que je possède ne me permettent pas de porter mes
vues au-delà de 1600. Pendant le cours de ce premier siècle, le prix du
vin oscille; en opérant sur un grand nombre d'années, je trouve un
prix moyen de 13 livres la barrique.
Pendant le siècle suivant, ce prix varie de 9 à 40 livres; mais les
ventes les plus ordinaires flottaient entre 15 et 25 livres la barrique.
En opérant comme ci-dessus, nous obtenons, pour le xvni® siècle, une
moyenne de 19 livres 10 sous. On voit que le progrès est considérable.
En 1777, les vins acquirent une valeur exceptionnelle : je trouve des
ventes à 45 et à 50 livres. Il est probable que la récolte avait complè-
tement manqué l'année précédente. Car 1777 eut des vendanges des
plus abondantes. A Maniban, et sans doute ailleurs, on fut obligé de
creuser de nombreux trous ou bassins, dans le sol des granges, pour
y loger l'excédent de la récolte, qu'on se hâtait de convertir en eau-de-
vie. Ce procédé s'est conservé dans le pays; j'en ai vu moi -môme
l'application, t Barbotan, en 1840. Naturellement le prix baissa, après
les belles vendanges de 1777. Je le trouve à 20 livres, au commence-
ment de 1778. Mais il devait y avoir une autre cause : le prix de la
barrique remonta à 45 livres pendant l'été de la môme année, pour re-
descendre à 21 livres après vendanges et à 10 livres en 1779.
Les vignes rouge? avaient dû disparaître presque totalement du
pays. Car, à partir de 1778, je trouve des achats de vin de Buzet,
rendu à Cazaubon, au prix de 33 à 35 livres la barrique. Cependant
quelques rares propriétaires s'étaient procuré des plants rouges de
bonne qualité, et avaient réussi à obtenir d'excellents vins. Mais
c'étaient des exceptions. L'oïdium, qui attaquait de préférence les
plants lins, en a d'ailleurs détruit un certain nombre il y a une qua-
rantaine d'années.
Si, passant au xix® siècle, nous faisions, sur les divers prix des
années déjà écoulées, le môme calcul que sur ceux des çiècles précé-
dents, nous trouverions, sans aucun doute, un progrès beaucoup plus
— 2f52 —
considérable. Je ne crois pas que ce prix soit descendu au-dessous de
20 fr. la barrique de 320 litres, sauf peut-être dans quelque année
d'extrême abondance et pendant les vendanges lorsqu'on éprouvait de
rembarras à loger tout son viYi. Je me souviens d'avoir entendu parler
de ventes, dans ces circonstances, à 15 et 18 fr. la barrique. Mais j ai
vu, deux ou trois fois, ce prix dépasser 100 fr. Il est probable que la
moyenne des ventes de ces années approcherait du prix le plus élevé
du siècle précédent. Ce qui a valu à notre piguepoid cet enchérisse-
ment, c'est une appréciation meilleure, au loin, des eaux-de-^ie du
Bas-Armagnac, dont nous entretiendrons prochainement les lecteurs
de la Revue de Gascogne.
DUCRUC,
Curé-doyen de Cazaubon
Pour une plus complète intelligence des études de M. le curé-doyen
de Cazaubon sur l'histoire de la vigne et de l'eau-de-vie en Bas-
Armagnac, — en faveur surtout des lecteurs étrangers à ce pa}^, —
nous donnons ici une demi-page de l'excellente Topographie des
vignobles du Gers et de l'Armagnac, par M. Jules Seillan (3® édit.,
Paris, G. Masson, 1872, in-12) :
Œ L'Armagnac [viticole] se divise en trois zones : 1" le Bas-Arma-
guac; 2*^ la Ténarèze; 3*^ le Haut-Armagnac.
» I. Le Bas-Armagnac produit les premiers crûs. Il comprend,
dans le GerSy les cantons de Cazaubon et de Nogaro; — citons les
communes de Houga, Castex, Estang, Monguilhem et Cazaubon; —
et, dans les Landes^ la partie sud-est du canton de Gabarret, entre
autres communes Gabarret, Créon, Lagrange et Parlebosq; et Labasiide
d'Armagnac, dans le canton de Roquefort.
» La limite du Bas-Armagnac est, à Test, la chaîne de coteaux qui
sépare le bassin de l'Adour de celui de la Garonne (1) »
(1) Op cit., p. 17, 18.
LA GASCOGNE
ET LES PAYS LIMITROPHES
DANS LA LÉGENDE CAROLINGIENNE
Suite (*).
SU
LE PSEUDO-TURPIN
Voici le résumé de ce lexte, entrepris surtout, comme
celui de la Chanson de Roland, au point de vue de la Gas-
cogne et des régions adjacentes (!)•
Une nuit, Charlemagne aperçoit dans le ciel « une voie
d'étoiles, » qui s'étend de la mer de Frise au tombeau de
saint Jacques en Galice, Cet apôtre apparaît à l'empereur et
lui commande de délivrer son pèlerinage, dont la route
est souillée par les infidèles. Charlemagne obéit et part (2).
Les Francs victorieux arrivent devant Pampelune {Pampi-
lonia), dont les murs tombent miraculeusement devant les
assaillants. L'empereur visite le tombeau de saint Jacques,
et pousse jusqu'à Padron (5). Viennent ensuite les noms des
villes d'Espagne conquises par Charlemagne (4), qui détruit
toutes les idoles de la Péninsule, et notamment, à Cadix,
(•) Voir ci-dessus, livraison d'avril, p. 168.
(1) J'ai sous les yeux l'édition de M. Ferdinand Castets, Turpinl Historia
Karoli magni et Rotholandi. Paris, 1880.
(8) Pseudo-Turpin, cl.
(3) /rf., c. 2.
(4) Id., c. 3.
— 254 —
rimage de Mahomet désignée sous le nom d' « Islam » (1).
L'empereur victorieux fait construire une église superbe en
rhonneur de saint Jacques. 11 en fait élever d'autres à Aix-
la-Chapelle, à Toulouse (Tolosam), en Gascogne entre la ville
de Dax et Saint-Jean-de-Sordes, sur le chemin de Saint-Jac-
ques {inGasconia inter urbem quœ vuigo dicilur Axa et Sanc-
tum loannetn Sorduœ in via lacobitana) et à Paris (2).
Ici finit la première partie du Pseudo-Turpin, qui forme un
tout bien complet et nettement caractérisé. Voici maintenant
le résumé des autres chapitres qui sont, comme je l'ai déjà
dit, l'œuvre d'un moine de Saint-André-de- Vienne.
Charlemagne revint en France, et Aigoland {Aigolan-
dus) (3), roi païen d'Afrique, envahit l'Espagne. L'empereur
repartit pour ce pays avec son armée (4). Lui et les siens
séjournèrent à Bayonne, ville du pays des Basques {Baionam,
vrbem Basclorum). Là, un chevalier nommé Romaric, se sen-
tant près de sa fin, se confessa, communia, et ordonna de
vendre son cheval, pour en distribuer le prix aux clercs et
aux pauvres. Romaric mourut, et un de ses cousins dissipa
promptement en folles dépenses l'argent affecté d'une pieuse
destination. Trente jours plus tard, le chevalier apparut à
son cousin et lui dit : « Sache que Dieu m'a pardonné tous
mes crimes, parce que je t'ai confié mes biens afin de les
dépenser en aumônes pour la rédemption de mon âme. Mais
comme tu as retenu injustement mon aumône, j'ai souffert
pendant trente jours les peines du Tartare. Sache que demain
tu seras jeté dans le lieu infernal d'où je suis sorti pour aller
en paradis. •
Cela dit, le mort se retira, et le vivant effrayé se ré-
veilla. Dès le matin, il raconta publiquement ce qu'il avait
(1) Pseudo-Turpin, c. 4.
(2) Id., c 5.
(3) L' Aigoland du Pactido-Turpin n'a rien de commun que le nom avec celui
d* Aspremont, poème de xiii* siècle publié par Guessard. ,
(4) Psetido-Turpint c. 6.
— 255 —
VU. Toute l'armée s'entretenait d'un si grand événement.
Mais voilà que tout à coup on entendit dans les airs des cla-
meurs pareilles à des rugissements de lions, de loups et de
veaux; et, parmi ces clameurs, Thorarae fut enlevé tout vivant
par les démons du milieu des assistants. L'armée de Charle-
magne mit ensuite douze jours à traverser les déserts de la
Navarre et de l'Alava {Navarrorum et Alavarum), où on
trouva le corps de Thomme brisé sur un rocher dominant la
mer. C'est là que l'avaient jeté les démons qui avaient
emporté son âme dans le Tartare (4).
Ensuite, Charlemagne marcha contre Àigoland. Avant le
combat, les lances des chrétiens qui devaient bientôt périr
dans la lutte se couvrirent d'écorces et de feuillages. Aigo-
land battu se réfugia dans le pays de Léon (2).
L'année suivante, ce roi sarrasin rassembla d'innombrables
nations, Maures, Moabites, Éthiopiens, etc. A leur tète Aigo-
land s'avança jusqu'à la ville gasconne d'Agen {urbem yas-
conicam Agenni) et s'en empara. Puis, il fit dire à Charles
de venir vers lui pacifiquement, avec une troupe de soldats,
promettant de lui donner soixante chevaux chargés d'or,
d'argent et autres richesses, s'il voulait reconnaître son auto-
rité. Mais Charles, qui se défiait, partit avec dix mille hom-
mes d'élite. Arrivé à quatre milles d'Agen, il fit cacher pres-
que tous ses compagnons, et arriva avec soixante chevaliers
jusqu'à la montagne qui est proche de la ville {usque ad mon-
tem, qui est prope vrbem) et d'où on peut voir ce qui s'y
passe. Là, il renvoya son escorte, se dépouilla de ses beaux
vêtements, et se présenta sans lance, le bouclier en travers
sur le dos, selon la coutume des messagers en temps de guerre.
L'empereur pénétra ainsi dans Agen, sans être reconnu. Il
y fut reçu par Aigoland, explora la ville, remarqua la partie
faible de ses remparts, et rejoignit ensuite ses soixante cheva-
(1) Pseudo-Turpln, c. 7.
(2) /d., c. 8.
— 256 —
liers, poursuivi par Aigoland à la tête de sept mille hommes
montés. De retour en France, Charles rassembla des forces,
et revint sous les murs d'Agen, qu'il assiégea durant six
mois, en utilisant divers engins de guerre. Aigoland, finale-
ment abandonné par les rois et les seigneurs de son entou-
rage, se sauva par les latrines {latrinas), traversa la Garonne
{fluvium Guaronam), et échappa à Charles. Le jour suivant,
l'empereur entra dans la ville. Dix mille Sarrasins périrent par
l'épée. Le reste échappe à la mort en traversant le fleuve (1).
Aigoland se réfugia alors à Saintes {Santonas), qui était
au pouvoir des Sarrasins. On se prépara à faire bataille près
du château de Taillebourg {castrum, quod dicUur Taleburgus),
sur les bords de la Charente {fluvium nomim Charantam).
Les bois des lances des chrétiens qui devaient périr dans l'ac-
tion se couvrirent d'écorces et de feuillages. Les infidèles
furent battus, et Aigoland prit la fuite (2). Il franchit les ports
de Gize {porlus Cisef^eos), arriva devant Pampelune {Pampi-
tonam), et Charles s'apprêta à l'y poursuivre. Parmi les com-
pagnons de l'empereur signalés par le Pseudo-Turpin, figurent
notamment Roland, général des armées, comte du Mans, sei-
gneur de Blaye {Blavii dominus), Angeler, d'origine gasconne
{génère gasconus), et duc de la ville d'Aquitaine {Aquitaniœ),
sise entre Limoges, Bourges et Poitiers. Angeler conquit ces con-
trées, ainsi que la Saintonge et l'Angoumois. Le tout forma le
pays d'Aquitaine. Gaifer, roi de Bordeaux {rex burdegalensis),
était aussi là avec trois mille hommes. Cette innombrable armée
s'assembla dans les Landes des Bordeaux (m tandis burde-
galensibus). L'avant-garde, conduite par Arnaud de Ballanda,
passa les ports de Cize {porlus Cisereos), et arriva devant
Pampelune. Le reste suivait. Charlemagne et son entourage
fermaient la marche. L'armée couvrait tout le pays, depuis le
cours d'eau de la Rune {flamine Rumœ, variante Runœ),
(1) Pseudo-Turpin, c. 9.
(2) /rf., c. 10.
-. 257 —
jusqu^à une montagne distante de trois lieues du chemin de
Saint-Jacques (via iacobitana). Aigoland se prépara à combat-
tre (1). Pour gagner du temps, il conclut une trêve, promet-
tant de se faire baptiser, ainsi que son peuple (2). Le roi
sarrasin vint, en effet, trouver Charles, mais il refusa le bap-
tême (3). Alors commença la guerre dePampelune, où Aigo-
land péril de la main d'Arnaud de Ballanda (4). Certains
chrétiens de Tarmée impériale se montrèrent alors trop avides
de butin (5). Une croix rouge apparut subitement sur
Tépaule des soldats de Charles qui devaient trouver la mort
dans Texpédition contre le roi de Fouré. C'était Tempereur
qui avait demandé ce prodige. Les guerriers ainsi marqués
périrent, en effet, mais la bataille fut gagnée (6).
L'Espagne devint ensuite le théâtre d'une nouvelle guerre. A
Nardres, Roland tua un géant nommé Ferragus, qui était de la
race de Goliath (7) .La lutte continua sous les ordres d'Ebrhahim,
roi de Séville, et d'Altumajor, roi deCordôue. Cachés sous d'hor-
ribles masques, les païens attaquèrent les Francs en poussant
d'épouvantables cris. D'abord les chrétiens reculèrent; mais
ils furent vainqueurs le lendemain. Charles, maître de l'Es-
pagne, en fit le partage entre les peuples qui marchaient
à sa suite. Aux Bretons il donna la Navarre et le Pays Basque
. {lenam Navarrorum et Basclorum), aux Francs la Castille,
aux Grecs et Apuliens Nagera {Nageram) et Sarragosse, aux
Poitevins l'Aragon, aux Teutons l'Andalousie, aux hommes de
Dacie et des Flandres le Portugal. Les Francs refusèrent d'ha-
biter le sauvage pays de Galice (8). Cela fait, Charles prit le
chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle (9).
(1) Pseudo-Turpin, c. 11,
(2) /rf., c. 12.
(3) /rf., c. 13.
(4) W., c. 14.
(5) Id,, c. 15.
(6) /rf., c. 16.
(7) Id., c. 17.
(8) Id., c. 18.
(9) Id.. c. 19.
-- 268 —
Le PsetidO'Turpin célèbre ensuite les qualités physiques et
morales de Charlemagne (1).
Cependant, Marsile et Baliganl, tous deux rois de Sarra-
gosse, et envoyés par l'émir de Babylone, feignirent de se
soumettre à Tempereur, et lui envoyèrent trente chevaux
chargés d'or, d'argent et autres richesses, soixante chevaux
chargés de vin doux, et mille belles sarrasines. Par pure ava-
rice, et sans nul désir de vengeance, Ganelon trahit alors son
pays, et promit de livrer aux païens les meilleurs chevaliers
de l'armée chrétienne.
Les Francs se livrèrent d'ailleurs à des débauches faites
pour exciter le courroux céleste. Tandis que Ganelon endor-
mait leur prudence, l'arrière-garde de Charles fut attaquée subi-
tement à Roncevaux (in Runcievalle) par les Sarrasins de Mar-
sile et de Baligand, qui en firent un grand carnage (2). Tous les
Francs périrent, sauf Baudoin, Turpin, Thierry et Ganelon. Ro-
land tua Marsile. Puis, fatigué de combattre, il tenta vainement
de briser son épée Durendal sur un rocher de marbre (3). En
sonnant du cor pour appeler au secours, le héros se rompit
les veines du col. Charles entendit l'appel de Valcarlos (m
vaUe quœ Karoli dicitur). Roland en prières trépassa entre les
mains de Thierry (4). Ici le Pseudo-Turpin célèbre en dix dis-
tiques les mœurs et la générosité du paladin (5).
Le 17 mars, Turpin chantait la messe, quand il vit^ tout
à coup passer dans les airs les démons qui menaient en enfer
l'âme de Marsile, et les anges qui escortaient au ciel celle de
Roland. Presque au même instant, Baudoin apportait à
Charles la nouvelle de la mort de son neveu, qu'il fit embau-
mer (6). Les chrétiens vinrent relever leurs morts à Ronce-
Ci) Pseudo-Turpin, c. 20.
(2) Id., c. 21.
(3) /rf., 0. 22.
(4) /rf., c. 23.
(5) /rf., c. 24.
(6) Id., 0. 25.
— Ô59 —
vaux. Dieu arrêta le soleil^ afin de permettre à Charles de
tirer vengeance des Sarrasins. Le traître Ganelon fut jugé et
exécuté (1). On embauma les corps des chrétiens morts dans
le combat, avec des aromates et du sel (2). 11 y avait alors deux
cimetières fameux, Fun à Arles, aux Aliscamps {in Aylis cam-
pis), et l'autre près de Bordeaux. Celui-ci avait été béni par
sept évêques, Maximin d'Aix en Provence {Aquensis), Trophime
d'Arles, Paul de Narbonne, Fronton de Périgueux, Eutrope de
Saintes. Là furent inhumés la plupart des preux qui avaient suc-
combé à la bataille du mont Garzim {montis Garzim) (3). Charle-
magne conduisit jusqu'à Blaye {Blaviam) le cadavre de Roland,
et le fit ensevelir dans la basilique de Saint-Romain. Son cor
fut déposé dans celle de Saint-Seurin près Bordeaux. Proche
du bourg de Belin {Belinum), aujourd'hui compris dans le
département de la Gironde, furent ensevelis Olivier,Gondebaud,
roi de Frise, Ogier, roi de Dacie, Arastagne, roi de Bretagne,
Garin, duc de Lorraine, et quantité d'autres. A Bordeaux, dans
le cimetière de Saint-Seurin, on déposa Gaifer, roi de Bor-
deaux, Engeler, duc d'Aquitaine, Lambert de Bourges, Gelin,
Rainaud de Blanche-Épine, Gautier de Termes, Guillaume,
Bego, et cinq mille autres. Oelluset force bretons furent trans-
portés jusqu'à Nantes. Puis, Charlemagne et quelques-uns de
ses compagnons traversèrent la Gascogne et Toulouse {Gas-
coniam et Totosam), pour aller à Arles retrouver l'armée des
Bourguignons, dont ils s'étaient séparés à la vallée d'Osta-
barret (m Hosla vallé). Cette armée avait pris sa route par Mor-
làas {Morlanum) et Toulouse (4), pour ensevelir d'autres preux
dans les Aliscamps. Le Pseudo-Turpin parle ensuite d'un
concile convoqué par Charles, à Saint-Denis (5). Suit la des-
cription des sept arts libéraux (grammaire, musique, dialec-
(1) Pseudo-Turpin, c. 26.
(2) Id„ c. 27.
(3) /d., c. 28.
(4) Id,, c. 29.
(5) Id„ 0. 30.
— 260 —
tique, rhétorique, géométrie, arithmétique, astrologie), que
Charles avail fait peindre dans son palais (1).
Le PseudchTurpin raconle ensuite la mort de Charlema-
gne (2). Il se termine par un chapitre évidemment ajouté, et
qui contient le récit d'un miracle opéré par Tintercession de
Roland dans la ville de Grenoble.
Voilà l'analyse rapide du texte, que ja vais commenter main-
tenant au point de vue de la Gascogne et des pays limitrophes.
Jusqu'à ce jour, ce travail n'a tenté personne. Il n'a pourtant
rien de bien difficile; car l'auteur de la seconde partie du
PseudO'Turpin est visiblement fixé sur notre sud-ouest. Pour
faire court, je négligerai dans son texte les noms de lieux qui
ne soulèvent aucune difficulté, et que j'ai d'ailleurs idenliflés
au cours du précédent résumé. Mes recherches ne porteront
donc que sur huit éléments géographiques d'une véritable
importance, savoir : 1^ Saint-Jean de Sordes; 2" la Mon-
tagne sise près de la ville d'Agcn; 3^ les Landes de Bor-
deaux; 4* le cours d'eau de la Rune; 5" Valcarlos; G** belin;
7* le pays (TOstabarret; 8^ Morlàas.
1. Saint-Jean-de-Sordes {sanctus lannes Sorduœ, c. 5). —
Sordes était une abbaye de Bénédictins, sise dans le diocèse
de Dax. On Ut en tête du cartulaire de ce couvent qu'en l'an
800, Charlemagne, allant en Espagne, fonda l'abbaye de Sor-
des, et la fit consacrer par Turpin, archevêque de Reims, en
présence du pape Miloleon, dont le ppre était d'Étampes et
la mère du Périgord. Toujours d'après ledit cartulaire, Char-
lemagne, à son retour d'Espagne, aurait fait ensevelir à Sordes
l'archevêque Turpin, . et d'autres seigneurs Francs tués en
combattant les infidèles.
Ce récit est évidemment fabuleux. L'abbaye de Sordes {Sor-
dua) n'apparaît pour la première fois dans l'histoire que vers
(1) Pseudo-Turpin, c. 31.
(2) Id., 0. 32.
— 261 —
970, époque où Guillaume Sanche, qui se qualifiait de comte et
seigneur de toute laGascogue {Cornes et Dominns toliiis Vas-
coniœ), et sa femme Urraca, donnèrent à ce couvent Pèglise
(le Sainte-Suzanne de Larbaig, sans compter d'autres avan-
tages. Guillaume d'Orgon ou de Goron, qui vivait vers 1061,
est le premier abbé connu de ce couvent, sur lequel on peut
consulter la notice insérée dans le Galtia ChrisUana (1).
2. Montagne située près de la ville d'agen {mons qui est
prope urhem Agenni, c. 9). — Il ne saurait y avoir de doute à
cet égard. La seule montagne, ou plutôt colline, proche d'Agen
est située au nord de cette ville, et à 131 mètres au dessus du
niveau de la mer, d'après la Carte de l' Etal-Major, n"* 205.
Elle est appelée fautivement Mont Pompeian dans le Plan de la
viUed'Agen en 1874-1875 par M. H.-J. Caury. Certains auteurs
affirment qu'elles se nommait jadis Pompéjac. Aujourd'hui
les Agenais disent tantôt Saint-Vincent, tantôt Bellevue, et
plus volontiers le Coteau de l'Ermitage.
3. Landes DE BoKDEwx {Landœ burdigalenses, c. 11). —
Dans la portion occidentale de la Gascogne désignée sous le
nom général de Landes, la géographie usuelle de l'ancien
réginr»e distinguait trois régions :
Les Grandes Landes, qui s'étendaient du sud-ouest au
nord-est, depuis le Vieux-Boucau, Azur, Magescq, etc., d'une
part, jusqu'à Belin, Manos et leTursan, limitées au couchant
par )e Born, et au levant par le Condomois et le Bazadais.
Les Petites Landes, principalement constituées par le
territoire situé sur la rive gauche de l'Estrigou, affluent de
la Midouze, et débordant un peu sur la rive gauche de celte
rivière, jusqu'au nord de Saint-Pé, de Souprosse cl de Cauna.
Les Landes de Bordeaux, qui se développaient du nord-
ouest au sudest depuis les sources de la Jalle de Blanque-
(I) Gallia ChrisUana, i, 106-65.
Tome XXX. 18
— 262 —
fort jusqu'au Bazadais, ayant au couchant le Pays de Buch,
au midi les Grandes Landes, au levant et au nord la portion
de la vallée de la Garonne connue sous le nom de Pavs de
Graves. Sous les formes latine et française, le nom dfs Lan-
des de Bordeaux se rencontre parfois dans des documents
plus ou moins anciens, mais dont aucun ne remonte, à ma
connaissance, aussi haut que la rédaction de la seconde par-
tie du PseudO'Tiirpin.
4. Cours d'eau de La Rune {flumenRumœ, variante Runœ,
c. H).— Il faut lire à coup sûr Runœ, qui est la montagne de
la Rune ou Larune, sise au sud du hameau d'OIette (Basses-
Pyrénées), arrondissement de Rayonne, canton de Saint Jean-
de-Luz, commune d'Urrugne, Cette montagne domine au cou-
chant le cours de la Bidassoa, et au levant celui du ruisseau
de TArana (commune de Sare), affluent de la Nivelle. La carte
de TEtat-Major, n** 226, appelle ce petit cours d'eau le ruis-
seau « d'Olhette. » C'est aussi le nom « d'Olelte» que lui donne
Raymond (1). Il existe eu outre un troisième ruisseau, dit d'Hel-
barren (2), qui part du versant nord de la Rune, arrose la com-
mune d'Urrugne, et se jette dans le Lessanté, affluent de
l'Unxain, lequel se décharge dans la baie de Saint-Jeaa-de-
Luz. C'est évidemment le cours d'eau d'Hclbarren, continué
par le Lessanté et l'Unxain, que le Pseudo-Turpin entend dési-
gner sous le nom de fliimcn Runœ, et fautivement Rumœ.
5. Valcarlos {vallis quœ Karoli dicilur, c.24). — On n'a
consacré jusqu'à ce jour à ce territoire aucune notice docu-
mentée. Je suis donc tenu de combler cette lacune.
Valcarlos est une portion de l'ancienne Navarre espagnole
aujourd'hui comprise dans le district judiciaire d'Aoiz, qui
lui-même fait partie du tribunal supérieur et du diocèse de
Pampelune. La vallée dont s'agit se trouve sur le versant
(1) Raymond, Dlctionn. topogr, des Bassos-Pyrénées, art. Olotto.
(2) Id., ibid., art. Helbarren. Cf. Carte de V Etat-Major, ir 226.
— 263 ~
nord des Pyrénées occidentales, et forme comme un coin qui
pénètre d'une façon tout i fait anormale dans le territoire
français. Valcarlos est borné au nord par Laza et Banca
(France), à Test par Ontlarrola cl Arnegui (France), au sud
par Roncevaux, et à Fouesl par les Aldudes. On compte à
Valcarlos environ cent vingt-huit liabilalions, inégalement
réparties entre les hameaux de Gainocotela, Gaindola, Elizal-
dea, Azoleta et Pecocheta. Le total de la population est ofli-
ciellement de 962 âmes, dont 135 veciuos ou habitants
domiciliés.
En basque, Valcarlos se nomme Luzaide. L'an 1388, le
roi de Navarre y possédait une maison appelée del caballo
blanco, et une autre nommée Robray*(1). Un document de
1437 lui donne une tour fortifiée dite Echagaztalu ou maison
du château (2). Les possessions des roi de Navarre à Valcar-
los furent échangés par Tun d'eux contre les droits que
la collégiale de Roncevaux possédait sur les villages d'Are
cl Oricain, et les moulins de Languëta (3). En 1468, donation
par la princesse Doha Leonor à ladite collégiale des redevan-
ces dues par les habitants de Valcarlos (4). Les gens de ce
canton ne pouvaient loucher leurs troupeaux sur les monta-
gnes des Aldudes et de Valcarlos ou Luzaide, qu'avec la per-
mission de Bertrand Ezpelela. On plaida là-dessus à cette
époque, ainsi que sur le droit de forestage.
6. Belin {Belimnn, c. 29). — Il s'agit incontestablement de
Belin, commune de 1807 habitants, chef-lieu de canton dans
le département de la Gironde. Quelques érudits ont argu-
menté de la prétendue homophonie de Bolin et de Belendi,
pour cantonner dans cette localité les Belendi, peuple d'Aqui-
taine que Pline est seul à nous signaler (3). Je me borne à
(1) Archices do PampelunOf Comptes, tome 29, page 205.
(2) Id., caisson 140, n" 12.
(3) Id., Comptes, t. 29, p. 150.
(4) Id, caisson 103, n' 60.
(3) Plik. iVat. hUt. 1. iv, o. 33 (19).
— '264 —
signaler ici celle opinion, que je compte combattre ailleurs.
En altendant, je constate que la plus ancienne mention de
Belin est celle du Pseiido-Turpin. En 1262, on trouve l'ospUal
de Belin (1), le castrum de Belino en 1273 (2), etc.
Avant la Révolution, Belin dépendait de révéché de Bazas;
mais il n'en avait pas été toujours ainsi. Pour rétablir jMuvo-
querai d'abord une des Lièves quartières de Parchevêchè de
Bordeaux en 1420. On sait que rarchiprêtré de Cernés dépen-
dait de ce diocèse. Or, cette Liève donne audit archiprêtrè là
paroisse de Saint-Exupère de Belin, Sanctus Exuperius de
Belino. Une autre Liève de 1546 n'est pas moins précise là-
dessus que la précédente. Dans les deux, Belin figure en tête
des paroisses de l'archiprêtré. On trouve dans un ancien
pouillé, fréquemment utilisé par Fauteur des Variétés borde-
laises, Tabbé Beaurein : Prior de Belino, Bectorqiie Sancto-
rum Eocuperii de Bellino, Pétri de Sales et Martini de Mios
in Bornio. Pour bien saisir toute la valeur de cette énoncia-
tion, on doit songer qu'il existait jadis à Belin un hospice
pour les pèlerins qui se rendaient à Saint-Jacques-de-Com-
poslelle. Cet hospice était administré par des Frères, sous
l'autorité d'un prieur. Quand les pèlerinages eurent insensi-
blement pris fin, le prieur s'appropria les revenus considéra-
bles dudit hospice. La mention du vieux pouillé que j'ai
ci-dessus transcrite se trouve d'ailleurs confirmée par le
Pouillé général des bénéfices de la France, imprimé par
Aillot en 1604 : Prior de Bellino, Beclorque Sanctorum Exu-
perii de Bellino, Pétri de Salles et Martini de Mons (Mios) in
Bornio.
Il n'est donc pas douteux qu'avant d'être annexé au diocèse
de Bazas, Belin dépendait de celui de Bordeaux. L'époque de
cette annexion est inconnue. Cependant, on sait que sous la
domination anglo-normande, le Bazadais demeura longtemps
(1) Arch, hist* de la Gironde, m, 133*
(2) Id, V, 278.
— 285 —
au pouvoir des rois de France. Il est possible qu'alors les
Français s'élant emparés de Belin, qui était fortifié, le déta-
chèrent du diocèse de Bordeaux pour l'annexer à celui de
Bazas. Quoi qu'il en soit, le même état de choses persista
après l'expulsion des Anglais.
La seigneurie de Belin était importante. Au xiv' siècle,
elle appartenait à la maison du Soley, l'une des plus
puissantes de Bordeaux et de la province. On trouve ce
fief mentionné dans les Rôles Gascons (années 1314 et
1515), dans les Acla et fœdera regum Angliœ-ùe Rymer,
dans les Archives historiques de fa Gironde, etc. L'abbé Bau-
rein lui a consacré une notice spéciale, dont j'ai tiré grand
parti (1).
7** Pays d'Ostabarret {Hosla vallis, c. 29). — Ce district, où
l'on trouve les localités de Hosta etd'Ostabat, correspond bien
à la Hosla valtis du PscudoTurpin. Avant la Révolution, il
dépendait de la Navarre française, et comprenait les paroisses
ou communautés suivantes : Arhansus, Arros, Asme, Bunus,
Cibils, Hosta, Ibarre, Ibarrolle, Juxue, Larceveau, Ostabat,
Saint-Just, PagoUe. L'ensemble de ces territoires correspond à
la vallée de la haute Bidouze et de son affluent, le ruisseau
de Hosta.
Voici la toponymie ancienne du pays d'Ostabaret :
Terra Ostabaresiij xii® siècle; OsiacaleSy 1247 (coll. Duchesne,
vol. cxiv, {'"« 161 et 222). — Terra de Hostebaresio in Nacarra,
1305 (ch. de Navarre, Arch. des B.-Pyr., E 459. — Ostahares, 1308
(coll. Duchesne, vol. cxiv, P22A). — Osiabarea^ 1312 (ch. de Navarre,
Arch. des B.-Pyr., E. 459). — Hosia-Barisium, 1351; Ostaberesiurriy
1361 (Rôles gascons). — Ostabarees, v. 1405 (Arch. des B.-Pyr.,
Xot. df. Navarrenx). — La terre d'0stabare,14âl (Arch. des B.-Pyr.,
ch. du chap. de Bayonne) (2).
(1) Beau REIN, Variétés bordelaises, vi, 103-14.
(2; Raymond, Dlct. top. des Basses-Pyrénées, art. Ostabarret,
— 266 —
Parlons maintenant de Hosla et d'Oslabat, compris dans
le pays d'Ostabarret.
HosTA, canton d'Iboldy. — Ojsia, 1402 (Arch. dép. des B.-Pyr., oh.
de Nav. E. 459).— Hoste, 1472 (Arch. des B.-Pyr., NoL de la Bas-
tide-Vinefranehe; n'' 2, P 22). — Osta, 1513 (ch. de Pampelune). —
Hozia, 1621 (Martin Biscay). — Le ruisseau de Ilosta arrose Saint-
Just-Ibarre et Bunus et va se jeter dans la Bidouze (1).
OsTABAT, canton d'Iholdy. — Osiebad, 1167 (oartul. de Sordes,
p. 45). — Osiavat/lly xn® siècle (coll. Duchesne, vol. cxiv, f° 161). —
Aussebat, 1243 (rôles gascons). — Ostabailles, 1383 (ch. de la
Caraara de Co'mptos). — Sent-Johan d'Ostabat, 1469 (Arch. dép. des
B.-P5T., ch. du chap. de Bayonne). — Ostabag, Hostabat, 1472 (Arch.
dép. des B.-Pyr., not. de la Bastide- Villefranche, n° 2, F 22). —
Nostre-Dame de Vespitau d'Ostabaéy 1518 (Arch. dép. des B.-Pyr.,
ch. du chap. de Bayonne). — Osiabat-Asme, depuis la réunion
d'Asme : 13 juin 1841. — On dit en basque Izura,
Avant 1012, époque approximative de l'avénemenl dcCcn-
tulle-Gaston et de Gaston lll à la vicomte de Béarn, le pays
de Mixe et Ostabat appartenait encore aux vicomtes de Dax.
Mais l'un d'eux, Navarrus, ayant en guerre avec les vicorales
de Béarn, eut fief conquis. Certaines terres passèrent aux vain-
queurs, notamment le pays de Mixe et Ostabat, qui plus tard
furent détachés du Béarn et annexés au royaume do Navarre.
Ces* aussi à cesle conquestedu Vicomte d'Acqs, qu'il faut attribuer
rintroductiondu For de Morlasau pais de Mixe et d'Ostalxit, dont Gaston
accorda le bénéfice à ces peuples nouvellement conquis. De fait on Ut
dans le privilège accorde aux habilans d'Ostabat par Bra^e Garsiede
Luxe, qui vivoit en ce temps, et depuis par Amant Lnp de Luxe on
Tan 1269, que le lieu d'Ostabat est peuplé sous le For de Morlas; et
dans un vieux registre de la Cour de Mixe de Tan 1370, Tune des fwr-
ties allègue (pie suivant le For de Morlas, Ond nos em q/bratSj dit-il,
c'est-à-dire sous la règle duquel nous vivons, la preuve d'vn debie qni
excède quarante sols Morlas doit est refaite avec le duel, si on ne peut ius-
tifier autrement la chose. Ce qui est conforme, non pas au texte pn^ii
(1) Raymond, Dict. top» dus Bas6cs-Pyrc/iccs, art. Hosta.
— 267 —
du For de Morlas, mais aux iugemeus rendus par la Cour de Morlas,
suivant leur ancienne praciique qui sont insérés dans Tancienne com-
pilation de ce For (1).
Ainsi, le pays de Mixe el Ostabat furent distraits de la
vicomte de Dax après 1012 et réunis à la Navarre.
8^ MoRLAAs {Morlannm, c. 29). — CheMieu de canton du
département des Basses-Pyrénées, arrondissement de Pau.
Morlas, villa Morlanenais, 1080 (cart. de Morlàas, P 1). — Sancia-
Fides de Morlanis, 1109 (Bulle de Pascal 11^ d'après Marca, Hist de
Béarn, 302). — Sancta-Fides et S anc tus- Andréas MorlanenseSy
1115 (cartul. de Lescar, d'après Marca, Hist. de Béarn, 383.) — Vica-
ria Morlanensls, 1123 (ch. de Morlàas). ■— Morlars, xii® siècle (cart.
de Morlàas, f*' 5). — Morlanum^ 1270 (cartul. du château de Pau).
— Casiellum Mollans (Guillaume deNangis). — Morlens, Morlans
en Berne (Froissart). — Sancia-Fe de Morlàas, 1547 (Réform. de
Béaru, ^ 374).
Le prieuré de Sainte-Foi et Thôpital de Morlàas dépendaient de
Tabbaye de Cluny. — Morlàas possédait une commanderie de l'Ordre
de Malte sous le titre de Caubin et Morlàas; les Jacobins et les Corde-
liers y avaient des couvents. — Du x® au xn^ siècle, cette ville fut la
résidence des vicomtes de Béarn. — La charte de commune de Mor-
làas remonte à Tannée 1101. — Au commencement du xn* siècle, Mor-
làas comprenait le prieuré de Sainte- Foi, au N.-O. le Bourg de Saint-
Nicolas, à TE. le Bourg-Nèuf, à TO. Marcadet; en 1385 on y comptait
300 feux. — Elle était le siège d'un sénéchal dont le ressort comprenait
les cantons de Lembeye et de Thèze en entier; le canton de Morlàas,
moins Sendetz; le canton de Gaubin, moins Boueilh-Boueilho-Lasque
et Pouliacq; le canton de Montaner, moins Bedeille; les communes de
Caubios-Loos, Momas et Sauvagnon du canton de Lescar; Eslouren-
lies-Darré, Ger 43t Limendoux, du canton de Pontacq; le village de
Riumayou et les communes de Larreule et Vignes, du canton d'Ar-
zacq. — heparsan du Morlàas, créé par Henri II, roi de Navarre, se
composait du canton de Morlàas, moins Abère, Lespourcy, Lombia,
Saubole, Sedzère, Serrcs-Castet et Urost; des communes d'Eslouren-
ties-Darré et Limendoux, du canton de Pontacq; des communes d'Ar-
gelos, Lasclaveries, Navailles-Angos et Sévignacq, du canton de Thèze;
enfin du village de Boast. — La subdélégation de Morlàas, qui dépen-
(1) Marca, Hi^t. do Béarn, 400-1.
— 268 —
dit successivement des intendances de Béarn et Navarre, d'Auch et
Pau, de Pau et Bayonne, avait la même étendue que la sénéchaussée.
— La noiairie de Morlàas avait la commune pour ressort. — Les
annexes ou vies de Morlàas étaient autour de la ville : Dugat, la
Hagède, la Hourquie, Maucor, Morlàas, Bielle et Saint-Jammes. La
monnaie de Morlàas eut cours dans le midi de la France durant tout
le moyen-âge (1).
{A suivre.) Jean- François BLADÉ.
NOTES DIVERSES.
CCXLVL Sur Farchevêque d'Âuch Jean Flandrin.
M. R. Blanchard va publier, pour la Société de bibliophiles bretons, nu
registre de la chancellerie de Jean V, duc de Bretagne. Cet érudit a bien
voulu me communiquer une épreuve d'une page de son tnivail relative à
un archevêque d'Aucli au sujet duquel j'ai donné, dans la livraison de juin
1886, des renseignements empruntés à une publication de M. l'abbé Albanês.
J'espère que l'on aimera à rapproclier les indications fournies par l'ériidit
breton, des indications fournies parl'érudit provençal. T. de L.
« Mandement de main levée des bénéfices de m'' le cardinal d'Aux,
140(>, septembre. »
Nous pensons que ce cardinal d'Aux doit être identifié avec Jean Flan-
drin, archevêque d'Auch, créé cardinal en 1390, que Ciaconius qualifie de
Joannes dictas Auxiianus et le Nova Gallia^ de cardinal is de Auxioy du
nom de son archevêché. Si cette identification est exacte, notre document
ne serait pas sans importance pour la biographie de ce prélat, que le Gallia
Vêtus et Duchesne, qui l'a copié dans son llist, des cardinaux français^
font mourir en 1391. Le Gallia Nooa a montré, il es»t vrai, l'erreur du
Gallia Vêtus quant à cette date, en établissant que Flandrin vivait encore
en 1396; « sed quando dieni suutn obier il, nos latet, » ajoute-t-il; puis,
dans l'article de Jean d'Armagnac, successeur de Jean Flandrin, le Gallia
Nova insinue que ce dernier dut se démettre en faveur du premier, qui
avait eu la « procuration » de rarchevêchô d'Auch lors de la nomination
de Flandrin au cardinalat. Nos lettres de main-levée, de septembre 1406,
durent être précédées de lettres de main-mise, qui peuvent toutes deux
être une conséquence de la mort, probablement réc^.nte, xiu cardinal. Quoi
qu'il en soit, notre n' 335 semble donner raison à Claude Robert qui, dans
son Gallia Chriséiana, bien antérieur à ceux des Sainte-Marthe et des
Bénédictins (fautifs peut-être de ne pas l'avoir suivi sur ce point), disait, à
l'article des archevêques d'Auch : « Joannes Flandrini, cardinalis 13iK).
No/ninaiur in dedicationc S. Capellœ Bituricensis 1105. » — Voy. Gallia
CAm^f«/ia par Claude Robert (1G20), p. 23. — Gallia Chri^iiana(cc(mh
t. i(165()),p. \VZ, — Gallia Christiana (nora), t. i (171.")), col. 9î)7-în)8.-
Ducliesnc, Hist. des cardinaux français (IGGO), t. i p. 709-710. — Ciaco-
nius, Vitœ.,, pontificuni et cardinaliuni (édit. de 1677), t. ii, col. 088 et 7Jfô.
(1) Raymond, Dict. topogr. des Basses-Pyrénées, art. Morlàas.
LE SÉMINAIRE DIOCÉSAIN
DE CONDOM.
L'Eglise demanda toujoars la science à ses ministres, et
leur offrit les moyens de lacquérir; les moines eux-mêmes
n'élaienl admis dans les couvents qu'après avoir donné des
preuves de leur capacité, el Ton sait quelles facilités ils y
trouvaient pour s'instruire.
En ce qui concerne Condom, nul n'était admis au monas-
tère de Saint-Pierre qu'il ne snl lire et chanter; étions les ans,
selon les statuts de notre Eglise, dressés en 1343 par Pierre
de Galard, notre second évêque (1), deux religieux du chapi-
tre, choisis parmi les plus capables et les mieux doués, étaient
envoyés au loin pour se perfectionner dans les sciences.
Ceux-ci étaient examinés tous les deux ans par l'évêque et
le chapitre, et s'il était reconnu qu'ils eussent mis à profit le
temps passé dans les écoles, on les autorisait à repartir, s'ils
le désiraient; dans le cas contraire, ils restaient dans le cloî-
tre.
Cet usage, qui remonte au xiv siècle, et probablement
plus haut encore, parait s'être conservé fort longtemps dans
notre chapitre. Nous voyons en effet ce dernier allouer, en
lo7i, à l'un de ses membres, Jean Duchemin, la somme de
(1) V. le texte malheurcuseinent incomplet de ces Statuts dans le Cartulaire
ayant pour titre: Mémoires «ur le Diocèse do Conciom. m.d.c.c.l.x.xiv (pages
213 et 214). Ce recueil, composé par le fameux paléographe [.Archer, fait partie
des Archives municipales. Les Statuts de Pierre de Galard ont été publiés par M.
Noulens dans sgs Documents historiques sur la maison de Galard, iv, page 90
et suivantes. V. également la Bulle de sécularisation du chapitre de Condom, de
1548.
— 270 —
240 livres par an pendant le temps qu'il étudierait « aux
Universités avec Mgr de Condom » (1). Quelques années
après, en 1596, nous voyons le trésorier du chapitre payer
la somme de 200 livres à M' de Cous, chanoine, « pour la
pansion à luy accordée par le chapitre pandanl une année
pour ses estudes » (2).
Mais c'étaient là des études supplémentaires, en dehors de
l'enseignement préparatoire à l'état ecclésiastique, donné
dans les séminaires.
L'Eglise, dans tous les temps s'était efforcée de mettre cet
enseignement à la portée de ceux qui voulaient la servir; de
bonne heure divers Conciles avaient prescrit rinslilution
d'établissements où les jeunes clercs pussent s'instruire et se
former au sacerdoce.
Plus tard, le Concile de Trente (1545 1563) (sess. 23, de
reform. ch. 18) et depuis, l'Ordonnance de Blois de 1579
(art. 24), l'édit de Melun de 1580 (art. 1*^0^ ^^ Concile d'Aix
de 1585 (ch. 38), l'ordonnance royale de 1629 (3), prescri-
vent expressément aux évêques l'établissement des séminai-
res (4); leurs Bulles d'institution portent même l'obligation
de les ériger dans leurs diocèses s'il n'y en existe pas (5).
Nous pouvons ajouter que les actes du Concile provincial de
(1) Jean de Moulue, qui venait d'être pourvu de révéché de Condom, alla éUi-
dier en Italie sous la direction du chanoine Jean Ducheuiin, qui devait le rem-
placer quelques années après. La décision du chapitre est du 2 août 1571. (V.
Manuscrit Lagutère, pages 78 et 81. Ce précieux manuscrit est conservé à Con-
dom par la famille Lagutère.)
(2) 11 doit être question ici d'Antoine de Cous, neveu de Mgr Duchemin et
son futur successeur sur le siège de Condom; cette même année, ou Tannée
précédente, une pension avait été également accordée i\ « Monsieur de Hrach, cha-
noine, pendant ses études » (V. aux Arch. Communales le compte du chapitre,
année 1595-1596).
(3) Cette ordonnance fut rendue sur les plaintes et doléances portées aux états
généraux de 1614.
(4) Voici les termes du Concile d'Aix: Quamprlmum episcopi cum consUio
duorum do capitula et duorum de clero civitatis ad erectionem et dotation
netn scmlnariorum procédant juxta décréta 6'" Concilii Trld. et christiania-
ainii Régis Constitutiones.
(5) Mémoire des curés de Condom contre leur évéque en 1686. (Arch. pri-
vées).
— 271 —
Bordeaux tenu en i582 portent une loi semblable pour tous
lesévêques de la province (1).
Toutefois, pour des motifs que nous ne connaissons pas
suffisamment, tous les èvêques ne remplissaient pas leurs
devoirs à ce sujet; notre diocèse, en particulier, n'eut son
séminaire que vers la fin du xv»""' siècle.
Mgr Duchemin témoigna un instant Tintention de le fonder
et offrit aux consuls, en Tannée 1600 (2), de l'installer au
collège, dont il aurait augmenté les ressources; il leur pro-
posa même de faire venir un docteur de Sorbonne pour diri-
ger à la fois son séminaire et le collège, qui manquait alors
de principal. Les consuls se hâtèrent d'accepter ces proposi-
tions (3); malheureusement le prélat ne parait pas avoir
donné suite à son projet.
Cependant les avertissements ne lui manquèrent pas de la
part des consuls qui, dans le cours de leurs procès contre
révêque, lui firent de sévères représentations à cet égard, l'ac-
cusant de ne pas ce saliffaire anx sainctz canons et ordonnances
royaux », aux prescriptions du Concile de Trente et du
« récent sinode national de Bourdeaux ce que toutesfois,
ajoutent-ils, tous les autres evesques circonvoysins font, sca-
voir monsieur Tarchevesque d'Aux et Mgr. d'Agen qui entre-
tiennent le séminaire comme aussy l'evesque de Lec-
toure et de Bazax » (4).
(1) Bernard Dupuy, chanoine et archidiacre de Coudon assista à ce Concile
comme député du diocèse, le siège vacant.
(2) Il vrai que les Consuls lui avaient d(^j;\ fait des représentations à ce sujet.
(V. Jurade du 6 décembre 1597.)
(3) V. jurade du 2 octobre 1600 et de l'Etat des affaires de la ville, même
année.
(4) V. Jurades du 19 décembre 1611 et du 24 août 1612. V. aussi les Mémoires
dressés par les consuls contre Tévêque vers la fin de 1612 et transcrits dans le
registre des Jurades de cette année. Le prélat, fort mal traité dans ces mémoires,
y est dépeint, tantôt comme un plaideur acharné, « aymant mieux despendre
mil escus en chicane que un denier pour les pauvres ny une pite pour bastir les
esglizes...», tantôt conmie un avare « qui ne se soulcie que d'amasser trézor sur
trézor avec grande avarice, estant maintenant le plus riche évesque comme
cclluy qui possède de moyens de plus de trois cens mille escus, bien soit
extrait d'une maison basse du vilaige deTrignac » Les consuls lui reprochent
— 272 —
Mgr DuchemiQ ne tint aucun compte des « admonesta-
tions » des consuls. Son successeur ne nous parait pas da-
vantage s'être occupé du séminaire et nous arrivons à Tannée
1650, sous i'épiscopat de Mgr d'Estrades, sans qu'il soit ques-
tion de se conformer aux prescriptions du concile de
Trente.
A cette époque une tentative sérieuse eut lieu.
Un saint prêtre, « bachelier formé en théologie » (1) et
curé de Sainte- Cirice, Nicolas Pasquier, que Mgr de Cous
avait placé en 1633, à la tête d'une société de prêtres desti-
nés à desservir la chapelle de Notre-Dame de Pitié de Condom
résolut de fonder un séminaire pour le diocèse.
Le pieux chapelain de Piétat, qui depuis vingt-deux ans (2)
employait « ses seings et ses travaulx pour entretenir en lad.
chapelle et augmenter le culte divin et vénération de la trés-
saincte Vierge et pour instruire par le diocèze les peuples es
missions, » voulut perpétuer son œuvre et fonder en même
temps, « selon le concilie de Trente, dans le diocèze, une
maison où tous les ecclesiasticques et aultres qui se voudront
faire promouvoir aux sainctz ordres puissent, comme en un
séminaire de piété et d'érudition, se former et prendre l'es-
prit de la cléricature pour mieux par après, servir les cures
et paroisses. » Estimant que les Prêtres de la Mission, « gou-
vernés par Messire Vincent de Paul, supérieur général rézi-
dant à Paris à St Lazare » étaient propres à remplir le but
encore de faire « croistre l'herezie » par ?a négligence, au lieu de « l'extirper et
exterminer par bonne vie et bonnes exemple ». Us le menacent de demander
au Roi le démembrement de son évéché de Condom, qui est « de longue esiandue
laquelte vajusques à Textrémité du pais d'Albret, » et de faire créer un nouveau
siège à Nérac, « pour pouvoir mieux instruire et réduire ses diocézains d'Albret à
la religion catholique qui sont huguenotz. » Enfin ils ne parlent de rien moins
que d'envoyer « leurs plaintes » au « métrepoliuiin à messieurs les Cardi-
naux à Sa Majesté et en cour de Rome vers nostre sainct Père le Pape. »
(1) I.es bacheliers /ormes étaient autrefois ceux qui avaient fait les exercices
nécessaires pour pouvoir se présenter ou être admis à la licence.
(2) n avait été nommé chapelain de Notre-Dame de Pitié, eulgd Piétat, le 5
février 1628. On peut voir aux Archives hospitalières (Fonds Notre-Dame, B. 16)
les ordonnances de Mgr de Cous et autres actes relatifs à cette chapelle.
— £73 —
qu'il s'élait proposé, Nicolas Pasquier crut devoir s'adresser
à ces religieux, qu'il était « inlérieuremenl poussé à désirer
despuis longtemps ». A cet effet, et pour faciliter leur établis-
sement dans le diocèse, il leur donna, par acte du 22 janvier
4650, la nue propriété des bâlimenls qu'il avait élevés ou ré-
parés à ses frais près de la chapelle de Piétat, avec celle des
deux métairies de Juglaron et d'Auba qu'il possédait dans
la juridiction d'Eauze, ainsi que d'une somme de 1000 livres.
Cette donation était faite sous certaines réserves, mais sur-
tout à la condition que les biens qui en faisaient l'objet ne
pourraient « estre portés qu'en lad. chapelle à perpétuité, ny
employés qu'au service d'icelle et entretien du séminaire et à
faire des missions au présent diocèze pour l'instriiction du
peuple » (!)•
Néanmoins ce projet ne devait pas recevoir d'exécution,
soit que la dotation fût trouvée insuffisante par le supérieur
général de la congrégation (2), soit que des difficultés fussent
suscitées par les consuls, qui se prétendaient patrons de la
chapelle et qui, à ce titre, élevèrent leurs protestations contre la
donation faite aux Lazaristes (3), soit pour tout autre motif,
et Nicolas Pasquier fut obligé de renoncer à son pieux des-
sein (4).
Il ne fut rien fait sous Mgr de Lorraine, qui songea
pourtant à l'œuvre du séminaire, comme il résulte de
(1) V. acte du 22 janvier 1650 retenu par de Rizon notaire (Etude de M* Pré-
chac). Une expédition de cet acte se trouve aux Arch. hospitalières (fonds Notre
Dame, B. 16).
(2) La correspondance de saint Vincent de Paul au sujet de la donation qui lui
était faite existait autrefois dans les archives des Religieux de la Charité de
Condom ; elle a malheuresement disparu. Que sont devenues, hélas I ces pré-
ciei!ses lettres dont la mention figure au dos de l'acte du 22 janvier 1650, de la
manière suivante : Donnalion de M. Pasquier aux prestres de la Mission de la
chapelle de Nostre-Dame de Piétat, avec plusieurs lettres du S' Vincent de Paul
prestre de lad. Mission...! (V. Arch. hospit. fonds Notre-Dame, B. 16).
(3) V. Jurades des 9 et 13 février 1650; cf. jurade du 24 août 1612.
(4) Quelques années plus tard, en 1657, Nicolas Pasquier, du consentemeut de
Vincent de Paul lui-même, révoquait sa donation et renouvelait ses libéralités en
&vear des religieux de St Jean de Dieu qui dirigeaient depuis peu l'hôpital de
Condom (Arch. hosp. fonds Notre-Dame, B. 15.)
Tart. 242 des Statuts synndaux du diocèse, qaUl publia
en 1663.
Nous ordonnons, esl-il dit dans cet article, à tous ceux qui voudront
prendre les ordres de se présenter à nous un mois devant lordination,
afin que nous puissions nous informer de leur vie et mœurs et les exa-
miner dix jours avant celuy auquel ils devront estre ordonnés. Ils
feront une retraite dans le lieu que nous leur indiquerons à cet effet,
en attendant que noua ayons pu establir un séminaire,,,
Bossuet, successeur de Mgr de Lorraine, passa trop peu
de temps sur le siège de Condom pour pouvoir s'occuper de
cette fondation. Toutefois l'illustre évêque se réservait de
désigner lui-même les séminaires dans lesquels il exigeait
que les clercs qui voulaient être promus aux ordres sacrés
passassent au moins six mois (1).
Au sujet de ce délai de six mois, qui pourrait sembler
insuffisant pour la formation des prêtres, nous ferons obser-
ver que les séminaires n'étaient pas d'une manière générale
des établissements identiques aux grands séminaires actuels.
C'étaient bien des maisons de science, mais surtout des mai-
sons de retraite où les jeunes gens se formaient à la vie
sacerdotale sous la conduite de maîtres appelés directeurs (2).
On n'y professait pas généralement comme aujourd'hui des
cours complets de philosophie et de théologie. Les clercs qui
entraient dans les séminaires avaient déjà pour la plupart
étudié ces sciences (3) dans les collèges, dans les Universités
ou sous la direction de professeurs particuliers.
(1) C'est ce qui ressort de ses ordonnances publiées en synode à Condom le
16 juin 1671 dans lesquelles se trouvent énumérées les conditions do science et
de piété que devaient remplir les asi)irants au sacerdoce. Le grand évéque n'ad-
mettait à la tonsure que les enfants, à^çés de 12 ans au moins, qui rapportaient
des certificats des curés de leurs paroisses et de leurs maitres, attestant « leurs
bonnes dispositions poiur les lettres et principalement leur modestie et leur piété
par la fréquentation des saints .Sacrements et par Tassiduiti'^ aux offices divins. •»
h exigeait de nouveaux certificats de ceux qui demandaient à être promus aux
ordres mineurs et aux ordres sacrés, se « réservant de les soumettre ;\ de plus lon-
gues espreuves. » (V. Manuscrit Lagutère, p. 111 et 112).
(2) Cette dénomination est restée aux professeurs actuels des grands séminaires.
(3) Au dernier siècle, ou n'admettait au séminaire d'Auch que ceux qui pou-
vaient justifier de trois ans d'étude en théologie ; ou leur faisait d'ailleurs subir
— 275 —
A Condom, ils pouvaient les étudier au collège, où deux
cours de théologie furent institués, le premier en 1706, le
second en 1719. Mais dès avant cette époque, les Oratoriens
qui dirigeaient le collège préparaient les écoliers qui voulaient
embrasser Tétat ecclésiastique. C'est ainsi que le célèbre P.
Gaspard Juenin, professeur de philosophie en 1678, expli-
quait soir et matin, à la Qn de chaque classe, un verset de
l'Evangile à ses trente-deux élèves; et « comme la pluspart,
nous apprend le P. Visiteur, se destinent à l'Eglise, il a eu
soin de leur parler des dispositions nécessaires à cet état si
sublime » (1).
A cette époque notre collège remplaçait en quelque sorte le
séminaire et les clercs allaient y faire quelquefois leur retraite.
Mais en 1681, les Pères de l'Oratoire, d'accord avec Mgr de
Matignon, successeur de Bossuet, décidèrent que les écoliers
ne seraient pas admis à a faire retraitte » dans leur maison,
« soit avant soit apprès avoir receû la tonsure »; et l'évêque
permit « d'envoyer ailleurs les jeunes gens faire leur retraitte
pour la tonsure. » Ils étaient d'ailleurs avertis que le prélat
ne les admettrait pas aux ordres s'ils ne produisaient une
attestation de la part de leurs maîtres, « tant de leurs mœurs
que de leur capacité et sage conduite (2). »
préalablement un examen sur la philosophie et sur les traités de théologie qu'ils
avaient étudiés. (V. Tlnstruction Pastorale de Mgr de Montillet, archevêque
d'Auch, sur l'Etat sacerdotal, ch. i\', § i.
(1) V. Acte de visite du collège, année 1678 (Arch. communales). Le P. Juenin
quitta la maison de Condom à la fin de juillet 1680, « allant en celle de Tolose
pour le séminaire qu'on y doit commencer » (Reg. de comptabilité).
Les jeunes clercs pouvaient d'ailleurs mettre à profit les leçons publiques sur
rEcriture-Sainte, que le chanoine théologal était obligé de faire plusieurs fois la
semaine à la cathédrale. Ces leçons, qui avaient été fixées à quatre ou cinq par
semaine par la Bulle de sécularisation du chapitre, en 1549, furent réduites à trois
par deux arrêts du parlement de Bordeaux, l'un du 15 janvier 1614, l'autre du
22 mars 1642, indépendamment de la prédication que le même théologal était
chargé de faire tous les dimanches et jours de grande fête solennelle.
Disons en passant qu'en 1656 deux de nos Oratoriens avaient été choisis pour
diriger le séminaire de Commingcs (Actes de visite, année 1656).
(2) V. acte de visite du collège, année 1681 (Arch. com.). Cependant, nous
voyons des écoliers passer, en 1691, quelques jours au collège, par ordre de l'évê-
que, avant de recevoir la tonsure ou même l'ordination (Reg. de comptabilité
du collège, année 1691).
}
- 276 -
Cependant Tœuvre de Nicolas Pasquier fut reprise en 1674.
Bernard de Bressolles, vicaire-général de Mgr de Matignon,
et Jean Artenses, prébendier en Téglise cathédrale, firent
donation, le 13 janvier de cette année (1), en faveur de Mgr de
Matignon, pour rétablissement d'un séminaire dans son dio-
cèse, le prevDier, de la moitié en pleine propriété de la maison
dans laquelle il demeurait, située au quartier du Mandat (2),
avec jardin et dépendances, le second, de l'usufruit de Taa-
tre moitié de cette maison, dans laquelle il se réservait pour
le reste de ses jours la chambre qu'il habitait au second étage^
donnant sur le jardin (3). Ces prêtres zélés avaient compris
« qu'il n'y a rien de plus nécessaire dans un diocèze pour le
bien de Testât eclesiastique qu'un séminaire dans lequel ceux
qui aspirent à cest estât puissent s'en rendre dignes et pro-
pres à travailler au salut des âmes. »
Bernard de Bressolles ne s'en tint pas à cette première
libéralité: après avoir offert une partie de sa bibliothèque au
séminaire que l'évêque s'était hâté d'établir dans le local
donné pour cette fondation, il lui légua par son testament du
29 mars 1674, jour de sa mort, le tiers des livres qui lui
restaient, le tiers de ses meubles et ce qui pouvait lui être
dû de ses bénéfices ecclésiastiques (4), distraction faite des
deniers nécessaires pour acquitter les frais de ses honneurs
(1) Minutes de Elizon, notaire (Etude de M* Préchac).
(2) V. acte d'ajournement du 20 avril 1676, relatif à l'inventaire des biens de
M* Bressolles (Minutes de Laboupilhère, notaire, étude de M' Lebbé. V. aussi
Tacte de déclaration des revenus du chapitre du 13 août 1692, dans lequel le four
est désigné comme conJErontant au nord et couchant à la maison du séminaire
(Minutes de Laboupilhère, étude Lebbé). Le four de la Claustre se trouvait dans
la maison Fourteau attenante au cloilre ; remplacement de cette maison, récem-
ment démolie, est occupé par une partie de la nouvelle mairie.
(3) Bressolles et Artenses avaient acheté cette maison par égales parts à
M. Margeon, chanoine théologîil; elle avait coûté 2,600 livres. Le premier don-
nait également, par l'acte du 13 janvier 1674, une autre maison qu'il possédait à
l'extrémité du jardin.
. (4) Bernard de Bressolles était chapelain des chapelles de VAubernion et do
Coq; la première, à laquelle appartenait la métairie dite de VAubernion, était des-
servie dans l'église cathédrale de Saint- Pierre ; la seconde était desservie dans
l'église paroissiale de Moncrabeau (Acte du 3 juin 1676, minutes de Laboupi-
lhère, étude Lebbé).
— 277 —
funèbres et les gages de ses domestiques. Par le même acte,
il renouvelait la donation de la moitié de sa maison (1).
Le nouvel établissemeul fonctionna pendant quelque
temps; nous voyons, en effet, dans le courant de Tannée
itt76. M' Pierre Gaberel, docteur en théologie, assister, en
sa qualité de supérieur du séminaire, à l'inventaire des biens
de M. de Bressolles et poursuivre le paiement de ce qui était
dû parles fermiers du fondateur (2).
Toutefois il était déjà supprimé depuis plusieurs années en
d686, prSbablement à cause du manque de ressources, et les
curés du diocèse qui, cette année-là, faisaient parvenir à Sa
Majesté leurs « justes pleintes » sur Tadministration de leur
évêque ou plutôt de Jacques Duquesne, son vicaire-général,
et du Père Dagusan, doctrinaire, son conseil, demandaient
entre autres choses le rétablissement du séminaire fondé par
ie « feu sieur de Bressolles dans sa propre maison. »
Led, seigneur évèquc, — disent-ils dans un Mémoire dressé à l'ap-
pui de leur requête, — ne peut en conscience le refuser, puisqu'il y est
obligé par ses propres bulles, qui portent par exprès qu'il l'establira si
desja il ne l'est pas.
La suppression du séminaire, — ajoutent-ils, — est cause que l'erreur
et les nouveautés se sont glissées dans le diocèse, ayant baillé à gouverner
les jeunes clercs à des personnes qui ont été accusées môme en justice
de nouveauté, et on recognoit que ces mêmes ecclésiastiques s'égarent
de la saine doctrine et de la subordination légitime qu'ils doivent aux
pasteurs et curés.
De plus les pïélendans aux ordres auroint plus de facilité à y entrer
s'il étoit'dans le diocèse.
Les curés et autres prêtres jouiroint aussi de la commodité de se
retirer en retraite pour renouveler en eux Tesprit de zèle et de piété
(t) V. Testament du 29 mars 1676 (Minutes de I^boupilhère, étude de M* Lebbé) .
(2) V. actes des 20 avril et suivants (Inventaire des biens de Bressolles, minu-
ies de Laboupillère, étude Lcbbé), 5 mai et 18 août 1676 (minutes de Rizon, étude
Préchac). Dans un acte du 17 mai 1676 (minutes de I^boupilhère), il est question
d'une procession ordonnée par révoque, i\ laquelle assistent les « ecclésiastiques
du séminaire, »
Tome XXX. 19
— 278 —
lorsqu'ils le jugeroint à propos, ce qu'ils ne scauroint faire qu'avec
difficulté s'il n'y en a pas dans le diocèze (1).
Celte même année 1686 (serait-ce un effet des « justes
pleintes » des curés?) (:2) Mgr de Matignon songeait sérieu-
sement à « bastir et fonder un séminaire» > pour lequel il des-
tinait 20,000 livres « et plus de son bien » . Mais, comme
cette somme ne pouvait suffire, il demandait à Sa Majesté
« d'accorder pour contribuer à cet établissement les biens du
consistoire de Nérac. » Le Mémoire dans lequel nous puisons
ce renseignement ajoute : •
Sera 1res util (le séminaire) à son diocèze, que les nouveaux conver-
tis y trouveront de Favantage, plusieurs luy ayant desja demandé
d'entrer dans Testât ecclésiastique, dont il laudra qu'il paye la pension,
parce qu'ils sont assez pauvres, quoyque de bonne famille » (3).
Mais le prélat n'obtint pas ce qu'il désirait. Ces biens du
consistoire de Nérac et ceux des autres consistoires, que
Mgr Milon (4) demanda également pour le séminaire, en
1696 (5), furent accordés quelque temps après à l'hôpital
général qui venait d'être fondé à Condom (6).
Mgr de Matignon n'en persévéra pas moins dans ses projets
et obtint, au mois de mai 1690, des lettres patentes du roi
portant autorisation d'établir un séminaire dans sa ville épis-
(1) V. le Plaoet présenté au roi le 8 mars 1686 par les curés de Condom, et le
Mémoire justificatif dont nous avons parlé ; une copie de ces curieux documents
est en notre possession; nous ne connaissons pas tous les détails de cette afiEaire;
mais nous croyons savoir que M" de Bergue, docteur en théologie, curé de (îoa-
lard, qui avait été député pour présenter le Plaoet au roi, fut eiîvoyé Tannée sui-
vante au séminaire de Périgueux grâce à des lettres de cachet obtenus contre lui.
(2) Nous serions tentés de le croire, d'autant que le roi avait renvoyé les par-
ties devant l'Intendant de la province et devant l'évêque d'Agen pour l'instruc-
tion de cette affaire.
(3) V. Reoue de Gascogne, t. xix, page 143.
(4) Et non monseigneur Mathieu Isoré d'Hervault, comme on lit dans la Reoue
de Gascogne, t. xix, page 144, note 1.
(5) L'Intendant de Guienne, qui appuya la demande du prélat, pensait que
les biens desd. consistoires ne pouvaient être mieux employés qu'à soutenir cet
établissement « dont l'utilité, ajoute-t-il, est connue de tout le monde », V. Reoue
de Gascogne, t. xix, page 144.
(6) V. Arch. hospit. fonds Hôpital général (B. 6 et 7).
— 279 —
copale et crimposer pour son enlretien lous les bénéflciers
du diocèse (i).
Il acheta à cet effet deux maisons (2), pour les unir à celle
donnée précédemment par Bernard de Bressolles et par Arten-
ses, et paya la moitié de celle-ci aux héritiers d'Artenses. Il
donna ensuite le 12 mars 1695|»plus d'un an après sa démis-
sion de Tevêché de Condom, au nouvel établissement qui
fonctionnait déjà, mais pour n'en jouir qu'après son décès,
la somme de 23,000 livres (5), dont 1,000 destinées à Tachât
d'une bibliothèque et 22,000 destinées à l'entretien à perpé-
tuité de huit séminaristes au choix des évéques ses succes-
seurs; ces séminaristes devaient s'engager à dire soir et matin,
leur vie durant, un de profanais avec l'oraison pour le repos
de l'âme du donateur, et célébrer quelques messes à son
intention lorsqu'ils seraient prêtres. Il donnait en même temps
les maisons dont nous venons de parler, à condition que la
messe qui se disait tous les jours au séminaire serait doréna-
vant célébrée à son intention à perpétuité.
Voici les termes de l'acte passé par M" Lange et de Broyer,
notaires à Paris (4).
Led. seigneur de Matignon conservant les entrailles de père
pour le diocèze de Condom a, par ces présentes, donné et donne la ditte
(1) Le chapitre fut taxé à 221 livres 2 sous 2 deniers ; l'archiprètré de Saint-
Pierre à 5 livres 2 sous 2 deniers. (Actes de déclaration du revenu du chapitre
et de i'arcliiprétrô du 13 août 1692 et du 6 mars 1693, minutes de lAboupilhère,
étude Lebbé). On peut voir la taxe de beaucoup d'autres bénéfices dans dos actes
du même genre faits à cette époque.
{2) Il est question de ces maisons dans un acte de quittance fournie par les
consuls à Mgr de Matignon le 3 octobre 1694 (minutes de M* Laboupilhère, étude
Lebbé); Tune d'elles, située naturellement au quartier du Mandat, fut acquise par
acte du 20 septembre 1690 (Minutes du même notaire).
(3) Cette somme formait le prix des meubles, tableaux, livres, orangers, etc.,
vendus par Mgr de Matignon à Mgr Milon, qui devait lui en payer la rente, soit
1,150 livres, jusqu'à sa mort; la donation eu faveur du séminaire, qui se trouve
comprise dans l'acte de vente lui-même, fut acceptée le 30 août 1702 par les
administrateurs du séminaire. Ces administrateurs étaient alors : M** Ferréol
Arnollet, docteur en théologie, chanoine et archidiacre de Coudom, supérieur;
Jean Castéra, docteur en théologie, Antoine Launet, grand prébendier, et Jean
Bacon, directeurs. (V. acte du 30 août 1702, minutes de M* Laboupilhère).
(4) Nous les tirons d'un manuscrit appartenant à l'église Saint-Pierre, dans
lequel cet acte est transcrit en entier.
— 280 —
somme de 23,000 livres au séminaire de Condom... pour être employée
après le décès dud. seigneur de Matignon, scavoir 1,000 livres en livres
pour Tusage des Eclesiasliques qui seront aud. séminaire, le chois
desquels livres il laisse aud. seigneur évêque de Condom, et 22,000 à
acquérir une ou plusieurs rentes sur le clergé de Condom sur le pied
que led. clergé constituera des rentes pour nourrir dans led. séminaire
huit ecclésiastiques du diocèse de Condom, chacun desquels ne pourra
demurer plus de deux ans au dit séminaire, et au cas que les an^érages
des rentes ne fussent suffisants, les dits eclésiastiques fourniront le sur-
plus, et avant d'y entrer ils s'engageront de dire soir et matin pendant
toute leur vie un de pro/undis et Toraison pour le repos de Tàme dud.
seigneur de Matignon et de dire encore quelques messes à même inten-
tion quand ils seront prêtres. Et en cas que par malheur, led. sémi-
naire vint à ne plus subsister, le dit seigneur de Matignon veut que
les arrérages des rentes soint employés pour nourrir les huit eclésias-
tiques du diocèze de Condom dans le séminaire d'Agen ans susd. con-
ditions, attendu que Févèché de Condom a été démembré de celuy
d'Agen; et si le nombre de huit eclésiastiques ne se irouvoit pas dans
le diocèze de Condom, ce qui auroit servi à nourrir ceux qui man-
quoint dud. nombre sera donné au sieur archy prêtre do Condom pour
le distribuer dans l'église de Condom aux pauvres qui assistent au
catéchisme, lequel employ aussi bien que le chois des eclésiastiques
led. seigneur de Matignon veut être en la disposition des évêques de
Condom présent et futurs, et en cas de négligence de la part des sei-
gneurs Evêques, au chapitre et aux consuls dud. Condom conjointe-
ment, sans que lad. fondation puisse jamais être employée à d'autre
usage que celuy-cy dessus marqué sous quelque prétexte que ce soit; et
comme led. seigneur de Matignon a acheté la moitié de la maison et jardin
où esta présent led. séminaire de Condom, led. seigneur de Matignon,
par les motifs ci-devant dits, donne encore par ces présentes au dit
séminaire de Condom, la moitié des maison et jardin et les deux autres
maisons à condition que la messe qui se dit tous les jours au sémi-
naire sera dorénavant à l'intention dud. seigneur de Matignon et après
son décès à perpétuité
Mgr de Malignon laissa encore en 1697 (i), pour faciliter
rétablissement du séminaire, quelques autres sommes que
lui devaient ses fermiers des revenus de l'évéchè de Condom.
(1) Act« du 23 avril 1697 passé à Pari^ par Veram? et ÎAnge, notaires.
— 281 —
L'évêque avait d'ailleurs trouvé de pieux coopèrateurs.
Déjà le 12 juillet 1689, M* Isaac de La Roche, receveur des
décimes du diocèse, avait légué une somme de 5,000 livres
pour rentretieo à perpétuité de deux pauvres ecclésiastiques
du diocèse « et non d'auttre » , au choix de Tévêque, dans le
séminaire de Condom, « préférablement à tout autre, lorsque
rétablissement en sera fait » (1).
Quatre ans plus tard, le 9 juillet 1693, Messire Paul de
Corduchesne, du diocèse de Narbonne « considérant les
grands avantages que Tesglise de Dieu reçoit tous les jours
de Teslablissement des séminaires pour Pinstruclion, pieté et
bonnes mœurs des jeunes ecclésiastiques, » s'était démis en
faveur de notre évêque du prieuré de Saint-Vincent de Cour-
sao et de trois chapellenies pour les unir à notre séminaire,
qu'il savait n'être pas encore « dotté des reveneus sufHsens
pour entretenir les personnes nécessaires pour vacquer à
enseigner et instruire » (2).
(1) V. Testament d'Isaaode I,a Hoche, du 12jiiillet 1689 (minutes de M* Labou-
pilhère, année 1690 (Etude de M* Lebbé). A cette époque l'atelier d'imprimerie que
Timothée Gayau, imprimeur-libraire, avait établi à Condom en 1684, se trouvait
installé, depuis l'année 1688, dans la maison du séminaire. (V. aux arch. muni-
cii)aies, actes de sommation des 15 février et 10 mars 1689, retenus le premier par
DaunassdQS, étude de M' I^âgorcc, le second, par Rizon, étude de M' Préchac).
Nous ferons remarquer, à cette occasion, que notre \ille eut des imprimeurs
depuis au moins 1634. Un imprimeur venant de Nérac s'était, il est vrai, présenté
dès 1631, et il fut convenu par délibération du 30 juillet qu'on lui donnerait la
.sonmie de 36 livres accordée précédemment aux libraires, mais nous ne voyons
PAS ftgrurer cette somme dans le compte consulaire de l'année suivante, de sorte
que Condom ne dut pas avoir d'imprimeur avant 1634. La jurade générale du
és juillet de cette année accepta comme a habitant » un libraire imprimeur qui
se présentait pour exercer son métier à Condom, et lui accorda un logement avec
un secours annuel de 30 livres. Arnaud Manas, qui nous paraît être cet impri-
meur, imprima pour les consu!s en 16-i4 les anciens Privilèges de la ville. Ce
recueil comprenant 34 pages in-4' fut tiré à cent exemplaires. Il en existe un
sur parchemin, aux archives municipales de la ville. (Voir jur. du 8 décembre
1644; état des affaires de la Ville et divers articles du compte des consuls,
même année). C'est {\ notre connaissance le premier travail d'imprimerie exécuté
dans notre ville, à part les placards ordinaires et autres pi^ces peu importantes.
I^ Dirtionnairo de Géographie ancienne et moderne d Vusage du libraire et
de. l'amateur de licrcs (Paris, Didot, 1870) cite un livre imprimé à Condom par
Manas en 1643 et donne quelques détails sur nos anciens imprimeurs. On pour-
rait consulter à cet égard la jurade du 29 octobre 1635 et l'état des impositions,
années 1636, etc., les jurades des 9 janvier et 23 avril 1688, 1" décembre 1701,
9 mai 1718, etc., les pièces justificatives des comptes consulaires, etc...
(2) V. acte du 9 juillet 1693, minutes de M" Jaubert, étude Préchac. Le prieuré
— 282 —
Mais il voulut surtout changer la direction de l'établisse-
ment, qui avait été conOée à des prêtres séculiers (1), ella
donner à une congrégation religieuse, « de sorte que à Tave-
nir le diocesse en peut tirer plus d'utilitté ».
Il choisit à cet effet celle des Prêtres de la Doctrine chré-
tienne, « comme la croyant propre par sa science et sa pielé
à former les clercs de son diocèse et leur inspirer Tesprit de
leur estât, » et traita le 11 février 1716 avec le R. P. Moméjan,
provincial de la province de Toulouse, assisté du P. Raymond
Delnat, recteur du collège de Nérac.
J. GARDÈRE.
{La fin au prochain numéro.)
Saint- Vincent de Conrsan était dans la paroisse de Foiirques, diocèse de
Condom; des trois chapellenies dont il est ici question, deux, celles de Roque
Rouquette ou de la Roque et celle de Mondlne Dclas, étaient desservies dans
l'église Saint-Nicolas de Nérac; la troisième, dite de Corraphaâlf était desservie
dans l'église de Calignac. Messire de Curduchesue, chanoine et prévôt de l'église
collégiale et royale d'Ayguesmortes, prieur et seigneur de Saint-Bouet, au
diocèse de Nimes, fut pourvu quelques mois après de la célèbre abbaye de I^
Case-Dieu (V. acte du 5 juin 1694, même notaire).
fl) Les lettres patentes de 1690 avaient laissé toute liberté pour le choix des
directeurs.
Etienne Lochon, du diocèse de Chartres, fut un des premiers supérieurs du
séminaire (lettre adressée à M. le secrétaire général de rarchevéché d'Auch, le
13 septembre 1883, par M. l'abbé Sainsot, curé de Terminicrs, Eure-et-Loir);
toutefois d'après un renseignement qui nous a été fourni par l'auteur de la let-
tre ci-dessus mentionnée, il parait n'avoir exercé ses fouettions qu'après 1697.
Etienne Lochon, docteur en Sorbonne du collège de Navarre, est connu dans le
monde des lettres ; entre autres om^ages, il publia en 1708 un Traité sur le
secret de la confession.
Nous avons déjà vu que M' Ferréol Arnollet, docteur en théologie, chanoine cl
archidiacre de Condom, remplissait en 1702 les fonctions de supérieur; il était
assisté de M" Jean Castéra, docteur en théologie, Antoine Launet, grand pn^-
bendier, et Jean Bacon, directeurs. (Acte du 30 août 1702, minutes de Laboupi-
Ihère, étude Lebbé.)
Nous citerons au nombre des premiers directeurs du séminaire M* Deschamps.
Ce prêtre rivait en 1701 sur la paroisse de Saint-Maixent à Bordeaux, où il était
précepteur chez M. Delpech, conseiller. 11 offrait alors de venir passer le re^^te
de ses jours à l'hôpital de Condom (V. dél. capit. du 2 octobre 1701 ; Arch. hasp.,
fonds Notre-Dame, 111. E. 13).
DKS
PETITS-FILS DE BLAISE DE MONLUC
(Fin •;.
XXI
Lettre de Charles de Monlac^ sénéchal d' A gênais, à Henri IV.
Sire,
Je supplieray très humblement Vostre Majesté de m'excuser si je
suis si prolixe en ceste lettre, mais les occazions qui consernent vostre
service et ce que mon debvoir m'oblige de luy faire entendre, me ser-
vira d'excuse. Ce sera donc aveques vostre permission, Sire, que je
fer^y le discours de ce qui c'est passé au voyage que j'ai fait sur la
frontyere d'Espagnie du cousté de Commenge. J'ay esté semondz par
les sieurs de Larboust (1) et Du Bourc, gouverneur de l'Isle (2), d'aller
attaquer deulx ou trois places que le marquis de Villars et Montpezat,
son frère, estoyent délibérez de remettre ez mains de l'cspagniol. Nous
sommes allez droict à Saint-Gaudens, oiiilz avoyent fortiffié une cyta-
delle, laquelle nous a tenu trois jours pour la prendre; mais enfin
rayant battue de deux pièces de batterye et deux moyennes, ceulx qui
estoyent dedanz se sont randuz et remiz la place en Tobeyssance de
Vostre Majesté; laquelle, à la réquisition de la noblesse et principaux du
(•) Voir livraison d'avril, p. 180.
(1) Adrien d'Aure, vicomte de larboust, capitaine de cinquante hommes
d'armes des Ordonnances, chevalier de l'Ordre, etc. 11 ne faut le confondre ni
avec Jacques dWure, seigneur et baron de Montagut et de Larboust, ni avec
Savary d'Aure, baron de Larboust, auquel M. de Rublc a consacré une longue
ei intéressante note dans le tome m des Commentaires, p. 273.
(2) Georges Du Bourg, seigneur de Clermont (en Armagnac), gouverneur de
la viUe et du comté de Tlsle-Jourdain, gentilhomme de la Chambre du Roi, etc.
Voir Recherches sur la Maison Du Bourg, par Henry Du Bourg, 2* partie,
Toulouse, 1881 (p. 41-42 et 99-108). L'auteur a reproduit en ces dernières pages
divers do<3umcnts que j'avais eu le plaisir de donner à la Rectio de Gascogne en
1874 (tome XV, p. 81-86) sous ce titre: Lettres inédites de Georges Du Bourg,
gouoerneur de Plsle^n-Jourdain,
— 284 —
pays, a esté razée. Les ennemis ont prins tel esfroy que voyant que le
lieu qu'ilz croyoyent qui resisteroit davantage avoit esté sitost prins,
ilz ont voUu capituler pour trois autres places qui restoyent sur ceste
frontyere, qui sont Monrejau, Sainct-Beat et Sainct-Bertrand (1). Les
deux premières rendirent soudain obeyssance à Vostre Majesté, feyrent
les feuz de joye et ceremonyes requises en leur réduction. Pour celle
de Sainct-Bertrand, qui est la plus forte et la plus importante, de la-
quelle le sieur de Lussan en estoit gouverneur, implore le pardon et
clémence accostumee de Vostre Majesté et pour cest effect luy rend sa
foy et obeyssance par une lettre qu'il luy en escript; et affin de les
engager à ce qui estoit de leur debvoir j'ozay. Sire, leur accorder, ave-
ques Tadvis de toute la noblesse qui y esioyent, certains articles la
coppie desquelz j'envoye à Vostre Majesté, la suppliant très humble-
ment de les vouloir veoir. J'en ai gardé l'original pour Taprehension
que j'ai heu du perilh des chemins, me rezervant de les porter moy-
mesmes Ihorsque j'auray l'honneur de me randre prés de Vostre Ma-
jesté. Il n'y a nulle plasse maintenant verz les montagnes qui ne soyent
soubz son obeyssance. La pluspart de la noblesse, le clergé et les scin-
diez de ce peyz-là m'ont faict une prière d'importuner Vostre Majesté
d'une demande laquelle j'estyme plustost pi-esomptueuse que meritoyre,
qu'est qu'il luy plaise me volloir octroyer le gouvernement de ceste
particuilhere ville de Sainct-Bertrand et ordonner pour la garde d'icelle
cent hommes de pied. Sire, si je l'eçoys ceste faveur de Vostre Majesté,
(1) M. l'abbé de Carsalade Du Pont, non content de m'avoir fourni d'excel-
lentes indications sur la plupart des gentilshommes gascons mentionnés dans
cette lettre, m'a encore abandonné im précieux dossier formé de pièces inédites
relatives à la ville de Saint-Bertrand, à Charles de Monluc et à ses compagnons
d'armes. Comme je ne veux pas abuser du généreux élan de mon cher con-
frère et ami, je ne me servirai de son dossier que pour énumérer quelques-uns
des documents qui le constituent et qui trouveront, un Jour, leur place, non
défraîchis, dans un fascicule sur les Huguenots on Comminges et en Couse-
rans, lequel fera le pendant du fascicule publié, en 1884, par le vaillant érudit:
Les Huguenots en Bigorre. Voici les documents principaux à signaler : Préten-
tions du Chapitifi de Conienge contre le baron et le cicomte do LarOotuft ci
sur la corne de licorne [conservée dans lo trésor de la cathédrale de Saint-
Bertrand et sur laquelle on peut voir une note des Lettres françaises de Josep/i
Scaliger, p. 227], 1587; Lettre du roi Henri III à M, de Luscan (Géraud de
Gémit, sieur de Luscan], du 11 avril 1589; autre pièce, du 11 avril 1592, où figu-
rent les chanoines et consuls de Saint-Bertrand, d'une part, et, d'autre pan,
le sieur de Luscan, établi commandant dans cette ville par le marquis de \'il-
lars; Re nions t rat ions des habitans de SnijU-Bertrand à trcs illustre et puis-
sant seigneur Monseigneur de Darnpcille; Enquête sur la prise de Saint-
Bertrand en 1593 (pièce remplie de curieux détails); Procisions de youccrncar
de Saint- Bertrand fx)ur le sieur do Sarp (signées par le maréchal de Mati-
gnon, le 27 août 1595), etc.
— 285 —
j'espeore que Dieu me faira la graoe luy tesmogner que je n'y seray
point inutille, ayant le oommandement de oeste place et qu'estant
voizin de l'Espagne de trois lieues seulement. Je seray si heureux que
d'y faire quelque service signalé, comme plus particuillerement je luy
feray entendre avant peu de temps en ayant déjà myz les fers au feu.
J'ay receu tant de faveurs en ce qu'il a pieu à Vostre Majesté me don-
ner le gouvernement des sénéchaussées d'Agennois et Condommois,
que je veux aussi me promettre qu'elle ne me l'a point donné pour
m'en hoster l'authorité ny l'amoindrir. Toutesfois j'ay esté estonné
comme il luy a plu accorder le gouvernement particuilher des villes de
Marmande et Villeneuve aulx sieurs de Castelnau (1) et Foncaude (2)
sanz qu'ilz soyent subjectz à recognoistre la charge qu'il luy a plu me
commettre en main. Je supplieray très humblement Vostre Majesté
que je puisse estre esclaircy de ce qui est de sa volonté à laquelle je me
rangeray toutesfois sans nulle difficulté. Ce sont villes lesquelles n*ont
jamais esté distraictes du pouvoir des gouverneurs, mes devanciers.
J'espère bien que je luy rendray tant de fidelles services qu'elle ne me
voudra traicter en autre qualité. Je me rezoudray à en recepvoir le
commandement tel qu'il luy plairra pour me monstrertousjoursobeys-
sant. Il y a une troisiesme supplication que je désire que Vostre Ma-
jesté aye agréable que je luy fasse, qu'est qu'il luy plaise de recepvoir
en sa bonne grâce Monsieur le Prince de Final (3) qui demeure au
pays de Languedoque (?)et que l'opinion qu'on luy a donnée qu'il estoit
entièrement confydent du Roy d'Espagne ne soit effacée par le tesmoi-
gnage que j'en donne à Vostre Majesté, qu'est que je luy respons sur
la fidellité et honneur que toute ma vye je luy doibs randre qu'il est.
Sire, vostre très humble et obeyssant serviteur, qu'il n'a jamais trampé
en nulle association avecques l'estranger au préjudice de vostre service.
Ce sont plustost de calomniateurs que véritables ceulx qui luy ont
randu ce mauvais office. S'il aVoit cest honneur d'estre cogneu de
(1) Sur François de La Mothe, baron de Castelnau, voir Notice sur la oille
de Marmande^ 1872, p. 85-86.
(2) C'était François de Monferrant, yioomte de Foncaude, seigneur et baron
de Cancon, Casseneuil et en partie de Gontaud. Voir une lettre de ce personnage
à Henri IV, datée de Villeneuve, le 15 avril 1594, dans les Documents inédits
relatifs à l'histoire de VAgenais (1874, p. 182-184> J'emprunte à ce recueil
(p. 180) cette note sur Charles de Monluc : « Voir des renseignements sur lui et
des dociunents de lui donnés par M. Ad. Magen dans sou curieux et savant
Mémoire intitulé : La oille d'Agen sous le sénéchalat de Pierre de Peyro-
nenc, scig/uur de Saint-Chamarand (1865, p. 16, 17, 18, 40, 41, 42, etc. du
tirage à part. »
(3) Alexandre Carrett, marquis et prince de Final.
— 288 —
Vobe Mâjesié, je m'assuvr qu'elle jugeroit que son humeur -el sa oon-
dîtioa n'est pas fort propre à telz effeotz.
C'est de moa debvoir, Sire^ de vous nommer particuilherement les
prindpfiux gentilshommes qui- m'ont assisté en ce yoja^ de Gomenge
quy sont Messieurs le vicomte de Larboust, le baron de Pouyga-
Ihard (1), Terride (2), Dubouro, de Larboust, de Montbartyé (3), de
Lahite (4), Desplanate, de Gensaô, Deselignac (5)^ de Reau (6) et de
Cousans, lesquelz touts ont tasché d'y amener ce qu'ils ont peu de
leurs amys. J'ay donné chai^ge au sieur de Moubrun, qui présentera à
Vostre Majesté ceste-cy 9 de lui faire entendre plus particulhierement
ung affaire myen particuilher auquel j'ai besoing de la gratiffîcation de
Vostre Majesté, et toutte ma vye je supplieray le Créateur, Sire, qu'en
parfaite santé conservez vostre estât, longue et heureuse vye.
D'ËstiUac, ce dernier de juillet 1594.
Vostre très humble, très obeyssant sujet et fydelle serviteur,
MONLUC (7).
XXIl
Lettre d'Adpien de Mordue -Montesquiou (8) « à M.le président de
Thouy conseiller du Roi, en ses Conseils d' Estât et privé, et direc-
teur de ses fînanees, »
Monsieur, Une de mes plus douces et honorables souvenances est
celle qui me représente l'honneur que jay receu de vous lorsqu'estant
(1) Gilles de Léaumont» baron de Puygaillard, cs^iiame de cinquante hommes
d'armes, chevalier des Ordres, Tice-amiral de Guyenne, député en 1614 aux
Etats de Paris par la noblesse d'Armagnac.
(2) Jean de Lxmiagae, vicomte de Tenride, qui épousa, le 31 mars 1592,
Catherine de Castaing, dame de Bariugue, auteur des seigneurs de Baringue.
Voir Abrégé de la généalogie des oicomtes de Loniagne, p. 35-36.
(3)' Corbeyran d'Astorg^, seigneur de Montbartier, cousin du vicomte de Iat-
bcust; il était fils de Bernard d'Astorg, seigneur de Montbartier, et d'Isabeau
d'Aure de Larboust.
(4) Bertrand du Cos, seigneur de Lahite, fils aîné de Jacques du Ces, seigneur
de Lahite, lieutenant général au marquisat de Saluées, gentilbomoie de la
Chambre, chevalier des Ordres, etc. Bertrand épousa, le 15 août 1602, Marie
de <^authé (note tirée des Archives de M. le comte Odet du Cos de la Hite et due,
comme les précédmte^, à M. l'abbé de Carsalade Du Pont).
(5) Gilles de Preissacv baron d'Ësclignae, fils d'Alexandre de Preissac. Il était
cousin de Puygaillard, car sa grand'mère (branche paternelle) était Catherine do
Léaumont.
(6) Biaise de Béam, seigneur de Réaup, frère cadet de Joseph de BéArn,
seigneur du Saumont. Voir la Chronique d'fsaac de Pérès (1882, p. 43).
(7) Bibliothèque Nationale, fonds français, n* 24 à 66. Original.
^) Adrien de Monluc, seigneur de MoutCNBqoiou, comte de Carmain [le car-
— 287 —
par delà, je lecherchois des occasions de vous aller offrir mon service.
Maintenant que je suis esloigné je ne puis avoir une plus agréable
occupation que de vous en continuer les veus, comme je fais, Mon-
sieur, avec mes supplications très humbles de les recevoir par cest
honeste homme et de lui faire la faveur qu'il puisse vous dire le sujet
de son voiage où le Roy a interest, le peis de Fois (1) et moy fort par-
ticulièrement, sur quoy j'implore vostre faveur et justice, vous supliant
me pennetre que je me die tousjours,
Monsieur,
Vostre très humble serviteur,
MONLUC (2).
Ce 5 de juin 1613, à Montesquiou.
ph. tamizey de LARROQUE.
{L'Appendice prochainement.)
dinal de Retz ^t plusieurs autres contemporains l'appellent Cramait], prince de
Chabanois, etc., était fils de Fabien de Monluc. H avait épousé (22 septembre
1592) Jeanne de Foix, fille unique d'Odet de Foix, comte de Carmain, et de
Jeanne d'Orbessan. 11 mourut à Paris, le 22 janvier 1646^ âgé de 78 ans. La bio-
graphie d'Adrien de Monluc, triplement intéressante au point de vue militaire,
politique et littéraire, est encore à écrire. Feu Edouard Foumier n'a fait qu'ef-
fleurer ce sujet dans une notice que j'avais jadis eu l'intention de compléter.
Malmené par le cardinal de Kicbelieu dans un mémoire spécial rédigé de la
propre main de ce grand homme (23 octobre 16.35; recueil Avenel, tome v, p. 330-
336), Adrien de Monluc se relève au milieu des reconnaissants hommages que
lui rendent Goudouli> François de Maynard et plusieurs autres célèbres écri-
vains qu'il protégea i)t qu'il aima. Mézeray, qui a si bien parlé du maréchal de
Monluc, n'a pas moins bien parlé d'Adrien (tome m, p. 168) : « De ce dernier
[Fabien] et de l'hentière de Montesquiou, il resta deux entans, dont l'un a esié
cet illustre comte de Carmain, que nous avons veu advantagé de tant de rares
qualitez et d'héroïques vertus, que sans Tenvie qui n'en a pu souffrir l'éclat, et
sans le cours du temps, auquel son courage trop généreux n'a jamais voulu se
laisser emporter, il eust surpassé la réputation de son ayeul, et n'eust pas esté
moins en estime à la postérité qu'il l'a esté de son vivant parmy tous les gens
d'honneur ». Scipion Dupleix avait déjà dit d'Adrien de Monluo {JiMoire de
France, tome i, p. 547) : « Un des plus accomplis seigneurs de France, n'y
ayant rien à désirer si ce n'est que la fortune n'eut point été envieuse de sou
mérite».
(1) Adrien de Monluc fut sénéchal et gouverneur pour le Roi au pays de Foix.
.Voir à l'Appendice (n* iv) un document du 18 août 1618, intitulé : Arrest du
Conseil d' Estât de Naoarro d'entre M, le comte de Carmain et les habitants
de la oallée d'Andorre,
(2) Bibliothèque Nationale^ coUection Dupuy, registre 802, f* 229. Original.
BIBLIOGRAPHIE HISTORIQUE.
I
François Bosquet, intendant de Guyenne et de Languedoc, évéqne de
Lodève et de Montpellier. £tude sur une administration civile et ecclé-
siastique au xvii* siècle, par M. Tabbé Henry, docteur en théologie,
aumônier du lycée. Paris, Ern. Thorin, 1889. 1 vol. gr. in-8' de xvi-
788 pp., avec un portrait. Prix : 7 fr. 50 c.
François Bosquet, justement qualifié par la Biographie unioerselle
« l'un des plus savants et des plus illustres prélats de l'Eglise de
France dans le xvii« siècle », naquit à Narbonne en 1605, d'une vieille
famille de notaires, fit ses premières études au collège des Jésuites de
Béziers et au collège de Foix de Toulouse (où il n'eut pas, quoi qu'on
en ait dit, Pierre de Marca pour condisciple) et fit ensuite son droit à
l'Université de la même ville. 11 se conformait ainsi aux intentions de
sa famille, qui le destinait à la magistrature; mais il suivait son attrait
particulier en fécondant les études juridiques par ^histoire et en se
livrant à de fortes recherches d'érudition.
A l'âge de vingt-sept ans, il se rendît à Paris pour préparer la publi-
bation de son Psellus, traduit du grec en latin, et de son premier tome
(seul paru) Ecelesiœ gallicanœ historiarum. Henri de Mesmes,
— dont Weiss fait « son ami d'enfance », tandis que le nouvel histo-
rien attribue cette liaison à une recommandation de Man^, — le mit
dès lors en rapport avec Peiresc et avec le chancelier Séguier. Ce der-
nier le nomma procureur général du parlement de Rouen, interdit à
l'occasion de troubles provinciaux. Grâce au même protecteur, il
devint intendant de Guyenne en 1641 et de Languedoc en 1642. Il
quitta ces fonctions, qui lui avaient donné bien des occasions de mon-
trer ses qualités de gouvernement et ses vertus sérieuses, pour se faire
d'église. Il avait déjà, mais sans succès, essayé de succéder en 1643
à Henri de Sponde, évêque de Pamiers; il eut, en 1650, Tévêché de
Lodève, que lui résigna son ami Plantavit de la Pause, le célèbre
hébraïsant; il passa, sept ans après, à celui de Montpellier, qu'il admi-
— 289 —
nistra d'une manière également édifiante et habile jusqu'à sa mort,
arrivée le 24 juin 1676.
Cette existence si bien remplie méritait d'être racontée plus au long
qu'elle ne Tesl dans les notices de nos divers dictionnaires historiques
et dans une Vie inédite^ écrite par un contemporain anonyme et publiée
en 1851 par feu M. Germain^ le savant doyen de la faculté des lettres
de Montpellier. La partie ecclésiastique seulement de la vie de Bosquet
fut exposée dès 1884 par M. Henry, aumônier du lycée de Montpellier,
dans une thèse de doctorat en théologie. Sur les conseils de M. Ger-
main, le laborieux ecclésiastique a étendu depuis ses recherches à l'en-
semble de cette grande carrière; et son récent ouvrage constitue une
étude très fouillée d'histoire ecclésiastique et politique, en môme
temps qu'un volume d'une magnifique exécution matérielle. Mais je
ne dois toucher que les points de son travail qui intéressent directe-
ment la Gascogne.
Et d'abord le chapitre sur « Bosquet intendant de Guyenne *, non
pas à Bordeaux, mais à Montauban. On sait que cette intendance, créée
par Richelieu en 1626, comprenait alors l'élection d'Auch. L'incident
le plus curieux du court gouvernement de Bosquet, ce fut la révolte
des Montalbanais, exaspérés par l'aggravation des impôts. La maison
de l'intendant fut pillée, et lui-même dut se sauver par la fuite sous
un déguisement. Après quelque temps passé à Toulouse, on lui assi-
gna la ville d'Auch pour résidence. C'est d'Auch qu'il écrit (p. 93), le
20 octobre 1641, au chancelier Séguier, pour lui annoncer qu'il attend
les députés de Montauban, chargés de lui porter les soumissions de la
ville révoltée. Nous n'avons le détail ni de cette entrevue, ni du retour
de Bosquet à Montauban, d'où il ne tarda pas à partir pour son nou-
veau gouvernement du Languedoc.
Il suffit ici de signaler les cinq chapitres (v-x) sur « Bosquet inten-
dant du Languedoc », comme une histoire attachante de l'administra-
tion de ce grand pays d'Etats pendant cinq années très remplies, aune
époque où l'action des intendants prenait une importance toute nou-
velle. La Gascogne est à peu près étrangère à cette histoire. La carrière
épiscopale de Bosquet nous touche davantage, par ses rapports avec
quelques-uns de nos hommes d'église et surtout avec Marca, son ami
très dévoué. L'affaire du jansénisme fut un instant sur le point de les
diviser* L'évëque de Lodève, en mission à Rome au sujet de la dénon^
ciation des cinq propositions de Jansénius, ne fut pas aussi énergique
contre le parti soutenu surtout par Henri de Gondrin, archevêque de
Sens, que l'aurait voulu Marca, le vrai chef à ce moment des prélats
— ^0 —
anli-jansénistes. Mais presque aussitôt, Bosquet rendit le plus insigne
service à Tévêque de Couserans, en lui faisant enfin expédier, après de
longs retards, ses bulles pour Tarchevèché de Toulouse. Il faut voir
dans le livre raème de M. l'abbé Henry le détail de cette affaire et l'apo-
logie de Marca, qu'il a cru nécessaire d'entreprendre à ce propos et de
développer avec complaisance.
Les digressions de ce genre, instructives et utiles en elles-mêmes,
mais bien nombreuses et parfois bien diffuses, sont, je crois, avec quel-
ques inexactitudes de langage ou d'information (1), le défaut d'un livre
plein de documents neufs et d'ailleurs écrit avec un soin très louable et
une élégance continue. 11 est vrai que cette élégance a parfois un carac-
tère plus oratoire qu'historique. Plus de rapidité dans le récit, plus de
sévérité dans le plan, auraient diminué le volume de moitié sans perte
sérieuse. En revanche, l'auteur aurait pu alors ajouter à l'étude de
l'administrateur celle de l'écrivain. Les ouvrages de Bosquet ne parais-
sent guère que dans de simples appendices très incomplets et qui sont
loin de faire connaître son mérite. Et pourtant Bosquet, pour ne parler
que de son livre sur les origines des ^lises de France, est un des ini-
tiateurs de la critique sur cette grave question; on ne s'en douterait guère
en lisant le jugement vague et embarrassé de son nouveau biographe
sur ce livre important. Les appendices seraient avantageusement rem-
placés par un travail spécial d'érudition sur les œuvres littéraires
de Bosquet, travail qui n'offrirait guère moins d'intérêt, en son genre,
que r « étude sur une administration civile et ecclésiastique au xvn"
siècle » entreprise et, en somme, heureusement exécutée par M. l'abbé
Henry.
(1) Voici quelques exemples, choisis surtout dans les faits qui touchent à
notre province. Marmiesse, qui devait être évêque de Couserans, est dAsigué
souvent comme un « abbé toulousain » ; il était chanoine et non abbé : l'emploi
de cette dernière expression dans un sens impropre est un vrai anachronisme.
— Les travaux de Jean de Sponde sur Homère et sur Hésiode sont dits quelque
part « remarquables ». Hélas I ils ne méritent d'autre éloge que celui de « pré-
coces ». — La note sur Tabbé de Fagel (p. 409) est assurthnent trop sévère et
non sans erreurs ; ainsi le Traité de l'Eucharistie, publié par lui parmi les opus-
cules de Marca, n'est pas protestant, quoiqu'il ait alarmé à tort ou à raison Tortho-
doxie de la Sorbonne. — Je me demande encore où M. Henry et d'auU-es avant
lui ont trouvé que le livre de la Fréquente communion d'Arnauld a été mis à
l'index par Alexandre VHI en 1690. 11 suflQt de consulter Vlndox lui-même pour
s'assurer qu'U n'y est pas.
— 291 —
II
Sainte Bazeille, vierge et martyre. Sa légende suivie d'un commen-
taire, par le R. P. Carles, chanoine et mission, du Calvaire. (Extrait
de la Semaine catholique d'Agen.) Agen, impr. veuûe Lamy, 1^89.
19 pp. gr. in-8'.
« J'ai été étonné de ne trouver sainte Bazeille (Basilia) dans aucun
martyrologe, dans aucun recueil hagiographique; les auteurs n'en par-
lent pas, les catalogues des saints les plus complets ne la nomment
pas. Je suis allé à Sainte-Bazeille consulter la tradition populaire sur
la sainte; j'ai visité son église et sa chapelle de Neuflfons; j'ai regardé
attentivement sa vieille statue, portant une couronne sur la tête, une
palme à la main et une hache à ses pieds. Là seulement elle est connue
et vénérée. Cette étoile perdue dans les profondeurs du ciel m'a attiré
et charmé. C'est une perle cachée qu'il faut remettre dans son écrin,
dans le Propre du diocèse, à côté de sainte Foi, de saint Caprais et des
martyrs agenai;... »
Ces mots du P. Caries montrent bien le but de son modeste mais
consciencieux travail hagiographique. Il donne d'abord, en trois pages,
la légende qu'il a rédigée d'après celles de sainte Quitterie et de ses
diverses sœurs, d'après la leçon que le Bréviaire de Bazas de 1530 avait
consacrée spécialement à sainte Bazeille, enfin d'après la tradition
locale, conservée surtout dans un cantique de 1710, qui se chantait
en patois et en français (1). Voici les dernières lignes de cette pieuse
notice:
€ Le peuple chrétien n'a pas oublié sa sainte protectrice; il vient
assidûment prier à sa chapelle de NeuflEons, il boit pieusement l'eau de
sa fontaine, et, tous les ans, après les vendanges, il célèbre sa fête avec
des démonstrations d'une grande joie. Sainte Bazeille est invoquée
spécialement contre la mort subite et on lui recommande les agoni-
sants ; les femmes enceintes réclament son secours pour obtenir une
heureuse délivrance et surtout le baptême de leurs enfants. »
(1) Ce cantique « fut composé par un prêtre, natif de Sainte-Bazeille, Pierre
Rifibnd, qui était curé d'Auriolles, près de Pellegrue. » Le P. Caries n'en cite
que le couplet suivant, sur une particularité miraculeuse du martyre de la
sainte:
De cette tète, pour tout dire,
Dtt sang et du lait ont ooal6;
L'on est la marque du martyre,
L'autre Test de la chasteté.
— 292 —
Le laborieux hagiographe ajoute à la vie de la sainte un Commen-
taire, qui sera lu avec profit même par ceux qui ne croiront pas devoir
en accepter les conclusions. Il y traite 1° de Tidentité de sainte Bazeille
(c'est une des sœurs de sainte Quitterie, fille de Catellius et de Calsia);
2^ du lieu de sa naissance (Belcagie, ville de Galice); 3^ du temps
où elle a vécu (le second siècle) ; 4® du fait des neuf filles jumelles
de Catellius (ce fait paraît probable à l'auteur, vu les autorités qui
l'appuient et sa popularité) ; 5° du lieu et des circonstances du martyre
(le P. Caries admet en son entier la tradition locale). Il prouve ensuite
fort bien la légitimité canonique du culte rendu à sainte Bazeille dans
la ville qui a pris son nom, et termine en donnant des renseignements
curieux et utiles sur les vierges martyres regardées comme ses
sœurs.
J'ai à peine besoin de dire que plusieurs des conclusions de l'auteur
ne seraient pas les miennes^ parce que je ne fais pas tout à fait la même
estime que lui, soit des sources écrites de cette légende, déjà suspectes
en tant qu'espagnoles, soit de la mémoire populaire, toujours sujette
à brouiller les faits et à mêler des fables à l'histoire. Mais plus le P.
Caries respecte les traditions, plus il met de soin à les recueillir; et
par là ses travaux sont du plus grand intérêt, soit pour l'histoire hagio-
graphique, soit pour la littérature populaire.
Les lecteurs de la Reçue de Gascogne sont priés de considérer comme
non avenue la note (1) placée à la fin de la dernière page (244) de notre
précédente livraison. Je ne l'aurais pas écrite si j'avais eu soin de me
remettre sous les yeux le texte de V Annuaire du Gers pour 1888, dont il
s'agissait, et que probablement M. Gaubin n'a pas consulté directement. Il
déclare (La sainte chapelle, p. 32, note) « clair pour lui » que le texte de
M. Parfouru « a trait à l'église de Goueyte on Rivière-Basse », et non à
Goueyte-Averon. En réalité, M. Parfouru a parlé séparément des deux
églises en termes très clairs; aucune confusion n'était possible et M. Breuils
n'en a fait aucune.
L. G.
j
GENTILSHOMMES LANDAIS
DU DIX-HUITIÈME SIÈCLE.
Monteil raconte assez plaisamment qu'un jour, étant allé
rendre visite à un de ses cousins, il trouva chez lui un gen-
tilhomme du Médoc, « ou », corrige-t-il, « si vous voulez,
un homme du Médoc, car surtout lorsqu'il s'agit de nobles-
se, il ne faut pas croire les Gascons sur parole » (1). Et il
parait que ce n'est pas là une simple boutade, comme on
pourrait le croire, puisque M. le baron de Cauna lui-même
dit qu'il entreprit ses recherches avec le désir de détruire le
préjugé suivant lequel il n'y avait pas de noblesse dans les
Landes (2). Quoi qu'il en soit, une telle idée, si tant est
qu^elle ait jamais été sérieusement soutenable, ne le serait
plus aujourd'hui après les savants travaux qui ont non seu-
lement prouvé l'existence de la noblesse landaise, mais encore
élucidé les questions d'origine et de généalogie qui la con-
cernent. Pour nous, nous laisserons complètement de côté
ces questions et nous accepterons la noblesse dont nous
allons nous occuper comme l'acceptaient elles-mêmes les
populations landaises du temps, ce qui ne veut pas dire aveu-
glément. Ainsi, au début du dix-huitième siècle, la plupart
des noms landais sont accompagnés de la préposition de. On
sait quelle est la signification de ce de et qu'il n'a jamais
prouvé la noblesse. Par ailleurs, toute une catégorie de per-
sonnages sont qualiûés de seigneurs ou sieurs de quelque
(1) Hist. des Français des dioers états, Paris, 1846-47, in-8*, II, 363.
(2> Armoriai des Landes et partie du Béarn. Bordeaux et Paris^ 1869, III,
^. prélace.
Tome XXX. — Juillet-Août 1889. 20
— 294 —
endroit sans que pour cela ils appartiennent à la noblesse.
Ce sont des acquéreurs de terres nobles, bourgeois parfaite-
ment honorables, parfaitement considérés, et à très juste
titre, nous voulons le croire, bourgeois enfin fort riches et
souvent même beaucoup plus riches que leurs voisins les
gentilshommes, mais bourgeois purement et simplement.
Qu'était-ce, par exemple, que les Darricau, « seigneurs
de la commanderie de Saint-Antoine des traverses? » Une
famille de maîtres de postes, dont un représentant s'élève jus-
qu'au notariat. Les Duboscq, de Sabres, « seigneurs du
Plaisir ?» De riches propriétaires fonciers, ni plus, ni moins.
Les Dentomas, au Vignac et à Saint-Julien, « seigneurs d'Ar-
mentieu, » sont juges, notaires contrôleurs d'actes. Les
Tassard, à la Teste, « seigneurs de Larmade ou de La
Ruade » , sont procureurs postulants, « commissaires ordi-
naires aux classes de la marine au département de La Teste
de Buch et receveurs des droits sur les huiles et savons. »
Pêlre, à Mézos, « seigneur de Sourgens (1), » est un négo-
ciant qui avoue sa roture dans un acte de 1761(2). Les Bon-
nan, pareillement à Mézos, « seigneurs du Vigneau, » sont
originaires de Morcenx, où les leurs étaient cabaretiers et
tailleurs d'habits (3). Les Texoëres, de Mimizan ou Aureîl-
han, sont notaires héréditaires, juges, procureurs, officiers de
la grande louveterie, ce qui ne les empêche pas, non plus
que leur titre de « seigneurs de Camengé », de payer la taille.
L'un des Saint-Martin, de Mimizan, se rapprocherait davan-
tage de la noblesse, non pas par son litre de « seigneur de
Format, » mais bien en raison de sa qualité d'ancien officier
au régiment de Bourbonnais. Pareillement, un certain
Magnes, de Mézos, allié aux Pêtre, qui se dit « ancien garde du
(1) Toute la seigneurie de Sourgens, dont Pêtre était seigneur, venait du
marquis de Pontons (Papiers de la famille Luxev. Acte du 30 Janvier
1779.)
(2) Ibid., acte du 19 novembre 1761.
(3) Ibid., actes de 1766 et 1788.
— 295 —
corps (1)» et qui n'était, comme Saint-Martin, rien que bour-
geois. La nuance élait souvent délicate à saisir entre le vrai
genlilhomme et Facquéreur de terre noble. Aussi, ancienne-
ment, s'était-il déjà établi une confusion entre eux. Rappelons
simplement Tédit de Blois de 1579, qui dut intervenir pour
régler la situation. Pourtant, quand un titre était attaché à
la terre ainsi acquise, la distinction sautait aux yeux. Le
roturier acquéreur n'avait pas le droit, par exemple, de se
dire : « marquis de... », mais bien : « seigneur du marqui-
sat de... », ce qui est bien diffèrent. C'est ainsi que nous
voyons les Darricau s'intituler « seigneurs de la commande-
vie de Saint-Antoine, » et non « seigneurs commandeurs. »
De même, « sieur Pierre Baleste » est appelé « seigneur de la
baromne dandemos (2) » , et non « baron dandemos. » Pareil-
lement, « le président Lavie » est dit « seigneur du fief et
justice du comté de Belhade (3) » , et non pas « comte de
BeUwde. »
Nous éliminerons donc, aQn de rester fidèle à notre titre,
d'une part, tous les individus dont le nom, accompagné du
de, ne peut se recommander d'autre chose, d'autre part, tous
ces seigneurs pseudo-nobles, et les remettrons les uns et les
autres, en leur vraie place : ceux-ci avec la bourgeoisie,
ceux-là avec le peuple.
A ces quelques remarques se borneront nos recherches sur
l'authenticité de la noblesse dont nous allons étudier les
faits et gestes. Ici, comme ailleurs, ce que nous nous propo-
sons de montrer, c'est la vie de chaque jour dans ses mani-
festations diverses. Dans l'enquêle que nous avons entreprise
sur les hommes et les choses des Landes au dix- huitième
(1) Les quatre compagnies des gardes du corps étaient accessibles à la bour-
geoisie. Les gardes du corps pouvaient prendre le titre d'écuyer et, en con-
séquence, être exempts de taille et d'imixM^, sauf de la capitition que tout le
monde payait, même les nobles. (Nos pères, parle marquis denelleval, p. 200.)
(2) Arch. not. Acte du 31 décembre 1733.
(3) Ibid. Acte du 10 juin 1780.
— 296 —
siècle, les nobles se sont présentés à nous comme les arti-
sans, les curés, les laboureurs, les maîtres d'école, les bour-
geois, etc. En nous occupant d'eux aujourd'hui, c'est une
simple page de plus que nous ajoutons à celles que nous
avons publiées déjà. D'autres pages viendront à leur heure,
jusqu'à ce que nous ayons un ensemble, un tout, qui sera,
nous l'espérons, le fidèle tableau d'un pays et d'une époque.
I
S'il fallait en juger par les mottes féodales qui sont par-
venues jusqu'à nous, les châteaux-forts, les donjons eussent
été anciennement nombreux dans lacontrée» M. l'abbé Départ
en compte une dizaine autour de l'étang d'Aureilhan (1).
D'autres traces de châteaux anciens subsistent ailleurs encore.
A Bias, les dénominations de terres comprenaient en 1618,
un lieu dit « au castet (2). » En 4725, on parle d'une mai-
son seigneuriale qui, de même que l'église, était fort maltrai-
tée par les sables et les eaux (5). Les uns et les autres ont
tout envahi et de nos jours, sur le terrain comme au cadastre,
il ne reste rien du nom ni de la chose. A Aureilhan, au lieu
dit « Castelnau », se voit encore une motte féodale bien con-
servée. A Pontenx, le cadastre fournit l'indication du lieu dit
« au prat dou castet » . Le terrier du lieu, en 1667, offre le
bois dit « du château-neuf » (4), et le ruisseau dit également
€ du château-neuf » (5). C'est, en effet, vers 1631 que les
seigneurs, ayant usurpéle presbytère, construisirent à la place
un château (6). Mais quel est l'ancien « manoir féodal » signalé
(1) MimUan. Notice historique, (Bulletin de la Société de Borda*)
(2) Terrier de Bias, f 31.
(3) Pièce annexée au registre des comptes de la fabrique de l'église de Mimi-
2an.
(4) F" 3, V.
(5) P 28, V.
(6) Arch. de l'archey. de Bordeaux:; Visite de Pontenx, 1731.
— 297 —
par Bourdeao (1) en 1861, à Saint-Paul, « possédé avant la
Révolution par les seigneurs dont la descendance continue
encore et n'a pas cessé d'en être propriétaire »? De toutes
ces constructions antiques le seul souvenir peut-être qui nous
reste nous est fourni par Thore qui, en 1810, signalait les
débris d'un vieux château au lue de houns, dans Aureilhan.
Est-ce de ces mêmes débris que le baron d'Haussez, en 1826,
entend parler quand il dit: «... Souvent, il (le laboureur)
aide le pêcheur à dégager les filets arrêtés par les créneaux (2)
d'un vieux château-fort qui dominait le pays où se trouve
maintenant le lac d'Aureilhan (3). »
A côté de ces demeures fortifiées, les châteaux des gentils-
hommes landais du dix-huitième siècle auraient sans doute
peu brillé. C'étaient apparemment de simples maisons nobles
qui n'avaient du château que le nom, très différentes pourtant
des maisons des paysans, car celles-ci étaient demeurées
anciennes, primitives, de forme et de disposition. La maison
noble de Maure, à Morcenx, qu'habite, en 1761, M"* de Cau-
pène d'Amou, a sept pièces petites et grandes, y compris la
cuisine, au rez-de-chaussée. Il n'y a pas de premier étage, ce
qui est bien landais, mais un simple grenier où se trouve
une chambre de domestique. Le mobilier n'a rien de luxueux,
quoique les meubles présentent une certaine recherche par
Tessence des bois employés. Pour le vulgaire, en effet, les
meublcs^élaient presque invariablement en bois de pin. Ici,
au contraire, on trouve peu de pin, mais du chêne, de Tor-
(1) Manuel de géographie historique anciervie. Gascogne et Béarn. Paris,
1861,pp. 208, 299.
(2; Ce ne sont pas les créneaux, mais bien les merlons qui, en tout cas, eus-
sent pu arrêter les filets. C'est là un exemple de la confusion qui s'établit entre ces
deux termes dans Tesprit de bon nombre de personnes et contre laquelle proteste
avec raison M. lAon Gautier (La Chcoalerie^ p. 476). Cette confusion, d'ail-
leurs, de la part de gens peu versés dans la science archéologique, n'a rien qui
doive surprendre quand on voit M. de Caumont lui-même, un des maîtres de
cette science, dire dans un ouvrage destiné aux maisons d'éducation que « les
créncatujc sont percés de meurtrières». (Abécédaire d'archéologie Z* éd., p. 563).
(3) Etudes administratioes sur les Landes, p. 65.
— 298 —
meau, du noyer, du vergne, du cerisier, du « bois de bor-
dene » (?). Les sièges consistent en vingt chaises, sept fau-
teuils uniformément paillés, ainsi du reste que le « sofaa
garny d'une tapisserie » et le « canapé garny d'un petit mate-
las, une couette, un traversié, sans rideaux » {sic). A la cui-
sine, deux bancs. Ça et là, c deux buffets, une comode à
quatre tiroirs, sept cabinets, un vessailié »; une dizaine de
lits, dont « deux jumeaux a Tenge, un a tombeau, cinq cou-
chettes » et des « châlits. » Chacun d'eux est muni de
«matelas, couettes, courtepointes, traversié et rideaux».
Les étoffes sont assorties au reste. Ce sont des « indiennes,
tafetas, cadis jaune^ coton teint soucy, sargette jaune, » la
laine pour les couvertures. Sur une table, un tapis de vieille
tapisserie. Le linge était, dans les Landes comme en mainte
autre partie de la France, un luxe honnête que se payaient
volontiers les mères de familles. M"' d'Aulnoy, lors de son
voyage en Espagne, en 1690, est émerveillée de trouver de si
beau linge dans les chaumières des paysans des Landes qui
faisaient compassion par leur extrême pauvreté (1). Chez
M"' la comtesse d'Amou, il n'y a cependant rien d'extraordi-
naire sur ce point, du moins comme nombre : dix douzaines
de serviettes dont quatre douzaines de grosses et six douzai-
nes de fines, six nappes fines et six grosses pour la cuisine,
huit paires de linceuls fins et quatre paires de gros pour
domestiques. C'est tout. Divers objets : « un miroir quarrè
avec sa glace, un petit miroir de toilette, trois tableaux, des
chainels de fer garnis de cuivre jaune ». Parmi la batterie de
cuisine, citons rapidement des « casserolles, tourtières, poiU
Ions, couloirs, poissonniaires, chaudières et chaudrons, trois
cafetières, un bassinoir », le tout « de cuivre » ou « leton
jaune, un mortiô de fonte, un radiant {sic) de fer, trois fers
a lissé, un tourne-broche » et ses accessoires, « deux gros
lendiés, une barre, un pendant de feu, un gril», etc. La
(1) Babeau^ Les ooyayeurs en Franco, Paris, Didot, 1885, p. 136.
-* 299 —
vaisselle est représentée par « deux douseines dassietes de
fayance commune^ quatre plats de fayance, deux dousaiaes
dassietes deleing, une dousaine et demy de plats grands et
pelils deleing » . Une mention spéciale pour Targenterie : « dix
sept couverts, deux grandes cuUeires a ragoût, et une grande
fourchette, onse culleires a café, six coutaux a manche d'ar-
gent. » A la fourniëre, à côté de Tindispensable mait, est un
lit de domestique. Dans le chai, « deux barriques de vin, jauge
de Challosse, lune plaine, lautre demy vuide de vin blanc, et
deux cents bouteilles de verre dholande, dont cent plaines de
vin rouge. » Au grenier, « vingt boissaux de segle, huit
boisseaux de millet, cinq boissaux de panis » ; à Fécurie,
et deux chevaux, une petite malle, deux selles et deux bri-
des. »
La défunte possédait des biens à Morcenx, Laharie et Sin-
dères. Disséminés dans les métairies de « la maison vieille »,
de « Maure », de « Bernât », de « Barau », à Cournalis,
dans Morcenx, a au Truit», dans Sindères, sont 524 brebis,
162 agneaux, six paires de bœufs, 53 chèvres, dix chevraux,
25 ruches. En somme, bien des maisons bourgeoises eussent
pu rivaliser avec cette gentilhommière, et que serait-ce si
nous montrions Tétat de ce mobilier I Le moins que Ton en
dise, c'est que cela est « demy usé », mais il faut voir les
rideaux des lits « tout rapiécés », la « mauvaise indienne»
des courtepointes; les trois tableaux sont aussi < mauvais »,
la glace du miroir « est fandue par le milieu, » le « vessailié
est tout rompeu » . Nous avons cité deux chevaux, c'est un
attelage. L'un est blanc et l'autre noir :
L'ennui naquit, un jour, de runiformité.
Et tous deux sont « très maigres et vieux. »
Quelle est la valeur de cette propriété, métairies et bestiaux
compris? Peut-être 5,200 livres, quoique le chiffre 3 ait été
rayé à deux endroits et remplacé par 1. Ce serait donc 1,200
— 300 — .
livres, pas un sou de plus. Tenez compte du pouvoir de l'ar-
gent aux deux époques^ celle-là et la nôtre, multipliez par 3,
par 4, même par 5; vous obtenez des chiffres qui varient
entre 3,600 et 16,000 francs (1).
Noble Jean-Marc-Antoine Duvignac, seigneur haut-justicier
de Mimizan, que nous retrouverons plus d'une fois dans le
cours de cet article, décède le 28 novembre 1738, à Saint
Martin do Cadillac. Il n'avait qu'un pied-à-lcrre a Mimizan,
dans la maison des héritiers Chambre. Il y occupait trois pièces
au rez-de-chaussée, dont le mobilier lui appartenait. La des-
cription de ce mobilier ne modiflera pas sensiblement l'im-
pression qu'a pu nous faire celle du mobilier de M"** de Cau-
pcne. Nous y voyons deux lits, dont un « a la duchesse ».
Les bois de pin et de chêne sont seuls employés pour les
gros meubles, le vergne pour les chaises. Une douzaine de
ces dernières, quatre cabinets, dont un « garde-meuble et
un vesselier » . Les rideaux des lits sont « de cadis couleur
gris demore garnis de ruban blanc » ; d'autres sont « d'une
estamine » de même couleur. Peu de linge : six douzaines de
serviettes, dont quatre douzaines « grosses de chamure (/.
chanvre) et « deux douzaines d'estoupe », deux nappes de
lin fin, deux de chanvre, « trois paires de linseuls de cha-
mvre, deux paires d'estoupe ». A la cuisine sont « dix-huit
assietes et un grand plat et deux moyens, le tout d'estain »;
ajoutons-y « une chaudière, une tourtière de cuivre, nue
poille de fer et une cuillère a pot de leton ». En vérité, c'est
une installation des plus rudimentaires, et quand les tenan-
ciers de ce seigneur haut-justicier pénétraient chez lui, si
quelque chose pouvait les scandaliser, ce n'était sûrement
pas le luxe de l'ameublement. Au grenier, il y aura douze
boisseaux de seigle; dans la grange, vingt qtiintaux de foin;
aux métairies de « Bernadou », à Mimizan, de « Micau», à
Saint-Paul, aux « apiers de Jacmot et de Maumcn », dans la
(1) Arcb. not. : Acte du 25 mai 1761.
— 301 —
première de ces paroisses : trois paires de bœufs, 62 vaches,
40 chèvres, 82 ruches, et le loul esl évalué 1,200 livres (1).
Il faut remarquer toutefois que M, Duvignac, de même, au
reste, que M"* de Caupène, possédaient ou avaient possédé
ailleurs d'autres terres. En 1761, messire Léonard de Cau-
pène d'Amou, mari et légataire universel de ladite dame, cède
ses droits successifs au vicomte d'Escheaux, son frère aîné,
moyennant 2,750 livres de rente annuelle (2). M. Duvignac,
de son côté, avait vendu, en 1738, 500 journaux de terre à
Lit, Mixe, Linxe et Le Vignacq, moyennant 7,806 livres (3).
A citer aussi comme propriété importante vendue par les gen-
tilshommes, un pignadar sis « à Escource, quartier de cap
de pin, lieu dit Jean Quillet »,que Bertrand Malicheq, bour-
geois de Luëj achète en 1762 à messire Henry de Caupène
d'Amou, moyennant 5,000 livres (4). Quoi qu'il en soit, des
ventes de semblable importance indiquent à tout le moins une
situation financière peu brillante.
Nos gentilshommes landais, peu scandaleux dans leur ameu-
blement, ainsi que nous l'avons montré, ne Tétaient pas
davantage dans leur mise. Qu'on en juge. M. Duvignac laisse,
à Mimizan, « 17 chemises de toille », dont «neuf sont garnies
d'un coton», et « trois mouchoirs de coton; deux vestes de
bazin dholande et un habit, veste et culote d'un bout de soye
doublé d'un taffetas blanc (5). » Chez M"* de Caupène, il y
aura « six chemises fines, onze chemises grosses, six dégar-
nies, deux paires de bas de soye, trois paires de laine, quatre
paires de lin; une robe dindiene dune demy perce, une robe
de cotton a bouquets avec sa jupe, une robe de satin (6) dou-
(1) Arch. not. Acte du 14 février 1739.
(2) Ibid. Acte du 13 mai 1761.
(3) Ibid. Acte du 2 août 1738.
(4) Arch. not. Acte du 18 décembre 1762.
(5) « Les gentilshommes profèrent les costumes éclatants », dit Challamel,
Mémoires du Peuple français. Paris, 1872, viii, 487.
(6) « Les femmes nobles seules avaient droit de porter du satin ». Chassant.
Les Nobles et les Vilaifis du temps passé, Paris, Aubry, 1857, p. 139.
— 302 —
blëe d'an tafetas, deux jupes de soye, deux diodiene, quatre
mauvaises boupelourdes de toiile peinte^ quatre coifures de
blonde, deux paires de pantoufles detoffe en soye, deux pai-
res detoffes en laine. » Nous pourrions citer telle fille du peu-
ple dont la garde-robe était mieux garnie.
II
Pauvre pays, au reste, que les Landes, aussi bien pour le
propriétaire que pour le métayer, pour le seigneur que pour
le tenancier. M. Elisée Reclus constate qu'au commencement
du siècle encore < les terres avaient si peu de valeur qu'on
les vendait en les mesurant au son de la voix : tout l'espace
au dessus duquel portait le cri du berger, s'achetait» — dit-il
— ce au prix de quelques francs (i) » • Il s'agit évidemment des
Landes. Peut-être, cependant, y a-t-il quelque exagération
dans une afBrmation de cette nature, absolument dénuée
qu'elle est de références. Mais il est certain que la majeure
partie des terres avaient une valeur insignifiante et, sans
doule, il y eut de tout temps plus d'un gentilhomme du
pays dont le bien, comme celui du baron de Labadan, ne valait
pas cent écus. Gela se passait en 1525, à l'époque où « Fran-
çois I" se préparait à repousser l'armée de Charles-Quint et à
la poursuivre même jusqu'au delà des Alpes. » Le baron de
Labadan veut être là « où tant de gens de bien se troberan
per far serbice ans reys. » Mais il est « rriau probedil dargen.»
Il frappe à plusieurs portes inhospitalières. L'aveu sort,
attristé, de la bouche de sa mère, une noble femme, Jamete
de Lur, et n'en est que plus touchant. Il les rendra, les cent
écus qu'il demande à emprunter, « sy tout son bien ad bau > ;
sinon, le bien de sa femme y pourvoira (2). Ne croirait-on
(1) Noucellc Géographie unioerselle. — La Frarwc, pp. 93 et suiv.
(2) Lettres de Jamete de Lur, d'YMabeau de Mont/erraftd, de Pierre de Lur
et de Jamete de Lur à Bertrand de Lur, seigneur de Belin et de Salles, Bor-
deaux, 1878. Imprimerie de la Guienne. Anonyme.
— 803 —
pas lire quelque ancienne histoire de jadis, comme celles que
nous ont conservées les chansons de geste, Âiol, par exemple,
ou bien encore Girart de Roussillon? Le mot « noblesse »,
pour la plupart des gens, évoque je ne sais quel souvenir de
scandaleuse opulence, de prodigalité, de corruption. On ne
voit que les courtisans, on ne voit que la noblesse de Cour.
On oublie trop qu'il y eut, à toutes les époques, au fond des
provinces, de ces vieilles familles, pauvres, fiëres, infiniment
respectable,$, et qui toutes eussent pu prendre la devise de
certaines d'entre elles : « Plus d'honneurs que de biens! »
ou « Plus d honneur que d honneurs! »
Le fait est qu'au xvur siècle, les gentilshommes désœuvrés
sont rares dans les Landes. La plupart occupent des fonctions
de magistrature, quelques-uns même ont des emplois plus
modestes dans le pays, les autres enfin se font agriculteurs,
maîtres de forges, fabricants de porcelaine. C'est ce que fait
le comte de Rolye (1) à Pontenx, où il établit des forges vers
4760(2) et une « manufacture de porcelaine » en 4773 (3).
A Uza, le seigneur avait aussi créé des forges. Indépendam-
ment de cela, il est de tradition dans les Landes que toute
maison un peu opulente ait son atelier de résine, un ou plu-
sieurs fours à goudron et une tuilerie (4). Leurs propriétés,
non plus que leurs droits seigneuriaux, ne pouvaient les
faire vivre. Ces droits seigneuriaux, si l'on en croit des nomen-
clatures aussi mystérieuses que longues, étaient nombreux.
Que n'a-t-on pas dit sur et contre eux? Mais, au xviu* siècle,
en subsistait-il beaucoup de réellement utiles?
Il y avait le cens ou redevance annuelle, dont l'origine
remontait aux concessions de terres faites par les seigneurs à
(1) On trouve ce nom orthographié diversement. L'abbé Baurein écrit Roly.
Nous adoptons l'orthographe d'un membre de la famille (Lettre autographe du
31 janvier 2770. Arch. not.).
(2) Requête (Arch. de Tarchev. de Bordeaux) et acte du 1" juillet 1762 (papiers
de M. Patient Dupuch, à Mimizan), combinés.
(3) Etat civil de Pontenx.
(4) Le seigneur de Pontenx a une « tuilière » en 1666 (terrier cité).
— 304 —
leurs teDânciers. Tout seigneur un peu riche avait un grand
nombre de tenanciers. En 1618, à Bias, M. de Saint-Martin
en avait 32 et, à la fin du siècle, monsieur de Rolye 102 à
Pontenx, 51 à Castes, 56 à Âureilhan, 12 à Saint-Paul. Sait-on
combien payaient annuellemeLt ces 52 tenanciers, d'une
part, ces 181, d'autre part? Des sommes énormes, sans
doute! En effet, 19 livres 7 sous 6 deniers à M. de Saint-Mar-
lin, et 167 livres 8 sous 4 deniers à M. de Rolye (1). Une
misère ! Il est vrai qu'avec cela, il y avait, parfois, quelques
mesures de froment, quelques poules. Les tenanciers de
M. de Rolye, par exemple, lui donnent, annuellement, envi-
ron cent poules (2) et 115 quartiers 311 pugnères de froment.
Ceux de M. de Saint-Martin ne paient ni poules ni froment.
Et ces redevances ne se paient pas régulièrement. A tout ins-
tant, il est question de rentes arriérées. On en paie cinq ans,
dix ans et plus, à la fois. Souvent alors on abandonne des
terres pour indemniser le seigneur (5).
En outre de ce cens, il y avait un droit dit d' e exporte » qui
se payait « à rauance (4) de seigneur et de tenancier. » C'était
une sorte de droit du mutation par décès que payait le vassal
à la mort de la personne dont il héritait et à la mort du sei-
gneur de qui il tenait les biens. Ce droit était fixe et, depuis
des siècles, n'avait pas dépassé trois deniers.
Les lods et ventes ou mieux « lods es ventes » , ainsi que
l'écrit Loyseau, étaient plus lourds. C'était un droit de trans-
mission entre vifs. Ce droit, réellement exorbitant à cer-
taines époques et en certains pays, était très variable. En
Normandie, il était du 15* du prix, dans le Maine du 12%
dans le Poitou du 6% en Picardie, à la fin du dix-huitième
(1) C'est une moyenne de 18 sous 6 deniers avec une cote forte de 5 liTtes
2 sous 7 deniers et une cote faible de 4 deniers.
(2) Certaines redevances sont réellement extraordinaires. Nous voudrions bien
savoir comment s'y prenait tel tenancier d'Aureilhan pour payer « trois poules
deux tiers plus le quart d'un huitième de poulo.
(3) Arch. not., notamment acte du 14 Octobre 1763.
(4) Changement.
— 305 —
siècle, du 5% dans le Nivernais, du quarl (1). Cela ferait un
droit variant entre 7 et 25 pour cent. Dans les Landes mal-
heureusement, bien que nous ayons souvent trouvé la trace
des lods es ventes, nous ne savons quel en était le taux. Les
receveurs des droits seigneuriaux n'y avaient pas Tbabitude,
comme en d'autres pays^ d'en mettre la quittance au dos
des expéditions d'actes. La seule indication très vague que
nous puissions donner est celle d'un paysan qui, en 1742,
pour les lods es ventes d'un journal de pignadar, paie à
Madame deSamazan cinq livres (2). Mais quelles étaient la
contenance et la valeur du pignadar? A Mimizan, si l'on en
croit un paragraphe des coutumes du pays, le seigneur
n'avait pas ce droit de lods es ventes : — «... Item mays
avons for et coustume et usage, franchise et liberté que toute
personne de Mimisan peut vendre et aliéner, sans apaiser le
seigneur, toutes les causes soient maysons, hostels, terres
vignes et autres choses, sans ce que le seigeur n'y a ne doibve
avoir capsols (3), vintges ni autre debvoir, car tous ainsi
l'avons usé et acoustumé et sommes en possession et sai-
sine (4) » .
Le droit de naufrage était plus aléatoire et on se demande
comment le seigneur pouvait le posséder sur Pontenx, alors
qu'en aucun point le territoire de cette localité n'aboutit à la
mer. A Mimizan, c'était différent et les coutumes en réglaient
minutieusement l'exercice: — «... Item nous avons debvoir
et usage, toutes personnes de Mimizan, que pouvons cous-
toyer et chercher la coste de la mer Ceyrien et de Mymisan
(1) Etude hiatorique sur l'impôt et l'administration de Venregistrement ,par
M.-A.-F. Bonnefon. Paris, Marchai Billard, 1882, p. 46.
(2) (Arch. not.) Acte du 1" février 1742.
(3) En Béarn, le droit de lods es ventes porte aussi le nom de « capsoo ». Il
était comme en Normandie, de 7*/. (Hist, du Montanérez, par M. l'abbé Marseil-
Ion. Pau, Ribaut, 1877, p. 65.)
(4) Compte rendu des traoauœ de la commission des monuments et docU"
ments historiques de la Gironde. Année 1849-50> p. 45, Privilèges de Mimi-
zan.
— 306 —
au lerrin de Buch et au bocau de Gonlis, nostres terres, de
soleil levant jusques au jour claux et sil trouve avoir de
pris, la tierce partie est du seignexir et les deux parties de
celui qui la trouve, mays quil n'tj ail aucun clamant qui soit
de f obéissance du roy noslre seigneur » . (Cette restriction a
son importance.) «Item, au trouveur de drap qui soit lié et
en pièces entières, à iceluy qui la trouve une robe du meil-
leur drap et tout le plus est du seigneur » .
Certains seigneurs avaient droit à la dîme. Les Hospitaliers,
par exemple, la percevaient dans retendue de leurs comman-
deries, sur leurs tenanciers. On sait que le taux en était varia-
ble. Au Bourgau, dansPontenx, àPoms, dans Parentis, elle
se payait au onze pour tous les fruits et au quinze pour le
millet, ce qui veut dire que le seigneur prélevait de onze ou
de quinze un. C'est à peu près le taux habituel dans la con-
trée.
Les seigneurs possédaient souvent des étendues considéra-
bles de landes, qu'on appelait « les vacants du seigneur».
Pour y mener paftre les bestiaux on payait un droit. Un
paysan d'Âureilhan paie ainsi au seigneur comte d'Uza 25
sous par an (1). Comme conséquence, quiconque ne payait
pas ce droit ne pouvait conduire les bestiaux dans ces vacants
sous peine de s'exposer à les voir enlevés et mis en four-
rière. En 1769, Jacques Pons, marchand à Pontenx, repré-
sente « que ses beufs aratoire sont été trouvés etpignorés (2)>
par Pierre Robin, garde-chasse du comte de Rolye, dans les
jeunes coupes et ventes de bois taillis appartenant au sei-
gneur, lis ont été menés au parq du peubliq, où ils sont de-
puis trois jours. Il proteste qu'il n'y a pas de sa faute; il
ne veut pas contrevenir « aux ordonnances de 1669 et arrêt
du parlement de Guienne du 6 juillet 1740 ». Il offre de
payer le dommage à dire d'experts respectivement nommés et
(1) Arch. not. Acte du 12 août 1740.
(2) De pignoris, pignus, gage, conserver cd gage.
— 307 —
choisis par les parties aiosi que les dépens, car il a besoin
de ses bœufs el il prie qu'on les lui remette « soudain après
la signitication du présent (1) ». L'année suivante^ pareille
chose arrive à divers autres habitants, dont les « anouils,
vaches et jumens ont été trouvés dans une propriété du sei*
gneur (2) » • Les choses se passent de même. C'était un très
vague souvenir du droit de carncU ou carnau (5), que cer-
tains seigneurs et certaines communautés possédaient anté-
rieurement.
Les droits de banalité n'existaient pas d'une façon bien
rigoureuse. On trouve des fours, des pressoirs et des mou-
lins étiez des paysans (4). Sur les 5!2 tenanciers qu'avait
M. de Saint-Martin, en i618, à Bias, pas un seul n'était
astreint à l'usage du moulin banal; et sur les 181 qu'avait
M. de Rolye à Pontenx, Gastes, Âureilhan et Saint-Paul, à la
fin du même siècle, 15 seulement étaient dans l'obligation
de faire moudre leur grain au moulin du seigneur (5). Nulle
part, d'ailleurs, nous n'avons eu occasion de constater la
présence d'un four ou d'un pressoir banal. Dans un autre
acte on rencontre une restriction curieuse à l'obligation de
mouture. M. de Rolye baille à nouveau fief quatre journaux
de terre inculte. Il oblige le preneur à faire moudre tout son
grain au moulin, « pourvu que le meunier laille chercher à la
nuûson du preneur, atandu que celuy-cy est un, peu éloigné du
moulin (6) ». On ne saurait être plus complaisant.
(1) Arch. not. Acte du 15 septembre 1769.
(2) Ibid. Acte du 20 mai 1770.
(3)Decamw, caro,
(4) Pressoirs : Actes des 21 avril 1771, 21 mai 1770 ; chez un curé : 31 décem-
bre 1774 ; four : acte du 10 juin 1774, entre autres ; moulins : actes des 9 octobre
1774, 22 juin 1775, 6 novembre 1778. (Arch. not.)
(5) Voici dans quels termes on les y oblige : « En ouUre ce a promis et sera
teneu led. affevat ses hoirs et successeurs a laduenir daller moudre au moulin
dud. seigneur en lad. paroisse de Pontenx, tous et uns chescuns les bleds quils
mangeront et depanseront en leurs maisons sans pouvoir aller moudre a aucun
autre moulin saufs sy led. moulin venoict a ce desacomoder et quil ne peulz
moudre en ce cas pourront aller moudre ou bon leur semblera ». (Terrier de
Pontenx cité. Exporle du 28 décembre 1660. f. 83.)
(6) Arch. not. Acte du 25 août 1777-
— 308 —
Des droits honorifiques nous ne parlerons pas, du moins
en celte place. Ce n'est plus là une source de revenus pour
les gentilshommes; c'est une catégorie tout à fait à part de
droits et prérogatives. Du reste ils sont plus connus. Droit de
banc à Téglise, droit de préséance aux processions, aux
offrandes, droit aux prières nominatives au prône, droit de
litre (1), c'est-à-dire de faire peindre, en signe de deuil, lors
du décès d'un membre de la famille, au dedans et même au
dehors de Téglise, une bande noire supportant les armoiries
de distance en distance, tous ces droits existent dans le
pays qui nous occupe et nous verrons le seigneur de Mimi-
zan en réclamer la jouissance au curé.
Un droit que nous devons citer à part également, comme
étant, celui-là, plus onéreux que profitable, c'est celui qu'a-
vait le seigneur de racheter une terre dont un de ses tenan-
ciers s'était défait. Les exemples en sont nombreux. Le tenan-
cier vend à un tiers moyennant un prix, puis le seignenr
intervient qui, en sa qualité de seigneur, réclame l'immeuble.
Il en rembourse le prix, ainsi que les frais et loyaux coûts.
Cela s'appelait le retrait féodal. Dans les Landes, on sem-
ble avoir donné de préférence à cette variété de notre jiacle
de réméré le nom de droit de prélation (2). Jean de Pierre
Bayle, laboureur à Aureilhan, vend à Pierre LavioUe, meu-
nier à Mimizan, des immeubles relevant du comte d'Uza. Ce
dernier serait en droit de les réclamer, mais il cède son droit
à Pière Texoères, procureur d'office à Mimizan et le
«subroge en son lieu, droict et place ». La déclaration de
cession est écrite, signée de la propre main du comte d'Uza,
en marge de l'acte de vente, et datée du « château de Maie »
le 23 décembre 1741 (3). Muni de cette déclaration, Texoères
(1) On Ta désigné par différents noms : « Vitta lagabris, zona seu ligatura
funebris, litura, listre», etc. (Traité des df'oicta honorifiques des seigneurs es
églises, par Mathias Mareschal. Paris, 1623).
(2) Deprœ et latum,
(3) Arch. not. Acte du 6 septembre 1733«
— 309 —
exerce le retrait féodal, à la place da comte d'Uza, sur Tac-
quéreur, auquel il rembourse : le prix, les lods es ventes, le
contrôle, le salaire et le parchemin de Texpédition, les frais
de la prise de possession qui, alors, était toujours distincte de
Pacte d'achat, et enfln, des « réparations et aumentations »
que Tacquéreur avait eu le temps de faire (1). Les deux actes
se complètent et sont concluants. Ils donnent aussi un exemple
de cession de retrait féodal, ce que nous savions déjà pouvoir
se produire. Les formes des prises de possession de fiefs sont
intéressantes au même litre que les autres prises de posses-
sion landaises du temps. Nous en avons quelques exemples.
En 1737, noble Jean Marq Anlhoine Duvignac, prend posses-
sion des fiefs et droits seigneuriaux, sis à Bias, à lui vendus
par Roger Darricau, praticien, comme curateur de Margue-
rite Loupit, demoiselle, fille de feu M* Anthoine Loupit. Le
notaire, pour cela, le mène « au devant la porte de chaque
habitant de Bias auxquels il donne à entendre quil met led.
Seigneur de Mimizan en la pocession réelle actuelle et corpo-
relle de la tierce partie dud. fief et autres droits seigneuriaux,
quen cette qualité ils aient a lavenir a le reconnottre pour
leur coseigneur, luy rendre les honneurs, droits et préroga-
tives y attachés, le tout indépendament de sa hante justice,
et ledit seigneur de Mimizan leur a promis leur estre bon
seigneur en tout ce qui sera juste et de sa force (2) » .
Parlerons-nous des droits de chasse et de pêche ? A quels
excès tour à tour ridicules et barbares (5) n'avaient-t-ils pas
servi de prétexte au temps ancien ? Ce n'est pas à un seul roi, à
un seul seigneur, mais presque à tous qu'on aurait pu appliquer
ce mot de Thomas Rudborne sur Guillaume le Conquérant :
— « Amabal rex feras feras ac si essetpater ferarum (4) » .
0) Arch not. Acte du 21 février 1742.
(2) Aroh. not. Acte du 8 mai 1737. Voir aussi : Acte du 25 sept. 1769 .
(3) La droit de chasse,., par Charles Boulen. Paris, 1887, p. 31 notamment.
(4) Cité par Bonnemère, Hist des paysans depuis la fin du moyen-âge jus-
qu'à nos Jours. Paris, 1856, ii, 191.
Tome XXX. 21
— 310 —
Mais dans les Landes, à Minih^an du moins et au dix huitième
siècle, rien de semblable, et nous sommes loin de rÂmiénois
où, en 1507 encore, la coutume de Houdain défendait aux
manants de chasser sous peine d'avoir le poing coupé (1).
Il faut voir de quelle manière les habitants accueillent, en
1731, les prétentions cynégétiques et autres de leur seigneur!
a Ils ne lui reconnaissent pas » — disent-ils — « le droit
de défendre aux habitants de la paroisse de chasser dans
rétendue d'icelle, attendu qu'iï n'y a et n'y peut avoir que
celui d'y chasser en seul, tant comme seigneur haut-justicier
que comme habilanl (2) » . Et Ton trouve en effet des preu-
ves nombreuses de Texercice de ce droit par les paysans.
Les fusils notamment ne sont pas rares (3).
La pêche y était pareillement libre, sauf peut-être quand
la location en avait été faite à des trafiquants. Â Mimizau,
par exemple, la pêche sur un petit étang appelé « lac de
Triques », appartenant à l'église, était affermée par elle en
1745 (4). Et d'un acte du 10 avril 1722, semble résulter
aussi que le droit de pêche sur l'étang de Mimizan, était
affermé par la communauté. Certains paysans sont posses-
seurs d'engins de pêche. En 1766, un forgeron possède un
bateau et des filets (5). En 1771, deux frères, chassés de leur
paroisse. Lit en Marensin, se réfugient à Mimizan et font por-
ter « un bateau aveq une quantité de filets immenses » •
(1) n est bon de faire remarquer que Mimizan était dans une situation excep-
tionnelle. Ailleurs, sans doute, on ne jouissait pas de la môme liberté. C'est
ainsi qu'en 1510 des paysans de Subéhargues sont inquiétés pour avoir tué un
sanglier dans la forêt d'Aire. (D' L. Sorbets, Bulletin de la Société de Borda,
4' trim., 1883.)
(2) Réponse à un dénombrement du seigneur de Mimizan du 11 mars 1731,
citée par M. Légé, Petite rcouo d'Aire, juillet et septembre 1870.
(3) Arch. not. Actes des 15 juin 1721, 24 août 1732, 12 juillet 1769; un fuzfl
évalué 91. le 21 avril 1771 ; un fusil de/oreat (pour le distinguer sans doute du
fusil'Soufflet), 23 juin 1773, 2 septembre 1775; 4 fusils dont 2 à 2 canons et 2 à un
seul canon ; ces derniers : papiers de la famille Luxey» Acte du 11 vendémiaire
an VI.
(4) Registre des comptes de la fabrique de TégliSe de Mimizan.
(5) Arch. not. Acte du 30 mai 1766.
— 311 —
Les habitants s'assemblent et expliquent que « le droit de
pesche.,. leur a étéacordé par les privilèges de leurs roys,
quil arrive tous les jours que bien des manans (les Mimiza-
nais ie prennent de haut!) et gens sans aveu et de mauvaise
vie se jettent dans la paroisse pour en profiter, ce qui por-
te aux habitants un préjudice considérable », car la pêche
leur sert « a payer unne partie des impositions royalles » ;
c'est même « dans cette vue que les roys ont accordé ce pri-
vilège » • « En conséquence, pouvoir est donné au sindiq et
âu jurât de crier sur la place peublique que les habitants
soposent à ce que ledit Donesse et son frère et autres estran-
gers peschent avec aucunne sorte de filets, de sortir les filets
et bateau dans les vingt quatre heures. Défense à tous autres
qui ne seront pas natifs et propriétaires de Mimizan ou qui
nauroDt pas la permission du sindiq et des habitants » • -—
« On saisira les engins, on les déposera entre les mains de
Thuissier et on poursuivra selon la rigueur des lois (i) ».
Que les usurpateurs fussent nobles ou roturiers, on voit que
les Mimizanais étaient intraitables et bien' avaient-ils raison
car ces beaux privilèges étaient inscrits en toutes lettres dans
leur coutume : — « Item que nous auons et tenons nos per-
sonnes^ toutes nos terres, hostels, maysons et toutes nos
autres causes, nostre montaigne (2), boscatges, landes et
rivières en nostre coste de la mer, et les eaulx (sic) courans
et non courans, estangs, e( toutes les choses et venaisons
que sont dedans nos limites en eaulx et en terres, francs et
quittes et eocempis de toutes charges... pour quinze livres de
Morlanes que payons et avons acoustumé payer... pour et
au nom de notre seigneur le roi d'Angleterre et duc de
Çi) Arch. not. Acte du 7 avril 1771.
(2) EUsée Reclus constate que, « dans les Landes comme en Espagne, le nom
de « mont » ou « montagne » s'applique à la fois aux collines de sable et aux
arbres qu'elles portent ». Ce mot, employé dans la coutume de Mimizan, prouve-
raitrll qu'à l'époque de sa réda(Sion, les dunes étaient boisées, comme cet auteur
l'affirme pour tout ou partie du moyen âge f
— 312 —
Guyenne à Tabbé et couvent du monastère de Sainct-Sever,
par certain parriage entre eux faict... »
Pour toutes ces propriétés, pour tous ces droits, les sei-
gneurs, qu'ils fussent nobles, du reste, ou simplement
acquéreurs de terres nobles, devaient faire, « tous les trente
ans et à chaque mutation de seigneur et de vassal » , hom-
mage au seigneur suzerain. En 1699, a mademoiselle Darti-
guenave » fait hommage au duc de Bouillon pour vingt jour-
naux de terre qu'elle tient de lui « sous le devoir d'une paire
de gans blancqz » (1). Dame Marianne Duvignac» épouse
Pierre Lataulade, et Anne Saint-Jours, demoiselle, veuve
Jean Lagoueyte, seigneur de Bias et Capas, font hommage au
même, la dernière en 4696, la première en 1748 (2). I.'église
de Mimizan^ elle aussi, fait de même < pour les fiefs possé*
dés par elle en la prévôté de Born, sous le devoir également
d'une paire de gants blancs » (5). Enfin, nous trouvons trois
hommages de 1727, 1732 et 1733, faits par une famille
Loupit, de Bias. Comme il s'agit d'une cérémonie d'ordre
essentiellement féodal, nous pouvons très bien parier ici de
cette dernière famille, quoique bourgeoise, au même titre que
nous parlons des familles nobles.
Les hommages que nous venons de citer sont faits par pro-
cureurs. L'église de Mimizan est représentée par un syndic
spécial. Les Loupit, de leur côté, donnent pouvoir « de se
présenter pour eux au château de Nérac au duché dalberet
deuant messire Daniel de la Mazillière seigneur dudit lieu
gouverneur et intandant gênerai dudit duché dalberet et conte
du bas armaignacq pour très haut et très puissant prince
Esmanuel teodore de la Tour d'auuergne duc souuerain de
Bouillon, viscompte de Turaine, duc dalberet conte dauver-
gne, deureux (1. Evreux) et du bas armaignacq, baron de la
(1) Papiers de la JbmUle Luxey. Acte du 2 avril 1690.
(2) Arch. not. Acte du 25 mai 1761. *
(3) Ino. des arch, dép, des Landes, G. Il et 13.
— 313 —
Tour de montgarcon cazillocq, père {siCj !• pair) et grand
chambelanl de france, gouuerneuret lieatenaot geaeral pour
le Roy, du haut et bas peys et province dauuergne » • Là,
ledit procureur devra « ce mestre teste nue, genous a terre,
sans espèe, les mains jointes entre celles dud. s' Lamazil-
lière » D'après Pacte d'iiomrnage de la demoiselle d'Arli-
guenave, le procureur devra se mettre « teste nue, genoux a
terre, wns boite, manteau ny espérons •,.. ». L'iiommage
était constaté par un acte succinct, sur parchemin, dressé
séance tenante et scellé aux armes du seigneur suzerain. Une
seule de ces pièces nous est passée sous les yeux. On y voit
un cachet à cire rouge ardente sur papier plié en deux et pris
clans une découpure horizontale du parchemin. L'empreinte
assez confuse tkisse distinguer un écartelé aux 1 et i, à la
tour entourée de fleurs de lys, au 2 à tiois tourteaux (?), au
3 à trois bandes; en cœur, un écu absolument indéchiffra-
ble (4). Mais pour se faire représenter à une cérémonie de
cette importance, comme nous voyons que l'ont fait notam-
ment les Loupit, il faut fournir au suzerain une excuse. Ohl
qu'à cela ne tienne! L'imagination gasconne est fertile. On en
a de toutes prêtes. La première fois donc, le mandataire
« représentera que ledit sieur de Loupit est un peauure viel*
lard infirme et que ledit sieur Ânthoine de Loupit est ataquè
de la goutte et hors destat de monter a cheual et ladite
demoiselle de Loupit est malade languissante depuis long-
temps et a raison de ce hors destat de se transporter dans
ladite ville de Nérac et audit chasteau sans courir risque de
leurs vies » (2). La seconde fois, il remontrera « que ledit
sieur Dupuy veuf de demoiselle Catherine Loupit, est attaqué
d'un rhujie sur la poitrine et accablé d'une Oeure quarte
qui la mis hors destat de monter a cheual et ladite demoiselle
(1) Papiers de la famille Luxey, Hommage cité de demoiselle Dartigue-
nave.
(2) Arch. not. Acte du 21 juillet 1727.
— 314 —
Loupit malade languissante depuis plus d'un mois > (1).
La troisième fois enfln, on revient encore « au rhume sur la
poitrine » (2). L'esprit inventif le mieux doué s'épuise, à la
longue, et n'est pas à l'abri des redites. Mais peut-être, après
tout, est-ce calomnier cruellement de pauvres gens donl,
hélas f le temps a, depuis de longues années, guéri les fiè-
vres quartes, les langueurs et les rhumes sur ia poitrine...
Georges BEAURÂIN.
{A suivre.)
NOTES DIVERSES.
CCXLVII. Une Bnperstition ▼ermifnge en fiascogne.
Fréron, en rendant compte (Année littéraire, 1755, t. m, p. 214) de
V Essai sur V éducation médicinale des enfants de Rrouzet, y relève une
pratique superstitieuse observée « dans une de nos provinces méridiona-
les ». Le langage des formules dénote précisément la Gascogne. Voici tout
le passage :
« Lorsqu'un enfant a une attaque de vers, on l'étend sur une table,
autour de laquelle on aUume neuf petites bougies. La principale actrice se
place aux pieds de l'enfant et dit avec un enthousiasme singulier, accom-
pagné de grimaces et de gestes extravagants : Nau herniis qu'a Job, de
nau que n'a trop, de nau hicnguen a oueit. C'est-à-dire : « ce petit Job a
neuf vers ; il en a trop de neut qu'ils soient réduits h huit. » On éteint
ensuite une bougie et l'on recommence la même formule [en changeant les
noms de nombre] avec les mêmes cérémonies, jusqu'à ce que Job n'ait plus
qu'un ver. Pour lors on finit en disant : Qu'aquet un qu*aje autan de
poudè sur Job, coum a part a la misso lou qui l'enten darrè la carcra
niesso. Cela signifie : « que ce ver qui est le seul qui reste ait autant de
pouvoir sur Job, que celui qui entend la messe derrière la servante du
curé a de part à ce sacriûce. »
J'ai suivi le texte servilement (si ce n'est que j'ai corrigé deux fautes
d'impression) ; mais je déclare que je n'entends rien aux deux derniers mots
gascons, probablement fautifs, carera niesso, même avec le secours de la
traduction vraie ou fausse qu'on vient de lire.
L. G.
(1) Arch. not. Acte du 10 octobre 1732.
(2) Ibid. Acte du 12 septembre 1733.
ETUDE
SUR
L'INSTRUCTION PUBLIQUE
A, LECTOXJRE (•)
CHAPITRE VIII
Déplaceaient du cimetière du Saint-Esprit — Demande de reconstruction
du collège. — - Intervention de Mgr de Jumilhac, et de l'intendant Jour-
net. — Députation à Auch. — Rapport de M. Ricau. — Transaction
entre la Communauté et les Doctrinaires.
Les luttes du Jansénisme étaient à peine apaisées que de
nouveaux conflits allaient s'élever entre la ville et les Doctri-
naires au sujet de Pagrandissement du collège. Le terrain
occupé par eux était très restreint; ils étaient resserrés entre
trois rues et le cimetière de la paroisse du Saint-Esprit. C'est
de ce dernier côté qu'ils voulaient s'étendre et, à la date du
2i octobre 1759, ils adressaient la requête suivante aux con-
suls de Lectoure :
A Messieurs les Maire, Consuls et communauté de la ville et citté
de Lectoure.
Les Pères de la Doctrine Chrétienne ont Thonneur de vous repré-
senter, Messieurs, que depuis que la ville les a appelés pour Téducation
de la jeunesse, leur zèle et leur attei^on ont été sans bornes, et la ville
s'est déclarée dans toutes les occasions la protectrice du collège qu'elle
a fondé. Les supplyants se proposent de faire rebâtir leur maison et
comme le terrain en est fort resserré, remplacement qui sert de cime-
tière à réglize du Saint-Esprit leur seroit fort utile et même nécessaire
|x>ur leurs classes et pour la façade qui serviroit îi la décoration de la
(•) Voir ci-dessus, p. 209.
— 316 —
ville et du collège. Les supplyanis espèrent, Messieurs, qu'en continuant
de les mettre sous votre protection, vous voudrez bien favoriser leurs
projets et accorder un terrain suflSzant dans la fausse braye (1) pour y
placer le cimetière de l'églize du Saint-Esprit; et dans le cas qu'il
plaise à Mgr Févèque d'ordonner la translation du cimetière dans la
fausse braye, leur accorder l'ancien cimetière pour y placer partie de
leur construction. Les supplyants ne cesseront de renouveller leurs
vœux pour le bonheur de la ville. — Fayard, de la Doctrine Chré-
tienne, recteur du collège.
. La communaulè, ayant égard à la demande des Pères,
décida que le cimeliëre du Saint-Esprit serait transféré sur uu
terrain à prendre au midi depuis Taquèduc dit du Pourlel jus-
qu'à la porte des Carmes, et que l'autorisation du déplacement
étant obtenue, ils pourraient bâtir sur le cimetière actuel uae
construction neuve destinée à devenir leur église. Dans tous
les cas, le terrain ne leur appartiendrait que lorsque la cons-
truction serait édiflée (2). Celte demande d'un agrandisse-
ment partiel n'était qu'une feinte pour arriver à une recons-
truction complète du collège. Les Doctrinaires, trouvant le^
locaux insuffisants, mal bâtis et peu solides, avaient consulté
plusieurs jurisconsultes sur la valeur de leurs prétentions.
Ils ne communiquèrent pas à la communauté l'avis motivé
de leurs avocats et se contentèrent de formuler leurs exigen-
ces sans aucune pièce justificative. Les consuls, prisàrim*
proviste, chargèrent MM. Gauran frères, et Comin, échevin,
de rédiger un mémoire sur la question soulevée, sauf à le
soumettre plus tard à des personnes compétentes (3). Ils
voulaient éviter un procès, mais ne purent y réussir. En effet,
les Doctrinaires les assignèrqij^t devant le sénéchal par exploit
du 14 octobre 1767 et les sommèrent de comparaître devant
ce magistrat pour s'entendre avec eux sur la nomination
(1) On nommait fausse braye la seconde enceinte terrassée comme la première
et qui n'en était pas séparée par un fossé, mais dont le terre-plein joignait
l'escarpe de la première enceinte (Littré).
(2) Record du 21 octobre 1759.
(3) Record du 2 mai 1767.
~ 317 ^
d'experts convenus on nommés d^office, qui seraient chargés de
visiter le collège, de décider s'il devait être reconstruit ou réparé,
et dans ce dernier cas, d'indiquer les réparations à effectuer.
Cette assignation irrita profondément les consuls. Les exi-
gences des Doctrinaires leur paraissaient excessives : non
seulement ils demandaient la reconstruction d'un établisse-
ment Mti depuis environ un siècle et qu'ils prétendaient
tomber de vétusté, mais encore ils sollicitaient un logement
sûr et commode tant pour eux que pour la tenue des classes.
L'assemblée communale, à titre de représailles, rétracta aus-
sitôt la délibération du 21 octobre 1759, en vertu de laquelle
elle avait abandonné l'ancien cimetière du Saint-Esprit, et
elle envoya au contrôleur général une copie du contrat du
12 octobre 1630 avec l'assignation du 14 octobre 1767 (1).
Son parti fut bientôt pris; elle résolut de résister à la préten-
tion des Doctrinaires et elle obtint de trois avocats au parle-
ment de Toulouse une consultation favorable à sa cause. Cette
consultation fut transmise à l'Intendant de Guyenne, sans l'au-
torisation duquel les consuls ne pouvaient agir, et MM. Gou-
lard, juge criminel, et Gauran, avocat, furent chargés de
dresser un mémoire destiné au contrôleur général. Le but des
consuls était d'obtenir de cet officier un arrêt d'attribution
en vertu duquel il statuerait sur le litige ou nommerait lui-
même un tiers-expert (2).
Le temps s'écoulait et l'Intendant ne répondait pas plus
que le contrôleur général, lorsque le 12 janvier 1768, une
lettre de M. de Sallenave, commissaire du roi, les informa que
l'autorisation d'ester en justice était refusée à la commu-
nauté, et qu'ils n'avaient d'autre ressource que de s'entendre
amiablement avec les Doctrinaires, si la chose était possible.
Le médiateur naturel était l'évêque. Les échevins, les con-
(1) Record du 18 octobre 1767.
(2) Record du 20 décembre 1767. Les honoraires de la consultation des aTO-
cats et les frais du messager envoyé à Toulouse ne s'élevèrent qu'à 31 livres,
4 sols.
— 318 —
seiUers de la ville et le procureur du roi se reûdireot au palais
èpiscopal, où ils trouvèrent Mgr de Jumilhac parfaitement dis*
posé en leur faveur. Ce prélat leur promit d'employer tout
son crédit et son autorité pour ramener la paix entre la ville
et les Pères (1). Malheureusement son intervention ne put
pas aboutir (2), le supérieur général de la Congrégation ayant
refusé de donner à ses confrères de Lectoure les pouvoirs
nécessaires pour transiger avec la communauté qui, étant
mineure, ne pouvait d'après lui valablement s'engager. Les
sentiments de bienveillance de Tévéque envers les représen-
tants de la cité étaient si connus que les consuls voulurent
lui donner une marque publique de leur reconnaissance. Il
fut délibéré le 27 mars 1768 et —
Par M. Corrent, éohevin, conclu et arrêté que MM. Goulard de
Saint-Michel lieutenant principal, Goulard juge criminel, Gauraui
avocat et Corrent conseiller-échevin, seroient députés pour remercier
ledit seigneur évèque des soins qu'il avoit bien voulu se donner à l'oc-
casion de ce dessus; lui témoigner la douleur que ressentoit la commu-
nauté des circonstances malheureuses qui en avoient empêché le succès
et le prier en même temps de continuer ses bontés à une ville qui
mérite toute sa protection par les sentimens de vénération, de confianoe
et d'attachement dont elle sera toujours pénétrée pour sa personne; et
qu'en outre l'assemblée sera continuée et prorogée à mardi prochain
vingt neuf viesme du courant, à une heure de l'après-midi, pour, après
la réponse dudit seigneur évêque, être délibéré sur le fond d'une affaire
aussi importante (3).
•
Une jurade générale fut tenue en effet le 29 mars. M. Mal-
lac^ procureur du roi^ flt un rapport sur les tentatives amia-
(1) Record du 12 janvier 1768.
(2) Lettre de l'intendant Journet aux consuls de Lectoure, datée de Paris le
17 avril 1768. Arch. mun.
(3) Record du 27 mars 1768. Les évoques de Lectoure avaient à cœur de rem-
plir l'office de médiateur entre la commune et ses adversaires chaque fois que
cet office pouvait être efficace. Nous l'avons déjà constaté lorsque Hugues de
Bar se rendit h Monlauban en 1684 pour intéresser aux affaires de la commune
l'intendant Urbain Legoux de la Berchère. 11 refusa d'être défrayé de ses dépen-
ses et la ville le pria d'accepter comme gage de sa reconnaissance six fromages
de Roquefort et des truiles (Record du 23 décembre 1684).
— 310 —
bles auxquelles les députés de là ville s'étaient livrés; il dit
que les Doctrinaires avaient repoussé tous les moyens de
pacification proposés par Tintendant el qu'ils voulaient forcer
la ville à plaider, parce qu'ils savaient qu'elle n'avait pas de
ressources suffisantes pour soutenir le procès. Il déclara
néanmoins qu'il n'y avait pas lieu de se décourager, qu'il
convenait de prendre un parti décisif et que, dans le cas ou
les Pères persisteraient dans leur projet de résistance, il fau-
drait s'adresser de nouveau, soit à l'intendant, soit au secré-
taire d'Etat de la province, pour demander la suppression du
collège. Après cet exposé aussi énergique que précis, la
Jurade décida à l'unanimité des suffrages :
Que rassemblée persistoit toujours dans ses précédentes vues de oon-
cilialion et voulant en épuiser tous les moyens par l'impossibilité où
elle est de plaider et à defFaut des ressources à ce nécessaires et n'ayant
même pu obtenir à être autorisée, a révoqué et révoque d'hors et déjà
toutes délibérations dans lesquelles il auroit été question de d^endre
au procès intenté par les Pères Doctrinaires, comme aussy tous pou-
voirs qui auroient pu être donnés à cet égard, même sous prétexte
d'obtenir uniquement un délai pour attendre d'être authorisée, désa-
vouant tous procureurs et voulant que tout soit regardé nul et comme
non avenu, ou fait ou occasionné par erreur, entendant que la dite
révocation soit faite en la meilleure forme possible, protestant par
exprès de toutes les poursuites qui seront faites au préjudice de ce, tant
en son nom qu'en celui du syndic du collège; et pour que le dit syndic
n'en puisse prétendre cause d'ignorance, le présent délibéré lui sera
signiffié à la requette de M. le Procureur du Roy, échevins et notables,
et pareille signiffication au greffe du sénéchal ; ce fait, qu'il sera écrit
à M. l'Intendant pour luy faire toutes les représentations nécessaires
en le supplyant de vouloir bien interposer ses bons offices pour finir à
l'amiable le procès en question, la communauté ayant déjà fait d'avance
les démarches qui luy furent indiquées par M. l'Intendant, qui ont été
inuttiles par le dessein formé de la part des Doctrinaires d'obtenir des
plus grands avantages en plaidant ; et cependant, dans le cas où la com-
munauté verrait tous les moyens de paciffication détruits, et que toute
espérance de conciliation luy seroit olée, dans cette extrémité, attendu
qu'aux termes de Tédit de 1763 concernant l'administration des collèges,
— 320 —
ceux qui ne dépendent point des Unirersités doivent être supprimés en
partie, que le Roy ne s'est point encore expliqué sur la conservation ou
suppression du collège de cette ville, quoiqu'il soit du nombre de ceux
dont l'état est incertain et par là exposé à être supprimé; c'est avec
douleur qu'elle se verra forcée dans les tristes circonstances où elle se
trouve de ne pouvoir fournir à Fentretien et reconstruction du collège
dont l'état n'est pas encore assuré, qu'il luy deviendroit môme onéreux
et nuisible luy étant déjà inuttile soit parcequ'il est presque désert, soit
parceque la ville est environnée à trois ou quatre lieues de distance de
plusieurs collèges beaucoup mieux desservis que le sien, d'en demander
la suppression à la Cour; auquel effet demeure arrêté d'hors et déjà
que dans le cas que les Doctrinaires poursuivront le procès commencé
et qu'ils se refuseront aux voyes de paciffication, la communauté se
pourveoira de suite par devant M. le secrétaire d'Etat ayant le dépar-
tement de la province pour demander qu'il plaise à Sa Majesté de sup-
primer ledit collège tant à cause des raisons susdittes que de l'impos-
sibilité ou la communauté se trouve de l'entretenir à perpétuité et de le
rebâtir toutes les fois qu'il plaira aux Doctrinaires de n'y faire jamais
aucunes repparations comme cy-devant ils n'en ont jamais fait, quoy
qu'ils y fussent tenus par l'acte de 1630, les actes primordiaux relatifs
à l'établissement du collège ne se trouvant pas d'ailleurs revêtus d'au-
cune autliorisation légalle soit de la part du souverain, soit de la part
des magistrats qui le représentent^ laquelle est touttefois indispensable
pour rendre ces sortes d'établissements publics irrévocables (1).
Le leDdemaiD, celle délibération était signiûée aux Doctri-
naires par exploit de Gaillau, huissier au sénéchal (2).
Les relations de la ville et des Doctrinaires étaient trop
tendues pour durer longtemps dans cet état. Les deux adver-
saires au procès avaient, au fond, un intérêt égal à se faire
des concessions réciproques. La ville tenait quand même à
garder un collège prospère, malgré Texagération des termes
de la délibération du 29 mars, et les Doctrinaires étaient pour
ainsi dire liés à ce même collège par les acquisitions impor-
tantes qu'ils avaient faites en vue d'une fondation considérée
par eux comme perpétuelle. Sept mois s'écoulèrent sans nouvel
(1) Record du 29 mars 1768.
(2) Records. Acte du 3(fniars 1768.
^ 321 —
acte d'hostilité, gr&ce à un projet de médiation dontrinlendant
avait promis de prendre l'initiative, mais auquel il ne donna
pas une suite immédiate. Ce magistrat s'étant rendu à Lec-
toure vers la fin du mois d'octobre 1768, les consuls le priè-
rent de servir d'arbitre entre eux et les Pères. Il répondit qu'il
ferait vérifier l'état du collège par des experts chargés d'in-
diquer les réparations à faire et de décider qui devrait les
payer; que cette expertise serait longue et coûteuse et qu'il
vaudrait mieux, pour un bien de paix^ recourir de nouveau à
l'intervention de l'évêque, si celui-ci voulait toutefois s'en
charger. La démarche était délicate après le précédent échec
du prélat; M. Journet s'engagea à lui en parler lui-même
avant toute action directe des consuls. Sur la réponse favora-
ble de l'évêque, MM. de Gauran, vicaire général, de Goulard,
lieutenant criminel, Goulard de Saint-Michel, lieutenant
•
principal, et Gauran, avocat, se rendirent auprès de Mgr de
Jumilbac et l'assurèrent que la ville s'en rapporterait à sa
décision (i). Le prélat échoua comme précédemment dans sa
tentative de conciliation ; car, plus les consuls penchaient vers
la transaction, plus les Doctrinaires se montraient exigeants.
Dans les premiers jours du mois de mars 1769, ils adressaient
une requête à l'Intendant, et celui-ci, en la transmettant aux
consuls, leur demanda d'y répondre (2).
La Jurade se réunit le 18 mars et, après la lecture de la
requête ci-dessus, M. Mallac, procureur du Roi, s'éleva vive-
ment contre les prétentions qui y étaient formulées. C'est
en vain, dit- il, que les doctrinaires prétendent avoir soigneu-
sement entretenu le collège, tandis que d'après la notoriété
publique ils n'y ont jamais fait aucune réparation; c'est à
leur négligence seule qu'il faut attribuer l'état de délabrement
de la maison; c'est dans ces conditions qu'ils osent demander
une reconstruction complète sur de nouveaux plans dressés
(1) Record du 2 noyembre 1768.
(2) Arch. mim. Lettre du 14 mars 1769.
par des ingénieurs, alors que la commune pourrait tout au
plus être tenue des travaux de consolidation à effectuer sur
les bâtiments primitifs et non sur ceux qu'ils ont acquis en
leur nom personnel; les Pères doivent se contenter du col-
lège tel qu'il a été accepté par leurs devanciers; s'ils veulent
a un bâtiment neuf et à la moderne » , ils n'ont qu'à le faire
construire à leurs frais, et la commune leur cédera la propriété
du terrain et des vieux matériaux; si ces propositions ne leur
conviennent pas, ils n'ont qu'à se retirer et ils seront dégagés
de l'obligation de régir le collège. Sur cet exposé, la jurade
décide que la ville fera réparer et consolider les bâtiments
originairement concédés, sans nouveau plan et sans exper-
tise, se chargeant de payer toutes les réparations malgré
le recours en garantie qu'elle serait en droit d'exercer
contre les Doctrinaires ; que la ville veut être généreuse envers
eux, mais que si, dans le délai d'un mois, il n'acceptent pas
la décision municipale, ils seront remplacés. Cette délibéra-
tion leur fut notifiée dès le lendemain. L'Intendant Journet
en reçut aussi une copie et il fut prié de s'intéresser au sort
de la ville, qui ne pouvait se prêter aux exigences des Pères
sans savoir si le collège serait supprimé ou maintenu et sans
se mettre dans l'impuissance d'acquitter ses charges pour les
besoins de l'Etat (i).
Le syndic du collège de Lectoure ne tint aucun compte de
la délibération communale et refusa d'accepter les offres de
la ville. 11 adressa au mois de juin suivant une nouvelle
requête à l'Intendant et celui-ci la communiqua aux consuls
par l'intermédiaire de M. Dufau, son subdélégué. Ceux-ci décla-
rèrent que tout ce qu'elle contenait était « supposition et faux
raisonnements » ; ils se référèrent aux propositions déjà faites
et déclarèrent que pour couper court « aux tracasseries des
Pères et prévenir une plus longue discussion » , ils s'adresse-
(1) Record du 18 mars 1769. Cette délibération fut signifiée le 19 au syndic du
collège par Caillau, huissier royal. (-\rcb. mun.)
— 323 —
raient au Ministre^ afin de pour voiran rem placement des Doc-
trinaires (1).
Cependant la ville était assignée devant le sénéchal; elle
fil rédiger un mémoire, qu'elle envoya à MM. de Jolis et Dési-
rât {^), avocats au parlement de Toulouse, désignés par
M. Journet pour donner leur avis, et elle demanda Tautorisa-
tton de se défendre en justice (3). Elle chargea en même temps,
pour parer au plus pressé. M' François Carbonau, postulant
en la cour sënéchale, de la représenter « en toutes réquisi-
» tions et actes utiles à ses intérêts » , quoique son mandat
fut limité à la demande d'un sursis (4). Sur ces entrefaites,
M. Journet mécontent de ce que la ville avait agi sans son
assentiment préalable, écrivit le 12 juillet aux consuls quMI
désavouait leurs démarches, que leurs prétentions lui parais-
saiemt douteuses, qu'en cet état, il ne les autoriserait pas à
intenter une action judiciaire, mais que s'ils persistaient à
vouloir plaider malgré lai, il ferait examiner les bâtiments et
requerrait un procès- verbal de visite par experts. Comme
conclusion, il engageait les consuls à transiger. Ceux-ci lui
écrivirent aussitôt pour lui demander une nouvelle médiation
et le prier aussi d'engager les Doctrinaires à surseoir à toute
nouvelle poursuite. M. Journet leur répondit d'Aucb le 48
juillet 4769:
Il ne m'est pas possible, Messieurs, de répondre en détail à la lettre
que vous m'avez écrit au sujet de votre affaire avec les Pères Doctri-
naires; je pense cependant que le parti que vous vous proposez de
prendre serait le meilleur pour terminer vos différends. Le P. Recteur
qui s'est trouvé ici au moment que j'ai reçu votre lettre m'a paru dis-
posé à suspendre ses poursuites jusqu'à ce qu'on eut tenté de trouver
des moyens de vous concilier. Il faudroit que quelqu'un de vous, Mes-
sieurs, vint conférer avec moi là-dessus; je vous ferais part de mes
idées, et si elles étaient du goût de votre communauté, il seroit aisé
(1) Record du 13 juin 1769.
IZ) Cette constdtation coûta 27 livres, et le transport du dossier 10 livres.
(3) Record du 3 juillet 1769.
(4) Record du 16 juillet 1769.
— 324 —
ensuite de faire procéder aux opérations nécessaires pour cet accomo-
dement. Vous pourriez charger celui qui viendroit me parler de m'in-
diquer les architectes que vous croiriez propres à la vériffication du
collège pour que je puisse juger s'il convient de les en charger. Je
suis Signé JouRNET.
M. Goulard de Saint-Michel^ lieutenaDt principal, fut chargé
d'aller à Auch pour défendre les intérêts de la communauté;
mais son âge avancé ne lui permit pas de remplir cette mis-
sion et il fut remplacé par MM. Ricau, avocat, et Descamps,
docteur en médecine. Une absence de M. Journet ayant
retardé l'entrevue, les délégués lectourois ne purent se ren-
dre devant lui que dans les premiers jours de décembre (1).
Le P. Dordé, recteur du collège, s'y trouva aussi et exposa
ses prétentions dans les termes suivants, tels qu'ils résultent
du rapport de la députation :
M. le Recteur du collège a d'afoord été admis la veille à expliquer ses
demandes et prétentions, qui consistent à ce que la ville soit tenue à
réparer et reconstruire le collège, et cela non sur ses plans et forme
actuels qu'il regarde comme peu décents relativement au temps, mais
sur des nouveaux plans plus décents et aux moindres frais que faire se
pourra ; qu'à cet eflEet on laisse en oultre subsister la déhbération qui
contenait concession du cimetière, et que la ville se charge des frais de
la translation des ossemens et de la clôture du nouveau. Il est fondé
sur les raisons contenues dans les consultations communiquées à vos
prédécesseurs; que, parla fondation de 1630 et Taccordde 1641, ils ne
sont tenus qu'à entretenir et à répai'er l'édifice et non à le reconstruire
lorsqu'il tombe par vétusté comme il arrive, ajoute-t-il, dans ce cas;
que puisque l'édifice reviendrait à la ville si par quelque accident leur
Congrégation venait à cesser de pouvoir faire le service convenu, ils
ne peuvent être regardés comme propriétaires, mais comme simples
usufruitiers qui ne sont jamais tenus à reconstruction de ce qui tombe
par vétusté, la dépérition de la chose |étant sur le compte du proprié-
taire ; que dans cette position de nécessité de construire, il ne seroit
pas proposable de le faire dans la forme, sur les plans et les dimen-
(1) Records des 23 juillet et 29 octobre 1769. Lettres de l'intendant Journet
aux consuls de Lectoure, en date des 22 juillet et 13 octobre 1769. Lettre des
consuls à M. Journet, du 2 novembre 1769. (.\rch. mun.)
sions du collège actuel ou les chambres sont petites, basses, et étroites,
les ouvertures insuffisantes^ sans ordre ny symétrie, ce qui rend tout
rédifiee incommode, moins salutaire pour la santé, < moins propre à
favoriser la liberté d'esprit et la force de corps nécessaire à des gens de
letti*es; qu'en bâtissant ainsi à neuf, ils ne peuvent faire moins que
d'avoir au rez de chaussée six classes, une préfecture, une salle d'exer-
cices, un reffectoire, une cuisine et une souillarde, outre la chapelle,
la sacristie et une chapelle des artisans; que pour le logement, il leur,
faut six chambres pour les régents, une avec un cabinet pour le rec-
teur, deux pour un preffet et un surnuméraire, deux pour le provin- •
cial et son assistant ou pour des étrangers lorsqu'il en vient, une pour
le frère et une infirmerie, ce qui fait en tout le nombre de douze pièces
décentes et raisonnables, et que c'est aussi ce qu'ils demandent leur
être accordé.
Les délégués répondirent à ces prétentions en droit et en
fait. Nous ferons grâces des raisons de droit toujours arides
et tirées d'Heineccius, de Loyseau, de Pothier et de l'appli-
cation de la maxime causa data, causa non secuta. En fait^
ils déclarèrent que le mauvais état des bâtiments provenait
soit du défaut d'entretien, soit de la malfaçon, dont les Pères
étaient responsables, puisqu'aux termes de la transaction de
1641 ils s'étaient chargés de l'exécution des bâtisses.
Pour s'en convaincre, dit M. Descamps, il n'y a qu'à suivre l'ins-
pection de quelques parties; les arceaux au devant des classes sont
trop faibles dans leurs jambages et dans l'encoignure qui devait retenir
la poussée; que l'escalier est une partie qu'ils rebâtirent à neuf, ainsi
qu'il résulte non seulement par l'inspection et par sa différence avec
le reste,mais encore par les armoiries et l'inscription qu'ils ont mise
sur le portail et par une autre inscription qui est au bout de la pre-
mière rampe que nous avons vériffié, portant la date de Tannée 1646;
que cependant cette partie est la plus ruyneuse et la plus dangereuse de
toutes, ce qui ne peut évidenunent provenir que de mauvaise construc-
tion et qu'un édifice bâti à neuf pour durer à perpétuité doit durer
beaucoup au-delà de cent vingt-trois ans ; que nous avons remarqué
pareil vice de construction dans la chapelle; qu'au lieu de bâtir cette
partie à neuf comme le portaient les deux actes de 1630 et 1641 , les
Doctrinaires se sont contentés de lier et de rajuster d'anciens édifices
Tome XXX. %i
-- 326 ~
nsi qu'on le voit par les traces, les portes masquées et les ouvertu •
res qui paraissent encore, et que pour y donner plus d'élévation on a
fait un surhaussemeut sur ces vieux murs reliés qui n'étaient pas en
état de supporter cette charge, en sorte qu'il n'est pas bien surprenant
qu'après cet espace de temps le surcroît penche et se déjette.
 la suite de ces explications, rintondant prit la parole et
dit que, s'occupanl de cette affaire « comme père de la com-
munauté » et dans un but de conciliation, il laisserait de
côté les questions de droit et jugerait la question litigieuse
d'après les convenances et Téquité. Il résuma la demaade
des Doctrinaires qui, d'après le P. Recteur, consistait —
En ce qu'il fût fait un collège à neuf sur des plans, des dimen-
sions et un goût différent, plus honnête et plus commode, en deux
ailes et un corps de logis sur une cour raisonnable, avec le nombre de
pièces que nous avons déjà détaillé, et d'y contribuer de leur pouvoir,
demandant aussi que la ville y contribue de son côté, puisque indépen-
damment que ce sera un surcroît de décoration pour elle, le collège
au fond est aussy pour son utilité et pour l'éducation de ses citoyens.
Le P. Recteur demandait d'abord, pour Pexécution de ces
travaux une somme de 50, 000 livres, qu'il réduisit bientôt à
18,000 et à 15,000 livres; les délégués municipaux, dont le
mandat était limité et qui ne pouvaient promettre que 4,000
livres, se trouvaient dans un extrême embarras et ne savaient
quel parti prendre, lorsque l'Intendant mît fm à la discus-
sion. Il déclara au P. Recteur qu'il ne le croyait pas fondé à
exiger de la ville la construction d'un collège sur de nou-
veaux plans; que, d'un autre côté, s'il demandait la réédiflca-
tien du collège, c'est qu'il ne le croyait pas solide ; que la ville
pourrait tout au plus contribuer à cette dépense à cause de
la décoration et de l'embellissement qui en résulterait pour
elle. Il ajouta que, d'après lui, la ville devait concourir aux
frais de la reconstruction jusqu'à concurrence du chiffre total
des réparations qu'aurait nécessitées le collège actuelsi on avait
pu le conserver, pluâ un tiers en sus dudit total à titre d'in*
\
— 327 —
demnité. C'est sur ces bases que le résullal de la conférence
fui rédigé, en présence de M. Journet, dans les termes sui-
vants et sous forme de simple projet n'engageant déflniti-
vemenl aucune des parties contractantes :
I- La communauté baiUera aux Doctrinaires ce à quoy sera estimé
le montant des reconstructions et des réparations grosses et menues
qui sont à faire au coUëge dans la partie donnée par la ville pour la
mettre en état de solidité relativement à sa disposition originaire et sans
rien changer à ses plans, forme et dimension ; — et qu'en outre, en
considération de la construction dans le nouveau goût et des aug-
mentations qu'ils veulent faire, il leur sera baillé le tiers en sus dudit
montant des réparations et reconstructions cy-dessus exprimées; et
que Testimation en sera faite par M. Bourgeois, ingénieur de la ville
d' Auch ;
II. La ville renouvellera aux Doctrinaires la concession qu'elle leur
avoit faite du cimetière et, si la translation est accordée par les supé-
rieurs, la comniunauté faira les frais du transport des ossements et
ceux de la clôture;
III. Il sera pris des mesures dans un accord ou dans un jugement
de justice pour faire déclarer que la propriété du collège appartient aux
Doctrinaires, et dans la suite, la ville ne pourra plus être actionnée
pour cause de réparations ny même de reconstruction provenant de
vétusté et elles seront à la charge des Doctrinaires.
Après la lecture de ces divers actes et le rapport de M. Ri-
cau, M. Devâux, juge mage présidant la Jurade, s'exprima
ainsi :
Le rapport que vous venés d'entendre n'a peu que vous faire con-
noitre que vous ne pouviez confier les intérêts de la communauté à
des mains ni plus sages ni plus habilles, elles ont sagement pesé sur Tutil-
Hté d'uB coUege dans cette ville et sur le danger qu'il y auroit de cher-
cher ce même secours dans des mains étrangères et moins connues :
si ces avantages se faisoient moins sentir, je pourrois vous dire encore
que c'est parmy ses élèves que l'Eglise trouve de pieux ministres,
la magistrature des magistrats éclairés, le barreau des zellés deflfen-
^urs de l'innocence, des droits et de la justice ; l'éducation de la
jeunesse répand ses avantages dans tous les corps de l'Etat, et tandis
qu'à la faveur de ces trézors un citoyen efface les traces d'une nais-
— 328 —
sance obscure^ l'autre donne un nouvel éclat à l'ancienneté de la sienne,
et que sy enfin de sy précieux avantages ont été dans les jours d'agi-
tation envisagés avec indifférance, le vrai citoyen a dû toujours les
regarder comme très prétieux. C'est aussy sous ce point de veue que
M^ l'Intendant a, par la sagacité de ses lumières, concillié les intérêts
de la communauté et des Pères de la Doctrine Chrétienne et remply
les vœux du public; motifs pressants qui augmenteroient^ s'il est possi-
ble, les sentiments de reconnaissance, de respect et de confiance qui
lui sont dûs à tant de titres. Vous ne devez pas aussy oublier le zelle
et les soins que MM. les députtés se sont donnés pour prêter aux droits
de la communauté toute la force que le zèle et l'érudition lui ont procuré.
Âpres ce discours, qui parut sans doute forl entrainanl,
la Jurade ratifla les actes de ses mandataires, ordonna que leur
rapport et les articles dressés en présence de l'Intendant
seraient inscrits sur ses registres. Elle chargea en outre
M. Bourgeois, ingénieur désigné par M. Journet, de dresser,
sous le contrôle de MM. Ricau, Descamps, Brocona et Bloys-
Monbrun, conseillers de ville, Pétat estimatif des réparations
qui devraient être faites pour remettre le collège dans sa foirae
primitive, et les uns et les autres étaient autorisés à s'assurer,
le cas échéant, du concours de M. Mazenq, architecte (1).
Il semblait que Taccord convenu dans le cabinet de Tin-
tendant Journet mettrait enfln un terme aux difficultés pen-
dantes depuis trop longtemps entre la commune et les Doc-
trinaires. Il n'en fut rien cependant ; le conseil supérieur de
la Congrégation refusa de le ratifier et, à la date du 46 mai
1770 (2), les consuls furent assignés devant le sénéchal, on
jugement de défaut fut même rendu contre eux le 30 septem-
bre (5) et le 3 novembre suivant les Doctrinaires leur firent
signifier un acte par lequel ils demandaient,
En attendant la reconstruction du collège et en cas qu'il croule, une
maison convenable et solide pour habiter et continuer les exercices
(1) Record du 6 décembre 1769.
(2) Record du 16 mai 1770.
(3) Record du 30 septembre 1770.
— 329 —
classiques qu'ils vont suspendre et se tenir dispersés dans les collèges
voisins, prêts à se rendre cependant dès qu'ils auront été pourvus d'une
maison solide et convenable, et protestent de tout refus ou délai, notam-
ment de leur pension, et sans préjudice de l'instance pendante à cet
égard.
La Jurade répondit à celle menace que les Pères ayant
suspendu leurs classes, MM. Goulard de Saint-Michel et Chas-
teoet de Puységur seraient députés vers M. Journet pour lui
demander une fois de plus sa médiation et renvoi de profes-
seurs nouveaux, jusqu'à la solution du procès à Tamiable ou
par justice (1). L'Intendant, toujours bienveillant, écrivit le 9
janvier 4771 aux consuls quMl se chargerait très volontiers de
régler le différend et il engagea la commune à lui envoyer un
mandataire le 14 du même mois.
M. de Puységur fui désigné pour remplir cette mission et
les pouvoirs les plus étendus lui furent donnés, sous la condi-
tion que les Doctrinaires rouvriraient incessamment leurs clas-
ses (2). Le P. Lafont, recteur du grand séminaire de Con-
dom, et le P. Dordé, recteur du coUège de Lectoure, arbitres
de la Congrégation, se réunirent le 14 janvier avec M. de Puy-
ségur dans le cabinet de Tin tendant, et le surlendemain ils
signèrent la transaction suivante :
Entre messire Jacques de Chastenet de Puységur, habitant à Le<î-
toure, procureur fondé de la communauté dudit Lectoure, par
délibération du 13 janvier courant duement controUée le 14 suivant,
l'extrait signé Bouchât secrétaire greffier, d'une part; — et le Révé-
rend père Joseph Lafont, recteur au séminaire de Condom et curé
de Sainle-Eulalie dudit Condom, et le Révérend père Jean-Baptiste
Dordé, recteur du collège de laditte ville de Lectoure, doctrinaires de
la province de Toulouse, procureurs fondés par acte du 5 décembre
dernier retenu par Corail, notaire de Toulouse, duement controUé le
même jour, représenté en original parlesdits Révérends pères, d'autre
(1) Fiecord du 11 novembre 1770, signifié le 24 du même mois au P. Larri-
beau, syndic du collège.
(2) ïlecord du 13 janvier 1771.
— 330 —
part (1) ; — a été convenu, sous mutuelles stipulations et aooeptations,
ce qui suit :
Par lesquelles parties a été dit que, par acte du 12 octobre 1630 retenu
par M*» de Bégué, notaire royal de Lectoure, il fut établi un collège
dans la ditte ville pour l'éducation de la jeunesse dont les Pères doctri-
naires dévoient prendre soin ; qu'à cet effet la communauté céda à
perpétuité aux Révérends pères doctrinaires pour leur logement, habi-
tation et construction qu'il con viendroit faire tant du dit collège que d'une
chapelle, les bâtiments et maisons dans lesquelles les anciennes classes
et logements des régents étaient ordinairement, au quartier de Reillas,
paroisse du Saint-Esprit, dans l'enceinte de ladite ville, ensemble la place
vuide où l'ancienne église du Saint-Esprit était bâtie, sous les limites et
confrontations désignées dans ledit acte; et ce bail fut fait aux chaires,
clauses et conditions portées par le même acte, en exécution duquel les
révérends pères Doctrinaires ont dirigé ledit collège et ont pris le soin de
l'éducation de la jeunesse par les écoles ou\ertes; postérieurement les
Révérends pères ont prétendu que le logement du collège étoit eu très
mauvais état, qu'il étoit susceptible de différentes réparations indispen-
sables qui augmentoient journellement et que le tout étoit à la charge
de ladite communauté de Lectoure, du moins pour les grosses répara-
tions qui sont en nombre. Sur ce fondement ils auroient assigné
ladite communauté devant le Sénéchal de Lectoure pour s'y voir
condamner à faire réparer incessamment le dit collège, où l'instance
est actuellement pendante. Et pour rendre leur demande plus sérieuse,
ils auroient fermé les classes et cessé l'instruction de la jeunesse, à
cause du danger imminent que menace le dit collège de toutes parts.
. Cette instance ainsi formée a donné lieu à ceilains débats entre la
Communauté et les dits Révérends Pères Doctrinaires, qui, sous le
bon plaisir de M«^ de Journet, intendant de la généralité d'Aucli, qui
a vu avec peine que la jeunesse était privée de l'éducation si néccs&ûre
pour les Belles-Lestres, a exhorté toutes parties à se rapprocher de la
concilliation, et par une déférence respectueuse pour ses représentations,
toutes parties ont déterminé de se régler ainsi que s'ensuit :
ARTICLE I. — Lesdittes parties, en approuvant la narrative ci-dessus
et en vertu des pouvoirs à elles donnés, ont i-enoncé au susdit procès,
(I) Cette procuration est signée par les PP. Joseph Etienne Dumas, ?up<' rieur
provincial de la Congrégation de la Doctrine chrétienne i)our lu proince de Tou-
louse; Pierre Durasse, ex-provincial immédiat, Jean Honncfon, ox-proviucial
médiat et conseiller de province, Michel Dubouscat, recteur de la maison tl»"
SaintrRome,à Toulouse, et Jean Castaing, maitre des novices et cousciUer adjoint.
— 331 —
ses circonstances et dépendances, avec promesse de n'y donner à Ta-
venir aucune suitte directement ny indirectement, à peine de tous dé-
pens, dommages et intérêts;
ARTICLE II — Il est convenu quelesdits Révérends Pères promettent
et s'obligent de faire réédifier à neuf les bâtiments du susdit collège
dans Templassement qui leur fut baillé par le susdit acte du 12 octobre
1630, dans lequel est toujours la place vuide où l'ancienne église parois-
siale ou St-Esprit étoit battie, la ditte communauté cédant en tant que
besoin pourroit être auxdits Révérends Pères tous les droits et préten-
tions qu'elle auroit pu exercer sur laditte place vuide qui est actuel-
lement le cimeti^ de Téglise du Saint-Esprit, sauf à ladite com-
munauté à procurer à ses frais et dépens un autre cimetière à laditte
paroisse ;
ARTICLE III — Et en considération de la nouvelle réédiffication que
lesdits Révérends Pères seront tenus de faire faire à leurs frais et
dépens, laditte communauté promet et s'oblige de leur payer une fois
seulement la somme de douze mil livres aux termes et pactes seront fixés
par l'arrêt du Conseil qui en permettra l'imposition et en authorisera
l'emploi, et de laditte somme de douze mil livres une fois payée entre
les mains des Recteur et syndic dudit collège de Lectoure, lesdits
Révérends Pères Doctrinaires ne pourront rien plus prétendre ni de-
mander à laditte communauté pour les dépenses qu'ils auront fait à
raison de la ditte réédiffication; mais il leur sera libre d'utiliser des
matériaux des bâtimens actuels qu'ils pourront employer à la nouvelle
construction, laquelle nouvelle construction sera faite et parachevée
dans trois ans à compter du premier payement qui leur sera fait en
déduction de laditte somme de douze mil livres ;
ARTICLE IV — Et attendu que ledit collège est actuellement vaquant,
il est convenu que lesdits Révérends Pères seront tenus, comme s'o-
bligent, de rouvrir les classes et continuer leurs instructions pour l'éduca-
tion de la jeunesse à compter de la première semaine du Carême pro-
chain et continueront ainsi leurs instructions. Comme aussy est con-
venu qu'à compter du jour que lesdits Révérends Pères Doctrinaires
commenceront à faire démolir les bâtimens actuels dudit collège,
la communauté de Lectoure sera tenue de leur fournir à ses frais et
dépens un local le plus convenable pour les classes et un logement
décent pour les régens, et ce jusques à ce ^e le nouveau bâtiment soit
logeable ;
ARTICLE v — Au surplus, Ics parties veulent et entendent que le sus-
— 332 —
dit acte du 12 octobre 1630 sorte son plein et entier effet; et moyennant
tout ce-dessus, le susdit procès demeurera pour transigé, comme non
advenu et de nul effet et dépens compensés ; promettant lesdites par-
ties de rédiger le présent en acte public à la première réquisition qui
en sera faite de l'une à l'autre des parties, après qu'elles auront obtenu
l'arrêt du conseil qui les authorisera à rédiger le présent en acte public
et permettant l'imposition de laditte somme de douze mil livres, le
quel arrêt du Conseil sera poursuivi à frais communs entre la com-
munauté et lesdits Révérends Pères, ce qui sera ainsi pratiqué pour
la rédaction du présent en acte public. Et tout ce dessus a été fait dou-
ble à Auch le 16 janvier 1771^ l'un ayant été retiré par M. de Chaste-
net de Puységur, procureur fondé de la communauté, et l'autre par les-
dits Révérends Pères Lafont et Dordé, procureurs fondés des Révérends
Pères Doctrinaires. — Chastenet de Puységur; Lafont, de la Doctrine;
Dordé, de la Doctrine, ainsi signés sur l'original (1).
A. PLIEUX,
{A suivre.)
QUESTION
253. Le premier Juge de paix de Castes (Landes).
J'ai sous les yeux un petit cahier manuscrit renfermant des poésies latines
composées, au commencement de ce siècle, par le premier juge de paix da
canton de Castex, département des Landes : Castellensis pagi seu diiionis
in maritiniâ Tarhelloruni Aquitanicorum orâ pacijici Judicis, posl cons-
iiéutam hanc dignitatem primL Avant de parler ici de ces vers latins, qui
ont, à défaut de vrai mérite, un certain intérêt de curiosité, je voudraj» bien
savoir le nom de famille de Fauteur, ainsi que le nom de son lieu natal,
que je n'ose retraduire de la forme latine qu'il leur a donnée : Stephani
PlacUli BuRGii NoNiANi, CASEN-NiGRENSis... Quelqucs données biographi-
ques seraient également les bienvenues.
Là» O*
(1) Record du 20 janvier 1771. Le contrôle de cette transaction coula a la com-
munauté la somme de 74 1., 4 sols. (Record du 8 juin 1775.)
LE SÉMINAIRE DIOCÉSAIN
DE CONDOM.
(Fin*)
Il élail réservé à Mgr Milon de terminer Tœuvre de son
prédécesseur.
A peine arrivé à Condom (septembre 1694), il s'occupa
de procurer à rétablissement de nouvelles ressources et obtint,
^ au mois de mars 1695, le consentement des consuls pour y
unir la cure de Sainte-Eulalie (1).
Nous Pavons déjà vu demander inutilement au roi, en
1696, les biens des anciens consistoires du diocèse.
Cependant, le séminaire ne fonctionnait pas au gré du
prélat, qui nous apprend lui-même, en 1716, qu'on n'avait
encore pu rétablir « d'une manière fixe et certaine » (2).
Les lettres patentes de 1690 laissaient toute liberté pour le
choix des directeurs et Ton avait nommé des prêtres sécu-
liers. Etienne Lochon, du diocèse de Chartres, docteur en
(*) Voir Jivraison de juin, p. 269. — T^ dernière page a été anticipée par un
accident typographique. Le lecteur est prié de ne pas en tenir compte et de rac-
corder le commencement du présent article avec la fin de ]a page 281.
(1) V. délibérations communales des 16 et 18 mars 1695. Le séminaire avait,
à cette époque, cessé de fonctionner depuis quelques mois « faute d'entretien, »
d'après une pièce de procédure relative à cette affaire (Arch. municipales).
Cette union» poursuivie en vertu des lettres patentes du roi pour l'établissement
du séminaire, ne lut réellement opérée qu'en 1718 (V. j. du 27 janvier 1718
et l'acte de consentement donné par les paroissiens de Sainte-Eulalie et de
Ciurac et Caulason, ses annexes, le 6 mars de* la même année, minutes de
M* Laboupilbère, étude de M* Lebbé).
(Z) V. traité du 11 février 1716 pour l'établissement des Prêtres de la Doctrine
chrétienne au séminaire de Condom (Minutes de Lacai>ère, notaire, étude de
M* Lagon^e).
— 334 —
Sorbonne du collège de Navarre, fat un des premiers supé-
rieurs (4). M* Ferréol Arnollel, docteur en théologie, chanoine
et archidiacre de Gondom, remplissait cette fonction en
1702 (2); il était assisté de M" Jean Castéra, docteur en
théologie, Antoine Launet, grand prèbendier, et Jean Bacon,
directeurs (3). Peut-être cette direction des prêtres séculiers
offrait-elle des inconvénients, soit au point de vue de Tunité
de renseignement, soit au point de vue du recrutement du
personnel. Toujours est-il que Mgr Milon crut devoir confier
la « conduitte » du séminaire à une congrégation religieuse,
« de sorte que à l'avenir le diocesse en peut tirer plus
d'utilitté » .
Il choisit celle des Prêtres de la Doctrine chrétienne et comme
la croyant propre par sa science et sa piété à former les
clercs et leur inspirer l'esprit de leur estât, » et traita le
il février 1716 avec le R. P. Moméjean, provincial de la
province de Toulouse, assisté du Père Raymond Delnat,
recteur du collège de Nérac.
Aux termes de cet acte, passé par M* Lacapère, notaire à
Condom, Tévêque Milon confiait à perpétuité « Tenlière
(1) A\ aux Arch. de l'arche vèché d' \uch, lettre deTabbé Sainsot, curé deTermi-
niers (Eure -etr Loir), adres.S(5e en 1883 à M. le secrétaire général, Etienne Locbon
est l'auteur d'un assez grand nombre d'ouvrages; il publia entre autres, en 1708, un
Traité du Secret do la confeasion. D'après un renseignement qui nous a été
fourni par l'auteur de la lettre précitée, il n'aurait été supérieur de notre sémi-
naire qu'après 1697. On peut consulter sur le docteur Lochon : Dupin, t. xvin,
p. 437; Tabl. unicers., t. ii, p. 2804; Bibliothèque générale des Auteurs de
France, t. i", par D. Liron.
(2) V. acte du 30 août 1702, minutes de T ^boupilhère, étude Lebbé. M* Ferréol
ArnoUet était encore supérieur en 1708, mais supérieur nominatif simplement.
Ayant, en effet, demandé à cette époque l'immunité des tailles du séminaire
dans lequel il habitait, les consuls lui répondirent qu'il ne serait fait droit à sa
demande qu'autant que le séminaire serait rétabli. Le séminaire ne fonctiomiait
donc pas à cette date. 11 fonctionnait en 1715 d'après un acte du 14 février de
cette année, dans lequel nous voyons le vicaire générai et deux chanoines faire
subir à un séminariste un examen qui dura quatre heures (Minutes de M* Corne,
étude de M' Lagorce).
(3; Nous citerons M' Deschamps au nombre des premiers directeurs du sémi-
naire. Ce prêtre vivait, en 1701, sur la paroisse de Sîiint-Maixent, de Bordeaux,
ou il était précepteur chez M. Delpech, conseiller. Il offrait alors de venir passer
le reste de ses joui-s ù l'hôpital de Condom (V. déUb. capitulaire du 2 octobre
1701. Arch. hosp., fonds Notre-Dame, m, E. 13.).
— 885 —
direction et conduitte de son séminaire dans la ville de
Gondom à la congrégation de la doctrine chrétienne de la
province de Thonlouse sans qu*on pnisse y enseigner
aucune matière que celles que les seigneurs évêques ordon-
neront et approuveront. » Les Pères de la Doctrine cJiré*
tienne s'engageaient à fournir quatre prêtres pour « élever et
instruire tant les éclesiasUques qui demureront en pension
dans led. séminaire que ceux qui pourroint y venir de dehors»
ou y estre envoyés par les seigneurs évéques, dans la piété
et l'esprit éclesiastique, selon les règlements faits ou à faire
par led. seigneur évoque pour la conduitte du séminaire. »
L'un de ces prêtres devait être pourvu de la cure de Sainte-
Eulalie après le décès du sieur Vital Rizon, titulaire. Ils s'en-
gageaient à enseigner^ « le inatin, la théologie escolastique^ et
l'après midy la morale, particullierement celle qui regarde
l'administration des sacrements; » à faire « une ou deux fois
la semaine des conférences et entretiens sur l'Ecriture sainte
et la discipline et ordre de l'église, • à enseigner « les chants
et les cérémonies > et à diriger « dans les exercisses spiri-
tuells, tant ceux qui se prépareront à recevoir les ordres, que
ceux qui pourront y venir pour faire des retraites ou y estre
envoyés par led. seigneur evêque » (1).
Mgr Milon de son côté^ « pour la subsistance et entretien
desd. prêtres »>, s'obligeait à leur fournir, chaque année, une
somme de dix*huit cents livres, exempte de toutes charges,
payable sur celle qui se levait annuellement sur tous les
(1) Jusqu'à cette époque, le séminaire n'avait pu recevoir ces diverses caté-
gories d'eclésiasliques, probablement iaute de logement; aussi voyons-nous en
1G95, l'évéque de Condom faire admettre à Tbôpital de la Charité, moyennant
pension, un prêtre, le sieur Chevallier, envoyé par ordre du roi pour être reçu
au séminaire de Condom. Ce prêtre, entré à Thôpital le 22 juillet 1695, y mourut
dans la nuit du 4 au 5 mars 1696 (V. acte capitul. du 3 août 1695; Arch. hosp ,
londs Notre-Dame, m, E. 13). De même, un peu plus tard, le sieur Gilbert, pro-
fesseur et chancelier de l'Université de Douai, exilé comme janséniste, fut
envoyé par ordre du roi au même hôpital, où il exerça pendant quelque temps
les fonctions de chapelain (V. Arch. hosp. de Condom, m, E. 13, 1698 à 1701;
Abrégé de Uhiatoîre ecclésiastique, Cologne, 1754, t. xiii, pp. 379 et suiv.).
^
^ 336 —
bénéficiers du diocèse en vertu des lettres patentes de 1690,
sauf après la mort des titulaires de la cure de Sainte-Eulalie,
des prieurés d'Arx et Prades et de la chapelle de Sainte-Anne
de Buset (1), dont Punion était faite au séminaire, à dimi-
nuer cette pension de la valeur du revenu de ces divers
bénéfices.
Le prélat s'engageait encore à leur fournir « une maison
commode et munie des mubles et ustanctlles nécessaires; »
mais il se réservait pour lui et pour ses successeurs rentière
disposition des fondations faites par M. de La Roche et
Mgr de Matignon en faveur des pauvres ecclésiastiques, ainsi
que de toutes les fondations, dons ou legs qui pourraient
être faits à Tavenir; de même Tèvêque ou ses successeurs
devaient régler « selon le prix et la chëreté des vivres » la
pension à payer par les ecclésiastiques qui demeureraient au
séminaire pour se préparer aux ordres ou pour y faire des
retraites et par ceux qui pourraient y être envoyés par les
évéques.
Enfin, il demeurait convenu que rétablissement des Pères
de la Doctrine au séminaire de Condom, quoique « irrévo-
cable et consommé en vertu du contrat, » ne pourrait
« cependant avoir son effet » que lorsque Mgr Milon le juge-
rait à propos.
La fondation, qui n'avait pu encore être faite « d'une
manière fixe et certaine » (2), était désormais assurée.
Toutefois, révéque n'avait pas terminé son œuvre. I^es
(1) l.^ prieurés de Notre-Dame d'Arx et de Notre-Dame de Prades étaient
situés dans la juridiction de Damazan; la chapelle de Sainte-Anne de Buset
était desservie dans l'église Notre-Dame de Buset; ces bénéfices durent être
unis au séminaire à la place de ceux dout s'était démis Messire de Curduchesne
en 1693; les deux prieurés furent affermés moyennant 760 livres en 1734 (V. acte
de Lacapère, du 1" mai 1734, étude I^orce); le 13 mars 17S9, nous les voyons
affermés moyennant une somme annuelle de 1,610 livres, plus « une barrique
de vin rouge de bonne qualité du cru de Damazan » (Minutes de Pelauque,
étude Lebbé). Nous ne connaissons pas la valeur du bénéfice de la chapelle
Sainte-Anne. La cure de Sainte-Eulalie valait de 600 à 800 livres.
(2) V. le traité sus-énoncé de 1716.
— 337 —
ancieûs bâtiments situés au quartier du Mandat étaient
insuffisants; et s'il n'appela pas de suite les nouveaux direc-
teurs, c'est qu'il avait conçu le projet d'une construction
spéciale répondant à tous les besoins d'un établissement
aussi important.
Dès l'année 1717 (1)^ il demandait aux consuls un peu de
terrain, appartenant à la communauté, près de la porte
Sainte-Eulalie; mais lui-même possédait dans ce quartier, en
dehors des murs, un superbe emplacement, dit le jardin de
Vabbé de Cous, qu'il avait acheté à Françoise de Cous, veuve
de Messire Antoine de Pardeilhan, baron de Bonas (â). C'est
sur une partie de cet emplacement qu'il fit bâtir son sémi-
naire (5). Le 12 juin 1719, Sa Majesté lui permettait de
faire démolir, jusqu'au niveau des murs de la ville, une
grosse tour, dite la Tow ronde, sise au quartier de Sainte-
Eulalie, dans un angle formé par les remparts, et lui en con-
cédait les matériaux pour la construction déjà commencée (4).
Nous n'avons pu trouver les actes passés avec les ouvriers;
mais nous savons que le bâtiment, comprenant une cour inté-
rieure, se composa d'un vaste parallélogramme relié au sud
avec une chapelle qui fut également construite à cette
époque (5) et qui remplaça l'ancienne église de Sainte-
Eulalie (6). La clôture encore existante du jardin dut être
faite à cette même époque.
L'ensemble des constructions était terminé au plus tard
(1) V. junde du 10 octobre.
(2) V. racte de vente du 6 juillet 1708 (Minutes de M* Laboupilhère, étude
Lebbé) qui fait mention de l'acquisition. L'emplacement est ainsi désigné dans
l'acte de partage de la succession de Messire Antoine de Cous, baron de
Fourcés : ... plus buisson et terre gui sont hors la oille, au parsan de Saint-
Hilaire, appelées le Jardin de Cabbé. L'acte de partage, retenu par Labou-
pilhère, est du 3 septembre 1700.
(3) V. manuscrit du chanoine Dobsans (Archives de M. de Moncade;.
(4) V. le Brevet du Roi, transcrit dans le Reg. des Jurades.
(5) Ces bâtiments existent encore et figurent dans leur ensemble sur le plan
cadastral de la commune.
(6) Celle-ci fut démolie quelque temps après; elle était située près de la porte
de Sainte-Eulalie, dans l'ancien cimetière de la paroisse qui appartient aujour-
d'hui à Mme Dèche.
— 338 —
en 17^ (4). MgrMilon s'y était réservé un appartement^ dans
lequel il se plaisait à résider; c'est dans cet appartement qu'il
fit son testament le 22 janvier 1*751 (2). Le prélat n'oublia
pas son séminaire et lui légua les livres qu'il y avait fait por
ter; mais il lui donna une marque autrement touchante de
Taffection qu'il lui portait. Il voulut que son corps fût inhumé
dans la chapelle nouvellement construite^ « et ce avec la
modestie qui convient à l'humiliation de cette cérémo-
nie. »
Le pieux évèque, âgé d'environ 77 ans, rendit son âme à
Dieu le 24 janvier 1734 dans son château de Cassagne, et le
29 du même mois^ après l'office et la grand-messe de requiem
« en musique » à la cathédrale^ son corps était porté selon
ses désirs dans la chapelle du séminaire^ et placé sous le
marche-pied de l'autel dans une bière en plomb (5). Sa mort
fut accompagnée par les regrets unanimes de ses diocésains.
« Le grand nombre de curés qui se rendirent en ville pour
luy rendre les derniers devoirs et qui demandèrent même de
le porter en terre, fait assés comprendre^ nous dit un pieux
biographe, combien il leur était cher. Les larmes des grands
et des petits qui vinrent en foule pour assister à ses funérail-
les sont une preuve de la vénération qu'ils avoint pour ce
digne prélat, qui n'aima jamais rien tant que le troupeau que
(1) Cette date se lit encore au haut de la chemiûée de l'ancien salon du sémi-
naire; du reste, on enterrait en 1723 dans V ancienne église^ ce qui indique évi-
demment que la nouvelle église était déjà livrée au culte. (V. reg. des actes de
décos de l'ancienne paroisse de Sainte-Eulalie, acte du 3 sept. 1723).
(2) Le testament de Mgr Milon est déposé dans les minutes de M* Laboupi-
Ihère, année 1734, étude de M* Lagorce.
(3) V. dans un ancien registre de la paroisse de Cassagne déposé au greffe du
tribunal civil, l'acte de décès de Mgr Milon, du 24 janvier 1734.
Les héritiers du prélat voulurent faire placer la litre à ses armes au dedans et
au dehors de l'église, mais les paroissiens s'y opposèrent par la raison qu'un
évéque n'étant qu'usufruitier de la justice n'avait pas le droit de litre et que le
défunt évèque n'était ni fondateur, ni dotateur, ni restaurateur, ni patron do
l'église; il n'avait fait que remplacer l'ancienne église de Saintc-Eulalie parla
chapelle du séminaire, d'ailleurs moins grande que la précédente. (V. manuscrit
du chanoine Dobsans, Arch. de M. de Moncade, et acte du 23 février 1734, minu>
est de M' Cugno, notaire, étude de M* Préchac).
— 339 —
la divine Providence avoit confie à ses soins. » Mgr Milon
avait administré le diocèse pendant plus de quarante ans.
Nous ne savons pas Tépoque précise à laquelle furent ins-
tallés les Pères de la Doctrine chrétienne; mais il est vraisem-
blable qu'ils ne le furent qu'après Tachèvement du nouveau
séminaire. Toujours est-il que l'un d'eux, le P. Gilles Doazan,
maîlre ès-arts, fut pourvu dès l'année 1716, de la cure de
Sainte-Eulalie, vacante par le décès de Vital Rizon, dernier
titulaire (1).
Le 31 octobre de cette année, le Père Doazan prit posses-
sion de son bénéfice, qu'il garda jusqu'en 1732. La cure de
Sainte-Eulalie fut administrée après lui par le P. Lemas (1732-
1741), le P. de Lafont (1741-1779) el le P. Fizes (1779-1792).
Ces deux derniers exercèrent les fonctions de supérieur du
séminaire (2). Le premier supérieur nous parait être le P.
Raymond Delnat, ancien recteur du collège de Nérac; il est
désigné comme exerçant cette charge dans un acte de mariage
du 19 novembre 1724 (3), et plus tard dans un acte du
20 octobre 1730 (4). Le P. Arnaud Delom, qui lui succéda,
figure en qualité de supérieur dans l'acte de bail à ferme des
prieurés de Notre-Dame d'Arx et de Prades le 1" mai 1734(5).
Le dernier supérieur fut le Père Louis Bonnefont.
(1) V. actes de prise de possession de la cure de Saiste^Ëulalie du 81 octobre
1716 (Lacapère notaire, élude Lagorce), des 8 et 27 janvier et du 4 février 1718,
(Cugno notaire, étude Préchac).
(2) V. registres de catholicité de l'ancienne paroisse de Sainte-Eulalie, années
1741 et 1779. V. également Tacte du 7 mai 1766, minutes de M' Lacapère, Lagorce
notaire. Le P. de Lafont mourut le 21 octobre 1779. Par testament du 21 juillet
1762, il laissa une somme de 100 libres aux prêtres du séminaire, à la charge de
dire 200 messes dans leur église, et une somme de 60 livres pour les pauvres « du
district de Sainte-Eulalie et du parsan de Saint-Pierre de Pouy » ; il fit un codi-
cille à ce testament le 13 janvier 1771. Ce dernier acte est scellé du sceau du
séminaire qui figure la croix du Sauveur fichée en terre et chargée de l'inscrip-
tion, de la couronne d'épinos, de la lance et du roseau surmonté de l'éponge,
avec l'exergue : Seminarium Côndomiense. (V. ces actes dans les minutes de
M" Rizon, année 1779; étude Préchac).
(3) V. registre de catholicité de la même paroisse.
(4) Acte de procuration de Mgr Milon à M. de Saint-Paul, (Minutes de I^bou-
pilhère, étude Lagorce).
(5) Minutes de Lacapère, étude Lagorce.
— 340 —
Le séminaire de Condom fonclionna jusqu'en 4790, épo-
que à laquelle il fut supprimé avec notre siège épiscopal (1);
les bâtiments et ses dépendances tombèrent dans le domaine
de la Nation.
En Tan n, il fut question d'y établir un hôpital militaire
destiné à recueillir les soldats malades et blessés des armées
des Pyrénées-Orientales, et nous voyons à cet effet le conseil
général de la commune en solliciter la délivrance (2).
La municipalité de l'an iv les demanda en vain pour y éta-
blir les deux hospices de la ville (3).
L'année suivante, elle indiquait comme dotation nouvelle
de ces mêmes hospices et pour remplacer ceux de leurs biens
qui avaient été vendus le « ci-devant séminaire » . Indépen-
damment du • revenu réel de Tenclos » , elle trouvait dans cet
établissement de grands avantages « pour les malades ou
convalescents (4) » .
En attendant, l'Etat utilisait ces bâtiments, soit en les
louant à des particuliers, soit en les affectant à un usage
public; dans le courant de l'an n et de l'an m (5), ils servi-
(1) La communauté s« composait alors de Louis Bonnefont recteur, Pierre
Fize curé de Sainte-Eulalie, Guillaume Malaval syndic du séminaire, et Bar-
thélémy Vergne ou Vernie professeur de théologie, tous les quatre prêtres de
la Doctrine chrétienne. Sur la demande qui leur fut faite par les officiers
municipaux le 19 juillet 1790, pour savoir s'ils voulaient quitter le séminaire ou
y rester, ils répondirent tous qu'ils voulaient y rester. L'inventaire du sémi-
naire dressé à cette date en vertu des lettres patentes et décret de l'Assemblée
nationale nous donne ce détail ; il nous apprend encore que 12 chambres de
l'établissement étaient destinées aux séminaristes et que la bibliothèque était
composée d'environ 400 volumes, « dont la plus grande partie, lisons-nous dans
ce document, sont des in-folio et des in-4* sur l'Ecriture sainte et différents inter-
prètes, des Pères de l'Eglise grecs et latins, et sur différentes matières ecleziasti-
ques et d'histoire, à l'uzage du senûnaire ». Un catalogue détaillé de cette biblio-
thèque fut fait le 1" octobre 1790. U ressort de l'état du mobilier dressé à cette
époque que le séminaire se composait de 24 chambres et 9 mansardes, indépen-
damment du dortoir d'en bas, du réfectoire, de la cuisine, office et souillarde, des
remises, écurie, cave et tinal (Arch. départementales).
(2) V. déUb. du 27 floréal. Les commissaires chargés de procurer im local
avaient désigné le séminaire comme étant celui qui réunissait les plus grands
avantages.
(3) V. délib. du 23 floréal.
(4) V. délib. municipale du 15 floréal an v.
(5) V. délib. du 5* jour des sans-culotides an ii et des 29 brumaire et 15 nlvose
an 111.
— 341 —
rent de maison de réclusion pour les femmes coupables
« d'arislocratie et d'incivisme. » Enfln, et malgré les instan-
ces de l'administration communale qui^ persistait dans sa
demande en faveur des liospices (4), le séminaire, « consis-
tant en maison, grange, hangard, église, écurie ou autres
bâtiments en dépendant, ensemble les jardin et parterre et
généralement tout ce qui est clotturé, ensemble un pâtus hors
la clôture du dit jardin au nord et levant », fut vendu comme
bien national, le 8 thermidor an vi, moyennant le prix de
50,000 francs (2).
Une ancienne Ursuline du couvent du Chemin-Droit,
d'Auch, qui après la Révolution s'était retirée dans sa famille
à Yic-Fezensac, où elle faisait école, acheta l'établissement le
12 juillet 1808, pour y fonder une maison d'éducation pour
les jeunes filles.
Jeanne-Thérèse Chaillan, en religion sœur Sainte- Véroni-
que, c'est le nom de cette religieuse, y ouvrit immédiatement
une école et pension (3), avec le concours de six Ursulines, qui
déjà vivaient en communauté sous sa direction (4), et d'une
ancienne Clarisse du couvent de Condom, qui habitait égale-
ment Vie et voulut se joindre à elles (5).
La chapelle du séminaire, que les paroissiens de Sainte-
Eulaiie avaient réclamée le 6 thermidor an m (6), en vertu de
(1) V. aux arch. communales la copie d'une lettre adressée le 4 thermidor
an VI aux administrateurs du département.
(2) Procès-verbaux de vente des domaines nationaux, n* 940 (Arch. départ.).
(3) C'est sur les instances de M. Desterac, archiprêtre de Saint- Pierre et vicaire
général du diocèse d'Agen, dont dépendait alors Condom, et de l'abbé de Cadi-
gnan, aussi \'icairc général, que Thérèse Chaillan fit cette fondation dans notre
ville.
(4) L'une de ces religieuses avait été Ursuline à Auch avant la Révolution
comme Jeanne Chaillan ; une seconde, ancienne religieuse de Tordre de Fonte-
vrault au couvent du Brouilh, avait adopté la règle de saint Augustin depuis la
Révolution ; les quatre autres étaient entrées en religion après la tourmente
(Arch. du monastère de Sainte-Ursule.)
(5) Tels furent les commencements du monastère actuel de Sainte-Ursule
dont la clôture fut canoniquemcnt établie en 1824 par M. Fenasse. ,
(6) V. délibération municipale à cette date; un peu plus tard la chapelle fut
également choisie pour le culte en vertu do l'art. 17, section m, titre iv de la
loi du 11 vendémiaire (V. dél. du 2 brumaire an i\).
Tome XXX. 23
^ 342 —
la loi du 11 prairial^ servit pendant quelque temps sous la
Révolution, à l'exercice du culte (1). Le «citoyen » Joseph de
Lapanouse, ci-devant chanoine et grand- vicaire, y célébra les
saints mystères (2); mais ce prêtre « insermenté » ayant été
envoyé à Auch en réclusion après la loi du 5 brumaire, la
municipalité, qui voyait avec peine Téglise du « cy devant
séminaire » continuer à servir de lieu de réunion aux « sec-
tateurs d'un culle » sous la direction d'un pieux laïque, le
citoyen Fourteau, boulanger (3), en obtinrent la fermeture par
arrêté du département du 13 nivôse an iv (4).
. Elle fut depuis lors affectée à des usages profanes jusqu'à
l'arrivée des Ursulines, qui la rendirent à sa destination pri-
mitive et en firent la chapelle de leur communauté.
Quant à l'ancienne paroisse de Sainte-Eulalie, elle fut réunie
à la cure de Saint Pierre, après le concordat.
J. GARDÊRE.
(1) Un arrêté du département du 26 thermidor suivant en autorisa ]a conces-
sion.
(2) Le ci-devant vicaire général avait fait sa déclaration conformément à la loi
du il prairial an m (Dél. municip. du 4 thermidor an m). Il renouvela sa sou-
mission aux lois de la République le 1*' brumaire an iv.
(3) V. Registre des arrêtés du département du Gers (arch. dép.) et copie de
lettre adressée le 24 nivôse an iv par les officiers municipaux de Condom aux
arlministrateurs du département du Gers. (Arcb. municipales).
(4) Le citoyen Jacques Fourteau, qui exerça les fonctions de maître d'école à
Condom de 1781 à 1793, avait fait sa soumission aux lois de la République, le
3 nivôse an iv, en qualité de « ministre de quelques unes des fonctions du culte ».
(V. délib. municip.). Le souvenir de cet homme de bien, qui rendit de si-grands
services à la religion pendant et après Tépoque révolutionnaire, est dans la
mémoire de tous nos vieillards. Fourteau est surtout connu p jur avoir exercé de
longues années les fonctions de catéchiste et de chantre dans l'église de .Saint-
Pierre après le concordat. Il avait été considéré comme suspect et mis en réclu-
aion en 1793. (V. dél. mun. des 9 et 12 mai et 8 juin 1793.) Jacques Fourteau
mourut le 29 mai 1827.
MARINS BASQUES & BÉARNAIS
ESQUISSES BIOGUAPHIQUES
III
PIERRE DULIVIER
CHBVALIRR DK L'oRDRE MILITAIRE DE N.-D. DU MONT-CARMEL,
GOUVERNEUR DES VILLE ET FORT DE PONDICUKRY,
DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA COMPAGNIE DES INDES (*).
Quelques extraits de la correspondance de Dulivier démon-
treront, mieux que nous ne saurions le faire^ l'état malheu-
reux dans lequel étaient réduits nos établissements de Tlnde^
non par le défaut de capacité des agents, mais par le mau-
vais état des finances de la Compagnie.
Hougly, le 29 décembre 1701 (1). — Les nouvelles que nous
avons receu de la mort du Roy d'Espagne (2) et des grands événements
qui sont arrivés en Europe, m'ont fait faire beaucoup de mauvais sang,
et j'ay apprehandé qu'il n'y ait eu quelque rupture avec nos voisins les
Hollandois J'ay cependant de fortes espérances que la Compagnie
aura sujet d'estre contante de mon premier coup d'essay. J'ay obtenu
les marchandises à quelque chose meilleur marché que les années der-
nières : les qualités de celles que j'ay receu et visité jusqu'à présent en
sont meilleures, et je seray en estât de faire partir les vaisseaux à meil-
leure hure. Si je rCavois trouvé un crédit de cent mille escus dès le
mois d'avril dernier, il ne nCauroit pas été possible d'assembler les
(•> Voir ci-dessus, livraison de mai, p. 234.
0) Archiv. deBayonne, HH, 267, n* 15. ~ Lettres adressées à Léon Dulivier.
(2) Charles II, mort le 1" novembre 1700. Far un testament, écrit quelques
jours auparavant, il instituait pour son successeur le duc d'Anjou, petit-fils de
Kouis XIV.
— 344 —
assoriimens dont favois besoing. L'arrivée des vaisseaux de Fan-
cienne et nouvelle compagnie (angloise), qui sont au nombre de huit,
ont fait hausser considérablement les marchandises, particulièrement
les mousselines. Ils sont obligés, pour les changer, de prendre tout ce
qu'ils trouvent sans s'arrester aux longueurs, largeurs ny qualités.
Pour tout cela j'espère que la Compagnie sera satisfaite et obtiendra
de bons résultats
Hougly, le 10 novembre 1702 (1). — Messieurs les directeurs
généraux me donnent ordre par la lettre que je viens de recevoir que si
M. le chevalier Martin abaiidonnoit les affaires pour se reposer, ou
qu'il voulût profiter de la permission qu'on lui a accordée de repasser en
France, de me rendre à Pondichéry sans perte de temps pour en pren-
dre la conduite jusqu'à nouvel ordre de leur part, et de laisser, pendant
mon absence, l'administration des affaires d'Ougly à M. Pelle; ils me
prient en ce cas de les mettre, avant mon départ, en si bon état, qu'elles
ne puissent souffrir aucun préjudice du séjour que je pourrois faire à
Pondichéry
Notre position devient de plus en plus difficile avec les HoUandois,
qui profitent des événements d'Europe pour nous donner mille inquié-
tudes. J'espère cependant que la Compagnie prendra quelques mesures
pour soutenir son commerce; s'il en estoit autrement et qu'elle ne
m'envoyât pas de secoups, je me trouverois infailliblement embarrassé.
Je suis persuadé que M. Deslandes, qui connoit bien ce pays, ne man-
quera pas, à son arrivée en France, à représenter fortement à la Com-
pagnie la nécessité de m'envoyer des fonds
Hougly, le 9 février 1703 (2). — Messieurs, Nous sommes dans
une grande impatience d'apprendre la résolution que vous aurez prise
pour la continuation du commerce; car, comme nous avons eu l'hon-
neur de vous le marquer par notre précédente, dont nous envoyons
inclus le duplicata, nous serions hors d'état de nous soutenir si la
guerre vous empechoit de nous envoyer des secours, tant pour satis-
faire aux engagemens où nous sommes entrés que pour fournir aux
dépenses journalières. Nous avons peine même à y suffire présente-
ment, notre crédit ayant entièrement cessé depuis la nouvelle de la
(1) Archiv. de Bayonne^ HH, 267, n* 20. Lettre adressée à Léon Dulivier.
(2) Archiv. de la marine : fonds colonial. Correspondance générale, 2* série.
— Lettre adressé<i à MM. de la Compagnie, à Paris, par P. Dulivier et les mar
chands du comptoir d*Hougly.
— 345 —
déclaration de guerre, (1) et largent oontinuant toujours à estre
rare.
Nous espérons que les vaisseaux de la mousson dernière (2), que
nous croyons arrivés (en France) dès le mois de juillet, vous porteront
à faire de sérieuses reflexions sur les engagemens où nous sommes
entrés pour vous faire les retours considérables que vous aurez reçu
par eux, et sur le peu de fonds que vous nous avez envoyé par le
Saint-Louis. Vous verrez que la cargaison l'excède de beaucoup. Elle
consiste en 703 marcs de bois (sandal, aloés, ébène), 200 de salpestre,
1684 de poivre, 146 de caffé et 66 balles soye. L'assortiment en auroit
esté plus parfait si Tinterdiction temporaire du commerce par le Divan
n'avoit empêché un de nos marchands de nous fournir un assortiment
de mousselines de deux cobes et demie et trois cobes de large.
Nous espérons cependant, si cette cargaison vous parvient bien
conditionnée, que vous en serez satisfaits : nous fesons des vœux pour
la conservation de ce vaisseau. De r Etoile et de la Toison d'or nous
n'avons pas jusqu'à présent reçu d'autre avis de Suratte que ceux que
nous avons eu l'honneur de vous marquer, ce qui nous fait appréhen-
der qu'il ne soit arrivé quelque accident.
Hougly, le 20 septembre 1703 (3). — ...Je croy vous avoir marqué.
Monsieur, que la Compagnie me donna ordre de passer à Pondichéry
pour y administrer les affaires en cas que M. le gouverneur Martin
profitât de la permission qu'elle luy a accordée de repasser en France,
ou qu'il fût dans le dessein de ne plus travailler. Celuy-cy ne s'est pas
expliqué nettement avec moy là dessus : mais je doute qu'il prenne
cette pi'emière résolution, à moins qu'il n'y eût quelque vaisseau du
Roy pour le passer ; pour l'autre, je ne puis pas me mettre dans l'es-
prit qu'il quitte tandis qu'il luy restera des forces pour agir (4). Plu-
sieurs personnes, qui sçavent que madame la Gouvernante (5) n'est
(1) Ia guerre avait été déclarée à la France par l'Angleterre et la Hollande au
mois de mai 1702.
(2) ^'ents périodiques de la mer des Indes qui soufflent pendant six mois du
.S--0. et six mois du N.-E. Le changement de direction du vent se nomme
renversement de la mousson; il est ordinairement accompagné de tempêtes et
d'ouragan.
(3) Archiv. de Bayonne, 44,267, n* 28. Lettre adressée à Léon Dulivier.
(4) Les prévisions de Dulivier devaient se réaliser. Martin voulait et devait
mourir à son poste. Il était au service de la compagnie des Indes depuis 1672,
et préc Idcmment avait longuement navigué sous le pavillon hollandais.
(5) On trouvera quelques pages plus loin un curieux portrait do la femme du
gouverneur général.
— 346 —
du tout pas portée à repasser en France, croyent que ?on épouse aura
assés de complaisance pour rester, d'autant plus qu'étant tous deux
d'un âge avancé, il seroit fort douteux s'ils pourroient supporter les fati-
gues d'un si long voyage. Je ne sçay pas cependant à quoy ils se résou-
dront. . .
Nous sommes toujours sans nouvelles de France et de la compa-
gnie: et cet estât nous cause de bien vives inquiétudes. Les HoUan-
dois font courir les bruits les plus contradictoires, que nous ne pouvons
démentir faute de lettres.
L'argent devient de plus en plus rare : les Anglois en profitent pour
charger à bon compte leurs navires, et toutes les affaires vont à
eux...
Hougly, le 24 décembre 1703 (1). — ... Nous voicy à la fin de la
mousson et toujours sans avis de l'arrivée d'aucun navire. Jugez,
Monsieur, de nostre chagrin. On n'a plus tôt sceu que la guerre estoit
déclarée que le crédit que nous avions a cessé, de manière que je rae
trouve sans aucune ressource et conséquement hors d'estat de fournir
aux dépenses journalières. Il nous venoit autrefois, devers le mois de
may, des lettres de la compagnie par voye de Perse; celte année tout
a manqué à Pondichéry, Surate et icy. Comme il est essentiel que
nous soyons informés des mesures que la compagnie so proposoit de
prendre, je ne doute pas qu'elle nous aitescrit et que des lettres u ayent
esté interceptées par les Hollandois. Cette nation nous menaça, aux
premiers avis de la déclaration de guerre, d'aller assiéger Pondichéry.
On en parle à la coste comme d'une entreprise résolue. Cependant,
quoyque ces bruits ayent cessé il y a déjà longtemps, on ne laisse pas
de s'y fortifier [)our mettre la place en état de déffense. Enfin mes
affaires vont s'y mal, que je doute s'y je trouverois 2000 roupies (2) à
emprunter à Ougly. Sy dans vingt jours au plus tard nous ne som-
mes pas informés de l'arrivée de quelque navire, il faudra se résoudre
à patianter jusqu'à la saison prochaine. Jugez de nos embarras...
(1) Archiv. de Bayonne HH. 267, n' 29. — Le vol. dcja citô de la Corrcspon-
danco générale (Archiv. de la marine, fonds colonial) contient de très nombreu-
ses lettres de Dulivier, toutes adressées aux Directeurs de la compagnie, à
Paris, ('cmme ceUes extraites des archives de Bavonne, ces lettres ne conlicn-
nent que des plaintes ou des demandes de secours. Nous avons cru devoir
donner la préférence ft celles que le directeur d'Hougly é(*rivail :\ son cousin»
comme étant beaucoup plus Intéressantes.
(2) Pièce d'argent, fort grossièrement frappée, répondant à l'ancienne picc«
française de oingt-gtiatre sols.
— 347 —
Hougly, le 25 février 1705 (1), — Je ne saurois vous dire, mon cher
cousin, les embarras ou je prévoy que je tomberay s'il ne nous vient
toujours pas de vaisseaux. La misère e?t si grande dans ce pays qu'il me
seroit difficile de vous la représenter, et telle personne qui auroit veu le
Bengalie et il y a quelques années n'y connaitroit plus rien. L'argent
est d'une rareté sy grande qu'on n'en trouve pas pour fournir aux
choses do la vie. Il n'est arrivé c^tte mousson que quatre vaisseaux es-
trangcrs; alors que les affaires estoient sur un bon pied il en venoit 35
à 40. Aussi les marchandises du pais sont à grand marché, et c'est
avec bien de la douleur que je me voy sans fonds et conséquemment
hors d'estat de profiter d*un temps aussi favorable pour faire des em-
plettes.
Ce n'est pas faute de donner i vis à la Compagnie sur les mesures
qu'il convient pi^ndre pour tirer du commerce de ce païs les avantages
qu'elle y Irouveroit si elle jugeoit à propos de s'y <îonformer. Mais ce
point a esté si souvent rebattu et appuyé par M. Deslandes, à son arri-
vée en France, que je n'y voy aucune aparence d'espoir : aussy nos
affaires continuent-elles à se faire au jour la journée.
Le Divan (2), qui a suspendu les passeports des compagnies de Cas-
simbazar icy (3), a menacé pendant un temps de leur ester leurs privi-
lèges. Il s'est ensuite radoucyet aexortéles Hollandois de renvoyer leur
monde à Cassimbazar et à Pattena (4), d'où ils sont retirés. Nous ne
voyons pas qu'ils se pressent pour cela, non plus que les Anglois. Ces
Messieurs sont trop politiques pour éloigner do leurs principaux comp-
toirs leurs offciers dans un temps Si dangereux, outre que le grand
âge et les infirmités dont le Mogol (5) est accablé nous donnent tout
lieu de craindre qu'il n'ira pas loin. Jugez, Monsieur, des embarras
où je me trouveray s'il ne nous vient du secours de France, car il ne
faut point compter sur les gens du païs qui, n'aimant pas perdre leur
urgent, le Ciicheront en terre dès qu'ils apprendront la mort du Mogol.
Je vous assure, mon cher cousin, que quand je fais réflection sur le^
fl) Archiv. de Bayonne, HH. 267, n'40.
(2j Le vice-roi ou soubahu du Bengalie, l'un des plus grands feudaiaires de
reinpirc Mogol.
(3) De niénic que les Français, les Hollandais et les Anglais possédaient une
loge dans l'île de Cassimbazar.
(4) Patna, ville importante, sur le Gange, capitale de l'ancienne soubabbie
du liekar. Kilo était roputée pour la douceur de son climat, la beauté de ses
fruits et In fertilité de ses campagnes.
(5) Aurcug/cb, ou Avrcngzcb, qui porta l'empire Mogol au plus haut point de
puissance. Il mourut en 1707, après avoir achevé la conquête du Dekkan.
— 348 —
révolutions inévitables que nous verrons en Bengalie je ne puis que
me repentir de m^ètre chargé du soin de ses affaires. Vous ne sauriez
vous imaginer les viollances du grand Divan à l'égard de tous les peu-
ples et des moyens dont il se sert pour les tiranniser. On ne voit que
villages dépeuplés, que rentiers aux fers, que vexations, cris, pleurs,
enfin toutes les marques de la plus gi'ande désolation. Jamais vioe-roy
n'a été si sévère, ni n'a eu, dans une province, des pouvoirs si extra-
ordinaires : il a été fait encore nouvellement divan de Pattena. Il y a
l'apparance qu'il achèvera de ruiner ce païs comme il a fait celui-
cy...
Vous sçavez, mon cousin, que je ne suis engagé dans le service
de la Compagnie que pour six ans, et que ce temps, qui a couru depuis
le jour de mon départ, sera bientôt finy. Les chagrins que j'ay esté
obligé d'essuyer, les incommodités dont je suis fréqaamment atteint,
joint au peu de réputation que je dois espérer d'acquérir dans le ser\'ice
tant que les affaires continueront à se faire au jour la journée, toutes
ces raisons, dis-je, me détermineront à vous prier de me donner votre
avis sur le party que je dois prendre. Je suis si porté à me retirer,
qu'une fortune considérable ne m'engageroit pas à rester dans le païs
autres six années, si j'estois obligé d'y essuyer autant de chagrins que
j'en ay eu jusqu'à présent...
Houglj, le 20 octobre 1705 (1). — ... Jamais la misère n'a esté au
Bengalie au point qu'elle est, ny le commerce de port en port dans un
si triste estât : il n'y a plus rien à faire d'icy à la coste de Coromandel.
Les voyages d'Achain, de Chine et autres endroits sont devenus si
mauvais que depuis trois ans ceux qui les font ont à peine retiré ce
qu'ils ont déboursé. Il n'y a donc uniquement que sur celuy de Perse
qu'il y a quelque profit, mais les risques sont si grands, de môme que
sur tous les autres, que je n'ai pas osé risquer dessus cent pistoUes.
Ce qu'il y a encore de plus fâcheux, c'est que je ne voy aucune ap-
parence de voir reprandre aux affaires du pays, ny à celles du dehors,
leur cours ordinaire.
La rareté d'argent est à un point incroyable. Elle découvi-e la fai-
blesse de plusieurs négociants qu'on croyoit puissants et qui ont tombé
dès que les compagnies ont cessé de leur faire des avances, de manière
qu'il n'y a présentement, en ces quartiers, que cinq ou six personnes
qui soient en estât de faire travailler avec leui-s fonds. Jamais le temps
(l) Archiv. de Bayonne, 44,267, u* 42.
— 349 —
n'a esté pi as avantageux pour ceux qui ont de l'argent à employer en
marchandises pour Europe, et c'est avec une mortification que je ne
sçaurois exprimer que je me trouve hors d'estatd'en pouvoir profiter. La
Compagnie, à qui j'avois marqué en 1702 les engagemens dans lesquels
j'étois entré par les forts retours que je leur fis, me pria de tout mettre
en usage pour me soutenir jusques en juin 1703 qu'elle feroit partirj
assuroit-elle, des vaisseaux au commencement de la dite année, et que
seurement je recevrois des fonds. Il en arriva en efiEet deux à Pondi-
chéry, mais qui ne m'aportèrent pas le sol. Voici donc trois ans que
je suis sans secours...
Telle était la situation de nos comptoirs aux Indes, lorsque,
en décembre 1705, le gouverneur général Martin, dont la
santé était depuis longtemps ébranlée, tomba tout à fait en
enfance. Déférant aux ordres de la Compagnie, Dulivierse
rendit aussitôt à Pondichéry, afin de soulager Martin dans
ses pénibles fonctions. Mais celui-ci étant venu à mourir le
30 décembre 1706, la confusion fut portée à son comble;
elle devait bientôt tourner à Tanarchie.
Choisi depuis longtemps par la Compagnie, désigné par
elle et présenté au conseil supérieur de Pondichéry comme
devant remplacer Martin jusqu'à l'arrivée d'un nouveau titu-
laire, Dulivier vit tout à coup se dresser devant lui un second
compétiteur, nanti d'un pouvoir régulier (1). Celui-ci,
nommé de Flacourt (2), s'appuyait sur la garnison de Pon-
(1) Ce pouvoir, portant la date du 7 mars 1704, était ainsi conçu : « De par le
Roy. Les Directeurs de la compagnie des Indes Orientales ayant représenté à
S. M. qu'ils avoient donné des ordres au conseil du comptoir de Pondichéry,
portant qu'en cas de déceds du sieur Martin, gouverneur du fort et de la ville
de Pondichéry, ils avoient fait choix, sous le bon plaisir de S. M., du sieur de
Flacourt, pour y commander jusqu'à ce que le sieur Dulivier se fût rendu à Pon-
dichéry pour remplir la dite place de gouverneur, et S. M. ayant bien voulu
agréer ce choix, — elle mande et ordonne au sieur de Boissieux, commandant les
troupes du fort et de la ville de Pondichéry, à tous capitaines, lieutenans et autres,
de reconoitre et faire reconoitre les dits sieurs de Flacourt et Dulivier, et leur
obéir en cette qualité', jusqu'à ce que autrement par S. M. en ayt esté ordonné
sur la nomination des dits Directeurs. » (Archiocs do la marine : fonds colo-
nialy Comptoir des Indes Orientales,)
(2) D'abord simple employé de la cx)rapagnie, Jacques Julien de Flacourt fut,
après son intérim à Pondichéry, nommé directeur du comptoir d'Hougly. Mem-
bre du conseil supérieur des Indes en 1720, il fut appelé en 1726 à la direction
de Sarate. Il mourut en cette ville en 1736 (Ibid.; dossier de Flacourt).
— 350 —
dichéry : Dulivier avail pour lui le pouvoir civil, représenté
par le Conseil des ludes, dont le siège était dans la même
ville.
Cette rivalité, la mort de l'empereur mogol Aurengzeb, la
guerre qui désolait le Dekkan et les côtes de Malabar, vinrent
encore augmenter le malaise dont étaient frappées noscolonies.
Abandonné depuis longtemps à lui-même, négligé, réduit à
toutes sortes d'expédients, Pondichéry ne dut vraiment sa
subsistance pendant deux longues années (1707-1708) qu'à
l'infatigable dévouement de Dulivier. Sur sa parole, sur les
garanties personnelles qu'il offrait, il parvint à contracter
deux emprunts, le premier de 24,000 éous, le second de
22,000 livres, qui lui permirent de faire face aux premières
nécessités (1). Il s'apprêtait à en négocier un troisième, avec
lequel il espérait pouvoir équiper un navire à destination de
France, quand le nouveau Directeur général de Pondicliéry,
Guillaume André Hébert, envoyé de France par la Compagnie,
débarqua en janvier 1709 sur le quai de cette ville (2).
Hevêtu par la Compagnie des pouvoirs les plus étendus,
ayant mission de reformer, si besoin était, le personnel des
(1) Ibid. ; fonds colonial, 12 C* . Lettres de Dulivier à la compagnie des Indes
Orientales.
(2) D'après le Mémoire déjà cité de Dulivier {1717, Mémoire au Roy et d son
conseil do Marine), le sieur Hébert n'était porteur d'aucune commission l'éle-
vant à ce poste.
Voici la version de Dulivier: « En l'année 1706, la Compagnie fit un arme-
ment pour la mer du Sud. Le sieur Hébert, l'un des Directeurs, dont les affai-
res étoient dérangées en France, s'embarqua, mais siur la mortification que sa
propre compagnie ne lui confia point la direction de cet armement : elle la donna
aux sieurs Hardancourt et Darguibel, marchands et subrécargues de la dite com-
pagnie, donnant seulement audit smir Hébert une commission denooyé oers
les puissances des Indes et en Perse. Ixs navires étant arrivés à la mer du Sud,
on détacha le vaisseau le Saint-Louis, sous le commandement du sieur
de la Marre, de Cacn, auquel, suivant l'instruction de la Compagnie, lesdits
sieurs Hardancourt et Darguibel consignèrent les fonds embarquez sur les
connoissemens du sieur de la Marre, afin que celui-ci les livrât au sieur Dulivier.
à l*ondichéry, qui devoit en faire l'emploi et le renvoi en France, l^ dit sieur
Hébert s'embarqua sur le Saint-Louis, toujours sans aucun pouvoir de la Com-
pagnie de destituer ledit sieur Diilivier, ni d'avoir la direction des fonds. — Le
sieur Hébert étant arrivé à Pondichéry en 1708, il fit confidence au sieur Duli-
vier de la triste situation de ses affaires en France, et lui dit que c'étoit ce qui
— 361 — .
comptoirs de Pondicbéry, Hougly et Surate, autorisé surtout
à retrancher toutes les dépenses reconnues inutiles ou super-
flues, le nouveau gouverneur n'avait omis d'apporter avec lui
qu'une chose, la principale, la plus importante : l'argent
nécessaire pour payer les dettes de la Compagnie, parer aux
dépenses journalières et faire ainsi revivre la conQance et le
négoce.
A. COMMUNAY.
{A suivre.)
lui avoit fait prendre la résolution de passer aux Indes. H n'étoit muni d'aucun
pouvoir de sa propre Compagnie pour prendre le poste du sieur Dulivier, mais
celui-ci, totiché de son état, se démit oolontairement de son gouoernement en
sa faœur, »
Le document suivant, daté de 1709 et adressé au ministre de la marine, place
Dulivier dïiis une contradiction évidente :
« M. Hébert, directeur de la Compagnie, a passé aux Indes, sous 'e bon plaisir
de Monseigneur et de l'aveu de la Compagnie, pour prendre connoissance de
l'état des affaires, des moîens de les rétablir etde faire cesser les dépenses inutiles.
» L'intention de Ja Compagnie étoit qu'il repassât en France après un an de
séjour dans le pays : M. Hébert s'étoit soumis à cette condition.
» Depuis son départ, on a eu nouvelles certaines de la mort de M. Martin. Il
se trouve à présent aux Indes peu de sujets capables de le remplacer et à qui
la Compagnie puisse remettre ses intérêts avec confiance.
» I^ Compagnie n'étant pas en état de continuer son commerce par elle-même,
n'a pas besoin aux Indes du même nombre de marchands et de commis qu'elle
avoît auparavant. £lle se propose de faire de très grands retranchemens et de
réformer tout ce qu'il peut y avoir de dissipation dans les dépenses de bouche
et de négoce qui ont été excessives jusqu'à présent, quoyque la Compagnie ait
donné toutes les aminées d s ordres très positifs sur cela qui ont été mal exécutés.
Elle se persuade que M. Hébert, étant Directeur et intéressé, sera plus attentif
qu'un autre à refformer ces abus.
» Elle se propose, sous le bon plaisir de Monseigneur, de le retenir aux Indes,
et afin qu'il soit revêtu de l'autorité nécessaire pour se faire obéii*, elle suplie
très humblement Monseigneur d'avoir la bonté de lui acooider un brevet du
Roy, sur la nomination de la Compagnie, pour être gouverneur du fort et de la
ville de Pondichery et commandant des troupes, comme l'avoit été cy- devant
M. Martin.
» Monseigneur a eu la bonté de faire accorder par le Roy à M. Martin des
lettres de noblesse. Cette distinction luy a donné beaucoup de relief parmy les
officiers de la garnison. La Compagnie supplie très humblement Monseigneur
de faire la même grâce au sieur Hébert. »
(Signés :) Tardif, Soullet, Helissant, de Barmey,
DesRIEUX, COMPIliGNE, PELLETIER.
(Arcllic. coloniales : Correspondance, 13 C , p. 114).
La pièce ci-dessus n'est pas revêtue du oisa du ministre ; cependant tout porte
à croire qu'Hébert reçut ses provisions de gouverneur.
EGLISES ET PAROISSES
D'ÂRMAaNÂC, EÂUZÂN, aABÂRDAN ET ALBRET
D'APRÈS UNE BNQUâTE DB 1646 C)
Gaumont (i) avait déjà envoyé ses fabriciens par-devaDt la
Commission; ils avaient compara à Termes le i9 novembre
après ceux de Termes. L'un d'eux, Arnaud Daslier, accompa-
gné de M' Guilhaume de Monbert, vicaire du lieu, dit qu'ils
avaient recueilli 25 quarts 1/2 de froment, 46 quarts de
mesture, 9 quarts de millet, un demy-pipot de vin pur et
20 fagots de lin « non prest ne accoustré » , le tout valant
environ 27 1. t., ce qui est le revenu annuel ordinaire; tous
ces fruits étaient encore au pouvoir de la fabrique, sauf H
quarts de froment qui avaient été déjà vendus pour sufûre
à Tentrelien de Téglise.
Celle-ci fut visitée I3 22 novembre; elle était sous le vocable
de saint Sernin. On la reconnut « assez bien et honorablement
bastie de ses murailbes, presque toute paincte, et en tel ordre
que n'y estre nécessaire que quelques petites réparations quy
ne sauroient couster que dix ou douze livres tournois au
plus bault. » L'ordonnance d'Arnaud Claverie sur Caumont
fut rédigée en conséquence. Cette fabrique se vit condamnée
à donner au collège la moitié de ses revenus, plus 20 1. 1.
à prendre sur la vente des fruits de la dernière récolte qui
lui restaient encore.
(•) Voir ci-desus, livr. de février, p. 73. — Les premières pages du présenl
article complètent le n* i\\ resté inachevé, p. 82.
(1) Caumont (Gers), canton de Riscle, Ecclesia de Calco monte, ancienne
paroisse de Tarchidiaconé d'Armagnac. L'église est de l'époque romane et n'a
point de voûte. Les peintures, dont le Procès- verbal constate l'existence, ont dis-
paru totalement. Il y a dans cette église un rétable du .wii* siècle dans le genre
de celui de Maulicherre.
— 353 —
On s'arrêta aussi à Tarsac (1) pour voir Téglise SaintOrens
dadit lieu. Elle fut trouvée « bien bastie de ses murailhes et
toute bien couverte et en partie bien plâtrée de poslan (?), et
ce quy est besoing réparer est de petite estimation. »
Pierre de Magenc, fabricien^ comparut le lendemain à Ris-
cle avec le vicaire et le consul de Tarsac. Ils exposèrent que.
Tannée présente, ils avaient recueilli 40 sacs de blé, 6 quarts
de froment, 8 sacs de mil, demi-barrique de vin, 80 fagots
de Un ferreguat (2), valant environ dans Tensemble 45 ou 50
livres tournois, ajoutant que, « du consentement de la com-
munaulté », ils proposaient de donner au collège 15 1. 1., aQn
qu'on leur laissât le reste de leur revenu, ainsi que le petit
nombre des créances de la fabrique, < pour la réparation de
lad. église ». La Commission examina d'abord leurs livres
de comptes; il se trouva qu'on leur devait 25 écus petits
11 s. 11 d. Cela fait, Arnaud Claverie rendit son ordonnance.
(1) Tarsac (Gers), canton de Riscle, sur les bords de l'Adour, Eccleaia de Tar*
aaco. L'église n'a encore pour toute voûte qu'un lambris plafonné. Elle remonte
au moins au xi* siècle. A cette époque, Géraud, fils de Bernard Tumapaler,
étant comte d* Armagnac, elle fut donnée au monastère de Saint-Mont par Ray-
mond de Tarsac et son frère Guillaume de Tarsac, suivant le conseil de leur
mère Mario (Cartulaire de Saint-Mont, LXXII. Nous tenons à remercier ici
M. J. Maumus, qui a bien voulu nous communiquer une copie de ce précieux
cartulaire encore inédit et fort important, qu'il a lui-même collationnée sur l'on*
ginal). — Parmi les témoins de la visite étaient Peyron Du Cassé, consul,
Jehanuot du Cassé, Peyron de Saint-Guilhem, Peyron de Magenc, fabricien,
M* Dominique du Cassé, prêtre et vicaire de ladite église, Jehan de Pages et
Jehan de Magenc.
(2) Ferreguat est une expression totalement inconnue dans le patois actuel
de l'Armagnac. Il est probable qu'ici, comme en bien d'autres endroits, le rédac-
teur du Procès-Verbal a voulu franciser un mot patois et l'a orthographié à sa
manière. Les principaux qualificatifs patois se rapportant au lin sont ceux de
pintouat, peigné, et de aguazat, désignant le séjour plus ou moins long dans
l'eau que le lin subit avant les derniers apprêts pour le tissage. Le premier de
ces qualificatifs ne peut évidemment s'adapter au mot dont nous cherchons le
sens. Mais le second s'en rapproche au point de s'identifier presque avec lui.
On sait, en effet, que dans plusieurs quartiers de l'Armagnac l'adverbe français bien
ou très bien se rend par hère. Dès lors on voit comment hère agtiazat ou hère
aguat a pu devenir /erra</aai. — Ajoutons qu'il y a une espèce de lin, crois-
sant sans culture et en grande abondance dans les champs enfhche. On l'appe-
lait Un saubatgo ou lin de serp et on le recueillait avec soin pour en faire des
nappes d'autel. Les croyances populaires attribuaient h ces nappes le pouvoir de
détourner la grêle, lorsqu'on les déployait sur les autels des paroisses au mo-
ment où l'orage menaçait.
— 354 —
par laquelle, ayant accepté Poffredes 15 I. l., il obligea encore
ladite fabrique à consacrer la moitié de ses revenus futurs
à Tœuvre du collège; il lui laissa néanmoins rentière dis-
position de ses créances.
Cependant nos magistrats, partis de bonne heure de Sarra-
gachies, étaient arrivés à Riscle vers 10 h. du malin et avaient
pris leur logement chez Bernard Ollyer, hôte et consul dudit
lieu. Déjà les fabriques de Maulicherre et de Tarsac avaient
eu leurs ordonnances, lorsque, convoqués par le sergent
Saint-Arnaud, les gens de Riscle se présentèrent.
Jean Ducassé, fabricien, Jean Pages et Bernard Oliver, et
M* Arnaud Dargelos, vicaire de Riscle, dirent qu'ils n'avaient
point de livres de comptes autres que ceux datant de deux
ans; les comptes des années antérieures étaient encore au
gretTe du Pariement de Toulouse, où Ton avait été obligé de
les produire dans un procès qui s'était engagé entre le curé
de Riscle et les fabriciens et qui venait alors de se terminer.
L'année passée, la fabrique avait fait un revenu de 100 écus
petits environ, ainsi que le constatait un acte passé par-devant
M* Thezan, notaire de Riscle. Et en l'année précédente la
cueillette avait produit 147 quarts de blé, 22 quarts de mes-
ture, 51 quarts de seigle, 54 quarts de millet, 2 quarts
d'avoine et trois barriques de vin pur, plus 10 écus petits
pour le fermage d'une partie de la dîme des graines. A la
vérité, la plus grande partie de ces fruits était déjà vendue,
car il avait fallu subvenir aux frais du susdit procès, et le
reste, d'une valeur de 30 1. 1. environ, se trouvait en la maison
de Jean de Pardeilban, habitant de Riscle. De sorte que pres-
que tout le revenu avait été consumé dans ce procès; « ce qu'est
cause que à présent leurd. esglise est pauvrement aornée et
munie de chappes et autres ornements nécessaires pour le
service d'icelle. » Sur quoi, les procuriîurs, voyant dans ces
dernières paroles se dessiner des objections, proieslèrent et
déclarèrent que « sy les paroissiens y veullent des plus riches
I
I
I
— 355 —
ornements, qu'ils le fassent à leurs despans et non aux des-
pens de lad. Fabrique ». Arnaud Claverie renvoya la sentence
au lendemain, les comparants ayant demandé sursis pour
délibérer avec le conseil du corps do ville.
Le mardi ^ novembre, la journée débuta par la visite de
Téglise de Riscle. Fontana et Mailhos, qui s'y rendirent, rap-
portèrent qu'elle « étoit bien et honorablement bastie de
pierre de taille et de tbuille, en tel estât que pour le présent
n'y avons cogneu y avoir besoing d'aulcune réparation néces-
saire (i). V Après quoi, on ouït de nouveau les consuls et
fabriciens de Riscle, assistés de M* Dargelos, vicaire. Ceux-ci
dirent qu'ils avaient entretenu le conseil de la communauté
de la présente affaire et que, de la volonté de tous les jurats,
ils offraient à la Commission pour le collège la somme de
310 1. t., en demandant qu'on leur laissât le reste de leur
revenu pour l'église. Arnaud Claverie accueillit cette propo-
sition. Seulement, son ordonnance porta que désormais la
fabrique de Riscle donnerait au collège les deux tiers du revenu
annuel de ses dimes.
V Enquête à Viella, Lannux, Bilhère, Pf^ofan, Vefius,
Bernéde, Lapujolte, Le Lin, Arblade-le-Bas, et Vei'goignan.
Le lendemain 24 novembre, la Commission quitta Riscle et
gagna Viella (2), où elle s'installa chez Messire Bernard
(t) Riscle, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Mirande (Gers), an-
cienne paroisse de Tarchidiaconé d'Armagnac, Ecclesia do RUcla. Cette église
fut restaurée de 1478 à 1490 et consacrée à cette dernière date par Tévéque
d'Aire (V. Comptes de Riscle, p. LV). Les guerres de religion firent dans son
enceinte de nombreux ravages, tout en laissant debout une partie des anciens
murs romans. Cette église fut du nombre de celles que saint Austinde, arche-
vêque d'Auch, céda à l'abbaye de Saint-Mont vers 1061. Elle a été de nos jours
l'objet de nombreuses restaurations.
(2) VieUa. canton de Riscle (Gers), ancienne paroisse de l'archidiaconé d'Arma-
gnac, Ecclesia de Villario, Le Cartulaire de Saint-Mont mentionne Viella en
quelques passages ; Téglise actuelle doit dater de cette époque, c'est-^-dire du
XI* siècle,' car elle a gardé quelques traces du style roman.
— 356 —
BagoQos, recteur de Montpezat (1), habitant du lieu. A
peine arrivée, elle alla visiter Féglise paroissiale de Saint-
Pierre < laquelle est bien et honorablement bastie de pierre
de taille et en tel ordre que pour le présent n'y a pas besoing
que ayant cogneu de réparation nécessaire fors d'y faire
quelques arcs voultants (2) et achever quelques ungs de
ceulx qui ont esté commencés, pour ce que lad. esglise ou
murailhes dMcelle sont fondées en maulvais endroict, et pour
rayson desd. fentes et esviler la ruyne de lad. esglise pour
Tad venir est rayson y faire lesd, arcs voultants quy ne pour-
ront poinct cousler grand chose, et selon nre advis et juge-
ment ce qu'il y faut faire ne pourra pas cousler plus hault
de deux cents livres ou environ. » Vidal de Merisseni, Jehan
de Vichal et Rogier de Serre, consuls, assistaient à la visite;
et, comme les fabriciens n'y avaient pas paru, on voulut
interroger les consuls sur les revenus de la fabrique. Mais
ceux-ci refusèrent de répondre, disant que ce n'était pas là
le fait de leur charge et que la chose regardait seulement les
marguiliers.
Or, tandis que la Commission rentrait en son logis, San-
sonnet de Reuil, fabricien dud. Viella et M' Brusson, prêtre,
«soy disant avoir charge des habitants dud. lieu », compa-
rurent devant elle. Ils dirent que le revenu moyen de la dime
de la fabrique était de 40 écus petits. Cette dime leur avait
donné pendant l'année courante un quarton de meslare.
(1) Nous ne connaissons pas de Montpezat en Ânnagnac, ni même dans
l'ancien diocèse d'Auch. Il doit être question ici de Montpezat, canton de
Sembèye (Basses-Pyrénées), à 25 kil. environ au sud de Viella. On sait qu'à
cette époque bien des curés ne résidaient pas dans leurs paroisses et pour-
voyaient au service paroissial par des vicaires qu'ils payaient pour cela. Le
Concile de Trente condamna cet abus, qui dès lors tendit de plus en plus à dis-
paraître.
(2) Agrandie et restaurée vers 1830 et plus récemment encore, l'église de Viella
est située à l'extrémité dudit village, du côté de Maumusson, au centre d'une
légère dépression de terrain, ce qui devait développer dans les murs une cer-
taine humidité, et voilà pourquoi sans doute le Procès- Verbal dit qu'elle était
« fondée en maulvais endroit».
— 357 —
3 quarts de froment, 20 conques d'avoine, 5 quarts de mil-
let, 5 conques de vin blanc et autant de vin rouge, 140 fagots
de lin, et « trente testes d'aigneaulx », le tout valant environ
40 1. 1., plus 6 écus petits pour une partie de dîme quMIs
avaient affermée à ce prix; « et vray est qu'ils n'ont poinct
led. vin, car l'ont vendu pour le prix de quarante escus petits
pour les affaires de lad, esglise, »
L'ordonnance de Viella ne fut rendue que le lendemain.
La fabrique se vit imposée envers le collège du paiement de
la moitié de ses revenus futurs et de 300 écus petits pris sur
ses créances, dont la somme s'élevait à 445 1. 6 s. 9 d.;
outre cela, elle dut verser tout le produit de sa dîme durant
l'année 1546. Par la même occasion, nos procureurs, tou-
jours sans quartier, rappelèrent aimablement aux consuls de
Viella que, suivant un acte antérieur, ils devaient au collège
la somme de 140 écus petits. Mais un arrêté si sévère, qui
menaçait de saigner à blanc la cassette de la fabrique et de la
communauté, excita à Viella des clameurs universelles. Devant
celle opposition, Pontana et Mailhos baissèrent la main et
consentirent à une transaction d'après laquelle le collège dut
se contenter de 20 1. t. pour les revenus de l'année présente,
et de 50 l. t. pour les créances.
Tout étant ainsi arrété,la commission partit pour Lannux (1),
où elle arriva dans la soirée. Elle s'établit à l'auberge, chez
Arnaud de Campislron, hôte du lieu. Le jour suivant, ven-
dredi 26 novembre, elle entendit d'abord les marguilliers de
l'église Saint-Martin de Lannux. L'un d'eux, Arnauton de
Laporle, déclara que cette année le revenu de la fabrique
(1) Lanntrx, canton de Riscle (Gers), ancienne paroisse de l'archidiaconé d*At-
magnac, Ecclesia de Lannuso. I/église actuelle est en bon état. Quant à cette
<5glise « cliampestre », dont pSirle le Procès- Verbal, je ne sais où elle était; je
n'ose ridentifter, vu Téloignement, avec l'église connue sous le nom de Gelle ou
de Gellemale, laquelle a disparu depuis la Révolution. Située sur les bords de
TAdour, en un lieu des plus agrestes, elle fut longtemps desservie par les curés
de lannux, quoiqu'elle se trouvât sur le territoire de Géc-Rivicre, près Saint-
Germé.
Tome XXX. U
— 358 —
avait été de 8 ècus pelils et 2 ardils et qu'il ne valait pas
davantage ordinairement. La visite de Téglise fit voir que
celle-ci était « fort ruynée, et desja y a fort de pierre et de
chaux pour la édiffier; toutesfois en avoient-ils fait bastirune
autre des deniers de la fabrique, laquelle est bien honorable-
ment bastye, mais pour ce qu'est un peu champestre, disent
n'estre point tout a bon gré ny aysée comme celle qu'ils veul-
lent réduire et préparer. » L'ordonnance concernant celte
fabrique fut rendue le 2 décembre, à La Pujole. Ses créan-
ces se montaient à H5 l. 4 s. Elle fut taxée à la moitié
des revenus, plus 45 écus petits à prendre sur le total des
créances.
Le même jour, comparurent Pey Lussanet et Arnaud
Dupont, fabriciens de l'église Saint-Orens de Bilhères (1). Ils
rapportèrent que le revenu avait été cette année de 12 écus
petits et que communément il ne dépassait pas celte somme.
Mais tout l'argent de l'année était passé entre les mains de
Mathieu de Lacaze, m' maçon, en payement « de l'édifiBce
d'une chapelle dans leurdile esglise. » Ils devaient encore
audit Lacaze 25 écus petits « ou plus » , bien qu'il eût déjà
retiré les revenus des cinq années précédentes pour le prix
de son travail. Mais aussi l'église parut-elle à la Commission
« bien assez réparée et sans réparation nécessaire. » L'or-
donnance d'Arnaud Claverie s'inspira d'une situation si par-
faite et condamna Bilhères à remettre au collège la moitié de
tous ses revenus et toutes ses créances, lesquelles à la vérité
n'étaient que de 6 écus petits et 2 sols bons.
Le même jour, la commission était à Bernède (2) et visitait
(1) Bilhères, canton de Riscle (Gers), ancienne annexe de Projan dans l'archi-
diaconé d'Armagnac, Ecclesia de Vilhera. Cette église n'existe plus depuis
longtemps ; elle était située dans le hameau actuel de Bilhères, entre Projan et
Ségos.
(2) Bernède, canton de Riscle, sur les coteaux de la rive gauche de l'Adour,
ancienne paroisse de l'archidiaconé d'Armagnac, Ecclesia de Berneda* L'église
Sainte-Croix de Bernède fut donnée au Prieuré de Saint-Mont par Odon de
Bcnièdc, vers le milieu du xr siècle. Cette église romane existe encore et a subi
- 339 —
réglise paroissiale Sainte-Croix, laquelle lui parut « bien et
honorablement bastie avec un beau grand clocher tout de
pierre ou de brique, et n'y avoir poinct besoin de réparations,
fors de parachever la poincte dud. clocher quy ne pourra pas
cousler guère grand chose, car il y a quelque peu de provi-
sion pour ce faire » . Jehan Sarrade, fabricien, déclare que le
revenu annuel de Téglise est d'environ 40 écus petits. Et il
ajoute que « six ans estre passés ou environ qu'ils n'ont
poinct tiré la raute de la fabrique de lourd, esglise parceque
ils l'ont bailhée en payement au masson quy a faict l'œuvre
du clocher d'icelle, lequel a tiré lesd. six années, comprins
l'année présente, et encore l'a à tirer pour six ans en suyvant,
en faisant certain besougne qu'il doibt faire pour parachever
lourd, clocher. » L'ordonnance d'Arnaud Claverie, qui suivit
ce rapport, renversa les projets des habitants de Bernëde et
les plans des maçons. Le contrat, signé avec les entrepreneurs
du clocher Arnaud et Bernardon de la Fitte, fut, en effet,
annulé, à la requête des deux procureurs, qui avaient exposé
que a sans achever icelle poincte dud. clocher, led. clocher
est assez hault et ne reste que icelluy couvrir de boys et
thuille à canal. » Leur avis fut suivi sans doute; car le clo-
cher de Bernède est toujours resté inachevé; et aujourd'hui
encore, au lieu de la flèche rêvée par nos bonnes gens de
Bernède en 1545, c'est une simple et modeste toiture qui
couronne ce clocher. La fabrique se vit en outre condamnée
à appliquer au collège la moitié de ses revenus annuels
et la moitié de ses créances, *dont le total s'élevait à 127 I.
13 s.
Peu après, se présenta Jehannot Descomps, fabricien de
diverses modiûcations. Le clocher dont il est question dans l'Enquête est une
tour très élevée dont la noire masse domine les coteaux environnants et la plaine
de l'Adour. Dom Brugcles dit qu'on y remarque « des figures antiques » ; ce sont
probablement celles que l'on peut voir encore se dresser aux angles de l'intérieur
de la toar. — Témoins à l'Enquête ; M" \'ital Fitte et Pierre Pesquière, prêtres
dud. lien, et Jehan Scrrade, lahricien.
— :s60 —
réglise paroissiale de Saint-Christaud de Vertus (1). Il dit que
les comptes de la fabrique sont entre les mains de MeQJou
de la Gassagne^ son compagnon, lequel est absent. Toutefois,
il peut certifler « que le revenu est une bien petite chose qui
à grand peine souiTit à entretenir la luminaire de lad. esglise,
et aussy n'a pas aulcuns debtes vrayement deubs à icelle.
Par quoy, et altandu que lad. esgllze a besoing de répara-
tions » , il demande qu'on dispense la fabrique de toute taxe
en faveur du collège. Les procureurs accueillent favorablement
cette supplique et en reconnaissent le bien fondé. Le revenu
Je ladite église est, en effet, disent-ils, « fort petit, et en icelle
y a bon besoing de réparations. » Il fut donc décidé qu'au-
cune taxe ne serait infligée à la fabrique de Vertus.
Sur le soir de ce jour, 26 novembre, nos magistrats arrivè-
rent à La Pujolc (2) et prirent leur logement chez Pierre Des-
comps, marchand dudit lieu. Le lendemain, Berlhomieu
Descomps, fabricien de Téglise Saint-Pierre de La Pujole,
comparut devant eux; son compagnon, Berthomieu de Cas-
taing était absent. Il dit que le revenu de Tannée précédente
à été de 50 écus petits. Cette année, la cueillette du vin leur
a donné 3 pipes et 8 conques (3) de vin pur, qu'il estime
37 1. 8 s. Ensuite, on visita l'église « laquelle est bien et
honorablement bastie, sans aulcune réparation nécessaire,
(1) Verlus, canton de Riscle (Gers), ancienne paroisse de Tarchidiaconé d'Ar-
magnac; elle n'est pas mentionnée dans les Poullléa du livre Uouge d'Aucb;
mais divers documents du moyen âge la désignent sous le nom de Berglissio,
(2) I^pujole, ancienne paroisse de Tarchidiaconé d*Armagnac, canton de Ris-
cle (Gers), aujourd'hui annexe du Lin. L'église a été tout récemment restaurée
et remise à neuf. Elle fut donnée au monastère de Saint-Mont, du temps de
Bernard Tumapaler, vers le milieu du xr siècle, par Gautier de Lupé : -^cte-
8iam Pojole dédit Galtcrius Leiperil sanctô Johanni sancti MontU cum
decimiSy primiciis, oblatlonibuSt omnibusque ibi pertinent ibtis (Cartalaire de
Saint-Mont, lxxxx). Le pape Calliite II (1124-1130) la mentionne au nombre
des possessions de Saint-Mont dans une bulle adressée au Prieur de ce monas-
tère (Cart. de Saint-Mont, xii). — Témoins à l'enquête : Mengon du Bout, Jehan
de Castang, et M" Bernard du Castang, \icaire dudit lieu.
(3) En calculant d'après les données fournies par les savants éditeurs des
Comptes de Riscle, p. lxvit, note 2, la conque de vin contenait à peu prt*s 25
itres, c'est-à-dire une cruche et demie.
— 361 —
fors de parachever el fermer leur cimetière suyvant les fon-
dements y commencés, ce qui ne pourra pas couster grand
chose, car n'est pas de grande eslendue. » Là- dessus, Arnaud
Claverie rendit son ordonnance; la fabrique dut payer au col-
lège la moitié de son revenu, mais elle garda la libre dispo-
sition de ses créances qui se montaient à 59 ccus petits 6 s.
7d.
De La Pujole, la commission se rendit au Lin (1). Cité à
comparaître, Thibaut d'Angolin, fabricien de Saint-Michel du
Lin, ne larda pas à arriver, en compagnie de Pierre du Taret,
un de ses compatriotes. Le revenu, dit-il, s'élève à 45 ou
50 écus petits environ.
Toutesfoys douze ans sont passés qu'ils le bailhèrent en payement
de certaines cloches qu'ils firent faire pour leurd. esglise. Et pour ce
que leurd. esglise est trop petite pour les parrochiens quy sont en
iceUe. ils délibérèrent, deux ans estre passés, avec les habitants et con-
suls dud. lieu d'icelle faire agrandir. Et de fait, pour ce faire, bailhèrent
la moytié de lad. rente à M® Marsyal de Lamye, masson du lieu de
Noguarol, en payement de la besougne qu'il promit faire pour agrandir
leurd. esglise pour huict années et huict cueillettes, lequel de Lamye
a commencé lad. besougne et a tiré pour deux années, comprins Tan-
née présente, la moytié desd. fruits.
Ce qui leur reste encore peut valoir 58 1. t. environ;
Sur quoi, on procéda à la visite de Téglisc du Lin.
Laquelle avons trouvée estre assez honorablement bastie pour la
situation d'icelle et n'y avons cogneu n'avoir besoing d'aulcune répara-
«
(1) r^ Lin, cantou de Riscle (Gers), ancienne paroisse de rarchidiaconé d'Ar-
uiagnac, Ecclesia de Olino. Nous ignorons ce qu'il advint des travaux projetés
eu 1546. Le lait est qu'en juin 1683 (minutes Ducastaing. notaire royal au
llouga) réglise du Lin menaçait fortement ruine. Les Imvaux de restauration
furent donnés ii deux maçons du Béarn, h un architecte et à un charpentier de
Nogaro. C'est probablement alors que l'église dù Lin fut dotée des belles boise-
ries sculptées, autels, statues, retable, chaire, qu'on y voit encore et dont le style
accuse très nettement le xvir siècle. L'entreprise comprenait une voûte à faire.
Mais sans doute les deniers manquèrent; et l'on dut se contenter de poser un
lambris qui s'est maintenu jusqu'à nos jours. Les travaux de maçonnerie furent
estimés 750 1., et ceux de charpente 270 1. — Témoins: Bertrand Descomps,
M onou des Beros, consul, Bernard, Duporté et Peyrot de la Trilhe.
— 362 —
tion nécessaire pour le présent, sauf qu'ils ont commancé d'agrandir
leurd. esglise, par un des bouts d'icelle, jaçoit ne soit pas grandement
nécessaire, pour ce que est ung petit villaige (1) où ne peult avoir tant
de paroissiens quy ne puissent estre reçeux dans icelle.
On devine par Timpression que décèlent ces dernières
paroles que Tordonnance d'Arnaud Claverie ne fut pas des
plus favorables. La fabrique du Lin fut, en effet, taxée aux
deux tiers de ses revenus à venir et de ses créances présentes,
qui s'élevaient à 324 écus petits 16 s.; en outre, elle dut
donner tous ses revenus de Tannée courante.
Nos Messieurs du Parlement se transportèrent ensuite à
Arblade-Bassal (2), et se logèrent au village, chez Raymond
Tinarrage. Les fabriciens Raymond Dubaquier et Raymond de
La Serre leur déclarèrent que le revenu annuel de la Fabrique
était d'environ 18 écus petits.
Lequel revenu, deux ans sont passés, a esté bailhé à M® Jehan
Dubosc, masson, du lieu de Tarsac, en payement de la besounhe qu'il
aprins à faire pour achever d'édiffier et réparer lad. esglise. Et disent
qu'au livre des comptes ne peult pas avoir de debtes h tout le moyus
qui soient deubs. Car depuis trente ans passés, ils ont besogné à lad.
esglise. Et après que le clocher d'icelle feust parachevé y tomba la ioul-
dre qui le foula grandement, et y fallut employer maints deniers pour
icelluy remettre et racoustrer.
Ils ajoutent qu'en 1540 ils firent à leur église quatre piliers
et « certaine murailhe » de quoi ils ont dû payer, de concert
(1) Le Lin n*a guère change, au point de vue du chiffre de la population,
depuis 1546. C'est encore « un petit villaige *>, qui se réduit à Téglise, au presby-
tère, et à deux ou trois maisons groupées autour de l'église. I-,e reste est fort
éparpillé sur les coteaux, dans les gorges profondes qui dévalent vers la plaine
de TAdour, et dans une partie de cette plaine elle-même.
(2) Arblade-le-Bas ou Bassal, canton de Riscle (Gers), ancienne paroisse Uc
Tarchidiaconé d'Armagnac, Ecclesia de Arblada Brassait , aujourd'hui anneic
de N'ergoignan. Ce nom de Bas lui vient de ce qu'elle est située sur les penio
des coteaux de la rive droite de TAdour, et lui a été donné par opposition à
Arblade-Comtal ou le Hauty canton de Nogaro, ancienne paroisse du nirm»*
archidiaconé sise au sommcl d'un plateau très élevé. L'église d'Arblade-le-Ha*
n'a pas de voûte mais seulement un lambris. Quant au clocher, ce n'est autn*
chose que la surélévation du mur piguon eu forme de queue d'aroudo.
— 363 —
avec les consuls^ la somme de 55 écus petits^ un char de
10 sacs de seigle et une pipe de vin. Et dans Tannée cou-
rante, au mois de juin, ils ont fait commencer les travaux
d'achèvement de la voûte et ont promis pour cette entreprise
55 écus petits, dont 37 restent encore à payer, suivant acte
retenu par Cadroy, notaire à Barcelonne.
Après quoi, on visita Téglise Saint-Martin d'Arblade,
• laquelle est bien èdiffiée et en tel ordre que n'y avons
cogneu pour le présent y estre nécessaire que faire parachever
quelque peu de murailhe, laquelle est tenu faire led. Dubosc
masson » . Dans son ordonnance, Arnaud Claverie condamna
la fabrique d'Arblade à donner la moitié de ses revenus au
collège; mais elle garda la propriété do ses créances qui
étaient d'une valeur de 30 écus petits 17 s.
A Vergoignan (1), les fabriciens Menaud de Bonet et Jehan
de Claveria, dirent que le revenu de la fabriqne était de 20 à
25 écus petits. En Tannée présente, ils avaient recueilli 10
quarts de froment, 30 quarts de milhet, 12 quart de seigle,
1 quarton d'avoine, 1 sesteron de baillar, 3 barriques de
vin blanc et 20 fagots de lin fe^regual. De plus, ils avaient
encore du grain de Tannée précédente. Or, au prix que les
choses se vendaient, « sçavoir est à dix-huict sols tournois le
sac de bled qui vault deux quarts (2), quinze sols le sac de
(1) Vergoignan, canton de Riscle (Gers), ancienne paroisse de rarchidiaconé
d'Armagnac, ecclesia de Bergonhano, L'église date de l'époque romane et offre
encore quelques beaux restes de sa jeunesse, particulièrement dans une antique
chapelle qui aujourd'hui sert de sacristie. Elle fut restaurée dans le style gothi-
que à une époque qui ne dut pas être très éloignée de 1546, puisque nos commis-
saires enquêteurs déclarèrent alors qu'elle n'avait besom d'aucune réparation ;
d*aillcups il est probable qu'il faut considérer les peintures entreprises en 1546
comme le couronnement de ces restaurations. U ne reste plus vestige de c«s
peintures. Cette église eut beaucoup à souffrir durant les guerres de religion. La
voûte du sanctuaire resta debout, mais celle de la nef disparut pour faire place à
un lambris qui existe encore.
(2) Dans la note 2 de la page 4 des Comptes do Riscle, il est dit qu'il (allait
quatre qfuarts pour faire un sac. Notre Procès-eerbal donne, on le voit, un
renseignement fort différent. Le quart de sac était représenté non pas par le
quart, mais par le quarton ; c'est d'ailleurs dans ce dernier sens que le mot
quarton s'emploie encore couramment en Armagnac.
— 364 —
seigle et douze sols le sac de milhet, et à 8 écus petits la pipe
de vin, et tout led. lin à trois livres tournois » , le tout valait
75 1. t., sans comprendre dans cette évaluation Tavoine, le
bailhar et le lin nouveaux. Ils déclarèrent en outre que les
fabriciens de 1543 avaient prêté beaucoup de grain aux
habitants du lieu, et requirent qu'on leur en demandât
compte. On entra ensuite dans Téglise Saint-Germain de Ver-
goignan, « laquelle est bien réparée et en tel ordre que ny
avons cogneu y estre nécessaire aulcune réparation, fors que
lesd. ouvriers ont dict qu'ils avoient délibéré de la faire pein-
dre».
Puis, Adrien de Bonet, fabricien en 1545, ayant rendu tous
les fruits qu'il détenait, Arnaud Claverie édicta son ordon-
nance. La fabrique se vit obligée à donner les deux tiers de
ses revenus futurs et des fruits qui étaient encore entre les
mains des marguilliers de 1545 et de 1546, et outre cela,
31 écus petits 12 s., à prendre sur le montant des créances
de la fabrique qui étaient de 98 écus petits 12 s., et parmi les-
quelles il y en avait une « des consuls dud. lieu au noui du
populaire montant treitze escus petits troys sols bons ».
Comme on le pense bien, une telle ordonnance refroidit
considérablement l'enthousiasme des gens de Vergoignan
pour la peinture. Ils se résolurent donc à arrêter les frais et
requirent « inhibitions et deffenses estre faicles au pinctre, qui
a icelle prins à faire, de ne les troubler ny rien demauLÎcr pour
jayson de lad. paincture, car pour le présent ne luy esl rien
deu » . « Bernard Plantier, painctre, dict que où et quand lad.
paincture cessera, ce luy sera grand intérest, car auroil-il ail-
leurs cherché besongne, n'cust esté la promesse qui par lesd.
ouvriers luy a esté faicle. » Les procureurs s'associèrent à la
requête des habitants. Et enfin tant il y eut que les beaux-ark
perdirent leur procès et que le pauvre peintre dut plier bagage
et aller plus loin chercher fortune.
{A suivre.) A. BREUILS.
LA GASCOGNE
ET LES PAYS LIMITROPHES
DANS LA LÉGENDE CAROLINGIENNE
SuUe (*).
S III
PASSAGES INTERPOLÉS DANS LES ANCIENNES VERSIONS FRANÇAISES
DU PSEUDO-TURPIN.
La Bibliothèque Nationale possède les manuscrits de plu-
sieurs versions françaises du Pseudo-Turpifi. M. Gaston Paris
en a examiné quatre, dont les trois premières, dit-il, remon-
tent aux douze premières années du xui* siècle. Je me borne
à signaler ici, d'après cet érudit, la version de Nicolas de
Senlis {Nicolai Silvanectensis), faite probablement vers Tan-
née 4200, transcrite sur deux cahiers, et fortement interpolée.
Les interpolations ne sont pas Toeuvre du traducteur, mais
celle d'un scribe plus récent. Le traducteur ne suit pas mal
le texte jusqu'au passage du chapitre IX {De urba Agenni) où
il est dit qu'Aigoland s'empara de cette ville, et cepit eam (1).
Puis le manuscrit continue, en des termes que je résumerai
plus bas, pour toute la portion relative à la Gascogne et aux
pays limitrophes.
M. Paris donne en partie le texte interpolé, qu'il affirme
être écrit en saintongeais. La nature de ce langage ne lui
(*) Voir ci-dessus, livraison de juiu, p. 253.
(1) Gaston Paris, De Pseudo-Turpino, 44-46.
— 366 —
laisse aucun doute. M. Paris /ait remarquer en outre que Tin-
terpolateur se complatt dans la description de la Saintonge,
de ses villes, bourgs, églises et monastères. Il n'oublie pas non
plus les reliques célèbres (1). C'est donc un enfant du pays.
Je suis sans compétence pour décider si les fragments dou-
nês par M. Paris sont réellement du saintongeais. Quant à
son argument géographique, je me réserve de Texaminer un
peu plus bas. En attendant je constate que M. Auracher a
publié en son entier un autre texte de l'interpolation, qui
diffère au point de vue du langage de celui de M. Paris, et
que l'éditeur donne pour du poitevin. Un romaniste exercé,
M. Ant. Thomas, m'a dit que ce pourrait bien être le langage
de l'Angoumois.
Il a été imprimé à Paris, en 1527, un volume in4** gothi-
que, intitulé : Cronique et histoire faicte par le reuerend père
en dieu Turpin arceoesque de Reims, etc. Ce n'est pas une
simple traduction de l'ancien ouvrage. L'auteur y a ajouté
différentes circonstances, toutes de son imagination, et qui
font de son livre un véritable roman de chevalerie (2).
J'ai conféré les fragments donnés par M. Gaston Paris avec
la portion du texte de M. Auracher relative à la Gascogne et
aux pays limitrophes, en ayant soin d'étendre mon examen
à la partie correspondante de la Cronique de 1527. Cette col-
lation m'a pleinement convaincu que, sauf quelques détails
propres à cette dernière, les événements racontés sont sensi-
blement les mêmes que dans le texte de M. Auracher, et qu'il
s'y succèdent dans le même ordre. C'est pourquoi je me
décide à faire le résumé qu'on va lire d'après la publication
de M. Auracher, en me limitant aux faits essentiels, et en
écrivant en italiques et entre guillemets les passages qui mé-
ritent une attention particulière.
(1) Gaston Paris, Do Pseuda-Turplno, 49.
(2) Th. AuKACHER, Der serg, Polteelnlêche Pêeiido-Turpin, dans la Zeitsch-
Hft/ar romanUche Philologie, i (1877), p. 259-366.
— 367 —
Chariemagne^ parti de Paris^ passe < assaint Martin a
Tors — a saint hylaire a Peltiers — a lemogies. » Il gagne
ensuite « Sarlat » ^ et y fonde une riche abbaye. Arrivé en
« Pdregorc », il trouve un homme et lui demande du vin.
L'homme qui n'en a pas lai donne de Peau^ et elle se change
aussitôt en vin excellent. Le lendemain^ à son lever, Tempe-
reur trouve sa lance fleurie. Sur le lieu même, il fonde une
a fiche abaie qui a nom Paoniac » , et lui donne un beau
morceau de la vraie croix.
Gela fait, Charles se dirige vers « a Cent » , alors au pou-
voir d'Oumont, roi des Sarrasins. La bataille entre chrétiens
et païens se livre « entra dos montaignes. lune aspremont. E
laulre Calabra ». Sur la prière de Tempereur, Dieu arrête le
cours du soleil, pour assurer la victoire des chrétiens. Oumont
vaincu prend la fuite, et Pempereur fonde sur le lieu même
du combat « une abeie que hom apelet Clairac. e par co ape-
tel lom Clairac. que des li esclarit le ior. e fil M sebellir mire
compaignons qui erent inm*t enlabataille. E fist seuelir Gan-
dabo deuant lauter. e fist mètre en lauter mainte saintuaire
par amor de ceaus qui erent mort en la balalie, e dona. I. lègue
de terra en toz sens a labaie. »
Charles vient ensuite « près dagent. e fist una chapele de
saincte croiz e fist equi Râlant cheualief\ E Turpins establi
equi. XII. compaignons e ot luj. qui ne le falissant. Puis uinc .
Karl A Agent, e se lassist estor la pasqne de sis meis. »
Pendant le siège d'Agen, Aigoland, roi des Sarrasins, s'en
était venu à « Bordeu — e puis a Chastellion passa Gironde
e sert alla axantes. Dcqui manda a Karles bataiUie. e Karles
fist evesque a agent e chanoines a saint Cabrai. Adonc conquis
Karles agenes epuis senuinc a saint Melion. e fit equi labaie.
e après sen uinc a Taleborc. *
Après divers événements, Charlemagne revient « ala cite
dagent », qu'il avait déjà assiégée, et s'en empare. Aigoland,
suivi de douze chefs de son armée, « si torna par m; Gua-
— 368 —
rone qui cort les lez de la die. » Ils se réfugient à Saintes,
qui était alors au pouvoir des Sarrasins.
Ici, le récit de la bataille de Taillebourg et de divers événe-
ments relatifs à la Saintonge. Puis nous voyons un corps de
chrétiens ravager la « tena de Blaives. » L'archevêque Tur-
pin entre à Blaye, et y découvre ^jj corz samz. saint Sicara
et saint Romarl {{). »
Aigoland et les siens s'étaient retirés à Bordeaux. Alors
Charles, suivi de Roland, débarque « i4tormw/», où il fonde
la chapelle de SainIrSauveur d'après le texte de M, Auracher,
et de Saint Martin selon la Cronique de 1527.
Ici se place l'épisode d'un exploit de Roland, qui tue le
sarrasin Salatraps, endosse son armure, pénètre ainsi dans
Bordeaux sans être reconnu, tue en sortant vingt païens, et
retourne à Lormont.
Ganelon avail quitté Charles avec quarante mille chevaliei*s,
pour s'en aller « a Senonpres de Gironde ». Lo lendemain
on voit sortir d'un bols une biche blanche. Poursuivie par
l'ost des chrétiens, la biche se jette à l'eau. Bêle et chasseurs
traversent ainsi la Gironde, et arrivent à l'abbaye de Sainte-
Croix détruite par les Sarrasins. Turpin entre dans l'église, où
il trouve la preuve que le monastère avait été fondé par Clovis.
Puis Roland passe « laiguca longpont, » et parvient au lieu
où gisaient force corps saints, notamment celui de saint
Seurin. Là Turpin trouve, gravé sur un marbre, l'état des
revenus de l'église.
Suit le récit de la prise de Bordeaux, dont Roland brise les
portes. Sur les bords du ruisseau de « Denise, » le paladin
fait un grand carnage des infidèles qu'y avait laissés Aigoland.
Un compagnon de celui-ci, le roi de Bougie, s'enfuit vers
« Arcaisson » .
Après la prise de Bordeaux, l'archDvêque Turpin reconnaît
(1) n faut lire, sans aucun doute, « saint Romani », ou saint Romain.
— 369 —
les églises de Saint-Seurin et de Saint-Marlial. Martial et Béné-
dicte avalent converti le pays à la foi chrétienne. Quand cet
évêque départit à <c Muretagnie » les reliques apportées par
sainte Véronique, il en donna une bonne partie à sainte Béné-
dicte, et une autre à Beagnie. Le reste fut emporté par Eléa-
sar « en Amenl en lilaa madame sainte Marie » . Le surplus
demeura à « Solac » . L'énumération de ces reliques est
curieuse; mais je ne dois pas m'y attarder.
A Saint-Seurin, Turpin établit comme archevêque son
filleul Turpin, avec douze chanoines réguliers. Charles
donne ensuite à cette église toutes les paroisses que Saint-
Martial de Limoges avait « des leire. iusquen Gironde, e de
si ius quen Sironi», nommément celles de « gii*onuHe ,' i^ de
« belin, » de « saint pan dosenge, » où gît Guèrin d'Aube-
feuille, de « sainct pierre de compilée, » et de « saint Martin
de Carcans », où sont les précieuses reliques apportées par
sainte Hélène, quand elle arriva à « Endemos. »
Je crois inutile de pousser plus loin ce résumé, que je vais
commenter maintenant au seul point de vue de la géographie
historique.
Pas de difficultés sur « assaini Martin A Tors, » qui est
Saint-Martin de Tours, sur « saint hylaire a pettiers, » qui
est Saint-Hilaire de Poitiers, sur « lemogies » ou Limoges.
Le reste demande plus d'attention .
1* « SARLAT » . — Sarlat, autrefois compris dans le Péri-
. gord, est aujourd'hui chef-lieu d'arrondissement dans la
Dordogne. Celte ville posséda jusqu'en 1317 une abbaye
dont les uns attribuent la fondation à Clovis, d'autres à Pépin
le Bref, d'autres à Chariemagne. Le premier abbé connu est
Sodo, qui vivait au x* siècle. En 1317, le pape Jean XXII fit
de Sarlat le siège d'un ëvéché érigé aux dépens de celui de
Périgueux (1).
(I) Gall. Christ, ii, 1508-12.
— 370 —
2* « PEiREGORC » • — Il s'agit évidemment du Périgord.
3* « PAONAC » . — Paunat, commune du canton de Sainte-
Alvère (Dordogne).
Possessio PalmaiensiSy (cart. de Saint-Cybard, collect. de Tabbé
de Lespine, vol. xxxiv, à la Biblioth. Nation.). — Monasterium
nomine Palmatus {Epïst. Agionis, abb. Vabrens.). — Paunat (cartul.
de la Sauve, manuscrit de la Bibliothèque de Bordeaux). — Paonai,
Pounatj EccL B. Mariée de Palnaco (Fouillés)^ — Prcepaaitura
Sanctœ Trinitatis de Palnato, 1542 (Lespine, Distionnaire géogra-
phique du Périgord par paroisses et population, xvii® siècle, Paunac).
— L'église de Paunac était placée sous le patronage de l'Assomption.
L'abbaye comprise dans le diocèse de Périgueux, avait sous sa dépen-
dance les prieurés du Fleix, de Tayac, Ribagnac, Saint-Nazaire et
Monfàucon, et était sous la dépendance de Saint-Martial de Limoges.
— Paunac appartenait au v^ siècle à saint Cybard, qui donna cette
possession à l'abbaye qui porte son nom, à Angoulème. — Le bourg
avait anciennement le titre de ville, Communiton de Palnaco^ 1316
(Lettres des Rois, ChampoUion-Figeac). — Paulhac, repaire noble,
relevait de la châtellenie de Linseuil (1).
4* a GENT ». — Ce nom, qui reviendra sous d'autres for-
mes, désigne clairement la ville d'Agen.
S"" « DES MONTAIGNES. LUNA ASPREMONT. E LAUTRE CALABRA. »
— J'ai vainement cherché dans notre Sud-Ouest la situation
de ces deux montagnes.
6** a CLAiRAC » . — Clairac, commune du canton de Ton-
neins, arrondissement de Marmande (Lot-et-Garonne). L'ab-
baye de Saint-Pierre de Clairac, ordre de Saint-Benoît, qui
subsista jusqu'à la Révolution, était comprise dans le diocèse
d'Agen. Certains en attribuent la fondation à Charlemagne,
et d'autres à Pépin le Bref. Mais Constantin, qui vivait en
1068, est le premier abbé connu (2).
7** « TERRA DE Blaives ». — Il s'agit du Blayais ou pays de
(1) Db Gourgues, Dictionn, topogr. du département do la Dordogne, art.
Paunat.
ÇZ) Gall. Christ, ii, 941.
— 371 —
Blaye, cheMieu d'arrondissement du département de la
Gironde. Blaye était compris dans Tancien diocèse de Bor-
deaux.
8* « Alormont». — Lormont, commune du canton de
Carbon Blanc, arrondissement de Bordeaux, dépendait de
Tancien diocèse de Bordeaux.
9"* • Senon PRES DE Gironde » . — Aujourd'liui Cenon-
Labastide, arrondissement de Bordeaux.
10* « LoNGPONT » . — Cette localité, que je n'ai pu iden-
tifier, était à coup sûr située proche de Bordeaux.
11** « ÀRCAissoN ». — Arcachon, au bord du bassin du
même nom. Paroisse de l'ancien diocèse de Bordeaux, aujour-
d'hui commune du canton de La Teste, arrondissement de
Bordeaux.
12*" • Deuise » . — C'est le ruisseau ou Estey de la Devise,
appelé aussi Devèze et Dibëse, qui coule à Bordeaux.
15"* « Muretagnie » — Mortagne, commune du canton de
Cozes, arrondissement de Saintes (Charente-Inférieure).
Dépendait autrefois de l'évéché de Saintes.
14* « Beagnie ». — Ecrit « Veagnie » dans l'édition de
1527. Je n'ose proposer aucune identification pour cette
localité.
15<> « Aruent en lila a biadame saincte marie » . — Aruert
dans l'édition de 1527. Il faut lire Arvert. C'est une commune
du canton de la Tremblade, arrondissement de Maremne,
département de la Charente-Inférieure. Arvert, compris autre-
fois dans l'évéché de Saintes, forme une presqu'île, en partie
couverte de dunes, entre l'Océan et la Gironde.
16** « PRES DAGENT. — GHAPELE DE SAINCTE CROIZ. — AGENT » .
— Encore Agen. Quant à la chapelle de Sainte- Croix, où
Roland aurait été fait chevalier, elle a réellement existé. Un
vieux pouillé du diocèse d'Agen, visé par l'abbé Barrère {His-
— 372 —
tfjire religieuse et monumentale du diocèse dWgen, i, 174),
mentionne, en effet, le prioratus Sancte-Crucis, supra mon-
tem SancH-Vincenlii, alias de Pompejaco.
47* « BoRDEu ». — Bordeaux.
IS*' « AXANTES » — Saintes.
19* « SAINT CABRAI ». — Il s'agit de Saint-Caprais d'Agen.
Avant la Révolution, c'était une église collégiale. Elle sert
présentement de cathédrale.
20 « AGENES ». — Pays d'Agenais.
21* « SAINT Melion ». — Saint-Emilion, chef-lieu de can-
ton de Tarrondissement de Libourne, département de la
Gironde. Cette ville posséda jusqu'à la Révolution une abbaye
de Tordre de Sainl^Augustin, dontAimon, qui vivait vers 1110,
est le premier abbé connu (1). Elle était comprise dans le
diocèse de Bordeaux.
22** « Taleborc » . — Taillebourg, petite ville du canton
de Saint-Savinien, arrondissement de Saint-Jean-d'Angély,
déparlement de la Charente-Inférieure. Autrefois compris
dans le diocèse de Saintes.
23* « CITE DA6ENT o. — Eucorc Agcu.
24" a GuARONE ». — La Garonne.
23'' « SoLAC » . Soulac, commune du canton de Saint-
Vivions, arrondissement de Lesparre, département de la
Gironde.
24"* « LEiRE ». — Il s'agit de la Leyre, petit fleuve côlier
qui se déverse dans le Bassin d'Arcachon, après avoir traversé
Landes de Gascogne.
25* « SiRON » . — Il s'agit du Ciron, affluent de la Garonne,
rive gauche, et qui a son embouchure entre Langon et Barsac.
Il arrose l'ancien Pays de Bazadais.
(1) Gall. Christ, ii, 881-82.
— 373 ~
26* a GiRONUiLE » . — Impossible d'idenlifler ce nom de
lieu tel qu'il est écrit. Peut-être M. Auracher a-t-il mal lu, et
le texte porle-t-il Gironde, commune du déparlement de la
Gironde^ non loin de Tembouchure du Dropt.
27** « BELiN » . — Belin, bourg sur lequel je me suis déjà
expliqué dans le présent mémoire.
28* « SAINT PAU DOSENGE ». — Ecrit « saifict Paul
dosenge » dans Pédilion de 1527. Ces deux orthographes
sont défectueuses. Tout porte à croire qu'il s'agit ici de Saint-
Paul-d'Audenge, paroisse de l'ancien diocèse de Bordeaux,
près du Bassin d'Arcachon. Aujourd'hui chef-lieu d'un canton
de l'arrondissement de Bordeaux.
29" « sAiNCT PIERRE DE coMPREE » . — Saînt-Pierre-de-Com-
prian, paroisse de l'ancien diocèse de Bordeaux.
30* « sAiNCT Martin de Carcans » . — Carcans, au bord
de l'étang du même nom, canton de Saint-Laurent, arrondis-
sèment de Lesparre, département de la Gironde. Dépendait
de l'ancien diocèse de Bordeaux.
31" « Endernos » . — Andernos, près du Bassin d'Arca-
chon, commune du canton d'Audenge, arrondissement de
Bordeaux. Dépendait de l'ancien diocèse de Bordeaux.
Dans ce catalogue géographique, j'ai négligé, de parti pris,
l'identification^ d'ailleurs facile, des églises et monastères de
Blaye et de Bordeaux. Tel qu'il est, mon travail prouve à suf-
fisance que, dans la portion du texte interpolé dont j'ai fait
usage, il est question de la Touraine, du Poitou, du Limousin,
de l'Âgenais, de la Saintonge, du Bordelais, du Médoc, du
Bazadais, du Pays de Buch et des Landes de Gascogne.
On se souvient que, pour attribuer l'interpolation à un
homme de la Saintonge, M. Gaston Paris a simplement
affirmé que le texte dont il s'agit est conçu dans le langage
de ce pays. On n'a pas oublié non plus que cet érudit a aussi
Tome XXX. 25
- 374 —
argumenté, dans le même but, de la prétendue complaisance
dont Tinterpolateur fait preuve dans la description de ce pays.
Mais, à ce compte, il faudrait comprendre dans la Saintonge
toutes les autres provinces que je viens d'énuraérer, c'est-à-
dire un cinquième environ du territoire français. TeSIme
donc que ce dernier argument est dépourvu de toute force
probante.
Jean-François BLÂDÉ.
{A suivre.)
BIBLIOGRAPHIE HISTORIQUE
Publications relatives au département des Basses-Pyrénées.
m o
Les Etats de Béarn depuis leurs origines jusqu'au commencement du
xvi* siècle. Etude sur Thistoire et radministration d'un pays d'Etals,
par Léon Cadier, membre de l'Ecole française de Rome. Paris, mpr-
nationale; A. Picard, 1888. 1 vol. gr. in-8' de xxiv-483 pp.
Depuis VHistoire de Béarn, publiée en 1640 par Pierre de Marca
et qui reste un des meilleurs travaux français d'histoire provinciale, les
annales béarnaises n'ont cessé d'être éclairées par de nouvelles ^eche^
ches et de nouveaux historiens, parmi lesquels un au moins, Faget de
Baure, fut un savant et un écrivain vraiment distingué. Mais, quel
que soit le mérite de ses Essais historiques^ simple manuel plutôt
qu'histoire complète, il faut en venir au beau travail de M. Cadier sur
les Etats de Béarn pour rencontrer un ensemble de faits et de discus-
sions comparable à celui qui assura la gloire de Marca dans le domaine
de rhistoire scientifique. Ce livre, qui avait déjà valu à son auteur le
premier rang à l'examen de sortie de l'Ecole des chartes et une place à
l'Ecole française de Rome, sans compter les honneurs de rimprimerie
nationale, a obtenu l'an dernier de l'Institut la plus haute récompense
(*) Voir les deux premiers articles de cette série dans notre livraison de février,
pp. 89-190.
— 375 —
au concours des antiquités nationales. Il doit absolument être lu et
même étudié par tous ceux qui s'occupent sérieusement de notre his-
toire du moyen âge, encore si encombrée de faits douteux et de problè-
mes non résolus. En le recommandant de mon mieux, je ne veux pas
l'analyser ici, ce serait une tâche infinie et presque inutile; peu de mots
suifiront pour donner quelque idée des faits historiques qu'il retrace et
des graves questions de vieux droit politique qu'il éclaire.
Avant tout cependant, je tiens à signaler les pages placées en tète du
livre sous ce titre : « Bibliographie. Sources. — Remarques critiques
sur les fors deBéam. Classification des documents relatifs aux Etats. «
On pourrait regretter que la partie principale de ce travail, celle qui
concerne les Fors, n'ait pas obtenu là plus de développement; mais
l'essentiel y est bien, pour ce qui regarde la formation et la classification
des fors; et un chapitre spécial de l'ouvrage fl" partie, ch. ii) y ajoute
à peu près tout ce qu'on peut désirer, au moins pour l'état des personnes,
des terres et des communautés en Béam. Ce qui rend ces pages d'in-
troduction particulièrement précieuses aux travailleurs, c'est l'indica-
tion précise et surtout la critique sommaire, mais parfaitement raison-
née, des documents historiques. Que n'avons-nous pour toutes les
parties de notre province un relevé aussi sûr, au double point de vue
de rinformation et de l'appréciation scientifique I Je n'essaie pas d'énu-
mérer après M. Léon Cadier les sources où il a puisé. Pour tout
réduire à une formule aussi brève que possible, la première partie de
son travail (jusqu'au xiv® siècle) dérive presque uniquement de Marca
et des fors de Béam; la seconde (xiv* et xv« siècle), de documents d'ar-
chives presque tous encore inédits, et aussi des historiens, qui cepen-
dant lui ont fourni très peu pour ce qui regarde l'histoire et l'organisa-
tion des Etats de Béam.
Son ouvrage est très méthodiquement divisé. La première partie,
presque entièrement remplie par la période antérieure aux Etats pro-
prement dits, c'est-à-dire à la convocation réguUère de trois ordres en
assemblée politique, embrasse le xi«, le xii«, le xni® et même une bonne
partie du xiv« siècle. Qu'on ne croie pas cette période le moins du
monde étrangère au sujet. Elle en ofiEre les origines. S'il n'y a pas
encore d'Etats, — et à vrai dire on ne peut fournir la date précise de
leur formation, — il y a la cour féodale et judiciaire des vicomtes, dès le
XI® siècle; au douzième, la cour majour et des cours plenières, déjà
très analogues aux Etats, car elles ont des attributions politiques, en
même temps que judiciaires. M. Cadier éclaire l'état et la valeur de ces
institutions, difficiles à saisir dans la pénombre du moyen âge, en
— 376 —
étudiant de près les événements où elles figurent aux xii® et xm* siècles,
dans les derniers règnes de la maison de Béarn, et à l'avènement suc-
cessif des maisons de Moncade et de Foix. Les premiers Etats apparais-
sent sous les comtes de cette race, dont Tadminislration, en particulier
celle de Gaston Phœbus, est étudiée de très près, sur les documents,
dans ses principaux détails. J'ai déjà signalé le chapitre intitulé « les
Fors de Béam et les communes », qui achève le tableau politique et
civil de la province à la fin du xin® et au xiv® siècle.
La deuxième partie renferme l'histoire des Etats de Béam, et à quel-
que chose près celle du Béam lui-même, aux dernières années de ce
siècle et pendant toute la durée du xv«. Il suffit de citer quelques titres
pour faire apprécier l'intérêt de ce grand travail historique, presque
partout renouvelé par une étude attentive et une intelligence nette des
documents et des témoignages contemporains : L Etats de 1391, suo--
cession de Gaston-Phœbus ; Yvain de Béarn, les bourgeois d'Orthez,
le partage du trésor comtal; réception de Mathieu de Castelbon. —
II. Les comtes de la maison de Foix-Grailly; réformes imposées par
les Etats; régence d'Isabelle pour le comte Jean I ; serment des Etats;
réception de Gaston XII, serment modifié; succession de Navarre. —
III. Maison de Foix-Navarre : délibérations ou décisions des Etats sur
la tutelle des enfants de Gaston prince de Viane, sur le mariage de Jean
d'Albret et de Catherine de Navarre, sur la guerre de succession de
Navarre et pour la restitution de c^tte province ; etc.
La troisième partie « Organisation et attributions des Etats de Béam »
traite, en six chapitres, de leur composition, de leur tenue, de leur
action, de leur rôle politique, financier, administratif et législatif. C'est
là surtout qu'il faut tout lire et qu'il serait dangereux de résumer.
Au reste, soit comme histoire proprement dite, soit comme exposition
théorique, le travail de M. Cadier restera certainement. C'est une œuvre
solide, dont quelques points pourront et devront être encore examinés
et renouvelés, mais dont l'ensemble s'impose. Je ne crois pas que rien
vienne seulement modifier ces derniers mots de la conclusion, qui résu-
ment bien le sens général de Touvrage : « Le xv* siècle a été l'époque
la plus féconde de l'histoire des Etats de Béarn. Le rôle qu'ils ont joué
dans le gouvernement du pays a été prépondérant et ils ont exercé une
action décisive sur les institutions du pays. Mais s'ils ont pu exercer
une influence aussi grande, il faut reconnaître que la rapidité de leur
développement n'est pas due seulement aux conditions historiques dans
lesquelles s'est trouvé le Béam à cette époque; elle a été due surtout à
l'état politique et social du Béam au xiv« siècle. L'institution des Etats
— 377 —
a été le résultat de cette vieille législation des fors, des progrès du tiers
état et de radministration sage et éclairée des vicomtes de Béarn. »
Dans cette dernière phrase se trouve indiquée la thèse la plus nou-
velle du livre de M. Cadier, celle qui regarde l'origine des Etats; sur
celte question, sa doctrine s'oppose plus ou moins à d'autres théories
soutenues avec éclat dans ces derniers temps. Voici comment cette
opposition est présentée par M. Eug. de Rozière, l'un des juges les plus
compétents en pareille matière :
« La tradition ou, comme le dit M. [Antoine] Thomas (1), Vopinion
classique rattachait l'origine des Etats provinciaux à ces réunions de
vassaux qui devaient aide et conseil à leur suzerain, et que celui-ci
convoquait pour l'assister dans le gouvernement de son fief. M. Cal-
lery (2) pense, au contraire, que les Etats provinciaux sont nés des
rigueurs du contrat féodal, dont la fixité et Timmutabilité mettaient le
seigneur, chaque fois qu'il voulait y introduire dos modifications, dans
la nécessité de réunir les habitants nobles et non nobles de ses domai-
nes, afin d'obtenir leur consentement. M. Luchaire (3) et, après lui,
M. Cadier n'ont pas eu de peine à montrer tout ce qu'il y avait de faux
dans une semblable théorie, qui attribue aux conti-ats féodaux une pré-
cision imaginaire, et qui ne tient aucun compte des diversités profondes
qu'offrait au moyen âge l'état social de nos provinces. Ils se sont l'un
et l'autre rattachés à la tradition classique, dont M. Thomas s'était lui-
même à peine écarté. Mais ils l'ont fait avec des nuances qu'il importe
de signaler. — M. Luchaire, qui se préoceupait exclusivement de Tori-
ginedes Etiits généraux , [a pu les rattacher] à cotte assemblée des
fidèles et des grands du royaume qu'à l'exemple des dynasties précé-
dentes les Capétiens réunissaient autour d'eux dans toutes les solennités
poUtiques et reUgieuses, et [soutenir] par conséquent que les premiers
Etats généraux n'avaient été qu'un déreloppenient régularisé de ces
assemblées. — Mais le champ des investigations de M. Cadier était
beaucoup plus limité... L'institution sur laquelle il a fait porter des
recherches est de nature essentiellement seigneuriale et provinciale. Il
i'est proposé d'en déterminer l'origine, d'en suivre les développements,
d'en décrire l'organisation intérieure, d'apprécier enfin son rôle politi-
que et social. Aux procédés de discussion théorique usités par un trop
(1) Etats prooînciawo de la Franco centrale sous Charles V//. Introd.
(2) Auteur de deux brochures sur l'Origine, les pouoolrs et les attributions
des Etats génératuo et prooinciauw. Bruxelles, 1881.
(3) Articles dans les Annales des facultés des lettres de Bordeaux et de
Toulouse, 4* année.
— 378 —
grand nombre d'historiens il substitue ]a recherche patiente des docu-
ments originaux. , . Il les produit avec la sûreté d'un paléographe exercé,
il les expose avec la sincérité d'un esprit qui ne cherche que la vérité,
il les met en lumière et les résume avec une maturité qu'on est étonné
de rencontrer dans un homme aussi jeune. Les conclusions auxquelles
l'a conduit cette longue et consciencieuse étude ont une portée bien plus
générale que le sujet choisi ne semblait le promettre, et je suis con-
vaincu qu'elles jetteront une vive lumière sur plusieurs points obscurs
de rhistoire des Etats provinciaux (1), »
Au point de vue purement régional, ce qui ressort avec le plus de
force des pages neuves de M. Cadier, c'est la part notable du tiers état
dans la constitution ancienne du Béam, c'est le caractère de bonne
heure très prononcé de ce qu'on pourrait nonmier la représentation
nationale dans le gouvernement du pays, c'est enfin l'étonnante éten-
due des attributions et l'attitude constamment fière et digne des Etals
jusqu'aux temps modernes, qui devaient les réduire à un rôle infini-
ment moins relevé. Sur ces divers points il y aura sans doute des
détails à discuter sans préjudice de l'ensemble; j'en trouve quelques-
uns dans le dernier numéro de la Revue de Béam, Navarre et Lan-
nesy où M. Paul Labrouche a consacré de bonnes pages au travail de
M. Cadier; j'y renvoie le lecteur, sans me prononcer sur des vnes
qui attendent un surcroît de preuves. Je tiens pourtant à viser expres-
sément les réserves de M. Labrouche touchant l'explication donnée
par M. Cadier de ce fait que le clergé n'avait que cinq représentants aux
Etats de Béarn : les évoques de Lescar et d'Oloron, les abbés de Lar-
reule, Lucq et Sauvelade. Cette explication revient en somme à dire :
1** que le clergé béarnais était peut-être peu estimé et 2? que Gaston-
Phœbus se contenta d'appeler aux Etats les titulaires ecclésiastiques
qui avaient figuré à la cour féodale ou à la cour majour. M. Labrou-
che fait remarquer, d'abord, que la déconsidération du clergé béarnais
n'est constatée tout au plus que pour le xv® siècle, et encore pour les
sécuUers seulement; peut-être trouverait-on çà et là, dans le Cariulaire
de Sordes par exemple, des indices fâcheux pour les réguliers eux-
mêmes et pour une date antérieure. Mais M. Labrouche a toute rai-
son d'écarter cette considération conune étrangère à la question. H
arrive lui-même, en rappelant l'histoire des dîmes usurpées et des
bénéfices laïques en Béarn, à une explication qui paraît la vraie, d'au-
tant que « si l'on met en regard d'un côté les cinq sièges attribués au
(1) Nouo. Reoue hist. de droit franc, et étranger, juiUet-août 1888, p. 479-481.
— 379 —
clei^é et le total de sièges possédés par les abbés, de l'autre les
douze sièges de barons et le total des domengeadures anciennes, on
arrive à une balance à peu près égale, »
J'ai dépassé peut-être les bornes que je m'étais prescrites, mais c'est
surtout en citant des textes et des autorités qui ne peuvent qu'être bien
accueillies. Je m'aperçois que je n'ai rien dit ni de la forme littéraire du
travail de M. Cadier, ni des nombreux documents inédits qu'il a
publiés à l'appui de ses récits et de ses doctrines (pp. 373-462).
Ce sont des morceaux très importants, qui touchent souvent à
l'histoire générale de France en même temps qu'à celle de la province,
qui sont même parfois de vraies pages historiques très piquantes, mais
toujours de solides pièces justificatives, de bonnes assises qui garan-
tissent la durée du monimient qu'elles supportent; l'intérêt linguistique
n'y manque pas, la plupart des textes étant béarnais et établis par l'é-
diteur avec une parfaite sûreté. Je dois ajouterqu'aux vingt-trois docu-
ments ici publiés doit s'ajouter le Livre des Syndics des Etais de
Béarriy complément naturel de son grand ouvrage, que M. Cadier a
bien voulu confier à notre Société et qui paraîtra sous peu eu un fas-
cicule des Archives historiques de la Gascogne,
Quant aux mérites de rédaction qui distinguent les Etats de Béarn^
j'aime mieux citer encore M. Eugène de Rozière que de parler de mon
chef. « Le style de M. Cadier, dit cet excellent juge, est sobre et clair;
les citations sont nombreuses, bien choisies, et prouvent qu'avant de
rien rédiger M. Cadier s'était armé de toutes pièces. Les chapitres sont
divisés en paragraphes et accompagnés de sommaires qu'on trouve
réunis sous forme de table à la fin du volume, sans préjudice d'une
très bonne table alphabétique des noms de lieux, des noms de person-
nes et des matières. »
IV
Histoire topographique et anecdotique des rues de Bayonne, par
E. DucÉRÉ. Tome i. Bayonne, inipr. A. Lamalgnère, 1887. Ia-16 de
360 pp. Prix : 5 fr.
Ce n'est assurément pas le meilleur ciidre de Tliistoire urbaine que
le parcours des rues et des places; mais ce cadre répond à certaine
curiosité fort naturelle et se prête surtout à noter les faits détachés, les
anecdotes, sans lesquelles l'histoire morale, c'est-à-dire l'histoire la
plus intime et la plus vraie, se montrerait à peine. Aussi, malgré les
inconvénients de la méthode viograpliique, — le morcellement, le
— 380 —
décousu, les répétitions, que sais-je? — le livre de M. Ducéré offre-l-il
un véritable intérêt, même aux lecteurs qui connaissent peu BayoDne.
Pour les bayonnais, ce devrait être un répertoire familier; ils y trouve-
raient constamment plaisir et profit.
Les deux premiers chapitres forment Tintroduction. On y prend des
notions générales sur la topographie de Bayonne, sur l'origine et les
variations des noms de ses rues, sur la police urbaine, objet de nom-
breux et curieux règlements dès le xiii® siècle. On y voit aussi un
tableau des vieilles maisons bayonnaises, que nos lecteurs connaissent
déjà (I). Les rues étudiées dans ce premier volume appartiennent à la
cité romaine, reconstruite au commencement du xi® siècle; c'est le
grand Bayonne, par opposition au Bourg-Neuf ou petit Bayonne et au
faubourg Saint-Esprit. La cité est partagée en deux parties presque
égales par la rue Mayou {major) ou rue d'Espagne.
L'auteur commence sa tâche historique et statistique par une rue
fort éloignée du centre et aujourd'hui des plus tristes, mais dont le
passé est plein de souvenirs : la rue des Faures, forgerons, armuriers
et autres ouvriers en métaux, qui eurent une haute renommée indus-
trielle et une part notable dans l'histoire mihtaire de la cité (2). Vien-
nent ensuite : la rue des Prébendes, qui emprunta son nom, dans les
temps modernes, aux titulaires des prébendes de la cathédrale voisine,
prébendes que l'historien nous fait connaître d'après le manuscrit de
Veillet; — la rue de Luc, qui coupe presque à angle droit la rue d'Es-
pagne et qui s'élève à 14 mètres au-dessus du niveau de la mer, ce qui
est, peu s'en faut, la plus haute altitude de Bayonne; — la rue il/b/i/a«^,
qui ne compte que trois numéros, mais dont l'histoire est des plus bril-
lantes, parce qu'elle posséda longtemps la maison de ce nom, manoir
aristocratique illustré par le séjour des rois et des reines; — la rue
Doer, c'est-à-dire des tonneliers, car je ne doute pas que doerSj
quoique tombé de bonne heure de l'usage commun, ne fût synonyme
de doalersy qui lui a survécu (3); — les rues Sabaterie et VieMe
boucherie ou Carnaceirie, qui devaient leur nom l'une aux cordon-
Ci) Voir dans notre t. xxvii (1886), un extrait fort détaiUé (p. 235-242) des
Etudes sur la cic pricée bayonnalse au commencement du xvr siècle, de
M. Ducéré.
(2) L'auteur a déjà traité ce sujet dans V Artillerie et les arsenaux de
Bayonne. Cf. Reçue de G., xxvii, 283.
(3) Cette conjecture, qui s'est imi)osée d'ellft-méme à M. Ducéré, me parait
tout à fait justifiée par la linguistique. Doaler vient de doala, en français
douelle. Et comme ce dernier mot est le diminutif de douce (en italien et eu cv
t<ilan doga)f doala nous ramène à une forme simple doa, qui donnait doer^
comme doala a donné aoaler.
— 381 —
niers et savetiers, l'autre aux bouchers qui les habitaient; — enfin la
rue May ou ou d'Espagne, avec la porte célèbre de ce dernier nom.
Vient ensuite la place publique avec THôtel-de- Ville, qui défraie sept
chapitres des plus remplis et des plus importants pour l'histoire de la
vie conamunale : la place publique au moyen âge, — au xvi® et au
^xiV' siècle, — au xvni® siècle; — V HôteUde-Villé au moyen âge;
— V administration municipale et ses officiers) — les prérogatives
des maires sous Vancien régime; — VHôtel-de- Ville et ses annexes
jusqu'à nos fours»
Laissant de côté ces pages d'histoire municipale, où M. Ducéré se
rencontre plus qu'ailleurs avec ses divers devanciers, je voudrais
appeler l'attention sur certaines classes de notions et de faits oii l'his-
torien des rues de Bayonne a dû plus particulièrement insister. Je ne
puis y comprendre les menus faits d^archéologie et d'art qui paraissent
presque à toutes ses pages. Signalons pourtant la description et l'his-
toire de la geôle (p. 230), qu'on appelait éloquemment « maison du
roi », les demeures successives des Clarisses (p. 154-9), et parmi les
monuments tout modernes, l'édicule élevé aux héros des journées de
1830 (p. 81). Ce qui revient presque aussi souvent, et avec nombre de
détails neufs et piquants, ce sont les notices sur les métiers et profes-
sions, les relations d'entrées et réceptions princières, enfin les indica-
tions biographiques.
Parler ici desfaures et hasters, ce serait reprendre un sujet que
nous avons déjà traité. Il y aurait beaucoup d'intérêt à suivre aujour-
d'hui M. Ducéré chez les cordonniers et les savetiers, chez les tonne-
liers, chez les bouchers, voire chez les apothicaires (p. 224) du vieux
temps. Mais j'espère bien qu'il nous donnera quelque jour l'histoire,
depuis longtemps promise, de toutes les corporations bayonnaises, et
j'aime mieux l'attendre là.
Les réceptions de rois, reines, princes et autres hauts personnages
doivent elles-mêmes nous être offertes dans un volume spécial, et
même, si je ne me trompe, dans un fascicule de nos Archives histo-
riques de la Gascogne. Il suffira donc de signaler aux lecteurs, dans
le volume actuel, les pages très curieuses où M. Ducéré raconte l'entrée
à Bayonne de Dunois et du comte de Foixen 1451 (p. 245), des enfants
de France, fils de François I®**, en 1531 (p. 218), de l'infante d'Autri-
che en 1616 (p. 130 et 182), d'Henri de Bourbon, père du grand Condé
en 1638 (p. 133), de Louis XIV et de la reine Marie-Thérèse en 1660
(p. 186), d'une autre Marie-Thérèse qui allait épouser le dauphin, fils
de Louis XV en 1745 (p. 188), d'Anne de Neubourg, reine douairière
— 382 —
d'Espagne, qui devait passer trente ans à Bayonne de 1708 à 1738
(p. 134), du duc et de la duchesse d'Ângoulème après la campagne
d'Espagne de 1823 (p. 194), du duc et de la duchesse de Montpensier
en 1846. Bayonne, on le voit, résume dans la série de ses fêtes l'his-
toire des rapports belliqueux ou pacifiques de la France avec l'Es-
pagne.
Mais je veux emprunter, avant de finir, quelques-uns des noms
historiques et des traits de biographie qui abondent dans ce volume.
Dans la rue des Prébendes se rencontre la maison habitée au xvni* siè-
cle par le notaire Lesseps, anobli en 1777 en des lettres bien flatteuses.
Au reste, ce nom illustre doit s'offrir encore ailleurs à l'historien des
rues de Bayonne. — Dans la rue des Bouchers, \in membre de celte
corporation, Jehannot Duverger, devenu grSs et riche propriétaire, fonde
au commencement du xvi* siècle la fortune de sa famille, qui devait
produire cent ans après l'abbé de Saint-Cyran. Il n'y a pas trace
de cette origine dans les innombrables notices que les écrivains jan-
sénistes ont consacrées pendant deux siècles à leur patriarche. —
Dans la rue Sabaterie, se trouve très probablement la maison natale du
célèbre marin Bernard Dubourdieu (1774-1811), père d'un sénateur
du second empire.
D'autres honunes de mer, dont les services mériteraient bien d'être
remis en pleine lumière, ont attiré l'attention de l'historien ; tel surtout
La Courtaudière, dont il nous fait lire une intéressante relation navale
de 16lBl et une admirable instruction adressée à son fils qui partait pour
les Indes. Les lettres de ce dernier, qui suivit avec honneur la même
carrière, renferment de curieux détails sur la société indienne et sur la
fatale décadence de nos possessions asiatiques. On y voit comme ail-
leurs que le courage ne manqua pas à nos soldats, pas plus que la
sagesse à nos hommes d'affaires, comme ce Dulivier dont nos lecteurs
connaissent l'instructive correspondance. Ainsi le jeune La Courtau-
dière, en juillet 1783, rend compte d'une action très chaude contre les
Anglais. « La brigade d'Austrasie, dit-il, a chargé à la baîonn^te à
plusieurs reprises et toujours avec beaucx)up de succès. Un bayonnais
[M. Delabade], capitaine des grenadiers de cette brigade, s'est couvert
de gloire. Il a été fait lieutenant-colonel et a reçu peu de jours après la
croix de Saint-Louis. Il n'a eu qu'une corne de son chapeau emportée
par un boulet, et deux balles qui ont percé les poches de son habit... »
Tel est le ton de cette précieuse correspondance. M. Ducéré ajoute à
ses extraits ce renseignement instructif : « Travailleur par excellence,
le jeune La Courtaudière profitait de ses moments de loisir pour rédi-
— 383 —
ger une histoire des Indes sous forme de dictionnaire, dont nous avons
heureusemeni retrouvé le manuscrit (p. 109). »
J'ose à peine indiquer, à côté de ces noms vraiment dignes de gloire,
un nom fameux à tout autre titre, celui de Tactrice et aventurière
Marguerite Brunet, dite la Montansier, bienvenue de Marie- Antoinette,
et qui faillit, dit-on, épouser Napoléon Bonaparte encore officier d'ar-
tillerie. Elle mourut à 90 ans, en 1820, après une canière théâtrale et
romanesque des plus accidentées.
Je ne cherche pas de transition pour signaler, en finissant, deux de
nos contemporains notables : un marin vivant, l'amiral Jauréguiberry,
que nous avons vu ministre de la guerre, — né le 28 août 1815, dans
la rue d'Espagne; — un ecclésiastique défunt, l'abbé Dassance, né à
Ustaritz en 1801 et qui a fini sa carrière dans une maison de la même
rue en 1858. Je voudrais bien connaître sa notice nécrologique, par un de
ses amis qui est aujourd'hui le cardinal archevêque d'Alger : M . Ducéré,
qui la cite, ne paraît pas l'avoir utilisée beaucoup dans les quelques
lignes qu'il accorde à ce prêtre, à cet écrivain estimable.
(A suivre.) Léonce COUTURE.
lA «ASGOGNE Al GONGRfS DE^ SOCIt^TtS SAVANTES
A LA SORBONNE
Le congrès s'est ouvert à deux heures, le mardi 11 juin, dans le
grand amphithéâtre de la Sorbonne, sous la présidence de M. Levas-
seur, membre de l'Institut, et les cinq sections n'ont pas tardé à se
réunir dans les locaux qui leur ont été respectivement affectés. Elles
ont continué jusqu'au vendredi à tenir deux séances par jour. Voici,
d'après le Journal officiel^ le relevé des communications afférentes à
notre histoire provinciale.
SECTION D^HISTOIRE BT PHILOLOGIE.
Séance du 12 juin (soir), — M. Rébouis, de la Société archéolo-
gique et historique de Tam-et-Garonne, répond à la 9" question du
programme (textes inédits ou nouvellement signalés de chartes de
communes ou de coutumes).
Il donne d'abord la liste des textes de coutumes des communes de
FAgenais qui ont été publiés et la liste de ceux qui sont encore inédits.
Tous ces documents sont antérieurs au quinzième siècle et datent du
treizième siècle pour la plupart.
Sauf des omissions probables, nous possédons pour l'Agenais
44 textes, dont 24 sont encore inédits; 20 ont été publiés par le Recueil
r
— 382 —
d'Espagne, qui devait passer trente ans à Bayonn^ ^^^
(p. 134), du duc et de la duchesse d'Angoulème/
d'Espagne de 1823 (p. 194), du duc et de la d^y { ^sus^ ^®
en 1846. Bayonne, on le voit, résume à^xy^jf f -^^''j^ionl-
toire des rapports belliqueux ou pacifio' ^- .* > ^eU^P^
Mais je veux emprunter, avant ' «' ,nt M. ^g par
historiques et des traits debiof»^ '/.- / Jié accoi>* ^j^^jaye
Dans la rue des Prébendes se • ;-'' ^ / tf^nf !tr l'<>^^T
^ ' aïons sur 7|ips les
de par le notaire Lesseps, r f -. / vées, les ^^^^\^ de
Au reste, ce nom illustra, , / • le seigneur ^^^laret
_ , «„ ^^^^ • ' iecellesdeMoï^7iUQ;i.
rues de Bayonne. - , ..^or.çue d« dr^^^/'^
corporation, Jehaiu» jgg
au commenoemr ' -. Baradat de Lacaze, Tédit^^ ^u-
nrodiiipe cent ^^'^^ ^^ Meilhan, qui va publier l^boto,
produire cent ^ Bruilhois, grâce au concours de M. G. ^JJ^^
de cette or ^i-Garonne, M. Rébouis termine en montrant ^ -^^es
sénistes ^né le jour où toutes les coutumes agenaises ^^Afo\[
D ns ' bl^'» ^^^^ seulement une étude d'ensemble sur 1^
yX^ moyen âge sera possible.
/' j^nce du 13 iuin {matin), — M. Paul Labrouche, archivist^.
'^^^.-pyrénées, fait part à la réunion du projet, en voie d'exécU^^ ^J^
ff*^ fJULLAIRE DE LA PROVINCE ECCLÉSIASTIQUE DE GaSCOGN^I- \
^"^jet, dont ridée première a été présentée par M. Douais, en l^fvVis
f^ réunion générale de la Société historique de Gascogne, a été ^'^t,
depuis quelques mois : les neuf prélats des provinces actuelles d'A-"^V^^l
de Bordeaux et de Toulouse qui ont des fractions de la Novemp^P^\s
lanie dans leurs diocèses contribuent proportionnellement aux ^ rriè
d'une mission qui a été établie à Rome pour un nombre indéter*^
d'années. ^^^x-
Le délégué provincial, M. Guérard, a déjà relevé un millier de ^^il.
ments intéressant la Gascogne pour le seul pontificat de Jean ?C^ ^è
Son collaborateur, M. Ambroise, poursuit un travail parallèle
dépouillement dans les registres parus. ^ -^ji
La publication projetée comprendra l'analyse ou la transcrîp*^î-j5
intégrale d'un nombre de documents qu'on ne saurait évaluer à n^^*
de 50,000, ni à plus de 100,000. -^a
Il est difficile de mesurer l'étendue de la contribution que ^ont't^
le bullaire à l'histoire sous toutes ses formes, à Tarchéologie, à la tOp^
nymie, aux reconstitutions biographiques ou généalogiques, aux nXQpO^
régionale
M. Labrouche espère que l'Etat apportera son concours à ç^j
œuvre importante, qui sera dirigée par une réunion d'érudits du Xijj.^
(1) J'avais eu le plaisir de communiquer à M. de Bourrousse de Laffon: |g
texte qui a été transcrit par ses deux confrères de la Société d*Agen. — L. C.
— 386 —
<)rmme en exprimant le vœu que le Bullarium txta^^onicum soit
'>remière page du Bullarium gallicanum.
Delisle [président de la section], félicite les organisateurs d'une
£^ se qui sera sans doute imitée dans plusieurs de nos provinces
"\ is mettra en possession de documents tout à fait nouveaux,
utiles poujr Thistoire ecclésiastique et pour l'histoire civile.
"i composés sur le plan qui vient d'être exposé seront le
'a publication que Té'iole française de Rome, sous la
? M. Geflfroy et LeBlant, poursuit, depuis plus de dix
très des papes du treizième siècle, publication qui fait
neur à l'érudition française et dont le succès doit
•;; 'X)ucbe et ses collaborateurs (1).
*• u, archiviste du Gers et membre de la Société
lit une note sur un compte en gascon, contenant
OYAGE fait en 1528 et 1529 par deux bour-
V.OUR DE France, où résidaient alors Henri d'Al-
idvarre, et sa femme Marguerite d'Angoulème^ sœur de
ler
x-e but du voyage était d'enlever à la ville de Lectoure le siège de
l'importante sénéchaussée d'Armagnac, ou du moins d'obtenir la
création à Auch d'une sénéchaussée particulière. Cette création n'eut
lieu qu'un siècle plus tard, en 1639.
La relation renferme des détails intéressants sur les divers itiné-
raires suivis, sur le prix des repas, sur le séjour des députés de la
ville d'Auch à la Cour, qu'ils suivirent à Paris, à Fontainebleau et à
Saint-Germain en 1529, à Amboise et au château de la Bourdaisière
en 1529.
SBGTION D^ARGHAOLOOIB.
Séance du 12 juin (soir). — M. l'abbé de Carsaladb du Pont
donne lecture d'un travail sur des mosaïques romaines trouvées à
Montréal (Gers), au lieu dit Glésia. Elles ont été transportées au
musée d'Auch. Le dessin en est assez beau. L'une surtout est inté-
ressante : elle représente, au centre d'ime bordure formée de dauphins,
la tète du dieu marin Ocianus, surmontée de deux pinces de homard.
Une monnaie recueillie dans les décombres montre que ces mosaïques
sont du quatrième siècle au plus tard; une petite statuette de Mercure,
en bronze, a été recueillie au même lieu.
M. l'abbé de Carsalade soumet aux membres du congrès un moulage
d'un fragment de sarcophage chrétien représentant un personnage qui
paraît être un chasseur. Ce débris, trouvé à Auch, est conservé au
musée.
M. Paul Parfouru, archiviste du Gers, membre de la Société
historique de Gascogne, fait connaître divers documents inédits re-
latifs à Tachèvement du grand porche et des tours de la cathédrale
d'Auch. Ces travaux, dont on ignorait la date exacte, furent exé-
cutés de 1670 à 1681 par les soins et aux frais de l'archevêque
(1) Il y a un détail dont M. Paul I^brouche a négligé de parler dans cette
intéressante communication. C'est que si le beau projet conçu par M. Douais et
proposé à la réunion générale de 1887 de la Société historique de Gascogne est
aéjà en voie d'exécution, on le doit a^'ant tout au zèle admirable du jeune
archiviste des Hautes-Pyrénées, qui a lui-même provoqué celui des vénérables
prélats de la région. ~ L. C.
— 386 —
Henri de Lamothe-Houdancourt, sous la direction de deux architectes
toulousains : Pierre Mercier et Pierre Miressou dit Bellerose.
Les chapiteaux des colonnes engagées sont dues au ciseau de
François Auxion, maître sculpteur à Auch, de François et Raymond
Mercier et de Jean Miressou, architectes. François Auxion est Fauteur
des bas-reliefs qui ornent les architraves et les frises de la façade.
Un sculpteur toulousain, Etienne Dugast, exécuta plusieurs rétables
pour les autels de la nef. Enfin, un autre artiste toulousain, Jean
Rioneau, peignit quatre grands tableaux à Thuile pour la chapelle royale.
M. Parfouru a découvert également le devis dressé en 1688 par
M® Jean de Joyeuse, facteur d'orgues à Paris, pour la construction des
orgues de la cathédrale d'Auch. Ce chef-d'œuvre fut terminé en 1695
et coûta 16,000 livres.
SECTION DB 0É06RAPHIB.
Séance du 11 juin, — M. Sacaze montre l'intérêt que présente la
toponymie des Pyrénées au point de vue de l'étude de nos origines
nationales. Il signale les similitudes que Ion remarque dans les noms
de lieux des Pyrénées et ceux de l'Afrique, principalement de la Mau-
ritanie.— Dans le même ordre d'idées, M. Cartailhac appelle l'atten-
tion de la section sur un important travail exécuté en 1887 par
M, Sacaze lui-même, avec le concours de MM. les recteurs des acadé-
mies de Toulouse, Bordeaux et Montpellier, sur la toponymie de cha-
cune des communes de la région des Pyrénées. Les documents ainsi
recueillis forment 33 forts volumes en 40 manuscrits (?), actuellement
conservés à la bibliothèque de la ville de Toulouse. Tous les noms de
heux sont écrits non seulement en français, mais aussi dans l'idiome
local, avec la prononciation figurée ; la carte détaillée de chaque com-
mune est jointe aux texte. — M. Sacaze ajoute que par sa nature même,
et surtout à cause du grand nombre de collaborateurs appelés à y con-
courir, ce vaste recueil est loin d'être parfait, mais il rendra sûrement
des services aux linguistes, aux ethnographes, aux géographes qui le
consulteront. > . » . >^ -v - . . *-
Séance du 12, soirl — M. Julien Sacaze, de l'association pyré-
néenne, fait une communication sur les neuf peuples et l'inscrip-
tion d'Hasparren. Ce difficile problême de géographie historique avait
été étudié et résolu en des sens divers par MM. Léon Renier, Ernest
Desjardins, Allmer, Mommsen et d'autres érudits. En s'aidant des
documents fournis par les auteurs anciens et par l'épigiaphie elle-même,
M. Sacaze est arrivé à une solution précise qui, sur certains points,
confirme les assertions de tel ou tel de ses devanciers et sur d'autres les
contredit absolument.
L'an 27 avant notre ère, Auguste, tenant un conseil à Narbonne, fit
le recensement des trois Gaules conquises par César et régla leur orga-
nisation politique. Jusqu'alors l'Aquitaine était composée des peuples
situées entre les Pyrénées et la Garonne. Pour augmenter l'importance
territoriale de cette province, Auguste lui annexa onze ou douze peu-
ples gaulois qui habitaient entre la Garonne et la Loire. C'était réunir
brusquement des éléments ethniques tout à fait distincts^ car les Aqui-
tains différaient de la race celtique et par leur constitution physique et
.par leur langue; ils ressemblaient plus aux Ibères qu'aux Gaulois.
Aussi protestèrent-ils contre cette union forcée. Une inscription métri-
que découverte à Hasparren nous apprend que les Novempopuli^ nom
— 887 —
sous lequel les vrais Aquitains se distinguaient des onze peuples gau-
lois annexés, envoyèrent un légat vers Tempereur pour obtenir que les
Gaulois fussent séjjarés d'eux, et la requête ayant été bien accueillie,
Pro novem opiinuit pojpulis sejungere Gallos, le messager, Verus,
flamine, ancien decemvir, dédia un autel au génie protecteur du pays,
Urbe reduxy Genio pagi hanc dedicai aram.
En quoi consistait cette séparation ? Slrabon, vers Tan 19 de notre ère;
Pline, vers Tan 79, et Ptolémée, vers Tan 140, constatent que l'Aqui-
taine formait une seule province, comprenant les peuples situés entre
les Pyrénées et la Loire. Ce que les peuples de l'Aquitaine ethnogra-
Ehique avaient obtenu, c'est au moins la séparation au point de vue
scal. Strabon dit que les Bituriges Vinisques sont le seul peuple étran-
ger qui soit établi chez les Aquitains primitifs; « mais, observe-t-il, ils
ne payent pas le tribut avec eux, et ils ont pour marché Bordeaux. »
Les neuf peuples formèrent donc une circonscription financière dis-
tincte du reste de l'Aquitaine politique organisée en l'an 27 avant notre
ère, et cela très peu de temps après cette date elle-même, puisque la
séparation était déjà réalisée quand Strabon écrivait sa géographie, vers
l'an 19 de J.-C. Auguste ayant v4cu jusqu'en l'an 14, le fait rapporté
dans le monument épigraphique d'Hasparren, quelle que soit la date de
la confection du monument lui-même, eut donc Ueu sous cet empereur
ou, moins probablement, dans les quatre ou cinq années qui suivirent
sa mort. Il ne faut donc plus rattacher cet événement et la constitution
spéciale des Neuf-Peuples aux modifications administratives opérées
par Dioclétien vers la fin du troisième siècle.
Une inscription d'Aquilée, datée de Tan 105, nous apprend non seu-
lement la coexistence de deux districts financiers dans l'Aquitaine poli-
tique, mais le nom du chef-lieu du district des Novempopuli, Lectoure :
Procurator provinciarum Lugudunensia et Aquitaniae item Lac-
torae.
Une autre inscription trouvée à Lyon, mentionne un fonctionnaire
du temps d'Antonin le Pieux, chargé de faire le recrutement de l'impôt
chez les Onze-Peuples de l'Aquitaine, les onze peuples gaulois ajoutés
par Auguste et énumérés plus ou moins exactement par Strabon et par
Ptolémée : dilectator per Aquitaniae XI populos. Chacune de ces
deux inscriptions prouve que l'Aquitaine celtique, celle des onze peu-
ples, et l'Aquitaine ethnographique, celle des Neuf-Peuples, formaient
chacune un district particulier. M. Sacaze trouve la confirmation de
ce fait dans un autre monument épigraphique découvert à Saint-
Bertrand de Comminges, Lugdunum Conoenarum^ et concernant la
reconstruction du bureau du « Quarantième des Gaules. » La per-
ception de l'impôt se faisait par les agents d'une compagnie de che-
valiers romains, les Socii quadragesimae Galliarum; mais le bureau
des Convènes, c'est-à-dire d'un peuple de l'Aquitaine ethnographique,
était placé sous la gérance d'un agent préposé par l'empereur. Ce fait,
signalé jusqu'à ce jour comme tout exceptionnel, n'a donc rien que de
très rationnel. L'épigraphie, dit en terminant M. Sacaze, est l'auxi-
liaire et parfois la suppléante de l'histoire.
M. J.-F. Bladé, correspondant de l'Institut, accepte, sous quelques
réserves de détail, les conclusions de M. Sacaze, et le félicite d'avoir
ainsi résolu une des questions les plus difficiles de la géographie his-
torique de la Gaule.
Séance du 13 juin (éoir).-^ M. Bladé, correspondant de Tlnstitat,
— 388 —
étudie, d'après Tensemble des textes actuellement connus, la géographie
générale des anciens diocèses de la Novempopulanie, et les change-
ments apportés au cours des temps dans ces douze circonscriptions. Il
prouve que Tétat de choses a beaucoup changé depuis la fin du Bas-
Empire, et qu'il serait téméraire de considérer, d*après la théorie cou-
rante, les diocèses du Sud-Quest, tels qu'ils existaient encore en 1789,
comme les représentations territoriales des anciennes civitatea de cette
région.
M. Bladé s'attache, en outre, à distinguer, d'après un passage de
Strabon, les territoires de la civitqs Elusatium et dç la civitas Aus-
ciorum. Il démontre aussi que la civitas Aquensium englobait du côté
du midi la vallée de la Bidassoa tant française qu'espagnole.
Séance du 14 juin, — M. Paul Labrouche, archiviste des Haut^-
Pyrénées, présente sous ce titre : La province ecclésiastique d'Auch
anciennement et de nos jours, quelques notes sur les modifications
profondes qu'ont entrainées les divisions actuelles. Les douze diocèses
de la Novempopulanie d\i neuvième siècle sont aujourd'hui répartis
entre douze diocèses qui en ont des fractions plus ou moins étendues,
sans qu'aucun d'entre eux possède la totalité de la circonscription cor-
respondant aux diocèses anciens du même nom. Sur ces douze diocè-
ses, neuf sont en France et trois en Espagne.
Le fait le moins connu et le plus obscur est la délimitation méridio-
nale du diocèse de Bayonne au moyen âge. Toute la Navarre cis-pyré-
néenne — aussi bien la Navarre restée française que la vallée de la
Bidassoa, devenue espagnole en 1512, — appartenait incontestablement
au diocèse de Bayonne.
U en était de même de la partie du Guipuzcoa comprise entre l'em-
bouchure de la Bidassoa et la ligne de faîte entre les vallées de l'Oyar-
zim et d'Urumea. Les deux archi prêtres navarrais et l'archiprêtré gui-
puzcoan de la vallée de la Bidassoa furent réunis au diocèse de Pam-
pelune par une bulle de 1565. Où le doute subsiste, c'est pour toute la
partie du Guipozcoa s'étendant au delà du petit bassin côtier de rOjax-
zun. Sans vouloir préjuger la solution du problème, voici trois faits à
retenir : 1° deux textes de 980 et 1106 donnent au diocèse de Bayonne
des localités situées en dehors de cette limite, Saint-Sébastien et
Emani; 2° deux textes de 1194 et 1417 n'y comprennent plus Saint-
Sébastien et Emani; 3° les deux tiers des paroisses du Guipuzcoa
étaient du diocèse de Pampelune et un tiers du diocèse de Calahorra.
Or le démembrement de 1565 n'a donné à Pampelune que cinq parois-
ses sur près de cent qu'il possédait en Guipuzcoa.
M. Labrouche espère pouvoir apporter à la réunion de 1890 la
solution raisonnée de cette question délicate et controversée; il espère
aussi pouvoir présenter une carte comparative détaillée par archiprètréa
et paroisses, de la province d'Auch à ses diverses époques.
M, GuÉRARD, licencié ès-lettres, dél^ué de la province ecclésias-
tique d'Auch au Vatican pour la collection du Bullaire de Gascogne,
envoie im mémoire sur ce même problème des limites méridionales du
diocèse de Bayonne. M. Labrouche donne lecture de ce travail, où
sont examinés et critiqués un à un les documents invoqués par les
auteurs français ou espagnols dans la discussion. M. l'abbé Guérard,
après avoir examiné l'état actuel de la question, se propose également
de rechercher dans les archives vaticanes des documents de nature à ap-
porter quelques éclaircissements dans ce débat plusieurs fois séculaire.
LES VICTIMES DU GERS
DEVANT LE TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE DE PARIS, AN II
LE COMTE DE BARBOTAN-CARRITZ
m
Les études sur l'année 1789 et sur toutes les phases de
la période révolutionnaire se multiplient^ comme on devait
s'y attendre. L'attention universelle se reporte aux événements
qui se passaient il y a cent ans, et la moindre question sur
cette époque orageuse excite Tintérét et la curiosité. Aussi
croyons-nous le moment favorable pour révéler au public,
avec le secours des documents que nous avons recueillis,
quelques-uns des sanglants épisodes de ce que Ton appelle
la grande révolution.
Comme dans toute la France, elle a marqué de plus d'une
manière son passage dans le Gers. L'enthousiasme excité
par les idées nouvelles y fut aussi spontané et aussi una-
nime que dans les autres provinces; mais ici comme ailleurs,
les événements se succédèrent avec une effroyable rapidité, et
les passions une fois déchaînées ne purent être contenues. A
1789 succéda 1793; aux réformes utiles la terreur ; tous ceux
qui voulurent endiguer le courant furent broyés par lui.
De tous les points delà Gascogne, « ce magazin de braves, »
comme dit un vieil écrivain, on partit gafment pour la fron-
tière, et nos soldats défendirent vaillamment la patrie en
danger. En même temps, d'autres gascons non moins coura-
geux montaient sur l'échafaud pour leur roi et leurs croyan-
ces. 11 fallait alors peu de chose pour attirer l'attention des
Tome XXX. — Septembre-Octobre 1889. 26
— 390 —
maîtres du jour; un geste, une parole mal interprétée suffisait
pour amener devant les tribunaux chargés de punir les
contre-révolutionnaires et les prétendus ennemis de la
Liberté. Les noms du représentant Dartigoeyte (1) et des
membres de la commission extraordinaire de Bayonne n'évo-
quent chez nous que de cruels et sanglants souvenirs.
L'échafaud révolutionnaire s'est dressé à Auch sur la
place de la Fraternité (2) et plus d'un de nos compatriotes y
est monté avec courage. Nous ne rappellerons pas les noms
de ces victimes, ils ont déjà été cités dans ce recueil (3);
nous ne voulons nous occuper que des victimes du tribunal
révolutionnaire de Paris.
Mais avant d'aller plus loin, nous devons rendre un public
hommage à la mémoire de celui qui, avant nous, avait com-
mencé ce travail et recueilli ces notes. On n'a pas oublié
M. Amédée Tarbouriech, que la mort a enlevé si prématuré-
ment, au moment même ou il publiait les CuriosUés révolu-
tionnaires du Gers (4). Ses notes, précieusement conservées
aux Archives départementales, augmentées de nos recher-
ches personnelles, sont celles que nous allons publier aujour-
d'hui, sans nulle prétention d'originalité, avec le seul désir
d'éclairer et de compléter notre histoire provinciale.
Dans la série des victimes de notre département immolées
par le Tribunal révolutionnaire de Paris, nous signalons tout
d'abord les noms du comte de Barbotan-Carritz, des parle-
mentaires Daspe, Belloc et Pérès, du baron de Rouilhan et
de Tursan d'Espagnet.
(1) Dartigoeyte (Pierre-Arnaud) naquit à Mugron (Landes) en 1763. Repré-
sentant en mission dans le Gers, il se montra partout farouche et cruel. Il épousa
une demoiselle de Foix-Candalle, du château de Doazit, et mourut à Lahosse,
près Mugron, en 1812.
(2) Aujourd'hui place de l'Hôtel-de-Ville.
(3) Reçue de Gascogne, année 1863, p. 508.
(4) Une bastille de Palloy, — Le procès de l'archecâque d'Auch, — Barthe.
eêque constitutionnel du Gers, — Et, en dehors de cette série, Histoire de la
Commission extraordinaire de Bayonne; Bibliographie politique du Gers
pendant la période récolutionnaire, etc.
— 391 —
Le procès Barbotan est un des plus curieux et des plus
intéressants.
Clair-Joseph, comte de Barbotan- Carritz {\), naquit vers
1719. Issu d'une illustre famille de Gascogne, il embrassa
la carrière des armes. Il était parvenu au grade de maréchal
de camp, quand éclatèrent les événements de 1789. La
noblesse de Dax le choisit pour le représenter aux Etats
Généraux, et plus tard il fit partie de l'Assemblée Constitu-
ante. Retiré des affaires, et revenu dans ses terres, il ne
tarda pas» malgré son grand âge, à être dénoncé au Comité
Révolutionnaire du Gers. Son litre de noblesse, sa position
de fortune convoitée par ses ennemis politiques, sa parenté
avec des émigrés, sa correspondance avec son petit-fils,
chef d'une compagnie dans l'armée des princes, il n'en fal-
lait pas tant pour être accusé du crime de contre-révolu-
tion.
Il fut arrêté et incarcéré avec son fils, le comte Jean-Marie
de Barbotan, et Nègre, son homme de confiance. Mais les
preuves qu'on avait contre lui ne parurent pas suffisantes
aux jurés du Gers pour entraîner la peine capitale. Il res-
sort du jugement publié ci-après que Barbotan et Nègre
furent acquittés, mais retenus en prison comme suspects
par le Comité de surveillance (2).
EXTRAIT DU REGISTRE DES JUGEMENTS DU TRIBUNAL CRIMINEL
DU DÉPARTEMENT DU GERS.
Vû par le Tribunal criminel du département du Gers les actes
d'accusation dressés contre joseph clair carritz barbotan, ex-^ons-
tituanty habitant de Mormez dans le district de Nogaro, et contre
JOSEPH nÈGKZy négociant, habitant à Belbèze ; par le directeur du
(1) Voir Armoriai des Landes, par le baron de Cauna, art. Barbotan,
(2) On trouve le nom du défenseur de Barbotan; ce fut le citoyen Deflès, qui
encourut plus tard la colère des membres de la Société montagnarde, pour avoir
osé, sans consulter la Société, défendre des contre-révolutionnaires.
— 302 —
juré dudit district de Nogaro, séant à Plaisance et dont la teneur
suit :
Le Directeur du Juré du tribunal du District de Nogaro séant à
à Plaisance, expose que le 14 frimaire courant, le citoyen Sarraméa,
huissier habitant du Houga, porteur du mandat d'arrêt délivré le 11
frimaire par le Juge de paix, officier de police du canton du Houga
contre Joseph Clair Barbotan, citoyen habitant de Mormez, prévenu
d'avoir entretenu une correspondance avec les émigrés, et d'avoir
trempé dans le complot de leur faire passer des secours en argent, a
conduit à la maison d'arrêt dud. tribunal, la personne dud. Joseph
Clair Barbotan et réuni les pièces concernant ledit Barbotan au
Greffe du tribunal; qu'aussitôt ladite remise, ledit J.C. Barbotan a été
entendu par le Directeur du Juré sur les causes de sa détention ; que
le citoyen Dutoya, accusateur public près le tribunal criminel du
département du Gers devant le juge de paix, officier de police du can-
ton du Houga, pour être procédé contre led. Barbotan en conformité
des loix suivant la lettre du cinq Brumaire signée de lui, ledit Juge
de paix n'ayant pas fait sa procédure contre ledit Barbotan et Tayant
renvoyé devant l'accusateur public, l'aurait renvoyé de nouveau
devant le même juge de paix pour continuer la procédure commejicée
contre ledit Barbotan, et ne s'étant pas présenté dans les deux jours
de la remise du prévenu en la maison d'arrêt; Le Directeur du Juré a
procédé à Texamen des pièces relatives aux causes de l'arrestation, et
de l'arrestation dudit Joseph Clair Barbotan; qu'ayant vérifié Li
nature du délit dont est prévenu ledit Barbotan, il avait trouvé que oe
délit était de nature à mériter peine afflictive ou infamante; en consé-
quence le directeur du Juré adresse le présent acte d'accusation, pour,
après les formalités prescrites par la loi, être présenté au juré d'accu-
sation.
Le directeur du Juré déclare en conséquence, qu'il résulte de l'exa-
men des pièces et notamment de la lettre cottée n*^ 3, du verbal du 7
juin 1792, fait par le juge de paix du canton du Houga, et de l'extrait
de la séance du conseil général du département du Gers, du 30 août
1793 au soir, qui demeureront annexés au présent acte, que ledit
Joseph Clair Barbotan, est prévenu d'avoir, au mépris de la loi, entre-
tenu une correspondance avec les émigrés, et qu'il est vivement sonb-
çonné de leur avoir fourni des secours en argent, qu'il résulte de
tous ces détails, que le délit dont s'agit a été commis méchamment et
à dessein ; sur quoi les jurés auront à prononcer s'il y a lieu à act*usa-
— 393 —
sation contre ledit Joseph Clair Barbotan à raison du délit mentionné
au présent acte.
Fait à Plaisance, le dix neuf Frimaire Tan second do la république
française une et indivisible, signé, Lazies directeur du juré. La loi
authorize. Fait à Plaisance, le 19 Frimaire de l'an 2* delà Republique
une et indivisible, signé: Pugens, commissaire national.
Acte d'accusation contre Nègre
Le directeur du Juré du Tribunal du district de Nogaro, séant à Plai-
sance, expose que le quatorze frimaire courant, le citoyen Sarraméa
huissier habitant du Houga, porteur du mandat d'arrêt délivré le
onze frimaire par le juge de paix officier de police du canton du Houga
contre Joseph Nègre, negt, habitant de Belbèze, prévenu d'avoir porté
de l'argent à Bordeaux pour le compte des émigrés, a conduit dans la
maison d'arrêt dud. Tribunal la personne dud. Joseph Nègre, et remis
les pièces concernant ledit Nègre au greffe du Tribunal; qu'aussitôt
laditte remise, ledit Joseph Nègre a été entendu par le directeur du
Juré sur les causes de sa détention; qu'ayant été dénoncé à l'accusa-
teur public du Tribunal Criminel du département du Gers parle Con-
seil Général dud. département, comme il conste de la séance du 30
août 1793, ledit accusateur public ne s'étant pas présenté dans les deux
jours de la remise du prévenu en la maison d'arrêt, le directeur du
juré a procédé à l'examen des pièces relatives aux causes de. l'arresta-
tion et de la détention dud. Joseph Nègre; qu'ayant vérifié la nature du
délit dont est prévenu led. Nègre, il avait trouvé que ce délit était de
nature à mériter peine afflictive ou infamante; en conséquence le direc-
teur du Juré a dressé le présent acte d'accusation, pour après les for-
malités prescrites par la Loi être présenté au juré d'accusation.
Le Dii*ecteur du Juré déclare en conséquence, qu'il résulte de l'exa-
men des pièces et notamment de la lettre cottée n** 2 sous la datte du
1«^ juin 92 que ledit Nègre est vivement soubconné d'avoir porté de
l'argent à Bordeaux pour le compte des émigrés, et encore de la lettre
aussi cotiée n^ 2, que ledit Nègre est vivement soubconné d'avoir
voulu nuire à la chose publique, en s'enlendant avec le citoyen Pes-
quidous de Sl-Justin pour que les enchères des biens de Juliac (1) ne
fussent pas portés plus haut, lesquelles lettres demeureront annexées
au présent acte; qu'il résulte de tous ces détails que le délit dont
s'agit a été commis méchamment et à dessein; sur quoi les jurés
(1) Le comte de Juliac, émigré^ parent et pupille de Barbotan.
auront à prononcer s'il y a lieu à accusation contre ledit Joseph Nègre
à raison du délit mentionné au présent acte.
Fait à Plaisance le dix neuf frimaire; Tan second de la République
Française unf. et indivisible, signé Lazies directeur du Juré. La Loi au-
thorise. Fait à Plaisance, Tan 2« de la République une et indi\isible.
La déclaration du juré d'accusation de ce district, écrite au bas de
ces deux actes, et portant qu'il y a lieu à l'accusation mentionnée en
iceux, les deux ordonnances de prise de corps rendues par le directeur
du Juré de ce district contre lesdits Barbotan et Nègre, les procès-ver-
baux de la remise de leur personne en la maison de Justice du dépar-
tement et la déclaration du Juré de Jugement portant sur le premier
fait : 1** qu'il est constant que le premier juin 1792, il a été écrit une
lettre dont l'adresse était à Monsieur Barbotan officier de cavalerie à
Berguen près Mayence; 2^ que Joseph Clair Carritz Barbotan est
convaincu d'avoir écrit laditte lettre audit Barbotan son petit-fils le
premier juin 1792 à Berguen près Mayence; 3° qu'il n'est pas con-
vaincu de l'avoir écrite pour favoriser les projets hostiles des émigrés
ou d'un émigré. — Sur le second fait : V qu'il n'est pas constant qu'il
ait été envoyé depuis le 9 mai 1795 des secours pécuniaires à Barbo-
tan, ni à JuUac émigrés; 2*^ que Joseph Clair Carritz Barbotan n'est
pas convaincu d'avoir entretenu des intelligences avec Barbotan son
petit-fils émigré, pour l'engager à commettre des hostilités contre la
France. — Sur le troisième fait, qu'il n'est pas constant qu*il ait été
envoyé de l'argent à Bordeaux depuis le 9 mai 1792 pour le compte
des émigrés — et finalement sur le quatrième fait qu'il n'est pas cons-
tant qu'il y ait eu un concert pour empêcher que les enchères des biens
de Juliac émigrés saisis au profit de la Nation ne fussent pas plus
haut qu'elles ne le furent.
Le Président du Tribunal a déclaré que lesdits Barbotan et Nègre
sont acquittés de Vaccusation portée contre eux et a ordonné que
ledit Nègre soit sur le champ mis en liberté.
Et à l'instant l'Accusateur public a requis en conformité de larticle
10 du décret du 17 septembre dernier que ledit Carritz Barbotan
violamment suspect par la conduite qu'il a tenue fut renvoyé à la
maison de réclusion de cette commune pour y rester tous le tems qui
sera déterminé par le Tribunal.
Ouï l'Accusateur Public :
Considérant que ledit Carrits Barbotan, quoique acquitté par la
déclaration du Juré, est néanmoins très suspect à la patrie;
— 395 —
Que œtte suspicion est déterminée par les causes les plus graves,
puisqu'il est de fait que ledit Carrits a entretenu avec son petit-fils
émigré une correspondance coupable; qu'enchainé par la déclaration du
Juré, le Tribunal doit recourir à la mesure salutaire indiquée par
laditte loi.
Considérant que ledit Carrits Barbotan est âgé de soixante -quinze
ans révolus, et que le code pénal voulant que l'âge influe sur la durée
des peines et que celle des fers et la réclusion soit réduite à cinq ans
si Taccusé est âgé de soixante-quinze ans accomplis, cette mesure doit
servir de base et de règle à la décision actuelle.
Considérant enfin que l'âge de quatre-vingts ans est un fardeau assez
accablant pour ne devoir pas ajouter une autre surcharge à celui qui
est parvenu à ce]te loi\gue carrière.
I^ Tribunal, disant droit sur le réquisitoire de l'accusateur public,
ordonne que ledit Carrits Barbotan sera conduit à la maison de
détention de cette commune destinée aux personnes suspectes où il
restera sous la surveillance de la municipalité pendant cinq ans.
Fait à Auch dans la salle d'audience dudit Tribunal, le dix huit
nivôse (1) Tan deuxième de la République française une et indivisible,
présents les citoyens S.-G. Desmolin président, Mathias Boubée,
Joseph Molier, et Barthélémy Seignan, juges en exercice près le Tri-
bunal, lesquels ont signé la minute du présent jugement avec le gref-
fier (2).
Desmoulin président, Molié, Seignan juge,
Boudée juge, Lébé c. greffier.
Comme on le voit, dans tous ces actes il n'est aucunement
question du comte Jean-Marie de Barbotan. La raison en est
bien simple. Pour échapper à la justice révolutionnaire il
avait tenté de s'évader. Il sauta d'une fenêtre élevée de la
prison- de l'évêché et se blessa grièvement. Il mourut deux
heures après (3).
(1) 7 janvier 1794.
(2) Extrait du Registre des jugements rendus par le tribunal criminel du Gers.
Registre n' 3. Greffe du Tribunal d'Auch.
(3) Extrait des registres des décès de la ville d'Auch :
<f Aujourd'hui 14 août 1793 Tan second de la République Française à sept
heures du matin, pardevant moi J. Marie Davejan, membre du conseil général
de la commune et le 8 du courant a comparu devant moi : J. F. Rey, juge de
paix, lequel a déclaré à moi J. Davejan qu'ayant été instruit qu'un citoyen
— 396 —
L'arrêt rendu parle tribunal criminel du Gers fut loin de
satisfaire le représentant Dartigoeyté. Il ne se tint pas pour
battu ; comme la plupart de ses collègues des autres dèpar-
temenls, il ne savait guère se résoudre à abandonner ses vic-
times. Il en référa à la Convention. On trouve dans le Mont-
leur du 7 pluviôse an n (26 janvier 1794) la lettre quMl
écrivit à ce sujet, en voici un extrait :
Je dénonce à la Convention un acte contre-révolutionnaire, fait au
nom de la Loi. Barbotariy ci-devant député à l'Assemblée consti-
tuante, avait été déféré au Tribunal criminel du département du Gers;
il était accusé d'avoir entretenu des correspondances criminelles avec
les émigrés et les ennemis de la Patrie, Les lettres onginales ont été
produites; il en résulte que Barbotan et son fils entretenaient des cor-
respondances avec Barbotan leur fils et petit-fils, et avec un autre émi-
gré, et qu'ils leur avaient fait divers envois d'argent, un entre autres de
22,000 liv. au premier juin 1793, et qu'ils les excitaient à combattre
contre leur patrie. Trois jurés ont néanmoins prononcé qu'il n'était pas
constant que depuis le 26 mai, Barbotan eût entretenu des correspon-
dances criminelles avec les émigrés, ou qu'il leui* eût envoyé de l'ar-
gent. Les neuf autres jurés ont opiné dans le sens contraire; mais le
tribunal enchaîné par la loi n'a pu que prononcer la rMusion. Il est
important de réviser ce jugement si funeste pour la liberté, et qui
enhardirait les conspirations par Tespoir de l'impunité.
La Convention immédiatement discute Taffaire :
CiiARLiER (1). — Je demande que Barbotan soit traduit au tribunal
révolutionnaire de Paris.
s'éioit jette d'une fenêtre de la maison de réclusion du ci-devant ôvêohé, il
s'étoit transporté sur le lieu et y avoit rédigé le procès-verbal dont la teneur
suit :
» Extrait des Registres de la justice do paix de la cille d^Auch, section du
midi : Le citoyen Jean Marie Barbotan, âgé de 48 à 50 ans, habitant de Bar-
botan, décédé dans la maison de réclusion du ci-devant évéché à suite d'une
chute par une fenêtre de lad. maison, comme il est const^ité par notre procès-
verbal de ce jour. Ce 12 d'août à 3 h. après midi 1793. »
(Greffe du Tribunal civU. Etat civil 1793. p. 53,
(1) Charlicr ^Charles) avocat, né à Laon, député à l'Assemblée législative
et plus tard à la Convention. Il se montra ardent révoluUonnaire et partisan
des idées les plus avancées. Son esprit exalté lui fit faire plus d'une extrava-
gance; il se brûla la cervelle dans un accès de folie (1797).
— 397 —
MoNTAUT (1). — J'appuie cette propositioa, je suis d'un départe-
ment voisin de celui de Barbotan. Il est certain qu'il était un des chefs
de la conspiration de ce pays. Il a une fortune considérable et des
fiefs immenses, dont il s'est servi pour faire passer des secours aux
émigrés. Presque tous ses parents sont parmi nos ennemis à Texté-
rieur.
Merlin de Douay (2). — Il ne faut employer des moyens extraor-
dinaires que lorsqu'on a épuisé les moyens ordinaires. Il peut se trou-
ver dans le jugement des causes de cassation. Je demande le renvoi
des pièces au Comité de Sûreté Générale et de Législation.
Le renvoi est décrélé.
En ce temps-là, la justice était expéditive; le comité de la
sûreté générale eut bien vite examiné la question. Dubar-
ran (5) fut chargé de lire le rapport devant la Convention
présidée ce jour-là par Vadier. On le trouve en entier dans le
Moniteur du 14 pluviôse an ii.
Le rapporteur fit ressortir les charges plus ou moins graves
«
(1) Louis de Marlbon de Moniaut, né en 1754, au château de Montautprès
de Montréal. Mousquetaire du Roi et officier dans l'armée, il s'empressa de
quitter le service dès les premiers jours de la Révolution, dont il embrassa la
cause avec enthousiasme, bien que sa famille entière prit la défense de la
monarchie. Aussi fut-il successivement administrateur du district de Condom,
lieutenant-colonel de la garde nationale do cette ville, et enftn membre de l'As-
semblée législative et plus tard de la Convention pour représenter le départe-
ment du Gers. Dans le procès de Louis XVI, il vote la mort. Décrété d'accusa-
tion le IS germinal an 111, il fut amnistié en l'an IV. La loi du 12 janvier 1816
l'ayant contraint de quitter la France, il se réfugia en Suisse, où il demeura
jusqu'à la Révolution de juillet. Il revint alors en France, à sou château de
Montaut, où il mourut le 27 mai 1842.
(2) Merlin de Douay (Philippe-Antoine), né en 1754 à Arlenx dans le Cam-
brésis. Député aux Etats généraux pour le bailliage de Douai, il siégea à l'Assem-
blée constituante et à la Convention; après le 18 fructidor il fut un des cinq
directeurs. Sous l'Empire il jouit de la faveur de Napoléon, qui le fit comte.
\près les cent jours, il fut exilé et ne revint en France qu'en 1830. Il mourut
huit ans après.
(3) Barbeau Dubarran (Joseph-Nicolas), né au Barran près Castelnau-
d'Auzan (Gers), mort à BÀle (Suisse) en 1816. Membre de la Convention, il fit
partie en octobre 1793 du Comité de sûreté générale, et présida la Société des
Jacobins. Dans le procès de Louis XVI, il vote pour la mort du roi. Le 9 ther-
midor, il se prononça contre Robespierre. Prévenu d'être l'un des auteurs de
l'insurrection du 1" prairial an m, il fut condamné à la déportation et renfermé
au château de Ham. L'amnistie de brumaire lui rendit la liberté. Mais en 1816
il fut compris dans la loi de bannissement des régicides. Il mourut la même
année.
— 39a —
qiM pesaient sur BarbolàR et Nègre. Les lettres échangées
avec les émigrés figurent au dossier, le crime est donc avéré,
il faut de toute nécessité sévir contre les ennemis de la
République. Et non seulement on doit punir le maître, mais
encore le serviteur. Nègre est aussi coupable que son maître :
c'est lui qui portait à Bordeaux les lettres et l'argent qu'un
tiers, le citoyen Martel, faisait parvenir à Francfort. Lui aussi
a correspondu avec Barbotan, Juliac, Noé et les autres; de
plus, il blasphème contre la Liberté et « espère que les
choses changeront bientôt de face, et les fermiers de maî-
tres. »
Et Dubarran termina son rapport en proposant le décret
suivant, que la Convention accepta :
Art. I*"*. — Le Jugement prononcé le 18 nivôse par le Tribunal
criminel du Gers dans la cause des nommés Carris dit Barbotan, est
déclaré nul et non avenu.
Art. II. — La Convention nationale décrète que lesdits Barbotan .
et Nègre seront incessamment traduits au Tribunal Révolutionnaire
séant à Paris, à l'effet d'y être jugés sur les accusations intentées con-
tre eux.
Art. m. — La Convention charge Dartigoeyte, Représentant du
Peuple, de doimer les ordres nécessaires, soit pour la prompte trans-
lation des accusés, soit pour l'apport des pièces de conviction, les-
quelles devront être adressées à l'accusateur public.
Art. IV. — Le présent décret sera expédié sur le champ, et envoyé
au ministre de la justice pour qu'il le transmette sans délai au repré-
sentant du Peuple.
Aussitôt le Journal du département du Gers publia les
lignes suivantes :
On sait que le département avoit dénoncé au tiibunal criminel les
nommés Carris dit Barbotan (1), et Nègre son agent, le premier pour
avoir envoyé des sommes considérables à un émigré armé contre la
République; Tauli^e pour avoir porté ces sommes à un négociant de
(l) Cette désiguatiou est erronée : le titre de Barbotan était plus ancien dans
la famille que celui de Carriiz et il tenait lieu de nom patronymique.
— 390» —
Bordeaux qui les fit passer à leur destinatton ; et l'on soit oepetidani
que ces deux contre-révolutionnaires furent acquittés dans la session
du mois dernier, parce que le juré déclara que Barbotan avait bien écrit
le premier juin 1792 à un émigré pour lui annoncer l'envoi d'argent,
mais qu'il n'avait pas pour cela voulu favoriser les projets hostiles des
émigrés.
Le représentant Dartigoeyte était présent à l'instruction de cette
affaire; il trouva assez singulier que l'on jugea un crime de lèse- nation
comme une injure particulière; qu'on mit en question, si un français
qui envoyait de l'argent à un émigré armé contre la République, à
intention de nuire à la République, comme si on mettoit en question si
l'auteur d'un assassinat l'a commis avec l'intention de le commettre.
Aussi Dartigoeyte dénonça-t-il à la Convention la déclaration du juré.
Dans les départements, à la Convention^ par tout, les montagnards
ont les mêmes principes, ils tendent au même but, et par les mêmes
moyens, ils veulent écraser la révolution en écrasant ses ennemis.
Dubarran, qui fut procureur général sindic du déparlement, son député
à la Convention, fit un excellent rapport sur cette affaire; et la Conven-
tion, en cassant le jugement du tribunal criminel du Gers, ordonna la
traduction de Barbotan et Nègre devant le Tribunal Révolutionnaire.
Dartigoeyte chargé de l'exécution de ce décret, l'a confié au départe-
ment. Les deux prévenus sont actuellement sur la route de Paris.
Ainsi parlait le Journal du département du Gers, le
29 pluviôse an n. Quelques jours après, le comte de Barbo-
tan et Nègre comparaissaient devant le sanglant tribunal. Us
furent condamnés à mort. Peu après on pouvait lire, dans
le Moniteur, les lignes suivantes, a^xompagnèes de bien d'au-
tres dans le même sens :
Clair Joseph Carris dit Barbotan âgé de 75 ans, demeurant à Bon-
nais (Mormès) département du Gers, ex-comte, député à l'Assemblée
Constituante, cen vaincu d'avoir eu des intelligences avec les ennemis
extérieurs de la République, spécialement avec les émigrés, tendantes
à favoriser le succès de leurs armes contre la Patrie, en leur faisant
passer à cet effet des secours en argent et notamment une somme de
35 raille liv. d'une part, et celle de 2 mille 9 cent liv. d'une autre et
et différentes sommes particulières.
Et Joseph Nègre âgé de 61 ans, natif de Lavasga (Lavardac),
département de Lot-et-Garonne, fermier de Juliac, l'un des émigrés
— 400 —
avec lequel Barbotan correspondait, convaincu d'être complice des
intelligences dont il s'agit, ont été condamnés à la peine de mort.
L'exécution suivait de près le jugement, et le 11 germinal
an II (31 mars 1794) les deux infortunés montèrent sur
réchafaud^ ou les avaient précédés tant d'illustres victimes.
Charles PALANQUE.
NOTES DIVERSES.
CCXLVIIl. Le carflinal de Polignae et Saint-Simon.
L*admirable éditeur des Mémoires du duc de Saint-Simon dans la col-
lection des Grands ècrioains de la France^ M. A. de Boisllsle, a publié,
ces jours derniers (Annuaire-Bulletin de la Société de l'Histoire de
France. Documents et notices historiques^ p. 239 et suiv), une série de
curieuses lettres inédites du plus spirituel des chroniqueurs adressées à son
ami le cardinal Gualterio. D'une de ces lettres (23 juillet 1754) j'extrais
(p. 254) quelques lignes relatives à l'illustre archevêque d'Auch, lignes que
l'on aimera certainement à rapprocher des vigoureuses pages consacrées à
ce prélat dans le tome iv des Mémoires (p. 346-347),
« Je ne doute pas que le cardinal de Polignae, qui est très conûant, très
estourdi, et qui a d'ailleurs toute l'éloquence, toute la superficie des sciences
et des histoires, toute la mémoire, tout l'entregent, toutes les grâces et tous
les talents de les faire valoir, ne se promette de gouverner un pape de ce
caractère et de tirer grand parti, les uns par les autres, de tout ce qui l'en-
vironnera (1). Il est de toutes couleurs, tout à tous, prend toutes les formes,
a des raisons pour les contradictoires, paye d'effronterie avec un air doux
et modeste, a l'art de faire entendre tout ce qu'il ignore le crémier, avec
une complaisance naturelle et universelle qui ne luy couste rien. Les ami-
tiés, les services, les engagements, les promesses ne lui cousteront pas plus,
mais aussy ne le retiendront et ne le contraindront pas davantage. En un
mot, c'est la plus charmante écorce qui soit au monde, et la plus à souhait;
mais n'en demandés rien au delà, (/est uir enchanteur; mais il ne sera pas
dit de luy comme dans le Psaume ; Vox incantantis sapienter. Je plains
Y. £. de se trouver avec un tel ouvrier, avec qui jamais de confiance à
S rendre, et dont tout est séducteur. Elle aura besoin de toute sa sagesse et
e toute sa prudence, et, à la longue, cela est bîen pesant à chaque pas. Il
n'a conservé d'amis que ceux de pur commerce, parce que le sien est déli-
cieux et que qui ne va pas plus avant luy en passe toutes les irrégularités ;
mais d'amis importants, d'amis q^ui l'ont protégé, secouru, avancé, servi
d'une manière essentielle, aucun, ou par désertion quand il n'en a plus eu
besoin, ou par leur avoir fait du mal quand il a cru qxie cela luy feroit du
bien. Malgré un extérieur et des préludes si accomplis, je doute qu'il soit
long temps à faire des duppes; mais, comme nous le sommes en France au
delà de toute expression, pcut-estre y sera-t-on les siennes tout du long.
Voilà ce que je croy devoir dire à V. E. dans la dernière conflence, puis-
qu'elle a à vivre avec luy, et par conséquent à s'en garder jusque dans les
choses les plus indifférentes. »
Le portrait est de main de maître, comme on le voit, mais je n'en garan-
tis pas la parfaite ressemblance. T. de L.
(1) M. de Boislisle rappelle (en note, sous ce passage) que notre cardinal avait
été envoyé comme cbarêé des affaires de France à Home, où il prit part aux
élections d'Innocent Xlll, de Benoit XIII et de Clément X H, et parvint à ter-
miner répincuse et grosse aJXaire de la bulle Unlgenitus,
L'ABBAYE DE FLARAN
II
PARTIE HISTORIQUE (Suite'')
XIV SIÈCLE
Nous ne savons malheureusement que très peu de chose
sur le rôle joué par Tabbaye pendant Finvasion anglaise,
el, au XIV* siècle, dans les années de trêve entre les deux
grandes nations, pendant la lutte mémorable des comtes de
Foix et d'Armagnac. Sise dans les domaines de ces derniers,
bien que sur les limites extrêmes de leur comté et du Con-
domois, elle dut, en tant que pouvoir civil et féodal, suivre
la fortune diverse de ses puissants suzerains. Son nom n'est
que rarement indiqué dans les chartes de Fépoque. En revan-
che nous voyons apparaître, dès ce moment, celui de la ville
de Valence, construite, ainsi que nous Tavons dit, en partie
par elle, et dont la seigneurie appartenait à ses abbés. Elle
dut par conséquent partager presque toujours le sort de la
nouvelle bastide (1).
Valence, ainsi que le Saint-Puy, La Sauvetat, Condom,
(*) Voir ci-dessus, livraison de mai, p. 221.
(1) Un document tout nouveau, que nous devons à l'obligeance bien connue
de notre zélé archiviste» M. Paul Parfouru^ est venu trancher définitivement
cette question, jusqu'ici un peu obscure, des origines de Valence-sur-Baîse. 11
confirmé^ tout en le rectifiant dans une certaine mesure, ce que nous avons
précédemment dit à cet égard. Il ressort, en effet, d'une requête du receveur-
général des domaines au bureau des finances de la Généralité d'Auch, à la date
du 26 février 1773 (Archives départementales du Gers, C. 472), tendant à ce que
l'abbé de Flaran ne puisse percevoir dans le territoire de Valence que les droits
— 402 —
Montréal, fut réunie en 1515 à la couronne d'Angleterre,
qui la posséda jusqu'en 1524; mais à celte époque, elle
secoua, comme les principales villes de la Gascogne, le joug
étranger et elle ouvrit ses portes au comte de Valois.
En même temps, et dans un tout autre ordre d'idées, Jean XII
érigeait, le 15 août 1517, Tabbaye de Condt)m en évêché en
faveur de Raymond de Galard. Ce fait apporta un très grand
trouble dans les églises et les couvents de la Gascogne, dont
certains furent incorporés dans le nouveau diocèse. Bien
qu'à huit kilomètres de Condom, Tabbaye de Flaran ne
cessa toutefois d'appartenir au diocèse d'Âuch.
Elle était alors gouvernée par un abbé qui porta à son apo-
gée sa puissance et son influence (1), Bernard de Ville, plus
tard évêque de Bayonne. Ce personnage joua un rôle con-
sidérable dans tous les faits importants de cette époque.
Nous le retrouvons à chaque page de l'histoire de la Gascogne.
Ainsi, en 1515, il assista au Concile provincial tenu à Nogaro,
au sujet de la création du nouvel évéché de Gondom (2).
seigneuriaux qui lui sont reconnus par les contrats antérieurs, que le syndic de
la communauté de Valence « produisit dans le cours de l'instance les Coutu-
mes du lieu de Valence, accordées aux habitants en Vannée 1276 par Géraud,
comte d'ArmagnaCy et Gilibert, abbé de Flaran, et recendiqua l'exécution du
parédge/ait entre ces deux seigneurs »; puis « que le Roi de France /ut plus
tard subrogé aux droits du comte d'Armagnac, d
D'où il résulte qu'un contrat de paréage fut passé dans la dernière moitié du
XIII' siècle entre Géraud V, comte d'Armagnac, et Gilbert, abbé de Flaran, pour
la fondation définitive de Valence, et que ces deux personnages, et non le séné-
chal de Gascogne, octroyèrent tk cette ville, en l'année 1272, des Coutumes, dont
le texte, comme celui du contrat, ont sans doute à tout jamais disparu.
(1) Voici le passage de D. Estiennot qui le concerne : « Anao mcccviii,
Bernardus de Villa, abbas Sanctse Mahœ de Flarano, fecit pacem et oon-
cordiam inter dominum Bernardum episcopum Adurensem et Aymonem abba-
tem Sancti Antonii Viennensis super hospitali de Balazuno, ordinis Sancti
Antonii Viennensis, ex archiviis domini episcopi adurensis. Hic abbas postea
factus est Episcopus Bayonnensis, anno circiter mcccxii. Ex. mss. Cod. Ta-
bularii Ep. Adurensis et Aginnensis. » — Dom Estiennot. Probationes. Mss.
fonds latin. N. 12752, p. 451 et suiv.
(2) Cartulaire d'Auch. — Voir aussi Dom Brugèles. Voici le passage que lui
consacre à ce sujet le Gallia Christiana, tome 1, col. 1315 : « Bernardum de
Villa, catalogis onmibus inscriptum legimus, assignatis pro ipsius episcopatus
tempore annis 13X5 et 1316. Addunt docti Fr. Sammarthani Ipsum electum et
confinuatum nuncupari in actis concilii provincialis Ausciensis apud Nugaro-
— 403 —
Quatre ans auparavant, le 5 décembre 1511, il avait obtenu
que Raymond Bernard de Gelas, un des plus puissants sei-
gneurs du pays, léguât, dans son troisième et dernier testa-
ment, cinq sols morlas aux religieux de Flaran. Dans son
testament, du 12 janvier 1525, le fils de Raymond Bernard,
noble Arnaud Guillaume de Gelas, seigneur de Bonas et de
Rozës, dispose de la même somme en faveur des mêmes reli-
gieux (1).
Huit ans après, Bernard de Ville est témoin de Thom-
mage que Garbonnel de Luppé rend à Jean, comte d'Arma-
gnac (2),
Le 21 mai 1521, Tabbé de Flaran assiste au contrat de
mariage passé entre Bernard-Ezi d'Albret, fils aîné d'Ama-
nieu d'Albret, et Mathe d'Armagnac, sœur du comte Jean. Ce
mémorable événement, qui agrandit considérablement la for-
tune des sires d'Albret, se passa à Gondom, en présence des
plus grands seigneurs de la Gascogne, les Barbazan, les Ver-
duzan, les Labarthe, les Pardaillan, etc. (5).
Enfin, le 25 mai 1552, le pape Jean XII correspond direc-
tement avec l'abbaye de Flaran. Il envoie à son abbé B.,
ainsi désigné par le Gallia à celte date, mais qui n'est autre
que Bernard de Ville, une lettre très importante, par laquelle
il constitue une commission d'enquête formée de l'abbé de Flaran, de
Berald de Serres, prieur de Saint-Caprais d'Agen, et de l'official
d'Agen, qui devra examiner l'acte en vertu duquel Guillaume, évoque
de Bethléem [cède, moyennant une rente emphytéotique de trente flo-
rins d'or, les possessions de l'élise de Bethléem], situées à La Sau-
vetat et à Biasalem, diocèse de Gondom, et Thospicede la Peyronnelle,
lium in Armaniaco habiti anno 1316. Ceterum acta concilii hujus ignoramus,
uti et Marsiacensis, quod ab episcopis ausciensis provinoiœ celebratum fuisse
anno 1320, mense Decembri, aiunt. Bemardus vero Villanus non amplius
sedebat hoc anno, si constent quse de Petro ipsius successore legimus. »
(1) Cartulaire de Gelas. Bibl. Mazarine.
(2) Monlezun» Histoire de la Gascogne^ t. vi, p. 483.
(3) Collection Doat. Voir aussi l'article de M. Denis de Tbézan sur Valence-
sur- Baîse. Recwe de Gascogne^ t. xi.
— 404 —
diocèse de Lectoure, à la prieure et aux religieuses de Pontrert ou
Prouillan (1), diocèse de Condora (2).
Dom Brugëles cite, à la date âe 1348^ un certain Géracd
DE SoROBEYROUSE, commc abbé de Flaran. Nous n'avons trouvé
à son sujet aucun document.
Nous n'en avons pas davantage sur un certain abbé Ber-
nard, que Dom Estiennol mentionne vers cette époque en
ces termes : « Bemardm curam habet cœnobii Flaranensis
anno mcgclxh et aliis ».
Il ne nous a pas été possible non plus, à part quelques
rares documents que nous indiquerons, de combler d'une
façon satisfaisante la vaste lacune que nous avons à consta-
ter ici, pendant plus de cent ans, jusque vers la fin du xv* siè-
cle. Tout a disparu, brûlé en grande partie en 1569 par les
troupes huguenotes. M. le marquis de Galard affirme qu'après
Géraud de Sorobeyrouse « les religieux de Flaran ne s'enten-
dirent pas pour lui nommer un successeur et que le couvent
demeura sans abbé jusqu'en 1484 » • Sur quoi base-t-il cette
assertion ? Le GaUia et Dom Brugèles, il est vrai, se taisent
sur ce long laps de temps. Mais faut-il conclure de leur
silence que le couvent n'eut point d'abbé? Nous le croyons
d'autant moins que nous verrons dans les comptes consu-
laires de Montréal qu'il en existait un en 1411. Son nom,
ainsi que ceux de ses devanciers et de ses successeurs, ne
nous a malheureusement pas été conservé.
Lorsqu'en 1340, la guerre entre la France et l'Angleterre
s'alluma de nouveau, Edouard III écrivit à toutes les villes et
communautés de Gascogne qu'elles eussent à reconnaître sa
(1) Le monastère de Poutvert ou Prouillan était, avant la Révolution qui en
ferma les portes, un couvent de Dominicaines, n avait été fondé en 1280 par
Diane de Gontaut. Il était situé au sud-est de Condom, sur les bords de la
Gèle, à 500 mètres à peine de cette ville. On y voit encore les restes assez bien
conservés d'un grand portail qui date du xvii* siècle.
(2) Rome, Archives du Vatican. Johannes XXII, Reg. C. m, ep. 1549. Voir
à ce sujet le très remarquable article du comte Riant sur Us possessions de
l'église de Bethléem en Gascogne. Reçue de Gascogne, t. xxviii, p. 111 et 116.
— 405 —
souveraineté^ leur promettant en échange de respecter leurs
franchises et leurs libertés. Valence, Condom, Montréal, le
Saint-Puy, Fleurance, etc., reçurent communication de cet
acte (i). Mais, pour ne parler que de la première de ces villes.
Valence ne tint aucun compte des prétentions du roi anglais
et elle resta dévouée à la cause française sous le commande*
ment d'un puissant seigneur voisin, Manaut de Lasseran,
seigneur de Massencômc. Sa fidélité au roi de France, à Tar-
chevéque d'Âuch et au vaillant comte d'Armagnac, qui tous
deux en ces temps si troublés combattirent toujours pour
lui, fut mal recompensée; car, en 1577, la garnison anglaise
de Lourdes, conduite par Pierre de Galard, s'empara par
surprise de ta ville de Valence, la pilla et Fincendia en partie.
Ses habitants ne durent leur salut qu'à une forte rançon, qu'ils
payèrent de concert avec Jean II, le nouveau comte d'Arma-
gnac (2). Qu'advint-il de l'abbaye de Flaran, en cette cir-
constance? Fut-elle, comme la ville voisine, saccagée par les
troupes anglaises? Son caractère sacré, au contraire, arrèta-
t-il la fureur de l'ennemi? Cette dernière hypothèse est peu
admissible, au moins si nous en croyons Dom Estiennot,
qui écrivait ses Antiquiiés bénédictines de Gascogne en 1680,
et qui nous dit à cet égard (3) : « Sub Angliœ reyibm duci-
busqué Afpiilaniœ, dura pertulil tamen hœc domus de Fia-
rano in betlis Francos into* Anglosque saspius recrudescent
abus. »
XV* SIÈCLE
Pendant le xiv^ siècle, les abbayes bénédictines fondées
en Gascogne sont encore prospères. Elles se maintiennent
comme au plus beau temps de leur épanouissement. Les
libéralités, il est vrai, commencent à diminuer. Les donations
(1) Rymer.
(2) CoU Doat, Rymer, Monlezun, etc.
(3) Dom Estiennot, fonds latin. N* 12,752, fol. 188.
Tome XXX. 27
1
— 406 —
se font plus rares. Mais les actes d'acquisilion sont encore
nombreux. Les ventes n'ont pas fait leur apparition.
Avec le xv* siècle, au contraire, la décadence arrive rapi-
dement. L'extension progressive des vastes domaines monas-
tiques devait amener, avec la fortune et la puissance, le luxe
et Toisivetè. Individuellement, il est vrai, le moine bënédictia
ne possède rien, mais la communauté peat rivaliser d'ai-
sance avec les plus grands seigneurs. Toutes les construc-
tions bâties à cette époque en font foi. Le cloître affecte une
suprême élégance, la sacristie regorge d'objets de valeur,
l'hôtellerie, la cave, le grenier sont pleins de provisions et
ouverts à tout venant. Les moines ne se livrent plus à aucun
travail manuel. Ils donnent toutes leurs terres en affermes,
et se contentent d'en toucher les gros revenus. Souvent
même les abbés prennent les armes, luttent avec leurs suze-
rains, ou dans des missions diplomatiques, à la cour des
Papes et des Rois, étalent un luxe fastueux. Que sont deve-
nus les principes d'humilité et de pauvreté imposés jadis
par saint Bernard? Sous quelle voûte bénédictine inconnue
s'est conservée la ferveur antique, l'ardente foi religieuse des
premiers temps? LaCommende enfin, cette plaie terrible de
l'ordre bénédictin au xv^ siècle, vient lui donner le dernier
coup.
L'abbaye de Flaran ne fut pas plus épargnée que les
autres abbayes cisterciennes. Elle conserve encore au xv* siè-
cle tous ses domaines; mais elle n'en acquiert plus. Libre,
indépendante, elle cesse tous rapports avec la maison-mère
de l'Escale-Dieu ; à peine en garde-t-elle avec Morimond; et
encore pour des besoins urgents.
Nous ne trouvons, durant cette première moitié du
xv*" siècle, que des actes assez insignifiants concernant l'ab-
baye de Flaran. Dans les comptes consulaires de Montréal,
et aux rôles de l'année liil, nous lisons toutefois sous la
rubrique c Aquesta eê la despensa feyta par Guiraud de
— 407 —
Lanavùf cosseUi de la hUa de Mont tteyau, en Van mcccgxi » ,
et à Tarlicle xxvi de ces dépenses : « Item bengo rabat de Fta-
ran, lo xviii de gier, fem lo présent deu quau paget V*. »
Quel était ce présent? Sans doute qaelque redevance féodale.
Bien que Pacte ne nous donne pas le nom de cet abbé, il
nous apprend du moins qu'en l'année 1411, l'abbaye de
Fiaran n'en était pas dépourvue.
Ces mêmes rôles consulaires nous disent également qu'à
cette époque, l'abbaye de Fiaran possédait, dans la juridic-
tion de Montréal, plusieurs biens et droits seigneuriaux :
•
Aquesta es la collecta de la bessiau donada a lebar a Joban de
Lalana, cosselh de Mot Reyau et collector de la carrera de Sent Jas-
mes, que sen seu :
De 1411 à 1448 (pour Tabbaye de Fiaran), la Mayson de Gaodun.
— III sois morl, — (1).
Nous pouvons présumer de ce passage, ainsi que d'un acte
de 1748, d'après lequel « Monsieur de Balarin tient une
pièce de terre appelée àGaudun, dont il doit ce fief au monas-
tère de Fiaran (2), » comme nous le verrons à cette époque,
que cette maison de Gaudun était une grange, possédée déjà
au XV* siècle par l'abbaye de Fiaran.
Parmi les moines de haute naissance qui vinrent en ces
temps-là s'abriter sous les cloîtres de Fiaran, citons un
Pierre de Castillon, vivant en 1440, et vénérable père Guil-
laume de Ruppibus (S), signataires tous deux en 1456 de
contrats importants.
Les documents nous font défaut pour la ville de Valence,
autant que pour l'abbaye de Fiaran, en cette première moi-
ci) Gaudun est une ancienne paroisse de la juridiction de Montréal, dédiée à
saint Jean.— Nous devons à M. Tabbé BreuUs, curé de Gazeneuve, (Gers), cette
intéressante communication. Qu'il veuille bien agréer ici nos remerciments.
(2) Archives du château de Malliac, à M. H. de Moncade.
(3) Ce Guillaume estriX le même que celui qui, sans aucun commentaire du
reste, est signalé par Dom Estiennot comme abbé de Fiaran, en 1420 : « Guil^
lelmujB memorcUur abbas, anno mccccxx »?
— 408 —
tié du XV" siècle. On sait cependant que Charles VII flt pro-
noncer par le Parlement de Paris la confiscation du comté
d'Armagnac au profit de la couronne, el que dès 1461,
Louis XI rendit ses biens à Jean V d'Ârmagnac. Mais il
les lui reprit bientôt, à la suite de la lutte terrible qui s'enga-
gea entre ces deux princes, et qui finit, en 1472, par le sac
de Lectoure et la mort tragique du dernier comte d'Arma-
gnac. La seigneurie de Valence, et avec elle presque tout le
Fezensac, furent donnés, par lettres patentes de juin 1472
au sire du Bouchage. Peu de temps après ils revinrent à tout
jamais à la couronne.
En même temps, étaient rendues par Charles VIII à Chartes
d'Armagnac, frère du malheureux Jean V, détenu dans les
prisons royales, la liberté et une partie des domaines de
son frère. Ce prince vint en prendre possession en 1484.
Son entrée à Auch fut des plus solennelles. Tous ceux qui
par la reconnaissance étaient attachés à la maison d'Arma-
gnac, tinrent à honneur de l'assister en cette circonstance.
Au nombre des premiers, nous voyons Tabbé de Flaran, Jean
DE MoNLEZUN, dc l'iUuslre maison des comtes de Pardiac.
Cet abbé joua à celte époque un rôle signalé dans l'his-
toire politique du pays. Il fut désigné par les Etats d'Arma-
gnac pour être envoyé comme député du clergé aux Etats-
Généraux de Tours. Les comptes consulaires de Riscle sont
formels à cet égard : Le juge d'appel, député du Tiers-Etal,
i abe presa carga de anar en la companhia de Mosenh
l'abat de Flaran et de mosenh de Montant en enbaysada
deberl nostra senhor lo rey, etc. (1). » Cette citation, jointe
à plusieurs autres, comble la lacune du journal de Masse-
lin (2), qui, à propos des députés de la sénéchaussée d'Ar-
(1) Comptes consulaires do la cille de Riscle» publiés par MM. Parfouru ei
J. de Carsalade du Pont. Fascicule xu' des Archives historiques de Gascogne,
page 289« et aussi 282 et 291.
(2) Journal des Etats de Biais en 1484, {Collection de documents pour scr-
cir à V histoire de France.)
— 409 —
magnac, dit : « Un prévôt et d'autres députés dont je n'ai
pu connaître les noms »; et de ceux du pays de Fezensac :
a Clergé N. ; Noblesse : le seigneur de Montant; Tiers-Etal :
M* Mathieu Molinerii » (1). Le député du clergé aux Etals-
Généraux de Tours pour la sénéchaussée d'Armagnac, qui
comprenait alors entre autres pays le duché de Fezensac,
fut donc, en 1484, Jean de Monlezun, abbé de Flaran.
Cet abbé, qui fut, croyons-nous, le premier commenda-
taire de ce monastère, mourut peu de temps après à l'ab-
baye même, dans un âge fort avancé.
Bernard de Vicmont {Vico- Monte) lui succéda. Il est
déclaré bachelier es décrets dans des actes de Pierre, évéque de
Lecloure, en 1485 (2). Cet évêque était Pierre d'Abzac de
Ladouze, déjà évéque de Rieux, qui, nommé à Tévèché de Lec-
loure par le pape Clément VIIl, eut à lutter, pour prendre
possession de son siège, contre les prétentions de Bernard de
Roquelaure, abbé de Bouillas, que le chapitre avait nornmé.
L'abbé de Flaran est souvent cité dans les divers actes de
procédure qui accompagnèrent ces contestations : il appuyait
naturellement le choix de son collègue. Néanmoins Pierre
d'Abzac l'emporta et fit son entrée solennelle à Lectoure le
o août 1487 (3). Bernard de Vicmont entreprit d'impor-
tants travaux au monastère de Flaran. Reslaura-l-il l'église,
ou bien une partie des cloîtres? Leur caractère, ainsi qu'il a
été dit dans la partie descriptive de cette monographie, les
fait remonter à une époque déjà bien antérieure.
Son remplaçant sur le siège abbatial de Flaran fut un
certain ANTorNE de Bois Redon {de Bosco- Rolundo, dit le Gai-
lia), qui vivait en 1495. Il assista l'abbé de Gimont, Aymeric
de Bidos, lors de la consécration de la célèbre chapelle de
Notre-Dame de Cahuzac.
([) Voir aussi noire brochure : Los Députés du département de Lot^t-Garonno
atuo anciens Etats-Généraux et aux Assemblées modernes (Agcn, 1876>, p. 10.
(2; GalUa Christiana, i, i.
(3) Monlezun, Histoire de la Gascogne, t. v, p. 195.
— 410 —
XVI" SIÈCLE
Avec le xvi siècle, nous reprenons, sans discontînoatioD
aucune jusqu'à la Révolution, la liste des abbès de Flaran.
Les documents abondent à partir de ce moment. Nous ne
résumerons que les plus importants.
Les archives du pays d'Âgenais nous donnent en 1532 le
nom d'un abbé de Flaran inconnu de Dom Bragèles comme
du GcUlia Christiana. Pons de Beinac, abbé de Flaran, prolo-
notaire apostolique et doyen du doyenné de Moirax, assiste,
en effet, le 5 juin 1552, aux pactes de mariage d'Arnaud
de Cruzi, seigneur de Fauroux, conclus au château de Ceze-
raCj, juridiction de Tournon (1).
Après lui, Pons I d'Aspremont commença à Flaran la
série d'abbés de ce nom qui jeta un lustre tout particulier sur
l'histoire de l'abbaye. De la grande race des comtes d'As-
premont en Béarn, Pons I appartenait à la même famille que
ce terrible vicomte d'Orlhe, Adrien d'Aspremont, dont la
prétendue réponse à Charles IX, au sujet du massacre de la
Saint-Barthélémy, a été de nos jours déflnitivement éliminée
de l'histoire (2). Désigné par le Gallia comme abbé de Flaran
en 1559, il eut avec l'héritière de Jean de Pardeillan, qui avait
légué à l'abbaye quelques terres avoisinantes, de violents
débats à ce sujet, lesquels ne s'apaisèrent que par l'entremise
de l'abbé de Simorre et du seigneur de Massencôme.
Pierre d'Aspremont succéda à Pons I en 1551. Il eut,
nous dit M. le marquis de Galard, en même temps que le
gouvernement de Flaran celui de l'abbaye de Berdoues « dont
l'abbé cooimenda taire, Jean de Bazillac, conseiller au Parle-
ment de Toulouse, l'avait chargé. Quoique séculier, ce Jean
(1) Archives du château de Laplague (Gers). Cartous et notes de feu M. le con-
seiller Paul Laplagne-Barrïs.
(2) Voir les articles de M. Tamizey de Larroque, dans la /?. des Questiofi^
historiques, ii, 293, et dans la ^pue de Gascoyne, xxni, 753.
— 411 —
de Bazillac possédait aussi les abbayes de rEsca1e*Dieu et de
SaïQt-Sever de Rustan (1). Dans la liste des défaillants ou
absents à la monstre du ban et arrière-ban d'Armagnac^ faite
à Mauvezin le 2 mars 1555> nous voyons figurer parmi les
gens d'église et à côté des abbés de Bouilias, de Simorre et
de Lacase Dieu, « M. Tabbé de Flaran (2). •
Pons II d'Aspremont, troisième de cette famille, le remplaça
sur le siège abbatial de Flaran, Tannée suivante, en 1556.
De trop graves événements surgirent à celle époque, pour
que nous ne nous arrêtions pas plus longtemps sur les prin-
cipaux actes qui signalèrent le gouvernement de cet abbé.
Noble frère Pons d'Aspremout était déjà religieux de Fab-
baye deClairac, en Agenais, quand son parent Pierre d'Aspre-
mont, alors abbé, le manda auprès de lui à Flaran (3). A sa
mort, il obtint facilement la Commende de Tabbaye. Le
26 mars 1565^ Jeanne d'Albret, reine de Navarre et comtesse
d'Armagnac, « acheta les seigneuries de Valence, Calyan et
de Goûts s appartenant à Tabbé de Flaran, à Févéque d'Auch
et au commandeur de Goûts, en conséquence de l'édit du
Roy Charles neufviesme, par lequel il ordonnait la vente des
biens d'église jusqu'à la valeur de cent mille escus de rente ».
De cet acte fort important, mais malheureusement trop long
pour que nous puissions le reproduire ici in extenso, nous ne
donnerons que les passages relatifs à l'abbaye qui nous
occupe (4).
Le Roi a besoin d'entretenir ses soldats et les troupes
étrangères, Suisses, Allemands, reitres, etc. Le temporel des
évéché de Lectoure et archevêché d'Auch est fixé pour la
vente à la somme de 2,700 escus sols de rente, dont Lec-
toure pour 2(K) escus, et Auch pour 2,500. Aussi est-il
ordonné au sénéchal d'Armagnac de faire procéder au plus
(1) Reçue (V Aquitaine t t. v-
(2) Monlezun, t. vi, p. 174.
(3) Etude du Notariat de Valence. Keg. Dupont, 1558.
(4) Collection Doat. Bibl. nat. de Paris. Mss. toI. 137, p. 312-361.
— 412 —
vite à la vente desdils biens par voie d'enchères et d'adjudi-
cation. Sur la convocation de M* Pierre Vacquier, lieutenant
principal en la sénéchaussée d'Ârmagnac, se présentèrent
Guillaume Ranse^ secrétaire, et Bertrand de Lavalade, procu-
reur général au duché d'Albret, au nom de la reine de Navarre,
duchesse d'Albret et comtesse d'Armagnac. Us déclarèrent :
•
Que ladite Dame Reine vouloit et entendoit acquérir le droict que
Tabbé de Flaran prétend avoir et luy appartenir en la justice de Valence
en Armagnac et juridictiou d'icelle, avec les fiefs, lods et ventes et
autres droicts et devoirs seigneuriaux qu'il prend et a accouslumé
prendre audit lieu et juridiction d'icelle; ensemble les fiefs que le
sacre stain des religieux de l'abbaie de Flaran a accoustumé prendre
en la juridiction dudit Vallence; ce qui a esté enchéry à la somme de
cinq cens livres.
Et de même pour la justice des lieux de Calyan (i) et de
Goûts.
Là-dessus il fut ordonné que lesdites seigneuries seraient
mises aux enchères et adjugées le 15 janvier 1565
En la court de Monsieur le Sénéchal d*Armagnac, à Leytoure. —
Ce jour là, se s^eroit présenté M® Remond Despés, conservateur pour
ladite dame Reyne de Navarre du domaine d'Armagnac, qui auroit
percisté auxdites enchères, montant en une et universelle somme
de mil huit cens cinquante livres tournois, et pour autant que autre
ne se seroit présenté pour plus enchérir, lesdites seigneuries, droicts et
devoirs susdits par Texlinction du feu de ladite chandelle scroieni
demeurés, et adjudication en auroit esté faite en l'honneur de ladite
Dame Reine pour la somme de 1850 livres tournois h savoir la
somme de 1850 livres tournois en cscus sols i\ cinquante sols pièce ;
1000 livres tournois pour la vente et adjudication à elle faites du
droit que Tabbé de Flaran prétend avoir et lui appartenir en la justice
et juridiction, avec les fiefs, los et ventes et autres droits seigneuriaux
qu'il prend audit lieu, ensemble les fiefs que le sacrestain des religieux
de Tabbaie de Flaran prend en la juridiction do Valence et pour
lesdites seigneuries de Calyan et de Goûts, pour 850 livres, etc.
(1) Le fief de Calllan^ qui appartenait à rarchevéque d'Auch, est acluellemcni
dans Tarrondissement d'Auch, cantou de Vio-Fezensac.
— 413 —
Soit le procès- verbal d'adjudication fait à ladite Dame
Reine par Pierre Vacquié, lieutenant principal en la séné-
chaussée d'Armagnac, de la justice que Tabbé de Flaran
tienl en parcage avec ladite dame Reine en la ville de
Valence, avec les fiefs, lods et ventes et autres droits seigneu-
riaux, appartenant audit abbé en ladite ville de Valence.
Idem pour les deux autres seigneuries.
Et le 27 janvier 1563, nous nous sommes acheminés en ladite ville
de Valence, pour mettre ledit Reimond Despés, conservateur dudit
Armagnac, en possession, au nom de ladite Dame, en ladite seigneurie :
et en présence des Consuls et notables habitans de Valence, l'avons
mis en possession de lad. seigneurie, droits, etc. Les clefs de Valence
ont été remises audit Despés, lesdits habitans le suppliant de conserver
leurs libertés, franchises et privilèges et les armoiries de ladite
Dame Reine furent mises à une des portes de la ville : et avons fait
deffense auxdits habitans et abbé et sacrestain de troubler ou empescher
ladite dame en la jouissance et possession desdits biens à peine
d'amendes, etc.
Cette vente de la seigneurie de Valence avait été faite sous
faculté de rachat. L'abbé de Flaran ne tarda pas à user du
droit quMI s'était réservé; et deux ans après, le 9 juillet 1565,
il rachetait à la même reine de Navarre les mêmes droits
seigneuriaux sur la ville de Valence, pour la somme égale à
celle de leur aliénation (1).
En 1569 Tabbaye de Flaran fut dévastée et incendiée par
les hordes de Mongonmery; désastre immense dont elle
faillit ne pas se relever. On connaît les ravages qu'exerça
celte année là en Gascogne le terrible chef des religion-
naires, et comment les dissensions qui s'élevèrent entre les
chefs de l'armée catholique, Terride, Damville et Monluc,
facilitèrent au lieutenant de Jeanne d'Albret ses projets de
revanche, de rapine et de meurtre. On sait qu'après le
fait d'armes de Navarrens et la prise sanglante d'Orthez,
(1) Dom Brugèles, Chroniques eccléa. du diocèse d'Auch.
— 4U —
en aAûl 1569j^ Moogonmery se trouva maître du Bèarn,
et qu'ayant la route libre de tous côtès^ il envahit la Bigorre
et sema partout la ruine et la désolation. C'est en sep-
tembre qu'il vint brûler Tabbaye de L' Escale-Dieu^ déjà
fortement endommagée par la compagnie du sieur Arnaud
Guilhem, qui Tavait précédé de deux ans^ et qu'après huit
jours de dévastations de toutes sortes il n'y laissa qu'un,
monceau de ruines.
De là^ franchissant fa plaine de Tarbes, il s'abattit sur
Aire et toute la vallée de l'Adour, se dirigea sur Nogaro où
il était le 24 octobre, ravagea Eauze et ses environs, incendia
l'église de Montréal, et, les derniers jours d'octobre, s'alta-
quant à toutes les ^lises et à tous les monastères, aussi bien
ceux de femmes que d'hommes, n'out aucun scrupule pour
incendier le monastère de Vaupillon, à quatre kilomètres ouest
de Flaran, et pour en exterminer les religieuses. Le procès- ver-
bal inédit de cet acte de brigandage, que nous reproduirons
in extenso en appendice, nous donne les plus curieux et les
plus navrants détails sur cette journée néfaste qui amena la
ruine complète et définitive du couvent (1). Dix-sept des
religieuses s'étaient enfuies la veille vers Lectoure, cher-
chant un asile. Quatre avaient eu le courage de rester et
s'étaient cachées dans une métairie. Ayant été découvertes,
une fut massacrée séance tenante, et les trois autres furent
tellement maltraitées qu'elles moururent quelques jours
après. Le couvent fut rasé, et Téglise resta à moitié démolie,
telle qu'on la voit encore aujourd'hui.
De Vaupillon les troupes de Mongonmery marchèrent sur
Condom, où elles demeurèrent jusqu'au 4 novembre 1569,
se dirigeant ensuite par Valence, Dému, Vic-Fezensac, le
Brouil, Barran et Ordan, sur la ville d'Auch.
(1) Attestation de l'incendie du monastère de Vaupillon et des saccage-
ments et pilleries que les troupes huguenotes y commirent en Vannée Î569,
dans le mois d'octobre, du tems de Charles IX. Mss d'Aiguan. Bibl. d*Auch.
r. IV. Pièces jusUflcatives, p. 1467.
— 415 —
Ce dut être en quillant Gondom, dans les premiers jours
de novembre 4369, alors qu'elles remontèrent le cours de la
Baise, ou peut-être même le lendemain de Tincendie de
Vaupillon, que les hordes protestantes se présentèrent devant
Flaran, et, suivant leur habitude journalière, pillèrent Tab-
baye, renversèrent les trois côtés sud, est et nord des cloî-
tres et incendièrent Téglise, dont la façade occidentale, les
voûtes de la nef et du transsept et les murs extérieurs de
Tabside, jusqu'à la ligne des modillons, subsistèrent seuls.
Tout le reste fut détruit, ainsi que les cellules des moines, le
réfectoire, et chose plus regrettable encore, toutes les archi-
ves du monastère. Aucun document ne nous dit formelle-
ment si, comme à Vaupillon, les moines furent massacrés;
mais il est probable qu'eux aussi durent subir en partie le
sort de tous leurs frères de Gascogne, du moins si nous
interprétons de cette façon le passage d'un acte, postérieur
seulement de cinq années, où il est dit à plusieurs reprises,
à propos des quatre religieux survivants seulement, « des-
puis la ruyne et démolition qui a esté faicte du couvent par
les trouppes conduictes par le conte Mongonmery, les autres
n'estant plus à présent en vye, etc. (i). »
Du reste, les troupes de Mongonmery passèrent à trois
reprises différentes, à la fm de cette année 1569, sous les
murailles de l'abbaye, allant vers Auch et revenant sur
Condom. Et ce fut peut-être à chacun de leurs passages
qu'elles s'arrêtèrent à Flaran, pour y porter, dans leur haine
jalouse et sauvage contre tout ce qui touchait de près ou de
loin à la religion catholique, la ruine, la dévastation et la
mort. Ce qu'il y a de sûr, c'est que des dix religieux qui
habitaient alors le monastère et dont l'histoire nous a con-
servé les noms, à savoir : Pons II d'Aspremont, abbé, Pierre
Bride, prieur, frère Jehan, Bernard et Jacques Bajole, Pierre
(1) Notariat de Valence. Reg. pour Tannée 1574. Mangnac, notaire.
— 416 —
âogeaux, chapelain de la chapelle de Massencôme, Jehan
Martin, Pierre Trilhe, Arnaud de Marignac et Jehan Boyer,
quatre seulement se retrouvent. Tannée suivante, les autres
ayant été massacrés ou ayant pris la fuite et n'étant plus
revenus, comme l'abbé lui-même, Pons d'Aspremont. Ce
dernier, en effet, se relira à Tabbaye de BouiUas, ou il mou-
rut en 1574 (1), non sans avoir vu, Tannée précédente 1573,
ses anciens frères de Flaran, « les quatre encore en vye,
nobles frères Pierre Sogeaux, Pierre Trilhe, Bernard et
Jehan Bajolle », se syndiquer et le citer devant le sénéchal
d'Armagnac « pour exiger de lui la pension qui leur était
due depuis le tems que le comte Mongonmery entra avec ses
troupes au présent pays; et ensemble le contraindre à répa-
rer ledit couvent ^t y mettre le nombre complaicl des reli-
gieux, suivant leur règle (2). »
Ces quatre religieux, en effet, s'étaient, aussitôt après
Tincendie de leur couvent, « retirés en maisons profanes,
ayant cessé tous offices et service divin (3) » dans la ville de
Valence^ « en une masure, ajoute le manuscrit d'Aignan,
appelée Lanus »; et ils s'étaient empressés de faire appel
à la charité des fidèles, ainsi qu'au supérieur de leur ordre.
Ce dernier, « en la personne de Monsieur le Vicaire Géné-
ral dudit ordre, leur donna un certain advertissement concer-
nant Tarrét du Conseil privé du Roi, par lequel ung tiers en
revenu dudit mostier, et autres desmolis, serait emploie à la
réparation, construction et réédificalion desdits co vents
récemment détruits, et leur auroit demandé de bailler décla-
ration des revenus et charges de ladite abbaie » . Ce qui fut
fait, le 26 mars 1571, « par procuration desdits religieux don-
Ci) D'un autre oôt<S ïious voyons dans le précieux plan de l'abside de la vieille
cathédrale Saint-Etienne d'Agen, conservé aux archives de Tévcché de cette
ville, et qui indique les tombes des évéques et principaux personnages, que
sous le n* 31, à gauche du maitre-autol, est désignée la tombe de « Pons d'As-
premont, abbé de Flaran ». Kst-ce la tombe de Pons I ou de Pons Ut
(2) Notariat de Valence. Reg. Dupont, 1573.
(3) Idem.
— 417 —
née auxdits frères Pierre Sogeaox et Jehan Bajolle, leur syn-
dic et procureur. (1) »
En même temps était nommé abbè de Flaran, vers la fin
de celle année 1573, au lieu et place de Pons II d'Aspremont,
qui, au dire du Gallia el de Dom Brugèles, aurait lui-même
résigné sa charge en sa faveur, Messire Jehan de Boyer.
La tâche du nouvel abbé n'était pas facile. Après l'épou-
vantable désastre qui s'était abattu sur le monastère, on put
croire un instant que, semblable à ses voisins dont les ruines
jonchaient partout le sol de la Gascogne, il ne se relèverait
pas du coup terrible qui lui avait été porté. C'est la gloire de
Jean Boyer d'avoir, par son habileté el le zèle de toute sa
vie, reconstitué Pabbaye de Flaran, non pas certes telle qu'elle
était autrefois, même au milieu du xvi* siècle, mais du moins
avec un nombre suffisant de religieux et assez de revenus
pour pouvoir se suffire à elle-même et subsister ainsi jusqu'à
la Révolution.
Dès l'année 1573, Jean de Boyer, qualifié d'abbé de Fla-
ran, d'archiprêlre et de cosseigneur de Valence, reçoit des
seigneurs du voisinage et notamment de Jehan de Besolles,
comme aussi des habitants de cette ville, de nombreuses
donations en faveur de l'abbaye. Il en entreprend aussitôt la
restauration, fait fermer les brèches de l'église el recouvrir
sa toiture, consolida les trois côtés des clottres, dont les élé-
gantes arcatures sont affreusement mutilées ou brisées à tout
jamais; et lui-même prend en mains, avec une rare habileté,
l'administration de tous ses biens. C'est ainsi qu'il achète, le
1" octobre, à Géraud Rieumajou de Maignaut et à Ârnaut
Bauthian du même lieu, les terres de la Plante et de Laroste;
qu'il fait venir, l'année suivante, <c Jean Laffargue, maistre
percheur de Montesquieu en Brulhois, pour percher et arpen-
ter le territoire de Valence, en ce que concernent les droits
(1) Notariat de Valence. Reg. Dupont, 1574.
— 418 —
seigneuriaux audit sieur abbé sur ledit territoire, moyennant
8 deniers pour concade »; qu'il renoutelle les baux d'affermé
et les arrantements du moulin de Flaran, des granges du
Hillet de Dauzan, da Mian, du Gibra, des dîmes que possède
Tabbaye dans les paroisses de Saint-Gaprais et de Polignac,
etc. (1); et qu'il échange la métairie de La Grangette, près du
Sempuy, contre celle de Lauzit, sise en la juridiction de Mai-
gnaut^ appartenant à demoiselle Françoise de Mondenard
et attenant aux terres de Tabbaye :
« L'an mil cinq cens septante quatre et le xi^ jour du mois de jan-
vier, régnant Charles IX, dans le chdpistie clostral de Tesglise N.-
Dame de Flaran, ordre des Cisteaux, lez Vallance, au comté de Fezen-
sac, sénéchaussée d'Armagnac, diocèse d'Aux, devant moy notaire
royal et tesmoing bas nommé, personnellement estably, Révérend
Père Messire Jehan Boyer, baschelier, abbé commendataire dudit
Flaian, avec frères Pierre Sogeaux, prieur, Bernard et Jehan BaioUe
et Pierre Trilhe, religieux prestres de lad. abbaie, capitulairement
assamblés à la manière accoustumée d'une part, M® Bertrand Lauzit
bachelier ez droits, advocat en la cour du juge de Gaure, au nom et
comme procureur especiallement fondé de Demoiselle Françoise de
Mondenard, veuf ve de feu Philippe de Barathe, en son vivant homme
d'armes de la compagnie de Monsieur de Monluc, d'autre part... »
lesquelles parties possédant les métairies de La Grangette et
de Lauzit, « de semblable contenance » , les échangent;
« Joinct aussi la ruyne et desmolition qtii a été faite dudit couvent
par les trouppes conduictes par le comte Mongonmery sur l'invanon
faicte en ce païs, à cause de quoy et despuis, ledit couvent est en
ruyne et inhabitable; que pour ceste occasion les religieux ont esté con-
traincts se retirer en maisons profanes, cessant les offices et service
divin; et prévoyant aussi ladite ruyne augmenter, si n'estoit avisé à
reconstruire et réédifier en partie le couvent pour y remectre et faire
ledit service, toutefois considéré aussi que ledit Boyer, de noveau
pourveu, n'auroit trouvé aulcuns fruitz en ladite abbaie, ny aultres
moiens pour ladite réédification, et que de plus en plus la ruyne s'y
(1) Notariat de Valence. Registres Dupont et Marignac; années 1573, 1574,
1578, 1581-82, etc.
— 419 —
augmente, auroient ad^âsé lesdites parties... contracter ledit acte
d'échange; et en oultre ladite dlle de Mondenard baille qua/trecâns
livres pour soubvenir tant à ladicte construction que aultre améliora-
tion et profict du couvent (1). »
Le 12 janvier 1574, Pierre Sogeaulx est nommé chapelain
de la chapelle de Sainte-Catherine, fondée dans Tabbaye de
Flaran (2). L^année suivante, les religieux s'assemblent dans
ledit chapitre, et constituent comme syndic et procureur les
deux frères Bajolle, Pierre Sogeaux étant toujours prieur, et
Jean de Boyer, abbé du monastère.
Bien que cet abbé ait, par ses multiples efforts, reconstitué
ainsi Tadministration des domaines de Tabbaye, il ne put
néanmoins empêcher, en 1576, le démembrement légal d'une
partie de ces biens. Déjà, en 1562, Charles IX, à court d'ar-
gent, avait ordonné, en vertu d'une bulle du pape, qu'il
serait vendu sur le temporel de l'église de France, jusqu'à
concurrence de 100,000 écus de rente. C'est alors, comme
nous l'avons vu plus haut, que la reine de Navarre fit l'acquî-
silion des seigneuries de Valence, de €alyan et de Goûts. En
1576, le pape permit au^même roi d'aliéner à nouveau sur
le temporel de l'église, jusqu'à concurrence de 50,000 écus
de rente. Le diocèse d'Auch qui, la première fois, avait été
taxé pour 2,500 écus, le fut cette fois pour 811 écus de rente,
soit 65,258 livres en capital. Chaque abbaye dut y contribuer
pour sa part. Celle de Flaran aliéna < la grange et moulin
de Jandieu, à Monréal, pour 2,000 livres; la pièce de terre,
dite la Sacristanie, près la ville de Valence, pour 80 livres;
les droits seigneuriaux que l'abbé possédait à Valence, pour
500 livres; la grange et métairie de Seiches dans le Sainte
Puy, pour 2,500 livres; enfln, quelques autres pièces de
terre dans l'Isle d'Orbessan» pour 250 livres (5) » . L'acte
(1) Notariat de Valence. Reg. 1574. Marignac, not.
(2) Idem.
(3) Monlezun. Histoire de la Gascogne, Supplément. Note 16, p. 613.
— 420 —
n'ajoute pas si, comme en 1562, ces biens dans la suite furent
rachetés.
Ce fut également sous le gouvernement de Jean de Boyer,
que les troupes du maréchal de Biron vinrent, en 1580,
assiéger Valence, occupée et vaillamment défendue par le
capitaine Rison, qui était à la tête d'une compagnie de reli-
gionnaires :
Celui-cy, dit Dupleix, s'étant jeté dans Valence, place très forte
d'assiette, à une lieue de Condom (car elle est sise sur un tertie séparé
et a pour fossé le conflans de deux petites rivières), y fut assié;^ par le
M*"* de Biron, auquel il la rendit par composition, luy estant permis
avec tous les siens d'en sortir, vies et lîagues sauves. Le Maréchal la
fît raser et démanteler. Mais le M'^ de Montespan fit depuis réparer les
brèches et y mil garnison pour la Ligtie. Elle a esté naguères derechef
demantellée (1).
L'histoire ne nous dit pas s^ Tabbaye de Flaran, déjà si
fortement éprouvée, eut à supporter, comme cela est plus que
probable, durant ces deux sièges, les conséquences d'un voi-
sinage aussi rapproché.
Jean de Boyer fut remplacé sur le siège abbatial de Flaran,
en 1583, par Pierrb-André de Gelas, de Tillustre famille des
Gelas de Léberon, qui y resta jusqu'en 1603. Abbécommen-
dataire^ le nouveau titulaire ne suivit pas, en ce qui concerne la
gestion des biens de Tabbaye, l'exemple de son prédéces-
seur; et il ressort des titres nombreux que nous fournissent
le notariat de Valence et les archives locales que les religieux
eurent plus d'une fois maille à partir avec lui.
Pierre-André de Gelas descendait des anciens seigneurs de
Bonas, de Rozès et de Léberon, qui, depuis le xm* siècle,
jouaient un rôle important dans les annales de la Gasco-
gne (2). Né au château de Flarambel, dit plus tard de Lèbe-
(1) Dupleix, Histoire d'Henri UI, roi de France et de Pologne,
(2) Voir Reeue d'Aquitaine, t. xii. Le château de Bonaa et ses seigneurs,
par M. Noulens.
— 421 —
ron, lors de Pacquisition qu'en ûl la famille de Gélas-Léberon
qui lui donna son nom, il était le frère de ce fameux Lysan-
der de Gelas, chevalier de Tordre du roi, capitaine de cent
hommes d'armes de ses ordonnances, petit-neveu du maré-
chal Biaise de Monluc, et célèbre par ses faits d'armes dans
toutes les guerres de religion. C'est ce Lysanderde Gelas,
seigneur de Flarambel et marquis de Léberon, qui, par son
mariage avec demoiselle Ambroise de Voisins d'Ambres,
devint la souche des marquis d'Ambres et des vicomtes de
Lautrec et porta si haut la fortune de sa maison (1). Le châ-
teau de Flarambel est à un kilomètre ouest à peine de
l'abbaye de Flaran. Ce voisinage explique suffisamment com-
ment les seigneurs de Léberon, Pierre-André de Gelas
d'abord, puis Charles-Jacques son neveu, cherchèrent à se
faire donner la commende d'une si importante et si proche
abbaye.
En même temps qu'il remplaçait Jean de Boyer à Flaran,
Pierre-André de Gelas obtenait également la commende du
prieuré de Sainte-Livrade, au diocèse d'Agen, et il montait
peu après sur le siège épiscopal de Valence eu Dauphinè,
vacant par la mort de son propre oncle maternel Jean de
Monluc, frère du fameux maréchal. Il .l'occupa de 1600 à
1621. Le nouvel abbé ne résida donc que très rarement à
Flaran, ce qui engendra bien vite des abus et des actes d'in-
discipline de la part des moines, ses subordonnés.
Dès le 6 juillet 1583, ceux-ci se plaignent en effet par
l'intermédiaire de leur prieur Pierre Sogeaux, de Bernard et
de Jehan Bajolle et de Jehan Bosc, tous quatre religieux, « de
ne pas toucher la jouissance de la dime de certains biens à
(1) Tous les titres de cette tamille de Gelas de Léberon existent dans le Car-
tulaire Gelas à la Bibliothèque Mazarine. Ils constituent l'histoire entière de
cette maison (dont la généalogie se trouve du reste en partie dans le tome ix,
p. 114, de Lachenaye-des-Bois), en même temps que celle du château de Léberon,
dont nous espérons pouvoir écrire plus tard la monographie, grâce à l'extrême
obligeance de MM. J. Laplagne-Barris et J. de Carsalade, qui possèdent copie
de la plupart de ces importants documents.
Tome XXX. 28
>
— 42» —
eux baillés, el que perçoit indûment Tabbé Pierre-André de
Gêias » . Ils lui adressent même une sommation au sujet des
revenus de la métairie du Coulleou. Le 48 janvier 1587,
une procuration est donnée par les mêmes religieux à Guil-
laume Marignac, pour « saisir tous les fruits que touche à
tort l'abbé de Flaran » . Enfin, le frère Gilbert Tasque, syndic
de Tabbaye de Flaran, refuse énergiquement de payer à Fabbé
de Citeaux, son supérieur, une certaine somme qu'il lui
réclame, celle somme ayant été considérablement augmentée
depuis le gouvernement de Pons d'Aspremont (1).
Du reste Tabbé est toujours qualifié « d'absent » dans tous
les actes, affermes, baux, arrentements, provisions, échanges
de toutes sortes que nous avons sous les yeux, et où il
institue pour son procureur fondé son frère Lysander de
Gelas, seigneur de Léberon. Relevons, entre autres posses-
sions de l'abbaye à celte époque, les métairies de la Ma-
deleine, du Coulleou, du Gibra, du Moutouet, de la Bour-
dille, de Lauzit, de Trouillon, du Miau, du Hillef, de Poli-
gnac, de Saint-Caprais, de Lasserre en Lavardens, etc.,
etc. (2). C'est au château noble de Flarambel que les reli-
gieux sont convoqués, représentés par leur prieur Pierre
Sogeaux, qui est en -même temps chapelain de la chapelle de
Massencôme, fondée en l'abbaye, et par leur syndic Guillaume
Cambon, et qu'ils défendent, tant au sujet des pensions,
rentes, dîmes réclamées par l'abbé que des réparations qu'ils
exigent de lui, leurs intérêts et ceux de l'abbaye. Celui-ci
prend encore dans un acle du 20 décembre 1594 le litre de
« coseigneur au paréage de Valence (3), » en qualité duquel
il donne à cet effet « en afferme tous les flefs, lods, ventes
el droits seigneurieux qu'il possède en la ville de Valence,
(1) Notariat de Valence. Reg. 1583^ 84, 85, 86, 87, elo. Marignac.
(2) Idem.
(3) Notariat de Condom, ^tiide Lagorce. Inventaire de biens de Jos. de Mou-
chan.
— 4â3 —
ce jourd'huy, 46 avril 4603, Pierre Sogeaux prieur, et Guil-
laume Cambon syndic (i). »
H semble cependant que dans la dernière année de son
gouvernement, 1605, André de Gelas ait voulu améliorer le
sort de ses religieux, et qu'il ait ordonné dans leur intérêt
qu'on fit quelque réparation à Tabbaye. Le 16 avril, eu
effet, il passe —
Un marché pour la condition du dourtoir de Flaran avec Jehannot
de Bonnegardes, de son estât charpentier, qui s'engage de bastir à ses
despens le plancher du dourtoir qui est sur la salle capitulaire et la
sacristie, et de réparer les chambres desdits Cambon, BajoUe et de
Béon, religieux de ladite abbaye, pour la somme de cent livres tour-
nois (2).
Un autre marché, fait le 22 juillet de la même année
pour la construction d'un pont, près le moulin de Flaran,
sur la rivière de Baise, et dont le besoin se faisait depuis
longtemps impérieusement sentir, présente un plus grand
intérêt :
Dans le chasteau noble de Flarambel, Jehan Lugrades, musnier de
Graziat, habitant de la juridiction de Gondom, promet à Messire Lysan-
der de Gelas, seigneur de Léberon, Flarambel et autres places, etc.
de bastir, dresser et rendre parfaict un pont sur la rivière de Baïze, au
devant le molin de Flaran, lez la ville de Vallanoe, avec de bons pil-
liers de bois, une poutre plantée dans la rivière, et de bons tabliers
pour le plancher du pont, le tout de bois de chesne, de la largeur de
huit pans, et rendre en bon estât pour pouvoir passer et repasser ladite
rivière d'un bord à l'autre, tant les personnes que les chevaux, voitu-
res, charges, etc., le tout moyennant la somme de six vingt livres
tournois (3).
Ce pont fut plusieurs fois réparé. Il relie encore aujour-
d'hui Tabbaye de Flaran à la ville de Valence et à la route de
Condom à Âuch.
(1) Notariat de Valence. Reg. 1603, Marignac net.
(2) Idem.
(^ Idem. Heg. 1601-1604, Marignac not.
— 424 —
D'après uii Abrégé de l'Histoire du prieuré de Sainte-
Livrade (1), Pierre- André de Léberon, que nous ne Irouvons
plus abbô de Flaran dès la fin de Tannée 1603, ne mourut
qu'en 1622, le 18 du mois de septembre, dans la maison
môme dudit prieuré. Il fat enseveli, nous dit ce travail,
« an pied du grand aulel de ladite église prieuriale » (2).
P. BeNOU VILLE, Pli. LAUZUN.
{A suivre.)
QUESTION
254. Sur une anthologie Bartassienne.
J'ai entendu dire que deux bibliophiles, un de Bretagne, l'autre de
Gascogne, ont Fintontion de publier chez Lemerre un recueil d'extraits bien
choisis des œuvres complètes de notre Du Bartas. Ce projet m'avait d'au-
tant plus souri que les deux collaborateurs sont des hommes de plus de
goût et de talent. Pourrait-on me donner quelque bonne nouvelle de l'en-
treprise? Si ma présente question pouvait tomber sous les yeux d'un des
futurs éditeurs, je le prierais ici de reproduire, dans l'élégant volume
annoncé, les sonnets de Guillaume de Saluste insérés dans la Muse chres-
tienne de 1573 (Bordeaux, S. MillBuges), Jucenilia que l'on chercherait en
vain dans les diverses éditions de la fin du x\ i* siècle et du commencement
du xvii'.
T. DE L.
(1) Abréffé chronologique de V histoire du prieuré de Sainte-Liorade en
Agenais (Monasticon be.'icdictinuni). Bibl. nat. Mss. fonds latin. N* 12,678.
Notre savant compaliiote M. Ph. Tamizey de f^rroque a résumé avec sou
exactitude habituelle et commenté comme il sait le faire cet abrégé un peu
diffus de Dom Gaspar Dumas, dans son intéressante Notice sur le prieuré de
Sainte-LicradCf Agen, 1869.
(2) D'après M. l'abbé Chevalier, dans sa Notice sur les écêgues de Valence ,
Pierre- André de Gelas serait mort en 1621. M. Jules Marlon, dans sa liste des
mêmes évoques fourme par lui à V Annuaire historique pour l'année 18^1,
attribue à sa mort la même date.
ETUDE
SUR
L'INSTRUCTION PUBLIQUE
CHAPITRE IX
Réouverture des classes. — Union des chaires. — Reconstruction du
collège. — Procès. — Allocution du maire. — Augmentation de la rente
annuelle. — Prébende préceptoriale. — Programme des distributions des
prix. — Délibération du 25 mars 1792. — Liste des recteurs, syndics et
professeurs du collège de Lectoure.
La paix était momentanément rétablie. La ville s'empressa
détenir ses engagements. L'arrêt du Conseil homologuant la
transaction ci-dessus fut prononcé le 10 avril 4772(1), et le
27 juillet suivant M. Journet rendait une ordonnance auto-
risant les consuls à emprunter la somme de 12,000 livres,
dont ils s'étaient reconnus débiteurs envers les Doctrinaires.
Ceux-ci, de leur côté, avaient haie d'ouvrir leurs classes, et
ils demandaient qu'on leur procurât une maison assez vaste
pour les exercices scolaires et pour leur logement. Il ne s'en
trouvait aucune dans la ville qui remplit cette double condition.
Dans cette situation, les Pères offrirent de réduire tempo-
rairement à trois les cinq classes réglementaires, de telle sorte
que le régent de la cinquième professerait à la fois la qua-
trième et la cinquième, un autre se chargerait de la rhéto-
rique et des humanités. La classe de troisième étant la plus
im[>orlantc, devait être, comme précédemment, confiée à un
(•) Voir ci-dessus, p. 315.
(1) Record du 2 juin 1771.
— 426 —
maître spécial, el le cours de philosophie serait suspendu
pendant trois ans à dater du commencement de la recons-
truction (1). Celte combinaison ne pouvait être que tempo-
raire; aussi les Doctrinaires usèrent-ils de la plus grande
diligence pour mettre les ouvriers à Tœuvre. L'adjudication
des travaux fut effectuée au rabais en présence du maire, des
èchevins, du procureur du roi el de M. de Puységur (2). Le
bail d'entreprise fut passé le 8 février 1772, sous forme d'acte
public, en faveur de Joseph Lapeyrère dit Paris, de Jacques
et Samson Tourné frères et de François Ducomet, tous les
quatre maçons à Condom, et retenu par xM' Labat, notaire
royal de Lectoure (3). Les Doctrinaires agissaient dans la plé-
nitude de leur droit, mais il ne leur était pas possible de
Texercer valablement si la ville ne leur payait pas immédiate-
•ment les 4,000 livres exigibles dès le début de la recons-
truction. Les officiers municipaux cherchèrent vainement à
se procurer celte somme par voie d'imposition; le recouvre-
ment en eût été trop lentement opéré, et comme il (allait h
payer sans retard, ils l'empruntèrent au bureau de Thôpilal
qui la leur prêta sur un reçu du maire (4). D'un autre côté,
le déplacement du cimetière de la paroisse du Saint-Esprit fut
demandé et obtenu (5). Quatre mois s'étaient écoulés depuis
l'adjudication des travaux, et les entrepreneurs n'avaient pas
encore ouvert leur chantier sous prétexte qu'ils attendaient
la solution d'un procès engagé par eux contre un carrier
nommé Banel. Celui-ci se refusait à leur vendre la pierre
employée d'ordinaire à Lectoure, et comme en leur qualité
d'étrangers, ils ne connaissaient pas les carrières des envi-
rons de la ville, les consuls craignaient qu'ils ne bâtissoul
avec la pierre de Lauba, qui était, paraît-il, de mauvaise
(1) Record du 13 octobre 1771.
(2) Record du 5 janvier 1772.
(3) Minutes de M' lAtour, notaire à Lectoure.
(4) Record du 8 février 1772.
(5) Record du 3 juin 1772.
— 427 —
qualité. Etant intéressés « à la reconstruction indispensable,
prompte et solide du collège » , ils se présentèrent comme
partie intervenante au procès et défendirent aux entrepre-
neurs de se servir soit de la pierre de Lauba, soit des arbres de
la forêt du Ramier, qui ne valaient rien pour la charpente (i).
Le collège était entièrement rebâti en 1775. Le P. Dordé,
délégué du provincial de Toulouse, demanda à M. de Mon-
dran, maire, de choisir des experts chargés de visiter les
travaux, au bon état desquels la ville était intéressée, puis-
qu'en sa qualité de propriétaire elle demeurait chargée des
grosses réparations. Guillaume Laguillermie cadet, maître
charpentier, et Pierre Maraignon, maçon, furent désignés par
la commune (2), et Tarchitecte Mazenq par les Doctrinaires,
qui récusèrent Maraignon comme incapable, étant illettré, de
dresser un rapport. Les consuls persistèrent dans leur choi^
et déclarèrent qu'ils se contenteraient des explications orales
de cet expert qui fut, plus tard, reconnu inutile (3). Laguil-
lermie déposa dans le courant du mois de février un rapport
dont les conclusions, acceptées par toutes les parties inté-
ressées (4), portaient que l'entrepreneur, « pour rendre
l'ouvrage parfait », serait obligé de faire quelques travaux
de consolidation à la chapelle, dont la voûte s'était démontée
par suite d'un faux aplomb et de nombreuses lézardes dans
le mur du couchant (5). De nouveaux experts furent nom-
més; les entrepreneurs choisirent Maudon, architecte à Gî\s-
teljaloux, en Bazadais, et les consuls continuèrent à investir
de leur confiance Maraignon, qui fut récusé par les Pères et
les entrepreneurs (6). En présence d'un conflit inévitable,
les consuls acceptèrent Bernard Pandellé, architecte à Agen,
nommé d'office par M. Goulard de Saint-Michel, lieutenant
{\) Record du 3 juin 1772.
(2) Record du 9 janvier 1775.
(3) Records des 18 et 22 janvier 1775.
(4) Arch. m un. Adhi^^sion du P. Bonnet, recteur, en date du 30 mars 1775.
(5) Record du 26 février 1775.
(6) Record du 1" avril 1775.
— 428 —
principal, et Antoine Pouchel, architecte à Goulens. Le rap-
port de ces derniers experts (1) fut signifié au maire par le
P. Bonnet, recteur, qui n'en accepta pas les conclusions et
demanda la nomination d'un syndic chargé d'intervenir à la
réception des travaux du collège et de la chapelle, qui eut lieu
le 6 juin 1775 (2). Le maire répondit que les entrepreneurs
ayant traité avec les Pères et non avec la ville qui n'était
point partie au contrat d'entreprise, ceux-ci n'avaient nulle
décharge à recevoir de sa part, et que, si la ville avait des
obligations envers les Doctrinaires, les Doctrinaires seuls en
avaient contracté vis-à-vis des entrepreneurs (3). La bâtisse
étant terminée et les travaux intérieurs complètement achevés,
une commission composée de MM. Belmont, ancien maire,
Comin cadet, notaire, et Lasserre, procureur, déclara que le
collège pouvait être habité sans préjudice pour la santé des
maîtres et des élèves (4), Les Pères, déjà sommés par délibé-
ration du 26 février 1775 de reprendre le nombre réglemen-
taire des professeurs sous peine de retenue d'une part pro-
portionnelle de leur pension (5), refusèrent d'y obtempérer
sous prétexte qu'ils manquaient des meubles nécessaires, et
chaque classe ne fut pourvue d'un professeur spécial qu'à
dater de la fête de Saint-Luc ou de l'ouverture des cours. La
ville, qui aurait été en droit de retenir le montant de la
pension des Doctrinaires pendant plus d'un semestre, so
montra généreuse envers eux et leur paya, comme précédem-
ment, l'intégralité des termes échus (6).
Les mesures de précaution prises par la municipalité lec-
(1) Record du 25 mai 1775.
(2> Acte devant Labat, notaire (étude de M* Latour). Le collège avait codUî
36,000 livres, non cx)mpris la valeur des matériaux provenant de la démolition
des anciens bâtiments et du mur du cimetière de la paroisse du Saint-Kspnt. Les
I Doctrinaires ajoutèrent à la somme allouée par la ville celle de 3,000 livres que
la congrégation avait emprunt<^e pour achever les travaux, suivant acte retenu
le 13 décembre 1774, par Corail, notaire à Toulouse.
(3) Reoortl du 3 juin 1775.
(4) Record du 18 avril 1775.
(5) Record du 22 avril 1775.
(6) Record du 10 décembre 1775.
— 429 —
touroise contre les entrepreneurs du collège et au besoin
contre les Doctrinaires^ n'èlaient pas inutiles. Le bâtiment
nouveau ne paraissait pas plus solide que Tancien et, en 1778,
la voûte de la chapelle s'effondrait. Les entrepreneurs qui en
étaient responsables, offrirent de la remplacer par un plafond
à anse de panier terminé par une corniche. Cette proposition
fut acceptée, à la condition que les poutres de la charpente
seraient reliées aux murs par des ancres de fer (1). Ce n'était
là qu'une consolidation partielle, et l'ensemble du collège
présentait déjà, en 1783, une quantité de détériorations qui
dénotaient le mauvais état des matériaux et l'ignorance
absolue des règles de l'art chez les constructeurs. Tout
annonçait la chute prochaine de l'édifice. Devant une sem-
blable éventualité, le corps de ville se décida à faire tous les
actes nécessaires pour la sauvegarde de ses droits (2). «Une
sommation fut adressée au P. Recteur, ^Qn de lui demander
d'agir contre ces entrepreneurs et d'exiger d'eux les répa-
rations nécessaires, faute de quoi, la ville l'appellerait en
garantie (3). Les entrepreneurs furent également sommés de
se rendre à Lectoure, dans un délai de huitaine, pour faire
procéder par experts à la vériflcation contradictoire des bâti-
ments et assister à la rédaction d'un procès-verbal indiquant
les travaux à exécuter par eux (4). Ils offrirent un accom-
modement amiable, et sur celte proposition, la commune
chargea MM. Comin, avocat, de Castaing et Chappès, de
nommer un expert, dont le mandat complexe consisterait à
établir la pari de responsabilité des ouvriers pour mal-façon
et celle des Doctrinaires pour défaut d'entretien (5). Les
entrepreneurs s'étant, deux ans plus tard, dédits de leur
projet de transaction, les moyens légaux furent employés
(1) Record du 4 octobre 1778.
(2) Record du 30 novembre 1783.
(3) Records des 3 décembre 1783 et 19 décembre 1784. Acte de Launes,
huissier.
(4) Record du 20 décembre 1783. Acte de Caillau, huissier.
(5) Records des 24 avril 1785 et 24 juin 1787.
— 430 —
contre eux; ils furent accusés de ne pas s'être conformés à
ravis des commissaires de la ville et d'avoir dépassé les devis
stipulés (1). Le sénéchal rendit un appointement en vertu
duquel deux experts nommés d'ofQce déposaient, le 43 jan-
vier 1788, un rapport concluant à leur condamnation (2).
Un appel de Tappointement du sénécbal fut interjeté devant
le Parlement et les entrepreneurs demandèrent une seconde
vériQcation, à laquelle ils renoncèrent bientôt après (3).
C'est au moment où les finances de la commune de Lee-
toure étaient épuisées par la reconstruction du collège et par
les subsides destinés à la création des routes royales (4) que
les Doctrinaires sollicitèrent de la ville un supplément de
pension sur lequel la jurade refusa de se prononcer avant le
retour de Tévêque alors absent (5). W de Cugnac étant revenu
d'un voyage en Pèrigord, déclara qu'il se désintéressait de
la question et qu'il pe donnerait aucun avis (6). U fut alors
décidé que MM. Descamps et Gauran, avocat, rédigeraient un
mémoire relatif à la valeur des prétentions des Doctrinaires
et à l'étendue des ressources de la ville. Ce mémoire fut
dressé, les conclusions en furent adoptées et la jurade statua
qu'en présence d'une demande aussi insolite, il serait pru-
dent de prendre l'avis de deux jurisconsultes du Parlement
de Toulouse, au choix des rapporteurs (7).
Pendant ce temps, les Pères du collège assignaient la com-
mune devant le sénéchal en payement de 3,000 livres à titre
d'augmentation de pension alimentaire (8). Elle ne se fit pas
représenter et fut condamnée par défaut à leur servir annuelle-
ment la somme supplémentaire de 1,2XX) livres, qu'ils trou-
(1) Record du 30 mars 1788.
(2) Record du 13 janvier 1788.
(3) Record du 1" juin 1789.
(4) La route de Lectoure à Condom fut piquetée en 1774 par des ourriers placés
sous les ordres de M. laroche, ingénieur du Roi (Livre des dépenses, 1774).
(5) Louis- Emmanuel de Cugnac, évéquc de Lectoure depuis 1772.
(6) Record du 13 octobre 1776.
(7) Record du 6 arrii 1777.
(8) Record du 8 mai 1777.
- 431 —
vèreot insuffisante (4). Les Doctrinaîres firent appel devant
le Parlement de Toulouse^ qui leur alloua le montant intégral
de la demande contenue dans Tassignation. La municipalité
attendait la consultation de ses avocats pour prendre un
parti; elle n'était pas autorisée à se défendre, et il fallait
cependant qu'elle se décidât avant la signification de Tarrêt.
M. Goulard, maire, écrivit à Fintendant (2) pour l'informer
de l'issue du procès intenté à la ville et des dangers qui la
menaçaient si elle négligeait de se pourvoir en retraitement.
Il le priait de l'excuser si, vu l'urgence, elle n'attendait pas
son autorisation pour se présenter en justice; il lui deman-
dait cette autorisation, et comme toujours sa bienveillante
médiation (5).
Près de trois mois s'écoulèrent ainsi, et les consuls se trou-
vaient toujours dans le même embarras, lorsque le Conseil
provincial de la Congrégation leur proposa une transaction
par voie de proposition directe. L'intervention de l'intendant
qui aurait pu, dès le début, être très efficace, devenait inutile
après une décision judiciaire et aurait paru blessante pour le
Parlement (i). L'autorisation de plaider avait été concédée
le 1" décembre 1777, mais les Pères ayant o|fert de se con-
tenter de la somme de 2,000 livres (5), il s'agissait de se
prononcer sur cette demande. Le maire convoqua la jurade
et prit, devant elle, la parole en ces termes :
Il est certain que vous devez à la Congrégation des Doctrinaires
tous les égards el toute la reconnaissance possible; c'est chez elle que
presque tous vous avez reçu les premiers principes de religion et
d'éducation; c>.st par ses soins que vous avez été mis à même de déve-
lopper, de mettre en œuvre et de faire valoir les différents talents qui
vous rendent aujourd'huy si recommandables; ce sont ces avantages
(1) Record du 8 juin 1777.
(2) Douet de I^bouUaye, intendatit de la généralité d'Auch de 1776 à 1782.
(3) Record du 24 août 1777.
(4) Record du 9 novembre 1777.
(5) Arch. mun. [.étire du P. Tapie, provincial de Toulouse, en date du 30
novembre 1777.
i .
— 432 —
que vous exaltez et faites valoir vous-mêmes aujourd'huy à vos
enfants qui en profitent après vous, pour leur inculquer à bonne heure
les sentimens de gratitude dont vous êtes vous-mêmes pénétrés. Vous
admirez avec reconnaissance le précieux établissement que vos pères
ont fait de notre collège et vous bénissez leur mémoire d'en avoir eu
ridée. Mais en même temps vous devez considérer qu'il est des grands
avantages auxquels on est quelquefois forcé de renoncer par l'impuis-
sance de fournir aux dépenses nécessaires, ou pour se les procurer,
ou pour se les conserver. Quand vos pères fondèrent ce collège, la
communauté était dans une autre position qu'elle n'est aujourd'huy;
je veux dire qu'elle n'était point surchargée de dettes et d'impositions:
elle ne connaissait presque alors que la simple taille, dépouillée même
de tous les accessoires qui y sont depuis survenus. Quoique dans ces
temps heureux, la somme de 1,550 livres fut très considérable, la com-
munauté crut être en état de s'obliger à la payer annuellement pour se
procurer l'avantage d'avoir un colley. L'administration d'alors prévit
bien qu'on pourrait dans la suite demander quelque chose de plus;
aussi prit-elle dans les actes de ses obligations, la précaution de faire
insérer que les Pères Doctrinaires ne pourraient plus rien demander.
Cette précaution paraît encore renouvelée dans la dernière transaction
passée entre les Pères Doctrinaires et le syndic nommé par la com-
munauté au sujet de la i*econstruction de la maison du collège.
Nonobstant tout cela, les Pères Doctrinaires vous demandent aujour-
d'hui 2,000 livres pour supplément à la pension originaire de 1,550
livres : encore paraît-il qu'ils entendent faire grâce à la communauté
s'ils n'en exigent pas 3,000. Messieurs, sans perdre de vue et sans
altérer les obligations que vous avez aux Pères Doctrinaires, vous
devez songer que vous êtes citoyens, que l'administration des biens de
la cité vous est confiée et que vous devez à ses intérêts les mêmes
soins et les mêmes allenlions qu'à ce qui vous est personnel. Or, dans
vos intérêts personnels et dans les obligations que vous contractez, vous
envisagez d'abord vos forces et les balancez ensuite avec les avantages
que vous devez ou pouvez retirer de vos traités; peut-être vous est-il
arrivé quelquefois de renoncer, comme je l'ai déjà dit, à certains avan-
tages par la difficulté de fournir aux frais à faire pour vous les procu-
rer. Pour en user donc de même pour les intérêts de la communauté,
veuillez examiner ses forces, et pour cela, considérez-la telle qu elle
est : je veux dire chargée de dettes anciennes et de dettes nouvelles
déjà forcément contractées, à la veille d'en contracter d'autres pour des
réparations indispensables dont elle est menacée et qu'elle ne peut évi-
— 433 —
ter, comme sont celles de cette maison commune, du palais du séné-
chal, du pavé et des murs de la ville, de l'entretien de ses anciennes
avenues, de la confection des nouvelles projetées, du dédommagement
qui sera dû pour les fonds qu'on aura pris à ce sujet; considérez
ensuite les roUes de ses impositions grossies presque tous les ans et
toujours susceptibles d^augmentation au moindre besoin de TEtat.
Quelle surcharge pour elle dans une pareille situation, pour payer
annuellement 2,000 livres de plus ! 2,000 livres de supplément pour
un principal qui n'est que de 1,550 livres! 2,000 livres qui faisaient
autrefois peut-être et lors de l'établissement du collège, la moitié de
toutes les charges de la communauté I Eh quoi donc, Messieurs, lors-
que la communauté ne faisait presque que 4,000 livres de charges,
elle crut que ses forces ne pouvaient faire accorder au collège que
1,550 livres et aujourd'hui que ses charges montent à plus de 33,000
livres, pourriez-vous croire qu'elle soit en état de donner au collège
annuellement 2,000 livres de plust Vous devez donc en revenir tou-
jours là, consulter les forces de la communauté. Considérez aussi les
avantages que vous retirez du collège : oui. Messieurs, il peut se f^ire
qu'année commune, il y a douze, quinze, vingt jeunes gens, si vous
voulez, de la juridiction, ici au collège; tout le reste est étranger;
cependant cet étranger peut bien par la consommation qu'il fait en
ville, entrer un peu en considération d'utilité au collège, mais cet objet
vous paraîtra-t-il d'assez grande conséquence? D'après toutes ces
observations, à quoi vous déterminerez-vous? sera-ce à vous défendre
comme vous y êtes autorisés et à faire valoir les clauses des transac-
tions par lesquelles les Pères Doctrinaires paraissent s'être liés à ne
plus rien demander ni exiger? c'est là un premier party à prendre. Si
vous l'abandonnez par un esprit de paix, entrerez-vous en composi-
tion? Par exemple, vous résoudrez- vous à n'exiger plus que trois clas-
ses, en attendant du bénéfice du temps que la communauté soit en
état de rétablir les six? Ce party pourrait avoir son mérite : car la
classe de philosophie est ici très inutile; l'année dernière, par exem-
ple, il n'y avait pas d'étudiants et cette année-ci il n'y en a que deux
ou trois. Le cours de philosophie fait ici ne servant point pour le grade,
il n'est point merveilleux que les parents envoyent leurs enfans le faire
dans des collèges où il peut être ou nécessaire ou compté pour quelque
chose dans le grade; quant aux autres classes, elles ne sont pas assez
nombreuses pour être un obstacle que le même régent ne fasse la cin-
quième et la quatrième, qu'un autre ne fasse encore la seconde et la
rhétorique, et je pense que la troisième comme la plus essentielle soit
— 434 —
confiée à un seul régent; dans les circonstances présentes^ un pareil
party paraîtrait être assez assorti aux embarras multipliés où la com-
munauté se trouve. Vous déterminerez-vous encore à ne plus avoir
dutout de collège et à remercier les Pères Doctrinaires^ J'avoue que
nous avons vu autrefois le moment où les choses allaient être ainsi, je
veux dire, où les Pères Doctrinaires allaient être forcés ou de se retirer,
ou d'abandonner les prétentions qu'ils avaient alors formées pour la
reconstruction de la maison du collège; mais les choses changèrent de
face et il serait inutile de rien plus rappeller aujourd'hui à ce sujet. Le
party donc de ne plus avoir de collège et de remercier les Doctrinaires
parait d'abord révoltant parceque, après avoir été dans Thabitude
d'avoir un collège, de l'avoir regardé comme un monument et un éta-
blissement qui fait honneur à la ville et lui procure un grand avan-
tage, on ne peut sans émotion concevoir l'idée d'en être privé! Mais
tout cela tient du préjugé parcequ'en tout on doit proportionner la
dépense à la valeur et à l'avantage de l'objet qu'on a à acquérir ou à
conserver. Enfin, Messieurs, fairez-vous quelque proposition aux
Pèi;es Doctrinaires? Leur offrirez-vous une augmentation de pension
quelconque? Accéderez-vous à la demande qu'ils vous font de 2,000
livres? C'est à prendre un de tous ces partis ou quelqu'autre meilleur
que votre sagesse pourra vous inspirer que vous êtes priés de vous
déterminer après qu'on vous aura fait la lecture de l'ordonnance de
M. l'Intendant et delà lettre du P. Provincial des Doctrinaires.
Sur cet exposé, des remerciements furent votés au P. Rec-
teur qui avait arrêté le procès, et on le pria de se contenter
de 1,200 livres que MM. Guillon et Gauran furent chargés de
lui offrir dans l'espoir que le conseil provincial reconnaîtrait
les sacriûces de la ville et le désir de pacification qui ranimait.
Dans le cas où la congrégation refuserait cette proposition,
la jurade demandait quMl fut procédé sans délai au dénom-
brement des biens possédés par les Pères de la maison de
Lectoure (4).
Le conseil provincial n'accepta pas les offres de la ville
et il déclara que si on n'allouait pas 1,500 livres, il faisait
convertir l'arrêt provisoire en arrêt définitif. En présence
(1) Record du 7 décembre 1777.
— 435 —
d'une telle prétention, deux partis se formèrent au sein de la
jurade; les uns penchaient vers l'acceptation du chiffre pro-
posé et les autres vers le renvoi des Doctrinaires. Après une
longue discussion, il fut décidé que la ville leur donnerait le
supplément de 1,500 livres à dater du 1" janvier 1778 et
que s'ils refusaient ce point de départ, !e collège serait réduit
à trois classes comme celui de Gimont (1). Un délai d'un mois
leur fut accordé pour fournir leur réponse. Elle fut favora-
ble, et une ordonnance de l'intendant Douet du 18 juin
1778 et un arrêt du Conseil du Roi du 20 juillet 1779 auto-
risèrent la communauté à transiger sur ces bases, qui devin-
rent définitives (2).
Les procès et les transactions elles-mêmes entraînaient la
ville dans des dépenses considérables, et il était de son devoir
de se créer des ressources nouvelles pour les supporter. Elle
résolut d'obliger le Chapitre à lui donner le revenu de la pré-
bende préceptoriale qui devait être affecté à l'entretien du
collège. Ce revenu avait considérablement augmenté depuis
l'année 1050^ quoiqu'il fût toujours payé suivant le taux primi-
tif au lieu de l'être d'après son état actuel. MM. de Puységur
et de Castaing rédigèrent on faveur de la communauté un
mémoire présenté à l'intendant avec une requête sollicitant
de lui l'autorisation d'assigner le Chapitre devant le Séné-
chal (3).
L'intendant Douet rendit le 17 septembre 1775 une ordon-
nance par laquelle il accueillait favorablement la demande du
corps de ville, et le 11 octobre il lui permettait de poursuivre
son action contre le Chapitre de Sahit-Gervais. Deux syndics
(1) Records des ^ janvier et 17 mai 1778.
(2) Records des 8 juin et 4 octobre 1778. Les officiers municipaux de Lectoure
firent bien de transiger, car ils auraient probablement perdu leur procès devant
le Parlement. Le P. Théron, doctrinaire de Toulouse, écrivait, en effet, le 14
mai 1778 au V, Thomas, recteur du collège : « Nous poursuivrons un arrêt, et
» j'espère l'obtenir dans peu. J'ai éé}\ parlé k l'avocat et au procureur deux
n fois. J'ay vizité presque tous les grands chambriers; ils me paraissent bien
» disposés... »
(3) Record du 16 mai 1773.
— 436 —
nommés par la jurade furent chargés de représenter les con-
suls jusqu'à rissue du procès (1). Pendant la durée de Tins-
tance, les chanoines refusèrent de payer la somme habituelle
de 200 livres pour la valeur de la préceptoriale; les Doctri-
naires s'en plaignirent à la commune, qui engagea les cha-
noines à agir comme par le passé, sauf à prier Tévéqne de
s'interposer en cas de difficulté (2). Ces difficultés naquirent
à la suite* d'un arrêt du 6 septembre 1774, en vertu duquel
le parlement relaxa le Chapitre des fins de la poursuite
intentée contre lui et lui imposa, comme obHgation unique,
d'ériger en préceptoriale la première prébende majeure qui
serait vacante. Jusqu'au moment de cette vacance il devait
continuer à payer annuellement les 200 Uvres stipulées dans
le contrat du 12 octobre 1630. Une prébende ayant vaqué au
commencement du mois de mars de l'année 1780, le Chapi-
tre, en exécution de l'arrêt, l'érigea en préceptoriale et fit
titre en cette qualité, en faveur de M. Soûles, le 14 du
même mois. Il dénonça le 22 août 1780 aux consuls l'acte
qu'il venait d'accompUr, et se croyant p^r là dispensé de
payer la rente de 200 livres, il ne versa plus aucune somme
entre les mains du corps de ville, de telle sorte qu'en 1787 il
devait un arriéré de 1,400 livres, dont la commune était res-
ponsable envers les Doctrinaires. Les Pères n'intentèrent de
ce chef aucune action en justice; ils se bornèrent à réclamer
verbalement ce qui leur était légitimement dû. La municipa-
lité prit leur défense (5) et la cause était en instance devant
le parlement lorsque le procès prit fin, en 1790, par suite de
la suppression du Chapitre cathédral.
Nous avons dit plus haut qu'à dater de la Saint-Luc et de
»
(1) Records des 20 mai et 17 octobre 1773. MM. de Jolis et Ricard, avocats à
Toulouse, avaient rédige le 5 octobre 1773 une consul tation en faveur de la com-
mune. — Actes du 4 octobre 1774 et transaction entre les Chanoines et les pré-
bendes de Saint-Gervais au sujet de la Préceptoriale en date du 5 novembre 1774,
sur la médiation de l'évêque. (Comin notaire).
I (2) Record du 24 avril 1785.
! (3) Record du 9 mai 1787.
— 437 —
la renlrée des coui-s en 1775, après rachévement du collège,
chaque classe avait été, comme précédemment, pourvue d'un
professeur spécial. Ces classes étaient régulièrement suivies;
mais la fin de Tannée scolaire, qui se clôturait le 25 août,
n'était marquée par aucune solennité, les élèves les plus
méritants ne recevant pas de prix. L'établissement leclourois
était le seul qui n'en distribuât pas et il résultait de là un
défaut d'émulation préjudiciable au progrès des études. Les
Doctrinaires auraient fait eux-mêmes quelques sacrifices
pour l'achat des livres de prix si leurs ressources le leur
avaient permis. Ils possédaient, il est vrai, deux métairies,
mais ils les avaient acquises à des conditions onéreuses et
leur revenu représentait les honoraires de fondations pieuses
à remplir, telles que missions, messes, retraites, catéchis-
mes, prières et aumônes (1). D'un autre côté ils avaient été
obligés de vendre, le 10 mai 1787, deux maisons, pour sub-
venir à leur propre entretien et parer aux charges du col-
lège (2). Les consuls, reconnaissant la légitimité de la
demande des Doctrinaires, votèrent une somme de cent livres
pour l'achat d'ouvrages à distribuer en prix (3).
(1) Arch. mun. Lettre du 28 juillet 1776 écrite par le P. Corbin, provincial des
Doctrinaires, aux consuls de Lectoure. Outre les deux métairies indiquées plus
haut, les Doctrinaires possédaient 15 journaux de vigne au quartier de Parriou-
1ère, acquis au prix de 250 livres, suivant acte passé devant Bégué notaire, le
8 mars 1709. (Etude de M- Boue du Boislong).
(2) Acte devant Labat notaire (Etude de M* Latour). Ces deux maisons conti-
gués au jardin du collège furent vendues à Pierre Juillera, marchand à Lec-
toure, moyennant la somme de 2,700 livres, en vertu d'une délibération du
conseil de la province, datée du 19 décembre 1786 et basée sur « la détresse du
collège ».
(3) La somme de 100 livres fut votée jusqu'en 1791 (Délib. du comité perma-
nent de la commune de Lectoure, du 13 juillet 1790). Ces livres devaient être vrai-
semblablement achetés à Agen, à Toulouse ou à Condom, car jusqu'à l'installa-
tion des frères Guilhon, en 1794, Lectoure ne possédait ni imprimerie ni librairie.
Nous avons, il est vrai, trouvé sur les registres de catholicité de la paroisse du
Saint-Esprit le décès de Jean Salamon, maître imprimeur, survenu à Lectoure
le 10 janvier 1626, mais rien ne prouve que cet ouvrier ait exercé sa profession
dans noire ville. 11 y était sans doute né, puisque Jean Salamon, praticien, son
père, y est inscrit sur le livre terrier de 1612 (p. 331) comme possédant une mai-
son au quartier de Constantin, et il dut y mourir accidentellement. Si Lectoure
avait eu un imprimeur, les consuls se seraient adressés à lui pour les papiers
de la communauté et non à Arnaud Manas, imprimeur à Coudom, à Raymond
Tome XXX. 29
— 438 —
M. Malus, conseiller au présidial et premier consul, se
transporta au collège avec M. de Boubèe, avocat du roi, et
ils réglèrent avec le P. Recteur Tordre qu'il conviendrait
Gayau et à Jean Non bel, imprimeurs à Agcn, comme ils le firent en 1638, 1750
et 1766 (Arch. mun. Livres des dépenses).
Parmi les imprimeurs et les libraires de Condom, qui étaient les plus voisins
de Lectoure, nous pouvons citer :
Arnaud Manas, imprimeur libraire et relieur, établi à Condom dès l'année
1602, dont nous possédons « I.e Rituel ou Cérémonial romain » et « le Fonuu-
laire de prosne pour tous les Recteurs et vicaires du diocèse de Condom », aux
armes de Mgr de Cous, in-8', 1638. Il était marié avec Anne Lauberjat. dont il
n'eut pas d'enfants et qui fit un testament public en date du 20 juin 1653.
(Suberbie, not. à Condom, étude de M* Lagorce).
Guillaume et Jkan Laplace, frères, libraires en 1618 et 1646 (Actes des 4
novembre 1618 et 2 mai 1646, Dericheome, not. à Condom, même étude).
Jean Chazot, libraire en 1620 (Acte du 15 octobre 1620, même notaire).
Marie Laplace, mère de Jean Laplace, marchand libraire d'Agen, libraire
à Condom en 1650 (Acte du 14 fé^nrier 1650, Dupuy, not. à Condom, même
étude).
Jean Roudet, libraire dès 1660, sur lequel Bru, libraire d'Agen tirait en 1670
une « lettre d'échange » de 60 livres. Sa boutique était près de la halle et il y
exerçait encore sa profession en 1(586 (.\ctes des 23 septembre 1670 et 14 septeni-
bre 1686, de Rizon et Dupuy^ not. à Condom, études de M" Préchac et Lagorce).
Etienne Dubois^ marchand de Condom, était chargé par Jean Gayau père,
imprimeur du roi et libraire à Agen, de vendre les produits de son imprimerie
et de sa Ubrairie. C'est à raison des conventions intervenues entre eux à ce
sujet que Jean Gayau fils, libraire, agissant pour le compte de son père, lui
réclama le 14 janvier 1665 la somme de 400 livres (Saint-Estèphe, not. ù Con-
dom, étude de M' Lagorce).
Ti.mothl:e Gayau, imprimeur et libraire établi à Condom dès 1684 et logi» en
1689 dans la maison de Jean Roudet, décédé à cette date (Acte du 10 mars 1689,
de Rizon, not. à Condom, étude de M* Préchac).
Jacques Dkstadens, imprimeur-libraire, établi avant 1689 comme libraire,
s'était engagé dans le courant de cette année envers les consuls à faire porter
une imprimerie à Condom. 11 exerçait encîore en 1703 et céda son imprimerie i
Bernard Larroire, son gendre (Actes des 24 avril 1689 et 25 février 1703, de
Rizon et Legras, not. à Condom, études de MM" Préchac et Lagorce).
Antoine Doaz^vn, imprimeur en 1690 (Acte du 7 juin 1690, de Rizon, not. à
Condom, étude de M' Préchac).
Jkan Mesplet, libraire en 1690 et 1692 (Actes dos 7 juin 1690 et 1" juin Wî,
de Rizon et Dupuy, not. à Condom, études de MM** Préchac, 3t Lagorce).
Bernahd Imiihoirk, imprimeur-libraire, marié avec Marie Destadens, fit sou
apprentissage à Bordeaux chez Pierre Séjourné et commença à exercer à Con-
dom en 1723, après avoir été admis par les consuls aux gages de 50 livres par
an, suivant délibération du 27 novembre 1723 (Andrieu, His^t. d$ Vlmp. ff*
A(fenais). Il a\ ait eu de son mariage six enfants, parmi lesquels nous remar-
quons : Pierre Jacques, qui lui succéda; Charles Vital, régent sixième auccUèg*
de Condom en 1766 et maître de pension à Mézin en 1788; Françoise Elisabeth,
mariée en 1754 avec Jean- Baptiste Roy, maitre écrivain à Condom, et Jeanne
Jac<iiictte, religieuse h l'hôpital général de ia Manufacture de Condom, qui l«ta
le 26 janvier 1773 en faveur de Charles Vital son frère (.\ctes des 12 juin 1766.
— 439 —
crobserver dans celte cérémonie (1). Le voici, tel qu'il fut
arrêté avec les Pères du collège et adopté par la jurade le
27 juin 4784 :
Plan à suivre dans la distribution des prix arrêté entre les Révé-
rends Pères Doctrinaires du collège de la ville de Lectoure et
MM. Malus, conseiller au presidial et premier consul de ladite ville,
et Boubée, avocat du roi au dit siège, commissaires députés & cet effet
par la délibération du 31 mai dernier, et agréé par la communauté
ainsi que suit :
Art. I. — La distribution des prix sera faite le jour de la clôture
du collège, qui demeurera fixée à l'avenir au 25 août de chaque année;
Art. n. — Quelque temps avant la fin de Tannée, le R. Père Préfet
du collège présentera à MM. les officiers municipaux la liste des
livres qu'il aura choisis pour servir de prix cette année, pour les leur
faire agréer, et agréés qu'ils soient, MM. les officiers municipaux les
achèteront jusques et à concurrence de cent livres comme ils y sont
authorisés;
Art. m. — Les livres reçus seront déposés dans Thôtel de ville ou
ils seront gardés jusqu'au temps de la distribution qui en sera faite;
Art. IV. — Trois ou quatre jours avant ladite distribution, les
10 août 1788, 16 janvier 1754 et 26 janvier 1773, Reynaut-Come, I^acapère et
Fugens, not. à Condom, étude de M* Lagorce).
Pierre-Jacques Larroire, marié à Jeanne-Laurence Joli, succéda à son père
dès 1751 et son imprimerie lui appartenait encore en 1785* (Actes des 6 août 1751
et 28 mars 1785, Reynaut- Corne et Pugens, not. à Condom, même étude).
Antoine Delrieu, marchand libraire en 1732 (Acte du 2 novembie 1732,
Pugens, not. à Condom, même étude).
Bertrand Dbmail, imprimeur en 1765 (Acte du 24 mars 1765, même notaire).
Joseph Crêpe, imprimeur en 1772 (Acte du 27 novembre 1772, Reynaut-
Corne, not. à Condom, même étude).
Etienne Fournie, libraire en 1780 et 1788 (Actes des 22 novembre 1780 et
1" juillet 1788, Lannet et Reynaut-Come, not. à Condom, même étude).
Jean Larroire, imprimeur-libraire en 1786 (Acte du 8 octobre 1786, Rey-
naut-Come, not. à Condom, même étude).
Bernard Dupouv, fils de Jean Dupouy, marchand, et de Marie Dégue, entra
le 1" janvier 1781 en qualité d'apprenti chez Pierre-Jacques Larroire et se
maria le 28 mars 1785 avec la fille de son patron, nommée Jeanne. Aux termes
du contrat de mariage passé entre eux, Larroire constitua en dot à sa fille l'en-
tière imprimerie avec son outillage, sous la réserve de la moitié des profits et
de l'exercice commun de leur profession. Cette association dura jusqu'à la
Révolution (Actes des 10 janvier et 28 mars 1785, Pugens, not. à Condom,
même étude).
(1) Record du 31 mai 1784.
— 440 —
livres seront portés au collège sur la demande du P. Préfet pour y
être arrangés et classés d'après les dispositions laites par les RR. Pètes
Recteur, Préfet et les professeurs respectifs, conjointement avec
MM. les officiers municipaux, et on aura soin de garder dans ces
dispositions les proix)rtions d'une classe à une autre;
Art. V. — Il sera établi trois prix dans les classes de rhétorique,
de seconde et de troisième, et deux dans chacune des deux autres, et
les RR. PP. Recteur, Préfet et les professeurs respectifs décideront
du mérite des élèves auxquels les prix seront adjugés, le tout préala-
blement communiqué à MM. les officiers municipaux;
Art. VI. — Les armes de la ville seront gravées sur un papier
volant avec cette devise : Ex munijicentià cicitatis Lectorensh. Sur
ce papier ser# écrit le certificat du R. Père Préfet, et ce papier sera
collé dans l'intérieur du livre pour servir de monument;
Art. vn. — Le jour de la distribution des prix, les livres classés et
ornés seront remis vers le matin à Thôtel de ville pour êuce portés de
là en triomphe au collège et y être distribués;
Art. viii. — Le jour de la distribution, vers les tiws heures du
soir, MM. les ofliciers municipaux se rendront à l'hôtel de ville au son
de la cloche dudit hôtel qui donnera le signal de leur arrivée; aussitôt,
les écoliers qui doivent faire ce jour-là un exercice littéraire se ren-
dront à l'hôtel de ville précédés de deux drapeaux et de fanfares, pré-
senteront leurs hommages à MM. les officiers municipaux revêtus des
marques de leur dignité et auront l'honneur de les accompagner jusques
au collège, où ils seront reçus à la grande porte par les RR. PP. Rec-
teur et Préfet, et conduits à la salle des exercices. Les livres ornés de
lauriers seront portés en grande cérémonie et précéderont MM. les
officiers municipaux dans leur marche;
Art. IX. — Dès que MM. les ofliciers municipaux auront pris leur
place, l'exercice fini, le R. Père Préfet du collège nommera ceux qui
auront mérité d'être couronnés; les candidats recevront leurs prix; ils
en fairont hommage à chacun de MM. les officiers municipaux;
Art. X. — La distribution des prix faite, MM. les officiers muni-
cipaux reviendront à l'hôtel de ville dans le même ordre qu'ils seront
venus au collège; ils seront précédés de ceux des écoliers qui auront
remporté des prix ou mérité des couronnes et, arrivés à l'hôtel de ville,
ils fairont leurs remcrciemenls à Messieurs leurs protecteurs (1).
(1) Uecord du 27 juin 1784.
— 441 —
L'exercice lilléraire du collège de Lecloure consistait eu
une série de dissertations sur des sujets religieux^ poétiques
et historiques, choisis par les maîtres et développés par les
élèves. Nous n'en avons retrouvé que deux exemplaires, Tun
chez un chiffonnier, et Tautre aux archives municipales.
Celte rareté s'explique par le très petit nombre d'épreuves
distribuées aux personnes de qualité qui y assistaient. Le pre-
mier, en date du 50 juillet 4714, est imprimé sur une feuille
de papier de dimension ordinaire, sans ornements, et con-
tient les indications suivantes :
GUM DEO
PUBLIGAS HABEBUNT EXERG[TATIONES
IN GOLLEGIO LEGTORËNSI
PATRUM DOGTRINiE GHRISTIAN.fi.
HUMANISTiE
UT STUDII SUI PRiEBEANT ARGUMENTA.
Interrogati, Memoriter et Gallice reddent.
1° Octo capita Actuum ApostoLorum.
2^ Tertiam Ciceronis Orationem in Catilinam.
3'' Secundum librum Iloratii Satirarum.
4*^ Tertium Quiiiti-Curtii librum de rébus gestis Alexandri magni,
5*^ Aphlonii Progiumasmata de fabula, narratione et chriâ.
Agrent adjuvante superna sapientià, die 30 mensis Julii,
hora 3% post meridiem. Anno 1714.
Guillelmus Agasson.
Fj'anciscus Despons.
Josephus ViTALis.
Jaeobus Agasson.
Josephus Merlin.
Adeste viri Lectorenses ornatiasimil
Joannes Saintavit.
Joannes Granier.
Joannes Soucaret.
Joannes Gauran.
Joannes Dubosc.
— 442 —
Le second exemplaire consiste en deux feuilles de grand
papier, juxtaposées, collées sur une toile et mesurant ensemble
0" 95 de hauteur sur 0" 65 de large, La première moitié esl
occupée par une gravure représentant la famille de Darius aux
pieds d'Alexandre, d'après Le Brun; au-dessous et entre deux
cariatides supportant un encadrement timbré d'un écu aux
armes de France, le programme suivant esl imprimé sur deux
colonnes parallèles :
Exercice lUtéraire dédié à Messieurs Despiau, maire, LéglisCy
Maragnorij Suberoie, Dumoulin, Cazenoce, Guilhon, Vallée ,
SalesseSy officiers municipaux de la ville de Lectoure, Gaaran^
procureur de la commune, par Messieurs :
Antoine Duplan d'Aubiac; — François Davasse, de Saint-Créac;
— Jean Couaix, de Lectoure; — Jean Pécastaing, de Lectoure; —
Pierre Comin, de Lectoure; — Pierre Cézei-ac, de Plieux, écoliers de
seconde au collège royal de Lectoure des Prêtres séculiers de la Doc-
trine chrétienne.
L Ecriture Sainte : Première épître de Saint Paul à Tiino-
thée
H. Elémens de Littérature : Définition du mot art
IIL De la Poésie en général : Définition de la poésie
IV. Genre narratif : De Tapologue; de la poésie pastorale; de la
poésie épique
V. Genre dramatique : Du drame en général; de la tragédie en
général; de la comédie
VL Genre lyrique : De Tode; de Télégie...
VIL Genre didactique : De la satyre; de Tépître en vers; des
pièces fugitives
VI IL CicÉRON : Seconde Catilinaire
IX. Quinte-Curce : Histoire d'Alexandre le Grand.
X. Géographie : Amérique
Cet exercioe se fera le 25 du mois d'août 1790, dans la salle ordinaire
du collège, et sera suivi de la distribution générale des prix (1).
(1) Agen, chez la veuve Noubel, imprimeur-librair©, rue Garonne. Nousavon^
trouvé, serv'ant de couverture aux minutes de M* Gauran, notaire à Lectoure.
année 1775, un fragment d'exercices classiques et liUtéraires soutenus par ie$
— 443 —
La Révolution marchait à pas précipités^ et les Doctrinaires
ne devaient pas rester longtemps au collège de Lectoure. Les
biens qu'ils possédaient à Notre-Dame de Tudet, consistant
en une métairie de 36 concades et 9 places de pré, au lieu
dit d'Endemort, fureat soumissionnés le 31 juillet 1790 (1)
et saisis comme leurs autres immeubles (2). Il ne leur restait
plus que la subvention municipale, dont ils réclamèrent le
payement par acte d'assignation du 24 décembre 1791 (3).
La commune répondit à leur demande par une délibération
du 25 mars 1792, prise à la suite de Texposé suivant du
maire Lagrange :
« Messieurs, uu motif d'économie excile la proposition que j'ai aujour-
d'hui riionneur de vous faire; je m'empresse de vous en développer
les motifs que je puise dans Tobligation de chaqun de nous à s'occuper
de tout ce qui peut contribuer à Tavantage de la communauté. La
masse des charges locales jointe à l'augmentation considérable des im-
positions ordinaires fait accroître les difficultés de les acquitter, et le
surenchérissement des denrées met le pauvre dans la même impossi-
bilité. Cette communauté paye. Messieurs, aux Doctrinaires une pen-
sion de 3,250 livres; les causes qui déterminèrent nos prédécesseurs à
cette contribution n'existent plus. Le collège, absolument dépourvu
d'écoliers, laisse, comme vous le savez, les professeurs dans un état
d'oisiveté; vainement chercherait- on k nous opposer les anciennes
capitulations, elles ne sauraient résister à ce principe do justice et de
raison qui a toujours prononcé l'état de minorité des communautés en
leur accordant la faculté de revenir sur tout ce qui peut les grever. La
loy du 12 octobre dernier relative aux corps et étabUssements d'ins-
truction et éducation publique ne peut s'adapter qu'à ceux qui sont à
la charge de la nation; s'il en était différemment, n'existerait-il peut-
élèves ci-après, de* la classe de quatrième : Arnaud Comin, de L^îctoure; Domi-
nique Junqua, de Lectoure; Etienne de Labastide, d'Auvillars; Guillaume Lar-
roche, de Terraube; Guillaume Ricau, de Lectoure; Jean-Baptiste Barres, de
.Saint-Clar; Jean-Baptiste Danzas, de Saint-Léonard; Joseph Malus, de Lec-
toure; Joseph ï^bordère, de Miradoux; Joseph Gauran, de Lectoure; Joseph de
Larroche, de Lectoure; Michel Cantaloup, de Saint-CIar.
(1) Arch. mun. Registre des soumissions des biens nationaux, p. 98.
(2) Guillaume KoussiUe cadet, domicilié de Lectoure, se rendit, le 7 juillet
1793, adjudicataire d'un jardin contigu au collège et appartenant aux Doctri-
naires (Délibération du 7 juillet 1793).
(3) DéUbéraUon du 27 décembre 1791.
— 444 —
être pas une injustice dans celle loy et une contradiclion évidente dans
les principes de T Assemblée nationale qui proportionne toujours le
salaire au travail? Enfin, Messieurs, dans le cas où vous adoptiez ma
proposition, je la soumets à votre discussion et me réfère au moyeu
que vous prendrez pour soustraire la communauté à une surcharge si
gratuite, et veuillez y délibérer. » La matière mise en délibération,
les voix recueillies par M. le maire, il a été unanimement conclu ei
arrêté :
I. — Que, vu les frais énormes que coûte à la communauté un
enseignement devenu inutile parle défaut d'écoliers, il ne sera à Tave-
nir rien imposé pour cette dépense, le Conseil général de la commune
abrogeant d'hors et déjà toutes les capitulations que ses prédécesseurs
auraient pu faire dans un temps où elles étaient aussi nécessaires
qu'elles sont aujourd'hui inutiles;
IL — Qu'un extrait de la présente délibération sera signifié aux
recteur et syndic du dit collège, pour leur déclarer qu'à compter du dit
jour cessera tout traitement et pension que la communauté était d'usage
de leur payer; arrête en outre qu'un autre extrait sera adressé au direc-
toire du département pour l'instruire des motifs de justice et d'écono-
mie qui l'ont dicté (1).
Celle délibéralion ne précéda que de quelques mois le
décret portant qu'aucune partie de renseignement ne con-
tinuerail d'être confiée aux maisons de charité ni aux con-
grégations d'hommes et de femmes, séculièreres ou régu-
lières (2). Les Doctrinaires quittèrent leur collège (3) et
furent dispersés comme les autres ordres religieux. Les biens
immeubles qui leur appartenaient furent vendus, et nous eu
trouvons l'énumération dans les procès- verbaux d'adjudica-
tion déposés aux archives départementales du Gers :
I. — Biens vendus par le Directoire du district:
N** 361. — 31 décembre 1792. — La métairie de Bartherote, située
à Lectoure, consistant en une maison composée de chambres pour le
(1) Délibération du 25 mars 1792.
(2) Décret du 22 août 1792, art. 4.
(3) Le dernier quartier de rente fut payé aux Doctrinaires le 1" avril 1792
(Arch. mun. Etat des impositions locales pour Tannée 1792).
— 445 —
maître et pour le bordier, granges, écuries, pigeonnier et autres dé-
charges, sol, pàtus, jardins, terres labourables, preds et vignes, avec
un pred sur la rivière du Gers; de la contenance totale de 19 concades;
lesdits biens affermés conjointement avec un autre domaine aux
citoyens Deluc et CoUongues par acte du 11 avril 1792. Adjugé au
s^ Vital Maignaut, armurier à Lectoure, pour 24,200 livres, lequel
Maignaut a subrogé à son lieu et place le citoyen Bernard Lanes, curé
de la paroisse Saint-Gervais, de cette ville, ici présent et acceptant.
N^ 362. — 31 décembre 1792. — La métairie de Boulouch, située
h Lectoure, sur la rivière du Gers, consistant en bàtimens pour le bor-
dier, avec une grande tour servant de grenier, chai et pigeonnier,
granges, écurie et autres décharges, terres labourables, jardin, vignes,
pred et sol; le tout de la contenance d'environ 29 concades; ledit
domaine affermé conjointement avec celui de Bartherote aux citoyens
CoUongues et Deluc, par acte public du 11 avril 1792. Adjugé au
s^ Joseph Bouet, de Saint-Martin, pour 33,300 livres.
N° 363. — 31 décembre 1792. — La fézende appelée du Coutellier,
située à Lectoure, le long de l'ancienne grande route du Pont de Pile
à Estafort, consistant en une petite maison pour le fezendier, deux
petits jardins, terre labourable et vigne, de la contenance totale de
35 journaux. Adjugé au citoyen Dominique Monbrun 61s, de Lectoure,
pour la somme de 5,525 livres.
N° 451. — 25 pluviôse an m. — Une maison à Lectoure, adjugée
à Pierre Barthe pour 10,275 livres.
IL — Biens vendus par V Administration centrale du département:
N° 61. — 25 prairial an iv. — Jardin de 304 toises de surface, con-
frontant du nord à mur de la ville, du levant à jardin de la citoyenne
Bruils, midi à rue Jusane, et couchant à jardin d'Esperon et épouse
Dantin. Adjugé au citoyen Pierre Roussille, d'Auch, faisant pour le
citoyen Jean Pujol aîné, charron à Lectoure, pour 1,100 livres. (L'ad-
ministration municipale de Lectoure s'était d'abord opposée à la vente
de ce jardin, croyant qu'il appartenait à la ville et était de tout temps
une dépendance du collège, propriété de la ville : depuis, cette oppo-
sition avait cessé, lorsque l'administration eut découvert que le local en
question avait été donné à la ci-devant Congrégation de la Doctrine
chrétienne). Procès- verbal d'estimation du 12 prairial an iv.
— 446 —
Telle est Thisloire du collège de Lectoure sous la direction
des Pères de la Doctrine chrétienne. Depuis son origine en
1630 jusqu'à sa tin en 1792, son existence n'a été qu'une
longue série de procès. Peu important par lui-même» il sut
pourtant se soutenir, et le niveau des études y était aussi
élevé que dans les autres établissements similaires. I^rOS luttes
du jansénisme, qui amenèrent des changements nombreux et
trop souvent répétés dans le personnel enseignant, rabais-
sèrent pendant la seconde moitié du xvnr siècle; nonobstant
ces défaillances, la généralité des habitants de Lectoure pro-
fitait avec empressement des cours absolument gratuits de
celte maison, à laquelle la ville tenait beaucoup, malgré les
dépenses considérables qu'elle lui occasionaail (i).
Les tableaux suivants, publiés en 1792 par ordre du Direc-
toire du déparlement du Gers (3), nous Axeront complète-
ment sur l'état, les revenus et les dépenses du collège au
moment du dépari des maîtres qui y étaient préposés :
(1) Le nombre des élèves des Doctrinaires morts à Lectoure pendant la durée
de leurs études ne s'élève qu'à 9, d'après les livres de catholicité. Ce sont ;
30 novembre 1670, Fabien Péfaur, étudiant de philosophie, né à Benque, en
Comminges.
30 juin 1730, Joseph Lartigue, étudiant eu philosophie, 22 ans.
25 mai 1732, Nicolas Ducasse, 16 ans, flls d'un procureur au sénéchal, nojé
dans le Gers et dont le corps fut retrouvé au moulin de Lamothe.
13 janvier 1767, Jean-BapUste GuiUemette, 13 ans, flls de Charles Guillemette.
notaire à Miradoux.
4 juin 1776, Jean-Hilaire Lodéran, 14 ans, écolier de cinquième.
6 mai 1777, Samuel Dulong, 9 ans.
25 lévrier 1786, Antoine Labarthe, 11 ans, écolier de cinquième.
29 juin 1786, Pierre I^bartbe, 18 ans, écolier de logique.
3 juin 1787, Joseph Bascou, 16 ans, écolier de cinquième, noyé dans le Gers.
(2) Arch. dép. du Gers, série L, 388.
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i i -!
Un recteur et sept professeurs
doctrinairea: un recteur prê-
tre, un préfet laïque.
Un professeur de philosophie;
Un professeur de rhétorique;
l.'n professeur d'humanités;
Un professeur de troisième;
Un professeur de quatrième;
Un profesaeur de cinquième.
■sj,HawaBBnuvi.ï
NOIlVNDISga
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I10N
Lectoure.
— 449 —
La suppression du collège privait dMnslrucUon les élèves
qui l'avaient fréquenté : il convenait d'arrêter autant que
possible « les progrès destructeurs de Tignorance qui dévas-
tait notre contrée » . C'est « afin de remplir un objet si bien-
faisant pour rhumanilë j>, que M. Despiau, président du
Comité permanent^ proposa à ses collègues d'établir à Lec-
toure un cours de chirurgie. M. Gilbert, chirurgien major de
l'hôpital et correspondant de l'Académie royale, offrit de faire
quatre leçons publiques par semaine sur l'anatomie, la
pathologie, les maladies des os, les bandages et les accou-
chements. Une salle de l'hôpital devait être mise à sa dispo-
sition, ainsi que les cadavres des étrangers morts dans cet
établissement. Nous croyons qu'aucune suite ne fut donnée
à cette bizarre délibération du Comité permanent (1).
L'établissement des Doctrinaires de Lectoure avait duré
162 ans et pendant ce temps un grand nombre de religieux
y séjournèrent à divers titres. Quels sont les noms de ces
obscurs mais infatigables ouvriers, qui travaillèrent sans
relâche à l'instruction des enfants de la Lomagne? Le temps
n'en a respecté qu'un petit nombre; les archives domestjr
ques du collège sont perdues; ce n'est donc qu'après de longues
recherches que nous avons pu en dresser une liste malheu-
reusement incomplète. Nous nous sommes aidés pour accom-
plir cette partie de notre travail des éléments les plus divers
et disséminés un peu partout. Les quittances publiques ou
privées, les minutes des notaires, les archives municipales et
départementales, les Nouvelles ecclésiastiques, les baux d'en-
treprises, les vieux livres terriers, en un mot tout ce que
l'on a bien voulu nous communiquer a été mis à contribution
et minutieusement fouillé, et cependant que de noms reste-
ront encore plongés dans un éternel oubli !
{Asuivf-e.) A. PLIEUX.
(1) Comité permanent. Séance du 13 janvier 1790.
L'EAU-DE-VIE DU BAS-ARMAGNAC
A CAZAUBON.
Il est hors de doute que Cazaubon et les oommunes environnantes
fournissent un des meilleurs crus de cette excellente production; mais il
m'est impossible de préciser l'époque oii les habitants commencèrent à
se livrer à cette industrie. Ce ne dut pas être avant 1600; car, outre
le peu d'étendue des vignes et la petite quantité de AÎn récoltée avant
cette époque, on sait que Tcau-de-vie n'était pas encore devenue un objet
de consommation ordinaire. Mais dès les premières années du xvii*
siècle les grands propriétaires de la contrée durent commencer à distiller
l'excédent de leur récolte. Ce commerce, qui était sans doute fort peu
de chose à l'origine, grandit avec l'étendue des vignobles; de sorte
qu'il avait déjà une certaine importance vers 1650.
Néanmoins je n'ai rencontré aucun écrit qui en affirme l'existence k
Cazaubon avant 1680. Mais ce négoce était alors assez considérable
pour nous porter à croire qu'il datait d'assez loin. Nous voyons d'ail-
leurs, parla Relation véritable de Jean Laborde Péboué, qu'en Chalosse,
en 1666, il y avait, aux environs de Doazit, 60 chaudières qui brû-
laient cent barriques de vin par jour. Ce bonhomme, un peu supersti-
tieux, raconte sérieusement, à cette occasion, que le jour de la purifi-
cation (2 février), six chaudières, fonctionnant au lieu dit Saint-Aubin,
se détraquèrent tout à coup et ne donnèrent presque plus d'eau-de-^âe;
que le curé, appelé sur les lieux, y fit des exorcismcs^ dit ensuite la
messe, et qu'après cela les chaudières reprirent leur marche régulière.
Il n'affirme pas avoir été le témoin du fait ; son récit ne devait être
fondé que sur des on dit; mais il montre bien que la distillation du
vin était alors largement pratiquée dans le pays de Chalosse, et le Bas*
Armagnac ne devait pas lui être très inférieur sous ce rapport.
Un règlement d'affaires de 1683, entre Laborde-Lagrauley, négo-
ciant, et Joseph Teychousin, tailleur d'habits à Lancelot en Cazaubon,
nous apprend que ce dernier était redevable de la somme de 110 livres
et de 13 veltes d'eau-de vie. Vers cette même époque, Pierre Laborde,
notaire^ ancien régisseur de Maniban^ demeurant à Pépéré, se livrait à
^
— 451 —
ce commrcee assez en grand. Il faisait acheter du vin pour le distiller.
Jean Lacoste, maréchal ferrant, habitant de I..agouanère en Cutxan,
était son commissionnaire dans cette contrée et recevait cinq sous
pour l'adhat de chaque barrique. Après quatre années, dans un règle-
ment fait au presbytère de Sainte-Fauste, il se trouva détenteur de 820
livres d'avances, en argent, et de quatre pièces d'eau-de-vie.
La pièce d'eau-de-vie, comme la barrique de vin, ne contenait que
32 veltes. Cette mesure fut en usage jusque vers la fin du xvni* siècle;
mais les ventes se faisaient, le plus souvent, je crois, à tant la velte.
A répoque où nous sommes, vers 1700, la plupart des grands pro^
priétaires étaient nantis, pour le moins, de deux chaudières.
Ainsi le sieur Jean Duby en possédait deux en 1713, et certaine-*
ment depuis longtemps. En 1721, le sieur Jean Rozis, marchand, en
installa deux aux Mouliés, dans une maisonnette achetée à cette fin.
Mais ce ne fut pas sans difficultés. Ce bâtiment était resté très long-
temps abandonné, et les voisins s'étaient habitués à en user comme
de leur bien propre. Quand le sieur Rozis voulut y transporter ses
chaudières, il rencontra de leur part une absolue opposition. Il dut
s'adresser au juge et assigner les plus récalcitrants pour avoir la per-
mission de passer provisoirement, en offrant telle indemnité qui serait
jugée l^time^ après l'instruction de l'affaire.
En 1741, il fut constaté par un inventaire, après le décès du sieur
Jean Genous, qu'il possédait, à Bégué, deux chaudières sur maçonna
rie h poste fixe, et deux à Laroque, sur charriot/ avec un attelage,
pour aller sans doute d'une métairie à l'autre^ ou même chee des
étrangers. Je me souviens d'avoir lu un billet du sieur Louis Corrent
à un Laborde (probablement Laborde-Lancelot), où il le priait de se
hâter avec sa chaudière, qu'il devait envoyer à son frère, curé de Mau-
vezin. Je n'ai rencontré que cet exemple d'une chaudière isolée, si
toutefois elle l'était. Car rien n'empêche que sous le nom de chaudière
il n'entendît un couple, qui pouvait voyager sur un seul charriot. 11
est probable qu'il en étajt ainsi pour les deux de M. Genous à Laro-
que, attendu que Tinventaire ne fait mention que d'un charriot et d'un
attelage. La distillation par ce procédé primitif était tellement lente que,
sans doute, on eût cru perdre son temps en se bornant à la surveil*-
lance d'une seule chaudière.
Le propriétaire des chaudières prenait trois livres pour les frais de
distillation d'une pièce y compris le bois, avant 1700. En 1724, le
sieur Rozis en fit distiller quatre pièces, en faveur d'un nommé Câin*
pagne, par Joseph Marre, forgeix>n, qui exigea 4 livres de la pièce. Ce
— 452 —
prix n'était pas encore bien établi ; car il y eut pix)o6s. Mais il prévalut,
et à partir de ce moment je le trouve généralement admis.
Il y avait alors comme aujourd'hui, des hommes qui exerçaient le
métier de faiseurs d'eau-de-vie, et qu'on désignait, comme aujourd'hui
encore, sous le nom de Brûleurs. Il est probable que le forgeron Marre
avait joint cette industrie à son premier état, qui sans doute lui lais-
sait des loisirs. Un nommé Jacques Coucréges avait la même profes-
sion et était appelé dans le^ maisons où il y avait du vin à distiller.
Jusqu'à cette date nous n'avons trouvé aucune indication pi-écise sur
la valeur des eaux-de-vie. Nous serons plus heureux à partir des pre-
mières années du xvni* siècle. Mais avant d'entrer dans ce détail,
disons que la futaille dite pipot coûtait 6, 8 et 10 livres, en divers
temps; que le transport d'une pièce de Cazaubon à Mont-de-Marsan
était payé après 1750 4 livres, et 10 livres de Mont-de-Marsan à
Bordeaux ou à Rayonne. On s'était aperçu dès lors que certains bou-
viers ou charretiers puisaient dans les pièces et refaisaient ensuite le
plein avec de l'eau. Pour empêcher cette fraude, on remettait à chaque
bouvier une bouteille cachetée remplie du liquide qu'il portait et qui, à
l'arrivée, devait se trouver conforme à l'échantillon.
J'ignore si, dans les premiers temps, les eaux-de-vie d'Armagnac
furent appréciées à leur juste valeur; mais il paraît certain qu'elles
étaient fort goûtées pendant la seconde motié du dernier siècle. Je
trouve plusieurs envois, à Paris, à la marquise de Livry, et surtout à
Chauliac, son agëht à Toulouse, et à plusieurs amis de ce dernier.
Pierre Bedout, négociant, en vendait beaucoup, dans cette dernière
ville, à « une livre cinq sous la bouteille. »
Voici maintenant les divers prix que j'ai pu constater en suivant
Tordre des années. Gomme pour le vin, ce prix est sujet à une fluc-
tuation continuelle. Nous trouvons quelquefois des variations consi-
dérables dans le même mois. L'accroissementn'en reste pas moins sen-
sible en considérant un long espace de temps.
La vente la plus éloignée avec indication du prix est de 1713.
Douze pièces furent vendues, à cette date, à 70 livres les 32 veltes.
Quelle que soit la contenance des futailles, la vente à la pièce est tou-
jours OAlculée à raison de 32 veltes jusque vers la fin du dernier
siècle.
174?. Jean Lagoraet, de Soubëre vendit au sieur Brettes, négociant
à Mont-d&*Marsan, une pièce pour cent deux livres.
1748. Au décès du sieur Dupuy-Guilheman, on trouva dans son
— 453 —
chai 387 veltes d'eau-de-vie, qui furent vendues le 1*^*" décembre de la-
dite année à 90 livres les 32 veltes.
En 1749, nous trouvons plusieurs ventes au même prix : 90 livres.
L'année 1754 fut abondante et le vin excellent; aussi la baisse fut
considérable : le prix tomba à 41 livres la pièce.
En 1755^ quoique le vin fût encore excellent, il y eut enchérisse-
raent. Il se fit des ventes, d'abord à 50 livres, puis à 60 et 67. Cail-
hava, notaire, vendit en novembre à 62 livres la pièce.
En 1757, le même Cailhava vendit 162 veltes à 76 livres la pièce.
Cependant je trouve, dans la même année, des ventes à 70 livres .
1761. Le môme sieur Cailhava vendit quatre pièces à 73 livres.
1768. 21 veltes envoyées à M. Chauliac, à Toulouse, furent estimées
à raison de 139 livres les 32 veltes. Il est plus que probable que cette
eau-de-vie n'était pas de l'année. Néanmoins le cours s'était élevé.
Sauboua de Maridan vendit trois pièces, au mois d'août 1769,
à 115 livres la pièce, avec la réserve que, si le prix venait à s'élever
avant le 15 septembre suivant, le surplus serait payé par l'ache-
teur.
Ce haut prix se maintint les années suivantes. En 1772, il était de
128 à 133 hvres, à Bordeaux; ce qui le réduisait à 115 à Cazaubon,
comme en 1769.
Les eaux-de-vie enchérirent encore au commencement de 1773. On
trouve des ventes à Cazaubon, à 124 livres. Mais sans doute l'an-
nonce d'une bonne récolte les fit tomber à 96 livres au mois d'août.
Thomas Bedout vendit les siennes à ce prix, le 14 de ce mois. Les
vendanges ne durent pas répondre à l'attente des habitants; nous trou-
vons le cours à 116 livres à la fin de l'année.
La hausse* continua en 1774; les eaux-de-vie se vendirent à 123
livres en février et mois suivants, et à 135 livres en novembre.
On put vendre encore à ce haut prix en 1775.
L'eau-de-vie envoyée à Paris, à la marquise de Livry, en 1777, fut
estimée 348 livres les 32 veltes. Elle devait être très vieille et d'excel-
lente qualité.
Il y eut des ventes en mars 1779, à 112 livres la pièce.
Il y eut baisse les années suivantes. Eu 1782 et 1783, nous trouvons
des ventes à 72 et 73 livres la pièce.
1784. Le sieur Bères vendit quatre futailles, à raison de 76 livres
les 32 veltes. Il dut se produire une hausse à la fin de l'année; le sieur
Laborde, curé de Bouau, vendit sa récolte à 89 livres la pièoe.
Tome XXX. 30
— 454 —
1787. Jean Démolie, tailleur de Marquestau, vendit son eau-de-
vie à Jean Dupuy-Guilheman, marchand, à 90 livres les 32 veltes.
Il y eut hausse en 1788; nous voyons des ventes à Mont- de-Mar-
san à 110 livres.
Je n'ai aucun renseignement, concernant les eaux-de-vie, dans les
années de la révolution. Il pst probable que ce commerce fut très-res-
Ireint. En 1798, je trouve une vente à 275 livres les 50 veltes, à Mont-
de- Marsan. Ce produit dut être rare et d'un prix fort élevé pendant ces
années d'agitation.
Désormais la pièce est de 50 veltes ou 400 litres.
Aux premières années de notre siècle, il se produisit une hausse
considérable. En 1802, il se fit des ventes en octobre, à 375 francs.
Dans les premiers mois de 1803, les eàux-de-vie valurent, à Cazau-
bon, de 365 à 370 francs, et 380 à Bordeaux. Ce prix fléchit après les
vendanges. En décembre, l'eau- de-vie n'était plus cotée à Bordeaux
que de 250 à 280 francs.
La baisse s'accentua, l'année suivante 1804 : à Bordeaux, fluc-
tuation entre 230 et 265 fr. et à la fin de Tannée 222 fr.
En août, il y eut des ventes à Cazaubon à 160 fr. la pièce.
1805. Grande variation entre 230 et 155 fr. Le prix le plus élevé fut
celui des premiers mois; la baisse se fit graduellement.
1806. A Cazaubon, la pièce, dans les six premiers mois, valut de 150
à 157 fr ; en septembre elle fut cotée 175 francs, 190 francs en octobre.
En 1807, le cours redescend entre 130 et 155 fr. les 400 litres.
1809. Je trouve des ventes à Cazaubon à 170 francs. En 1810, le
prix est à peu près le même. Cette même année, l'eau-de-vie se ven-
dit mille fr. la pièce à Madrid, où était entrée l'armée française.
1813. A Mont-de-Marsan, ventes à 212 fr. 50 centimes la pièce.
1816. Grande hausse : 450 francs la pièce à Cazaubon. La hausse
continua en 1817; nous voyons les eaux-de-vie à 550 et 600 francs,
en août, à Mont-de-Marsan, et en décembre à 800 et 850 francs à
Bordeaux.
Ce haut prix fléchit en 1818; Pierre Bedout vendit à 394 francs 45
centimes la pièce.
La baisse continue les années suivantes. En janvier 1820, je trouve
des ventes à cent francs. Néanmoins vers la fin de l'année, le cours
remonta à 180 et à 195 francs. La hausse continua en 1821. Dans les
premiers mois, il y eut des ventes à 200 francs; dans le reste de rannèe,
à 200 et jusqu'à 280 francs la pièce.
— 455 —
L'année 1821 avait eu de très fortes gelées; ce qui explique le grand
enchérissement de la fin de Tannée. Ce prix élevé se maintint en 1823.
Les ventes se font de 220 à 245 fr. la pièce.
Dans les six premiers mois de 1823, forte baisse : on n'obtenait plus
que de .155 à 190 livres. Ce prix tomba même à 110 francs, après ven-
danges, pour remonter ensuite à environ 130.
On trouve le môme cours en 1824 et années suivantes. Les eaux-de-
vie valurent 200 francs les 400 litres en 1827.
Jusque vers 1852, les prix oscillent entre 130 et 200 francs. Je crois
que les plus communs furent de 140 à 160 fr.
Par l'effet des maladies désastreuses qui ont atteint et même détruit
en partie les vignes dans ces derniers temps, nous avons vu, pour
le moins deux fois, l'eau-de-vie s'élever au haut prix de 1,000 francs
la pièce et même le dépasser.
DUCRUC,
Curé-doyen de Cazaubon.
LA OILTVRE DE U VIGNE DANS LE BAS-ARMAGNAG
AUX XIV KT XV SIÈCLES
Un ancien document, qui porte la date de 1346 et dont je possède
l'original, me permet de fournir un supplément au très intéressant
mémoire que M. l'abbé Ducruc a publié ici même sur la culture de la
vigne aux alentours de Cazaubon (1). Ce document est un manuscrit
patois relatant les tailles imposées sur les propriétaires de Sainte-
Christie, près Nogaro, au prorata de la valeur de leurs terres. Malheu-
reusement je n'ai pu retrouver qu'un fragment de ce manuscrit, et
encore les rats ou « aultres malignes bestes » ont-ils brouté le com-
mencement de plusieurs pages. Mais tel quel, il offre des renseigne-
ments précieux sur l'état agricole du Bas-Armagnac vers les derniers
temps du xiv« siècle^ époque d*autant plus intéressante à observer
qu'elle se rapproche davantage d'une des périodes les plus troublées de
(1) Voir ci-dessus, livraison de juin, p. 245.
— 456 —
la Guerre de cent ans; il y avait alors, en effet, vingt ans à peine
que l'invasion du Prince Noir avait mis tout l'Armagnac à feu et à
sang.
En ce qui concerne les vignes, voici la situation que ce document
accuse. Sur 94 propriétaires, 73 possèdent 127 vignes. C'est donc une
moyenne de près de deux vignes par propriétaire. En réalité, plusieurs
n'ont qu'une vigne, quelques-uns en ont deux, sept ou huit en ont
trois, et deux seulement en ont quatre. L'ensemble des terres de ces
94 propriétaires est estimé 6,619 écus (1), en supprimant les centimes,
c'est-à-dire les « ardits, Jaques et bagues ». Sur celte somme, les
vignes figurent pour 714 écus. Par conséquent, elles représentaient,
du moins quant à leur valeur, le 9^ à peu près de toutes les pro-
priétés.
De ces 127 vignes, 15 sont désignées sous le nom de plantes^ jeunes
vignes dont l'âge pouvait aller jusqu a 8 ou 10 ans; 4, sous le nom de
vieilles oignes, terme dont il est malaisé de fixer le sens exact parce
qu'il varie selon les circonstances et les terrains; 6, sous le nom de
tergersy mode de viticulture dont M. l'abbé Ducruc a très bien marqué
les principaux caractères. J'ajouterai qu'il y a 7 autres pièces de terne
dénommées vergers; mais, comme elles sont mentionnées en commun
avec la maison et le jardin, il est impossible d'en faire un départ
exact.
11 reste donc, en dehors des vignes sus-désignées, 101 vignes en
plein rapport. Les plantes, sauf deux dont les rats ont fait disparaître
l'évaluation, sont estimées 91 écus; les vieilles vignes 33 écus 1/2; les
six vergers, 111 écus; les autres vignes, 481 écus. Ainsi, la moyenne
de la valeur des plantes est de 7 écus, ou un peu plus; celle des vignes
vieilles, de 8 écus 1/2; celle des autres vignes, de 5 écus environ; celle
des vergers, de 18 écus. En rê^alité, sur ces 101 vignes, 16 dépassent
10 écus, et deux seulement montent jusqu'à 25 et 28 écus. Les vergers
étaient de beaucoup les plus appréciés; sur les six^ en effet, dont la
valeur nous est connue, deux sont estimés 8 et 9 écus; les quatre
autres arrivent à 20, 21, 25 et 28 écus.
La différence entre les vignes de Sainte-Chrislie en 1399 et celles
de Cazaubon en 1477 est donc des plus marquées (2). Je trouve une
(1) Ces écus doivent être les écus de Bcarn, alors les plus usités, lesquels
valaient 16 sous. Kn multipliant les prix de 1396 par 50, on aurait à peu pr^s ^
valeur aotuello do ces biens.
(2) l^n 1477, «\ Cazaubon, « sur 88 propri(H(^s, 28 seulement paraissent renfemn^r
des vignes ». Reçue de Gascoono, juin 1889, p. 245.
— 457 —
différence semblable et même plus accusée sur un autre point du Bas-
Armagnac, à Montégut (Landes), près Monlguilhem (Gers). D après
les données fournies par une Enquête des premiers temps du xv« siè-
cle (Bulletin de Borda^ 1888, 2'' trimestre, p. 129), on peut calculer
que la production du vin dans ladite paroisse allait de 384 hectolitres
pour les années mauvaises à 960 hectolitres au moins pour les bonnes
années. Or, Montégut a toujours été une commune des plus minces et
ne compte aujourd'hui encx)re que 202 habitants; il paraît certain qu^u
moyen àgc ce chiffre étmt de Ijeaucoup inférieur et ne devait guère
dépasser la centaine. Si maintenant ou déduit les enfants, on voit qu'il
ne devait pas y avoir beaucoup plus de soixante-dix peraonnes en état
de consommer du vin. En accordant 2 à 3 hectolitres par personne (car
il faut tenir compte des demi-vins ou piquettes y qui permettaient d'éco-
nomiser le vrai vin), on verra qu'il restait, dans les pires récoltes, une
centaine d'hectolitres à livrer au commerce et que, dans les années
heureuses, ce chiffre montait à 700 hectolitres en virou; c'est-à-dire pres-
que aux deux tiers delà récolte. Il y avait donc, dès cette époque, dans
c-ertaines piu-ties du Bas-Armagnac, beaucoup plus de vin qu'il n'en
fallait pour la consommation.
La situation de la vigne dans le Bas-Armagnac, à la tin du xiv** siè-
cle et au commencement du xv% devait donc être bien meilleure que
ne la montre le document de 1477, étudié par M. l'abbé Ducruc. A la
vérité, ce document, une reconnaissance de fiefs, ne saurait être la base
de conclusions décisives, ces sortes de reconnaissances se rapportant
uniquement aux pièces de terre qui payaient des fiefs et laissant de côté
toules les autres. C'est, au reste, ce qui n'a pas échappé à M. l'abbé
Ducruc. Avec ce grand sens d'exaxîiilude et de précision qu'on retrouve
dans tous ses travaux, il n'a pas conclu au delà d(5 oe que son docu-
ment autorisait et s'est borné à dire que 28 propriétés seulement sur
88 paraissent avoir renfermé des vignes. L'expression laisse une cer-
taine marge; et peut-être les notes qui précèdent aideront-elles à la
remplir.
A. BREUILS.
DOCUMENTS INÉDITS
TESTAMENT D'ÂRNAVIMÎilILLËM DE SÂINT-PASTOU
SEIGNEUR DE BONRBPAUX
(1397)
(Expéd. orig. eo parcbeiuin. — Areb. de H. le B'"'^ Eugène de Sainl-Paston Bonrepaiix]
Le recueil des Documents inédits sur VHistfAre de France (1 )
doit à M. Alexandre Taeley, archiviste aux Archives natio-
nales, la publication d'un certain nombre de testaments enre-
gistrés au Parlement de Paris sous le règne de Charles YI.
Le Parlement avait pour mission de protéger Texécution des
actes de dernière volonté, qui étaient à cet effet transcrits au
greffe sur un registre spécial. Ce registre en parchemin est
conservé de nos jours aux Archives nationales (2). Il com-
prenait 256 testaments; mais de coupables lacérations en ont
de beaucoup réduit le nombre, suffisant encore heureuse-
ment pour fournir une ample moisson de textes au savant et
laborieux archiviste (5).
Le testament d'Arnaud-Guillem de Saint-Pastou~i4niei/cfiiÀ'
GuiUermus de Sancto-Pastore — , seigneur de Saint-Ferrèol et
Bonrepaux, en Comminges, est aussi du temps de Charles VI
et a pour nous un mérite de plus que les précédents, celui
d'appartenir à la Gascogne.
(1) Mélanfjes historiques ci choijo de documents , t. m.
(2) X" 9,807.
(3) Ajoutons que la iacuiie que nous indiquons peut éti'e comblce, ainsi qu<'
le dit M. Tuetey, au moyeu d'une copie du registre exécutée au xvir sâôcii»,
copie qui formait en principe un recueil de trois volumes in-folio, dont les
tomes II et iii> seuls existants, font actuellement partie de la collection Moreau À
la Bibliothèque nationale, n*' 1,161 et 1,162.
— 459 —
On comprend ruUlité de ces rares documents, tant pour
rbisloire du droit que pour la connaissance des usages
domestiques et des coutumes morales de nos ancêtres. Ainsi
le testament de Jean de Salais^ maître ès-arts et en médecine,
curé de Villévèque, en Anjou, contient une ënumération
détaillée d'objets d'ameublement et de vestiaire; celui de Jean
de Neuilly-Saint-Front nous montre le catalogue presque
complet de la bibliotbëque d'un chanoine de Paris au xiv*
siècle.
A côté de ces renseignements qui piquent la curiosité de
Fautlquaire et du bibliophile, d'autres se rapportent à Tétat
d'esprit de l'homme en face du redoutable problème de la
mort, et s'adressent au chrétien et au philosophe.
Matérialisé par le scepticisme moderne, le formulaire nota-
rial de nos jours n'a rien qui parle à l'àme. Il n'en était pas
de même au moyen âge, où la religion, associée à tous les
actes importants de la vie civile, leur prêtait ses touchantes
couleurs, les animait, pour ainsi dire, de son souffle. Et
quelle action évoque plus vivement au fond des cœurs l'idée
religieuse que l'action de tester? Les païens eux-mêmes
plaçaient leurs dernières volontés sous les auspices d'un Dieu
suprême, témoin l'antique testament de Cuspidius dont le
début n'est assurément pas sans grandeur : Dei Optimi
maximi numine invocalo, absquc cujus nutu, neque quid-
quam inchoari neque recte perfici potesl, Hœc est L. Cuspidh
dispositio et lUtimœ votuntalis sente ntia, de eo quod post mor-
lem suam fieri cupit deccrnilque (1).
La conception chrétienne du néant des biens terrestres, de
la brièveté des jours de l'homme et de sa fin dernière, se
traduit dans les testaments du xiv siècle en exordes plus
expressifs encore, dont les figures de langage sont la plupart
du temps empruntés aux livres saints. Quel mélancolique
(1) Daniel Galtier, Theofihilus Renooatus, Appendiz ad lib. ii.
— 460 —
•
sourire de Tàme s'exhale de celte citation de Job qui sert de
considérant et de prélude aux dernières dispositions de Phi-
lippe Vilate, bachelier en décret, procureur au Parlement de
Paris en 1410 : Quia humane nature condicio, slatum fiabcris
labUein, quasi flos cgredilur et conterilur, fugilque velul
unil)ra{i). Evidemment un cœur de poète dut battre sous
la robe de ce procureur d'antan, quelque peu contemporain
de Villon, qui lui aussi citait Job à ses heures (2).
Dans le testament d'Arnaud- Guillem de Saint-Paslou, la
même idée de la fragilité de la vie et des enseignements
qu'elle suggère esl Urée du passage des Evangiles où la mort
est comparée à un voleur : « Jl est sage de se considérer soi-
même et de préférer son âme à toute chose, il faut sans
délai mettre ordre à ses affaires temporelles pour prévenir
les surprises de la morl, admonente dicta evangelico, quia si
sciret paterfajnilias qua liora fur vmlurus essel, vigilarel
utiquc nec sinerelperfodi domum suam. »
Une fois en présence de ces salutaires pensées, dont la
forme varie au gré dev aspirations personnelles, nos ancêtres
disposaient de leurs biens, non sans s'être recommandés à
Dieu et aux saints dans des invocations souvent touchantes
de repentir et d'espérance.
L'influence romaine se reconnaît à l'énergie avec laquelle
les testateurs de l'époque repoussent en général la pensée de
mourir intestats. Nolens ah hoc seculo inlestalus dccedcrc.
Cette formule ou d'autres semblables reviennent à chaque
instant dans les actes qui nous occupent, et avec une persis-
tance particulière dans le testament d'Arnaud-Guillem de
Saint-Pastou rédigé en pays classique de droit écrit. Mais,
toujours par suite de la prédisposition religieuse du temps
ri) Job, XIV, 2.
(2) « Mes jours s'en sont allez errant,
« Comme dict Job... »
(Poébie intitulée : Tiré du Grand Testament).
— 461 —
à sancliQer les théories humaines en les étayant de Tautorité
des croyances^ le testateur gascon remonte au delà de la tra-
dition romaine pour cliercher dans les textes sacrés Poriginé
du droit de tester, et il s'approprie le précepte que Dieu lui-
même adressait à Ezecbias malade, par la bouche du pro-
phète Isaïe : Dispoixe de rébus tais, quia monturus es et non
vives.
Ensuite il désigne pour lieu de son dernier repos le
monastère d'Anisos ou La Bénisson-Dieu, asile funèbre de
ses ancêlres, prescrit la vente de ses chevaux, dont il veut
que le prix serve à acquitter les honneurs de sa sépul-
ture, et fait, selon Pusage du temps, une quantité de legs-
pies si considérable que leur nomenclature a presque la
valeur d'un document de géographie ecclésiastique contem-
poraine.
L'évéque de Comminges ouvre celle liste de gratifiés^ dans
laquelle nous relevons les quatre établissements hospitaliers
de Sainte-Marie de Roncevaux, de Saint- Jean de Jérusalem,
du Saint-Esprit, et de Saint-Jacques du Haut-Pas. Nous nous
sommes tout d'abord demandé quel pouvait être cet hôpital
du Saint-Esprit; la réponse est, croyons-nous, dans les tes-
taments publiés par M. Tueley, qui, presque tous, contiennent
des legs à Phôpital de Saint-Jacques du Haut-Pas et à celui
du Saint-Esprit ou Saint-Esprit de Grève : /lem paupefibus
orphanis hospitalis sancU spiriius in Gravia, dit le testament
d'Etienne Poissonnal, huissier d'armes de Charles V.
Qu'on nous pardonne encore deux courtes observations
d'ordre juridique. L'assistance de sept témoins constituait
selon le droit écrit une formalité indispensable de la solennité
des testaments; sept témoins figurent, en effet, dans celui
d'Arnaud-Guillem de Saint-Pastou.
Les termes ^'exequtor (exécuteur testamentaire) et de
sponderius y sont conjointement employés comme synony-
mes. Le mot sponderius ou spondarius signifiait, dans Pan-
ciepq^ coiiiumi; dQ Toulouse, tuteur teâtiatme^taire (i); d'où il
faift induire que Jean de Saint-Pastou, fils et héritier du testa-
tei;r^ se troi^ vait en état db minorité. L'équivalence des deui ter-
me^ précités fait supposer en outre qu'à Toulouse, comme à
Moplpeliier^où on les nommdiil gadiaioreSfVadiatores, lesexécu-
li^urs lestamentAires étaijent de droit licteurs de Penfant du tes-
tateur, si ce dernier n'avait pas fait de désigation spéciale (2)«
Ifi nom de Saint-PastourBonrepaui est un des plus
ancieiis du nobiliaire gascon : un ancêtre d'Arnaud- Guillem,
nommé Guillem-Bernard, est présent en 1096 a la consécra-
tion de l'abbaye de Saint- Pé de Génères. Sous Henri III, un
arrière- pelit-flls de notre testateur, Savai^ de Sainl-Pastou,
fait partie des quarante-cinq gentilshommes de la chambre
du roi (3). Peu s'en fallut même que, le jour de Tassassinat
de son maître, il n'égorgeât sur place le procureur général
de la Guesie, coupable d'avoir, de la meilleure foi du monde,
introduit Jacques Clément à l'audience royale. Le pauvre La
GuQsle, raconte Mézeray, insensé de douleur et de honte,
« alloit priant tous ceux qui entroient de luy donner la mort.
Ce qu'un des quarante-cinq nommé Savary de Saint Pastour
Bon repos fut sur le poinct de faire : mais l'extrême regret
dont il le vid saisi luy retint la main (4). »
De plu3 amples détails généalogiques ne rentreraient pas
à c^lte heure dans notre sujet; là d'ailleurs n'est pas, nous
savons essayé de Iç démontrer, le principal intérêt du docu-
ment qu'on va lire :
In Dei nomine amen. Âiino a nativitate Jhesu-Xristi millesimo
tresoentesimo nottag[esiino septirao (5)] die quarta décima mensis
(1) Cout. de Toulouse, art. 6, 49.
(2) Cout. de Montpellier de 1205, ait. 7.
(3) Il était uiariû à Marguerite de Lauzières-l^>hapelle, contrat du 17 janvier
1592 ; sou fils épousa Marguerite de l^beron de Gelas d'Ambres.
(4) Méaeray, Hlêt. (la Franae, édit. de IW, t. m. p. 794.
(5) Uu^ dcAbfrure a (ai^ disp^raitre la fin du millésime, mais cUe est facile &
rétablir au moyen de la mention subséquente de la 3* année du Pontificat de
lteD9it KW, élu pape '^ ATi^og e4 sepleipbre 1^4.
— 463 —
octobris, indictione quinta> Pontifîcatus sanctissimi in Xr[ist]o p^ris et
domini nostri domini Benedicti diviua piovidentia pape tertii âedmi^
anno tertio. Noverint universi présentes pariter et futuri, quoniam
disposita et ordinata solempniter sunt in scriptis redigenda, et sapieo-
tis est considerare de se, et suam animam omnibus rébus preferre...
intestatus aliqualiter remanere non débet et propter prompte mortis
insidias. cessare non débet disponere et de rébus suis solempniter
ordiuare, ue fato letali preventus, reperiatur intestatus, admonente
dicto evangelieo quia si sciret pater familias qua horafur venturu»
easeij oigilarei utique nec sinerei per/odi domum avkam (1); yigilan-
dum est itaque super rerum suarum dispositione et ordinatione, ates-
tante auctoritate Ezechielis oui precepit Deus dicens in hune modum
disponey inquid, de rébus tais quia moriiurus es et non vives (2).
Idcirco nobilis Arnaldus Guillermus de Sancto-Pastore, dominus
locorum de sanclo Feriolio (3) et de Bono Repaussio (4), habitator
q[ue] dicti loci de Bono Repaussio, attendens et considerans at[que]
cogitaus moitem quam nullus in humanis existens evitare potest,
cum nil certius morte quamvis bora sit dubia et incerta, in suo bono
sensu existens bonaq[ue] et perfecta memoria, Dei clementia interoe-
dente, ad salutem sue anime quam Domino Jhesu Xr[ist]o filio Marie
gloriose virginis pro mundi redemptione crucifixo, ejusque genitrici
gloriossB virgini comendavit, suum ultimum testamentum et ultimam
voluntatem seu rerum suarum dispositionem et ordinationem conti*
nens, per quod omnia alia testamenta seu codicilios et causa mortis
donationes ac voluntates ultimas per ipsum acthenus fàctas et conditas
ac etiam ordinatas, cassavit, revocavit, anuliavit ac etiam irritavit (5),
volens, mandans, jubens et precipiens, hoc publicum esse suum ulti-
mum testamentum et ultimam voluntatem, ordinationem et disposi-
tionem propter humane nature memoriam que labilis est, et ad fines ne
post ejus excessum in et super bonis ejusdem ac hereditate inter ali-
(1).S. Matth., XXIV, 43. — S. Luc, xii, 39.
(2) I>e rédacteur du testament a écrit Ezechielis pour Eiechiœ, et la citation
des paroles divines adressées au saint roi par la bouche du prophète Isale n'est
pas d'une fidélité littérale. Voici au surplus le texte d'Isale : « In diebus illis
segrotayit Ezechias usque ad mortcm ; et introivit ad eum Isaîas filius Amos
propheta et dixit ei : H ace dicit Dominus : Dispone domtU tuœ, quia marier is
tu, et non oioes, » Isale, xxxviir, 1.
(3) Saint-Ferréol, canton de lioulogne (Haute-Garonne) annexe de PéguUhan.
(4) Bourepos, qui à l'époque du testament formait une paroisse distincte, n'est
plus aujoiH^'hui qu'un quartier de la commune de SaintrFerréol, devenue eUe-
même depuis la révolution annexe ecclésiastique de Péguilban.
(5) Verbe formé de l'adjectif irritas, annulé, mis 4 néaat.
— 464 —
quas gentes sui generis nec alias qu&scumque aliqualis questio seu
controversia oriatur, sed q[uodjpotîus omnia ejus bona et hereditas in
secure et claro remanea[n]t et hered[es] infra scripti illa pacifiée in
tranquilitate et sine debato possideant... dédit et ordina vit hoc testa*
mentum ultimum quod voluit redigi per me nofarium infra scriptum,
per ipsum testatoi'em ad hoc vocatum specialiter et rogatum ac etiam
requisitum in formam publicam et solempnem, ac etiam oi^dinari et
dictari equaliter per me et cum sapientis consilio q[uod]in sui[s] robore .
et finnitate comissa, per ipsum disposita et ordinata infrascripta in hoc
présent! publico instrumento remaneant et concistant, veritatis subs-
tantia in aliquo minime mutata, cum ea que consilio agantur recte
[et] solempniter geranlur et ordinata juris effeclu intuentur; fecit, dis-
posait et ordinavit in modum qui sequitur, et in primis voluit dictus
testator atq[ue] jussit suum corpus sive ejus cada\'er casu quo ab hac
luce ipsum migrare atque mori contiugat de presenti infirmitate qua
detinetur, in monasterio de Anisocio al[ias] Beneiîictionis Dei (1) in
tumba sive sepulcro ubi predecessores sui et alii de suo génère sepeliri
consueverunt. Et recepit (2) de bonis suis a Deo sibi collatis pro sahite
anime sue et parenlum suorum et omnium Xri[sli] fidelium defunc-
torum videlicet quinquagenta fiorenos Fmncie cugni et legis domini
nostii Francie i-egis, locis et personis infra scriplis dividendes, de qui-
bus legavit et expendi precepil die qua ipse sepelictur in tumba sive
sepulcro predicti monasterii viginti fiorfenos] Francie (3) tam in cera
quam in basalica (4) q[uam] in funeralibus etaliis necessariis, et voluit
q[uod] pix) predictis viginti florenis solvendis vendantur equi sui, et
dé summa que a dictis equis habebitur predicti viginti floreni solvan-
lur et distribuantur modo prodicto. Item legavit, relinquid et dare jus-
sit, amore Dei, dictus testator domino episcopo Convenarum ununi
(1) Abbaye cistercienne dWnisos ou La Bénisson-Dieu ou Nizors, dont le
cartulaire, promis par le savant abbé Douais à la dernière réunion générale de la
Société historique de Gascogne, est impatienunent attendu. Nizors semble être
l'appellation la plus moderne de cette abbaye, fondée vers 1180 et qui depuis
joua toujours un rôle important dans la contrée. .Aux xvii* et xviir siècles, les
abbés de Nizors étaient présidents des Ktats de Nébouzan.
(2) Ce verbe doit s'entendre dans le sens de retirer, distraire, se réserver sur.
(3) 1^ mot Francie parait écrit sur un grattage, constaté du reste par le
notaire au bas de la formule de subscription.
(4) \a basali<iue était une distribution d'argent faite aux personnes dti clergé
présentes à la cérémonie des obsèques. « Et après anan far basai byquc aus
» caperaas, religioos et clercx, los qui dabant son hordenat^...; cade un caperaa.
» prenc un florin feyt, et lo clerc très florins feytz et los abesques et abatz, et
» autres grana clerx et chantres, sengles scutz. » {Les Honneurs cCArcham-
baud, comte de Foix^ document publié par M. Lespy.)
— 465 —
grossum argenti ; Item Icgavit et dare jussit dictus testator operi eccle-
sie saneti Berlrandi de Gonvenis unum grossum argenti ; Item legavit
et dare jussit dictus testator rectori loci de Pegulhano (1) très grossos
argenti; Item legavit et dare jussit dictus testator domino Petro de Jus-
sen presbitero habitatori loci de Sancto Feriolio très grossos argenti;
Item legavit et dare jussit dictus testator domino Jobanni de Navarro
presbitero habitatori loci de Pegulhano très grossos argenti; Item
legavit et dare jussit dictus teslator operi ecclesie de Sancto Feriolio
médium francum auri; Item legavit et dare jussit operi ecclesie de
bono Repaussio médium francum auri; Item legavit et dare jussit
dictus testator operi ecclesie de Pegulhano très grossos argenti; Item
legavit, relinquid et dare jussit dictus testator (2) ecclesie de Nenigano (3)
très grossos argenti ; Item legavit et dare jussit operi ecclesie de Podio
Maurino (4) très grossos argenti; Item legavit et dare jussit dictus tes-
lator operi ecclesie de Lunacio (5) très grossos argenti ; Item legavit
et dare jussit dictus testator operi ecclesie de Selerimo (6) très grossos
argenti; Item legavit et dare jussit dictus testator operi ecclesie de
Sancto Laurencio (7) très grossos argenti; Item legavit et dare jussit
dictus testator operi ecclesie de Montesquivo de Sereria (8) très grossos
argenti; Item legavit relinquid et dare jussit dictus testator operi eccle-
sie de Monte Dilhano (9) très grossos argenti; Item legavit et dare jussit
dictus testator operi ecclesie de Bononia (10) très grossos argenti; Item
legavit et dare jussit dictus testator confratrie beati Nicholai de Bono-
nia très grossos argenti; Item legavit et dare jussit dictus testator oon-
ventui fratrum minorum conventus Samatani (11) unum florenum
Francie; Item legavit et dare jussit dictus testator conventui fratrum
predicatorum conventus Insuie Dodonis (12) unum florenum Francie;
(1; Péguilban, canton de Boulogne (Haute-Garonne).
(2) Dans le manuscrit il y a ici un signe de renvoi qui indique Tomission du
mot operi, dont l'addition est reportée à la fin de l'acte et constatée au bas de la
formule de subecription.
(3) Nénigan, canton de Boulogne (Haute-Garonne).
(4) Puymaurin, canton de TIsle-en-Dodon (Haute-Garonne).
(5) Lunax. canton de Boulogne (id.).
(6) Salhem, canton de risle-en>Dodon (id.).
(7) Saint-Laurent (id.) (id.).
(8) Montesquieu-Guitaut (id.) (id.). Autrefois Montesquieu-de-Ser"
rière. Voir sur le pays de Senière, un article de M. Edmond Cabié, Rûoue de
Gascogne, t. xxx, p. 165.
(9) Mondilhan, canton de Boulogne (id).
(10) Boulogne, ch.-Ueu de canton (id.).
(It) Samatan, ch.-Ueu de canton (Gers).
(12) L'Isle-en-Dodon, ch.-Ueu de canton (Haute-Garonne).
- 4Ô6 —
Item legavit et dare jussit dictus testator conventui fratrum cannelita-
rum lod de Tria (1) unum florenum Francie; Item legavit et date
jussit dictus testator conventui fratrum augustinorum conventus de
Monte-R(^li (2) unum florenum Frande; Item legavit et dare jussit
dictus testator hospitali béate Marie Roncidevallis duos grosses ai^nti;
Item legavit et dare jussit dictus testator hospitali Sancti Johannis
Jerolomitani duos grossos argenti; Item legavit et dare jussit dictus
testator hospitali Sancti Spiritus duos grossos argenti; Item legavit et
dare jussit dictus testator hospitali sancti Jacobi de Alto passu duos
grossos argenti; Item legavit et dare jussit dictus testator fratri Petro
Molineri monacho monasterii Benedictionis Dei al. de Anisocio^ pro
celebrando unum trentenarium missarum de Requiem pro anima dicti
et parentum suorura, duos francos auri ; Item legavit et dare jussit
dictus testator fratri Guilh[er]mo de Fortassino monacho ejusdem
monasterii (3) unum aliud trentenarium missarum de Requiem pro
anima dicti testatons et parentum suorum duos francos auri; Item
legavit et dare jussit dictus testator fratri Augerio Lobolha monacho
ejusdem Benedictionis Dei pro celebrando unum trentenarium missa-
rum de Requiem pro anima dicti testatoris et parentum suorum duos
francos auri; Item legavit et dare jussit domino abbati monasterii
Benedictionis Dei al. de Anisocio unum grossum argenti; Item legavit
et dare jussit dictus testator fratri Dominico de Campano monacho
predicti monasterii unum grossum argenti; Item legavit et dare jussit
dictus testator fratri Arnaldo de Casteliano monacho dicti monasterii
unum grossum argenti; Item legavit et dare jussit dictus testator fratri
Guillermo de Dulceda monhaco ejusdem monasterii unum grossum
argenti; Item legavit et dare jussit dictus testator fratri Petro Molineri
ejusdem monasterii unum grossum argenti; Item legavit et dare jussit
dictus testator fratri Bertrando de Malo leone monacho ejusdem
monasterii unum grossum argenti; Item legavit et dare jussit dictus
testator fratri Guillermo de Fortassino monacho ejusdem monasterii
unum grossum argenti; Item legavit et dare jussit dictus testator fratri
Augerio Lobolha monacho ejusdem monasterii unum grossum aiigenti;
Item legavit et dare jussit dictus testator fratri Jacobo de Lanis mona-
cho ejusdem monasterii unum grossum argenti; Item legavit et dare
(1) Trie, ch.-lieu de canton (Haates-Pyrénées).
(2) Montréjeau, ch.'-lieu de canton (Haute -Garonne).
(3) Dans le manuscrit il y a Ici un signe de renvoi qui indique romlssiou des
mots : pro celebrando dont l'addition est reportée à la fin de Tacte et constatée
au bas de la formule de subscription.
-^ 467 —
jussit dictus tesUitor fratri Bertrando de Podio monacho ejusdém
monasterii unum grossum argent! ; Item legavit et dare jussit dictus
testator Iratri Jobauni de Abbatia monacho ejusdem monasterii unum
grossum argent! ; Item legavit et dare jussit dictus testator fratri Ber*
trando Tomeri monacho ejusdem monasterii unum grossum àigenti ;
Ix&m legavit et dare jussit dictus testator fratri Dominico de Garderia
monacho ejusdem monasterii unum grossum argenti ; Item legavit et
dare jussit dictus testator ouilibet heremite ejusdem monasterii médium
grossum argenti; Item legavit et dare jussit dictus testator cuiddm filie
Ramundi de Podio Lobrino filiole sue duos francos auri pro fàciendo
unam tunicam sive cotam ; Item legavit et dare jussit dictus teflkator
filiis M àlvini de S^ Pastore in comuni viginti francos auri quos voluit
eisdem exsoivi per suum beredem infra scriptum ultra snmmam quin-
quagenta flor[enorum] auri superius per ipsum testatorem receptam de
bonis suis; Item legavit et dare jussit dictus testator operi ecclesie de
Manho (1) duos florenos Frande; Item legavit et dare ju&sit dictus
testator operi ecclesie de Gastanheda (2) unum flor[enuifn] FVancie;
Item legavit et dare jussit dictus testator fratri Petro de Rabastenchis
ordinis sancfi Âugustini (3) de Monte Regali unum flor[enum] Fmn-
cie; Item legavit et dare jussit dictus testator omnibus monfaaciis
monasterii sancti Laurencii duos florenos Francie equaliter intef* ipsos
dividendes; Item legavit et dare jussit dictus testator, aihohe Dei,
dominabus monialibas monasterii pitédicti sancti Laurencii (4) duos flo^
renos Francie equaliter inter ips[as] diviâend[os] ; Item legavit et dare
jussit dictus testator duabus monialibus neptîbus suis motiasterii de
Favars (5) cuilibet illarum duos flojr[enos] Francie ; Item legavit et
dare jussit dictus testator fratri Bernardo Davini conventus fratrum
minorum Samatani duos francos auri; Item legavit et dare jussit fratri
Fortio de S^assio ejusdem conventus Samatani unum francum auri;
Item voluit et ordinavit dictus testator q[uod] cum ipse co[n]!stituisset
ut ibidem diiit certam summakh pecunie in dotem Caterine de Sancto
Pastore ejus liKe Intime et âaturali prout contin^tur in qnodïtm
(1) Mane« canton de Salies (Haute-Garonne).
(2) Castagnède id. id.
(3) Dans lé manuscrit il y a ici un signe de renvoi qui indique Tomission du
mot loci dont l'addition est reportée & la fin de Tacte et constatée au bas de la
formule de subscription.
(4) Il parait que Saint-Laurent fui un de ces monastèk'es doubles dont l'insti-
tution, d'origine celtique, disparut sous les Franks pour être remise en honneur
par la France cbevaleresque. Les religieux et les religieuses y vivaient séparés»
m^s sous la même règle.
(5) Fabas, canton de l'Isle-en-Dodon (Haute-Garonne).
— 468 —
publico instrumento malrimoiiiali retento per nolarium publicum ul
ibidem dixit et asseruit dictas lestator et hoc ratec (?) (1) et ex causa
matrimonii contracti inter dict[am] Caterinam.de Saocto Pastoreejus
iiliam legitimam et ziaturalem ex parte una et nobilem Johannem de
Sabalhano (2) ex altéra, q[uod] predicta Gat^rina dicta dote conte[D](e-
tur et ipsam in predicta dote heredem particularem instituit atq[ue]
lecit jure institutionis et hereditarie portionis. In omnibus autem aliis
bonis suis mobilibus et inmobilibus, juribus, vocibus, rébus et actioni-
bus quovismodo sibi pertinentibus et spectar[e], pertiner[e] seu conpe-
ter[e] debentibus quocumq[uej modo et quocumq[ue] modo (3) et quo-
cumq[ue] nomine censeantur, dictus testator nobilem Johannem de
Sancto Pastore, iilium suum legitimum et naturalem, heredem suum
generalem et universalem instituit atq[ue] fecit, et si oontingat casus
q[uod] dictus nobilis Johannes de sancto Pastore decedat seu contin*
gat decedere absq[ue] liboro vel liberis de légitime matrimonio pro-
creat[is] q[uod]eo casu in bonis et hereditate eidem Johanni dimissis
Caterinam de Sancto Pastore filiam dicti testatoris heredem sibi subs-
tituit atq[ue] fecit casu quo dicta Caterina eidem Johanni supravixerit;
et in casu quo dicta Caterina eidem Johanni de Sancto-Pastore non
supravixerit. q[uod] filii et fiUe dicte Caterine superstites seu rema-
nent[es] si quem velquos babuerit procreat[osJ de légitime matrimonio
et eidem Johanni supravixerint, hered[es] sibi substituit atq[ue] fecif ;
et in casu quo dicta Caterina eidem Johanni non supravixerit nec iilios
vel filias habuerit de légitime motrimonio procreat[os] veL si habuerit
eidem Johanni non supravixeri[n]t, q[uod] eo casu in bonis et heredi-
tat[e] eidem Johanni dimissis filios et iilias Malvini de Sancto-Pastorc
hered[es] sibi substituit pleno jur[e] p[ro] o[mni]bus voluntatibus indc
perpétue laciend[is]; Item voluit et ordinavit dictus testator q[uodJ
nobilis domina Bertranda de Puissino ejus uxer sit domina maiorissa
et usu fructuaria omnium bonorum dicti testatoris absq[ue] redditione
conputi tam diu q[uam] diu vitam duxerit vidualem et honestam;
Item voluit et oréhnavit dictus testator q[uod] in casu quo predicta Ber-
(1) Probablement confirme, rati/le.
(2) Un Baudouin de SabaLhan est témoin de la charte de coutumes octroyée
aux habitants de Pradôre, le 14 juin 1285, par Jourdain de Tlsle et Baron de
Blanqdefort. (V. Arch. hist. de Gasc,, fasc. 5*, Chartes de coût. înéd. de la
Gascogne toulousaine, par Ed. Cabié, p. 45.) Un seigneur de Savailhan était
aussi gouverneur de l'Isle-Jourdain sous Henri IV. (V. note de M. Tamizey de
Larroque, Reo. de Gasc, t. xxix, p. 80.)
(3) Ce souligné, reproduit du manuscrit, est constaté au bas de la formule de
subscription.
— 469 —
tranda e)us uxor et nobilis Johannes de Sancto-Pastore ejus filius non
possent se ad invicem concordare q[uod] eo casu dictus testalor legavit
et eidem Bertrande ejus uxori dimisit omnes redditus proventus sive
rende et emolumenta p6rtinent[esl eidem testatori in loco de Sancto
Feriolio pro omnibus suis voluntatibus faciendis tam diu q[uam] diu
viiam vidualem et honestam duxerit; Item voluit et ordinavit dictus
lestator q[uod] predicti rende, redditus, proventus et emolumenta loci
predicti de Sancto-Feriolio revertantur et devolvantur ad predictum
nobilem Jobannem de Sancto-Pastore et heredes suos post mortem
dicte nobilis Bertrande de Puissino. Preterea ad exsolvendum omnia
legata sua in hoc presenti testamento contenta et expressata, fecit,
creavit, ac etiam ordinavit suos exequtores et sponderios sui ultimi
lestamenti et sue ultime voluntatis videlicet dominos rectorem de
Pegulhano et Petrum de Jussen presbiteros et eorum quemlibet in soli-
dum ita q[uod] non sit melior conditio «ecupantis sed id q[uodi per
unum ipsorum inceptum fuerit per alium eorumdem valeat continuari,
mediari et finiri, quibus quidem exequtoribus et sponderiis et eorum
cuilibet in solidum dictus testator dédit plenam licentiam et liberam
potestatem lot de bonis dicti testatoris vend[ere] et alienar[e] modo
et forma infra scriptis q[uod] sufficiant ad omnia legata et expens[as]
inde factas solvendi et q[aodJ omnis illa vendilîo et alienatio de lx)nis
dicti testatoris pro solvendo legata superius inserta, facta per piedictos
exequtores et eorum quemlibet in solidum, sit ita firma et valida ac si
per ipsum testatorem, in humanis viventem, esset facta et concessa.
Et voluit dictus testator q[uod] legata supra dicta solvantur de reddi-
tibus, proventps] et emolumentis loci de S*^ Feriolio, videlicet quolibet
anno decem flor[enos] Francie, donec predicta legata fuerint exsoluta,
excepte q[uod] voluit et ordinavit dictus testator q[uod] [pro] viginti
florfenis] divisi et expendi mandatis die sue sépulture, dicta die de
equis predictis vendendis exsolva[n]tur et distribua[n]tur secundum
q[uod] extitit, per dictum testatorem, supra [dictum]. Et voluit dictus
testator istud testamentum ultimum per ipsum conditum valere jure
lestamenti, vel codicillp] vel donationis causa mortis vel al[iis] meliori
modo et forma quibus poterit de jure vel de consuetudine vel istius
patrie. Acta f uerunt hec in loco de Bono Repaussio in bospitio dicte
testatoris, anno, die, mense, indictione et pontificatu quibus supra;
presentibus in premissis videlicet Arnaldo de Fabrica hostalerio, Vitali
de Preya habitatores loci de Bononia, Petro Casa, Guillermo de
Manento, Arnaldo de Cortada loci de Pegulhano, Arnaldo Lanis et
Johanne de Lacu loci predicti de Bono Repaussio habitator[es] ut
Tomn XXX. 31
— 470 —
dixerunt, leslibiis ad premissa per dictum testatorem ad hoc vocatis
specialiter et rogatis. operi. p[ro] celebra[n]do. loci.
Et me Petro Planta clerico, aiictoritate apostolica, publiée notarié qui
in premissis omnibus et singulis in dicto testamento contenus dum sic ut
premititur agerentur et fièrent, unacum prenominatis testibus presens
fui et ita fieri vidi etaudivi et publicum testamenti instrumentum retinui
ad h foc] requisitus specialiter et rogatus per dictum testatorem eaq[ue]
omnia et singula in notam recepi et scripsi a qua nota hoc pfresejns
publicu[m] tcst[a]ra[entum] in hanc publicam formara redigi, manu-
q[ue] mea prop[ri]a, facta p[ri]us diligenti collatione cum oiiginali^ hic
me subs[cri]psi signoq[ue] meo consueto signavi in fidem et teslimo-
ni[um] omfnium] premissor[um]. Co[n]stat de additione sup[er]ius
facta in not[a] antedicla sup[er] verbps] operi^ plro] celehrando^ loci
et de rasura sup[er|ius facta sup[er] verb[o] Fran[eié\ et de punctatura
sup[er]ius fact[a] sup[er] veAps] et quocu\m]que modo.
François ABBADIE.
BIBLIOGRAPHIE HISTORIQUE.
PUBLICATIONS RELATIVES AU DEPARTEMENT DES BASSES-PYRENEES
vc)
Armorialde Béarn (1696-1701), extrait du recueil officiel dressé par ordre
de Louis XIV. Première partie : Armes déposées. Texte publié d'après
les manuscrits de la Bibliothèque nationale et annoté par A. de Duffal*
DE Maluquer, juge supjiléant à Sarlat, et J.-B.-E. de Jaurgain. Tome
premier. Paris, Hon. Champion. 1889. Grand in-8' de xxj-384 pp.
Un édit royal de novembre 1696 ordonna l'entegistrement des
armoiries de tout ordre, à peine de 300 livres d'amende contre tont
contrevenant, c'est-à-dire contre toute personne usant d'armoiries non
enregistrées. C'était là, on s'en cloute bien, une mesure fiscale, l'en-
registrement étant soumis à un tarif dont le chiffre le plus bas était de
vingt livi^s. Dans le Béarn, en particulier, cette mesure parut menacer
le pays d'une ruine totale; ce sont les termes d'une délibération des
(•) Voir les articles précédent de celte série, ci-dessus, pp. 89-100 et 374-383.
— 471 —
Etals du 23 septembre 1698. Toutefois, après beaucoup d'hésitations,
on résolut de s'abstenir de toutes remontrances proprement dites
contre Tédit, « pour le peu d'apparence qu'il y a qu'elles fussent écou-
tées », mais de s'adresser à l'intendant pour qu'il eût à protéger, contre
les prétentions abusives des recouvreurs de la finance héraldique,
les corps et les personnes qui n'avaient ni ne prétendaient avoir de
vraies armoiries (1). Malgré ces sages précautions, les préposés à la
confection de V Armoriai blasonnèrent d'office quantité de seigneurs et
de fonctionnaires et de plus 141 prêtres, chanoines ou curés, qui se
seraient bien passés de ce coûteux honneur.
« Néanmoins, disent les savants éditeurs de V Armoriai de Béarn
(p. x), les observations des Etats ne furent pas absolument inutiles.
Chose bizarre I elles semblent avoir profité surtout à une classe de per-
sonnes qui, par leur fortune et leur position sociale, avaient incontes-
tablement droit d'armoiries et pouvaient^s bien payer la taxe. Le
Béarn abondait en familles dont les membres, s'honorant avec raison
du titre de bourgeois et marchanda^ surpassaient souvent la noblesse
en biens et en crédit et s'alliaient tous les jours à elle, lorsqu'ils ne s'y
agrégeaient point tout à fait par l'acquisition d'une seigneurie ou de
quelque menu fief donnant droit d'entrée aux Etats. — Or, V Armoriai
de Béarrty nous l'avons constaté à notre grande surprise, ne mentionne
aucun de ces riches marchands. Aussi plusieurs familles qui jouèrent,
dans le courant du xviii*' siècle, un rôle considérable dans l'aristo-
cratie béarnaise, n'eurent-elles même pas un blason imposé d'office. »
Malgré cette lacune, — explicable peut-être par les ménagements de
l'Etat pour les commerçants ou par les idées françaises des recou-
vreurs, qui devaient entendre la noblesse autrement que les Béarnais, —
on comprend que l'Armoriai dressé à la fin du xvii* siècle est un
document très important pour cette province comme pour les autres.
Aussi n'est-il pas resté tout à fait inédit. Pour ne parler que de notre
région. M, Paul Labrouchea publié dans la Revue de Béarn j Na-
varre et Lannes les Armoriaux de Mont-de-Marsan (i, 558), de
Dax (il, 220) et de Bayonne (n, 441). Celui de Béarn a paru dans le
Bulletin de la Société héraldique et généalogique de France de
1879. Mais les éditeurs actuels en ont corrigé soigneusement le texte,
et ce n'était pas une petite besogne ni de peu d'importance, car les
copistes du xvu^ siècle avaient estropié une foule de noms au point de
(1) On les distinguait des a chiffres )i ou « simples figures d'animaux ou d'au-
tres choses » graves sur des cachets.
— 472 —
les rencli^e méconnaissables. Ce n'a été là que la moindre partie de
la tâche entreprise par MM, de Dufau et de Jaurgain. Ils ont de plus
commenté, discuté, documenté V Armoriai de Béarn^ et leurs addi-
tions, beaucoup plus considérables que le texte, renferment une foule
de notices historiques et généalogiques puisées aux sources les plus
sûres et principalement dans les archives départementales et commu-
nales des Basses-Pyrénées.
Un travail de ce genre échappe à l'analyse. A le parcourir seulement
en prenant note des pages les plus curieuses ou les plus neuves, on
dépasserait bien vite, sans épuiser la matière, les justes bornes de nos
comptes-rendus. Je me contente de faire remarquer que les eui'egistre-
ments d' « annoiries déposées », objet de ce premier volume, sont au
nombre de cent dix-neuf; une centaine de familles y trouvent la des-
cription de leurs armoiries; mais le nombre des notices ajoutées par les
éditeurs est bien plus considérable. Je les remercie d'avoir mis en
vedette, dans leur Table des matières (1), quelques points d'un intérêt
particulier pour l'histoire provinciale. Un livre comme celui-ci étant à
consulter plutôt qu'à lire, il est utile d'être averti d'avance de certaines
curiosités historic|ues qu'on n'y rencontrerait autrement que par un heu-
reux hasard. Je signale seulement quelques particularités de jurispm-
dence nobiliaire :
1° « Les transports de noblesse eu Béarn. » Le droit d'entrée aux
Etats étant attaché au fîef ou maison noble, on pouvait obtenir des
lettres patentes pour le faire passer d'un lieu à un autre. Les intendants
ne s'habituaient pas sans peine à ces usages béarnais; tout en s'y sou-
mettant, ils trouvaient ridicule « de faire dépendre d'un pigeonnier le
droit d'entrée aux Etats » : ce sont les termes de l'intendant Douel de
La Boullaye en 1782.
2° a Noblesse utérine ou coutumière en Soûle, en Basse-Navarre et
en Labourd; transmission du nom et des armes d'une maison noble
par l'héritièi*e à son mari et à ses enfants; preuves et généalogies faites
suivant lordi-e de succession de la maison. » Il suffit d'indiquer aux
travailleurs qui s'occupent d'histoire nobiliaire ces singularités, dont ils
trouveront la pleine justification aux passages désignés par la Table.
S*' « Les entrées des seigneurs adventices aux Etats de Basse-Na-
varre. » On trouve en 1785 une mesure de ce genre, dans un cas ex-
pressément contraire au droit local, mais elle parut justifiée par l'équité
(1) 1^1 mblc g«'nfirale des noms de personnes et do lieux sera plao4»e à la flu
de l'ouvrage.
— 473 —
en faveur des « familles les plus anciennes el les plus nobles », et dut
amener une réforme dans les règlements.
4® « Supercheries nobiliaires. » Voir le volume, oii Ton cite des
généalogies officielles fondées sur des actes faux et même « horrible-
ment faux ! »
5° « Changement de nom en Béarn », etc.
Plus encore que les questions de droit nobiliaire et d'héraldique,
l'histoire proprement dite, dans toutes ses branches, trouvera beau-
coup à prendre dans celte savante publication. Les biographies mili-
taires, juridiques, ecclésiastiques y abondent; et, même quand elles se
rapportent à des noms peu célèbres, elles ont leur prix et ajoutent nota-
blement à ce qu'on savait de l'histoire des mœurs sous l'ancien régime.
Les auteurs ont par là, dans beaucoup de pages, très heureusement
continué le petit livre par trop malicieux peut-être, la Société béar-
naise au xvm® sièclej ainsi que le curieux volume de M. de Lagrôze
(auquel ils ont fait des corrections), la Société et les mœurs en
Béarn,
Négligeant toutes ces richesses, je m'arrête à une ou deux notices
qui intéressent l'histoire littéraire. La plus importante concerne le
célèbre jurisconsulte béarnais Maria, de son vrai nom Jacques-Antoine
de Lafite, seigneur de Canaber, de Maria, de Baigt et de Beyrie,
auteur de Mémoires et éclaircissements sur les /ors et coutumes de
Béarn et de plusieurs savantes dissertations juridiques. Une notice
publiée dans la Biographie Michaud assigne à l'ouvrage le plus connu
de Maria la date de 1730 à 1750; c'est une grave erreur. L'auteur
entra aux Etats de Béarn dès 1654, et les savants éditeurs de V Armo-
riai prouvent par le texte même des Eclaircissements qu'ils furent
écrits de 1690 à 1695. Lafite-Maria, mort à Pau le 8 janvier 1703, lais-
sait plusieurs enfants, dont deux furent comme lui protestants et avocats
au parlement de Navarre, et un autre, converti et devenu ecclésiasti-
que et abbé commendataire de Saint-Polycarpe, se fit un nom célèbre
dans les annales de l'ordre bénédictin et du jansénisme. Sa vie occupe
une très large place dans les deux histoires de son abbaye, dont la
dernière a été écrite par notre Dom Labat, de Saint-Sever.
Le savant Maria mériterait une étude détaillée, que MM. de Dufau
et de Jaurgain ne pouvaient lui accorder sans sortir de leur cadre.
J'en dirai autant d un autre jurisconsulte béarnais, encore moins
connu, David de Labourt, seigneur d'Aressy, maître des comptes de
Navarre, qui dédia ses Commentaires sur les Fors aux Etats de
Béarn en 1644; ce qui n'a pas empêché certains écrivains d'en rap-
— 474 —
porter la composition en xvni'^ siècle. MM. de Dufau et de Jaurgam
ont repoussé cette erreur et fourni quelques détails (p. 24 et, parmi les
additions et corrections, p. 367-8) sur Tauteur et sa descendance.
Je signalerai encore : la riche et curieuse notice sur les Belzuiioe
(on sait que la famille du saint évêque de Marseille est d'origine
navarraise ou bayonnaisc); on y remarquera surtout (p. 150) la dis-
cussion de la légende du dragon de leurs armes (1) ; — celle de Fran-
çois de Salettes, évêque d'Oloron; — celles des familles parlementaires
Doat, de Faget, Desclaux-Mesplès, de Casaus, Mosqueros, etc., qui
touchent plus ou moins à l'histoire littéraire prise au sens le plus large.
On me pai'donnera do chercher habituellement mon gibier spécial sur
toutes les terres, même quand il y est rare, comme ici. J'aurais bien
envie, à ce propos, de demander aux savants auteurs si le poète satiri-
que dacquois Du Camp, qu'on dit ancêtre de Tacadémicien actuel du
même nom, tenait à la famille béarnaise de Carsusan du Camp ; si le
romancier et polygraphe Préchac (qu'on a fait naître, sans preuve con-
nue, à Vic-Fezensac) n'appartenait pas au même estoc que le conseiller
au Parlement de Navarre Jean de Préchac; notez que V Héroïne mous-
quetaire, qui a fourni le titre de son ouvrage le plus connu, est une
béarnaise !
Mais j'aurais mauvaise grâce à multiplier ici des questions auxquel-
les les savants éditeurs n'avaient pas à répondre. Ils ont traité avec
une compétence supérieure et un appareil vraiment admirable d'infor-
mation spéciale les innombrables problèmes héraldiques et historiques
compris dans leur sujet. De plus, ils ont su constamment unir à Téru-
dilion, qui fournit les matériaux, la saine critique qui les explique et
les juge et Tart qui les coordonne et les met au point. Des fautes leur
seront échappées sans doute (2), on ne les évite jamais toutes dans
une œuvre si étendue et si difïicile; mais elles doivent être rares, et
pourront être corrigées dans la suite de cet ouvrage, qui prendra rang
parmi les répertoires les plus utiles aux travailleurs de notre région
pour rhistoiredes deux derniers siècles.
LÉONCE COUTURK.
(1) La généalogie qui est passée du Moréri dans I^ Clienaye-De^bais et ail-
leurs « fourmille d'erreurs, d'anaclironismes et de pei-sonuages supposés. »
(2) Pour ma part, je ne relèverai qu'une distraction de la p. 184, note 2.
Catholique A. et R. veut dire évidemment apostolique et romaine et non pas
« apostat et relaps. »
— 475 —
VI
Histoire d'un collège municipal aux xvi*, xvn' et xviii* siècles. Les
KCHEVINS, le clergé, LES ORDRES REUGIEUX ET l'iNSTRUCTION SECON-
DAIRE A Bayonne AVANT 1789. Thèse présentée à la faculté des lettres de
Toulouse i>ar J.-M. Drevon, censeur des études au lycée d'Agen.
Agcn, imprimerie de Virgile Lenthèric, et librairie de Michel et Médan,
18i39. Vol. grand in-8* de 440-lxxxviii pages.
Indiquons d*abord les divisions principales de l'important ouvrage
de M. Drevon, aujourd'hui censeur des études au lycée de Marseille :
V Introduction (de 58 pages) se compose à! Un coup d*œil général sur
la situation de V instruction publique en France et particulièrement
à Bayonne au xv® et au xvi* siècles et du récit de la fondation
d'un collège à Bayonne. Trois autres chapitres, fort substantiels,
sont intitulés : 2^ La prébende précepioriale et le collège ; ^"^ les
ordres religieux et le collège ; 4° le collège. Puis se déroulent des
Pièces justificatives, au nombre de vingt- trois, presque toutes inédites
et presque toutes extraites des riches Archives municipales de
Bayonne (1), flanquées d'un Appendice formé : 1° de V Extrait d'un
(1) A'oici rénumération complète de ces documents : I. Lettres patentes de
Henri IV pour l'établissement d'un collège à Bayonne (novembre 1594);
II. Achat du teiTain et emplacement de l'ancien collège de Bayonne (du 18 novem-
bre 1589 et du 9 février 1590); IH. Arrêt de Charles ÏX enjoignant au prévôt de
Paris de faire exécuter les ordonnances d'Orléans (22 novembre 1563); IV. Le
coips de ville décide de nommer Tuscan, prêtre, régent du collège, et de ren-
voyer le laïque Formel; V. Protestation de Formel et des chanoines (20 mai
1594); VI. Formet donne volontairement sa démission (17 août 1595); VII. Pro-
testation des échevins contre la nomination de Jean Diharce, faite par les
chanoines. Installation de Lalandc dans le collège, malgré l'opposition de
Diharce; VI II. Violente altercation entre le corps de ville, qui soutient le cha-
noine de Lalande, et les chanoines, qui persistent dans la nomination de
Jeim Diharce comme principal du collège; IX. Arrêt de Louis XIII qui
casse la nomination de Jean Diharce, et confirme celle de Lalande, l'ins-
truction des enfants devant appartenir aux magistrats de la ville (21 janvier
1616); X. Lettre de l'abbé de J^aint-Cyran aux Echevins de Bayonne (9 avril
1643); XI. Délibéiation du corps de ville sur l'installation des Jésuites au col-
Ingc de Bayonne; XII. Dclibôraiion du corps de ville sur l'installation des
Jésuites au collège de Bayonne. Oppositions des bourgeois ; XIII. Opposition du
maréchal de CJraniont àl'istallation des Jésuites ; XIV. Conférence entre les dépu-
tés du corps de ville et ceux du chapitre sur l'installation des Jésuites au col-
lège de Bayonne (23 janvier 1654) ; XV. C'onvocation des officiers du Roy pour
délibérer sur cette insuiUation (26 janvier 1654); XVI. Déclaration du corps de ville
à ce sujet (30 dudit mois); XVII. S l'ance orageuse «'i THôtel-de- Ville. Violente
opposition des bourgeois ii l'installation proposée (mars 1654); XVIII. L'évo-
que de Bayonne propose d'installer les Jésuites dans le collège. Refus des
Echevins (10 mars 1683); XIX. Lettre de l'évéque de Bayonne, et de Jacques
— 476 —
règlement pour les petites écoles du diocèse d'Oloron^ imprimé
par l'ordre de Monseigneur l'Illustrissime et Revérendissime mes-
sire Jean François de Montillet, évèque d^Oloron, imprimé à Pau,
chez Jean Dupoux, 1740; 2^ d'un tableau de renseignement supérieur,
secondaire et primaire dans les Basses-Pyrénées avant 1789. L'Ap-
pendice est suivi de quatre spécimens d'affiches du collège de
Bayonne. Le tout est couronné par une très bonne Table [analytique]
des matières.
Pour décrire la situation, avant 1789, de l'instruction publique en
France et particulièrement en notre i-égion, M. Drevon a consulté les
meilleurs travaux. Tout ce qu'il dit sur les écoles claustrales, sur les
écoles épiscopales ou cathédrales, sur les <^olcs presbytérales ou
paroissiales, est puisé à des sources irréprochables, qu'il s'agisse d'in-
dications générales ou de détails spéciaux sur les établissements du
Sud-Ouest. En ce qui i^arde ces établissements, M. Drevon n'a
négligé, sans parler de notre chère Revue ^ ni les notices de M.
l'abbé Jules Bonhomme, de M, Soulice, de M. Tartière, etc., ni même
les documents inédits des Archives d'Agen, de Bayonne, etc. Quant a
l'histoire propre du collège de cette dernière ville, elle est presque
toute tirée des Archives bayonnaises et devient ainsi une œuvre origi-
nale.
Interroger beaucoup de pièces nouvelles, c'est un mérite; mais les
interpréter en leur vrai sens, savoir en dégager toute la lumière qu elles
contiennent, c'est un mérite plus grand encore. Il faut qu'un laborieux
paléographe soit doublé d'un sagace ciitique et que, selon la célèbre
métaphore, k la force patiente du IxBuf s'associe l'acuité du regard de
l'aigle. Félicitons M. Drevon d'avoir avec autant de soin que de sagacité
arraché tous leurs secrets aux vieux papiers et d'avoir fait jaillir de leur
vénérable poussière des flots de vérité. Félicitons-le aussi d'avoir dédai-
gneusement laissé de côté tout ce qui aurait pu ressembler à des idées
systématiques, à des préjugés rétrogrades, et de ne s'être préoccupé que
de bien faire le noble métier d'historien. L'avouemi-je? sachant que
M. Drevon est un des jeunes capitaines de l'armée uaiversitaire, je
Fiers, principal du collège de Guyenne, aux Kchevins sur M. Hony, proposa
comme. principal du coUège (22 mai et 8 avril 1655); XX. « Etat des écoliers à
leur apprendre à lire et à écrire » (liste dressée par Le Lièvre le 10 décembre
1727); XXI. Procès-verbal d'une visite faite au collège par les délégués du coqw
de ville (27 novembre 1725); XXII. ^^uppliquc des régents pour obtenir de
dire la messe aux écoliers et d'en percevoir la rétribution (septembre WÙ2) ;
XXI II. Aune de Neubourg, reine douairière d'Espagne, assiste aux représen-
tations du collège.
— 477 —
craignais de trouver dans son livre quelque fâcheux écho des querelles
d'autrefois, je redoutais surtout pour le nouveau docteur es lettres un
écueil contre lequel on a vu se briser bien des thèses passionnées jus-
qu'à l'injustice : je veux parler de la question des Jésuites.
M. Drevon a eu le bon goût de laisser dans Tarsenal des parlementai-
res fanatiques, des universitaires endurcis, les armes rouillées desti-
nées à tuer ceux qui, dit-il (p. 164), furent, « suivant l'expression pit-
toresque d'un vieil historien, les plus puissans limiers du iems à la
queue des hérétiques (l); » il s'est dit, en homme d'esprit, que les
gens bien élevés ne mangent plus du jésuite; il s'est dit aussi, en
homme de cœur, que moins que jamais on doit attaquer des religieux
qui sont proscrits, qui sont malheureux. Res sacra miser, Joseph de
Maistre s'écriait avec sa mordante éloquence : L'impiété est canaille.
De quelle expression plus injurieuse encore ne flétrirait-il pas, de nos
jours, l'intoléa'ance à l'égard des vaincus 1
Loyale et solide d'un bout à l'autre, l'histoire du collège de Bayonne
a des pages fort intéressantes. M. Drevon raconte avec agrément les
compétitions d'autorité entre les chanoines et les échevins, entre les
évoques et ces mêmes échevins, entre les Jésuites et les bourgeois,
appuyés par le gouverneur de la ville, le maréchal de Gramont
{qu' allait-il faire dans cette galère^) Sans doute ce sont là des tem-
pêtes dans un verre d'eau, mais les petites circonstances sont à leur
place dans une monographie. Ajoutons que, tout en décrivant l'organi-
sation du collège de Bayonne, le judicieux écrivain nous fait connaitre
rhistoire intime de tous les autres collèges municipaux d'autrefois et que
son étroit sujet, ainsi envisagé, se féconde et s'agrandit singulièrement.
Au nombre des particularités curieuses de l'ouvrage, je signalerai
ce qui concerne le séjour à Bayonne, en qualité de principal du collège,
du trop fameux Jansénius. M. Drevon nous rappelle d'abord que Cor-
neille Jansen et Jean Duvergier de llauranne, — ancien élève du col-
lège de Bayonne, où il avait fait ses études jusqu'aux humanités, et
alors, par la protection de Mgr Deschaux (2), chanoine de l'église
(1) André Favyu, Histoire de Naoarrc, Paris, 1612.
(2) On sait que ce nom a reçu les formes les plus diverses. Voir ce que j'en
ai dit ici à deux reprises : Lettres inédites de Bertrand d'EcJiaax à Villoroy
(1861) ; Trois lettres Inédites de Bertrand cVEchaux (1879). A propos du pré-
lat béarnais, je contesterai cette assertion de M. Drevon Cp. 96, note 1) : « Des-
chaux était alors à Paris (mais 1614) et y briguait probablement sa nominalion
ù Tarclievéché de Tours ». Ce probablement est très improbable. Le siège de
Tours était à ce moment occupé et ne devint vacant que quelques mois plus
tard par le décès de Fr. de la Guesle (30 octobre). Ce ne fut pas, d'ailleurs,
révoque de Bayonne qui lui succéda, mais bien Sébastien Dori-Oaligaî.
— 478 —
cathéâmle, tnoyennam dispefise d'assister au chœur, sauf les diman-
ches Ht jours de f^es, dlauM <|u'il ^vait encore à Famitié de l'ëvèque,
et qui lui p^srmettait de se consacrer tout entier à ses chères études,
— vivaient retirés dans une petite maison de campagne, sur une hauteur
dominant la ville, en un lieu nommé Candeprat (1). Puis il nous raconte
en ces termes, d'après les registres municipaux, comment, pareil à un
météore, le futur évèque d'Ypros apparat au ooU^e de Bayonne et en
disparut (p. 171-175) :
« Gelui^i, qui était pauvre et à qui, par fierté naturelle, ii répu-
gnait d'être complètement à cha^ à son ami, se laissa nommer à
ces «kbsorbantes fonctions. Toutefois, ce ne fut pas sans hésitation,
car le sort de îses prédécesseurs Tépou vantait. L'évôqoe calma ses inquié-
tudes en hii conseillant de faire exorciser le collège par ses confrères.
Cette curieitse cérémonie, dont Ck>rnieiile Jansen fit la condition sine
qua non de son entrée au collège, eut lieu le samedi 15 décembre, et
le lendemain dimanche, à deux heures de Tapirès-midi, le principal
était ofiicielleineni installé dans des nouvelles fonctions... — [Quelques
mois plus tard] Jansen songeait à donner sa démission. Les embarras
multiples de sa^charge, son anleur croissante pour l'étude, à laquelle il
ne pouvait donner carrière, lui faisaient désirer une retraite plus tran-
quille. D'ailleurs, il n'avait accepté que pour un an, sur les sollicita^
ticms réitérées du chapitre etdel'évêque... Le 4 avril 1619, il vint donc
au conseil de ville, et annonça aux Echevins qu'il quitterait le collège
dans trois mois. Cette décision trompait toutes leurs espérances. Ils se
flaUèfônt un moment de l'en faire revenir et lui députèrent un des
leurs, iMurent et homonyme de sou ami de Hauranne. Mais sa résolu-
tion était inébranlable, et, à toutes les instances de ce bienveillant et
sympathique intermédiairo, il se borna à répondre que sa ferme
volonté était de quitter le collège au mois de juillet. En effet, le 27
juin, il se rendit de nouveau à l'hôtel de ville pour remercier une der-
nière fois les magistrats de Thonneur qu'il lui avaient fait en le nom-
mant principal, et, le V^ juillet suivant, il quittait définitivement le
œllège... A paît quelques reçus autographes, c*est là tout ce que nous
apprennent les Archives de Bayonne sur le fcuneux auteur de VAuf/ua-
il) M. Drcvon reproche «^ 8ainlc-Hcuve une petite erreur g^éograpliique :
« Celte campagne, observe- t-il (p. 171, note 1), était ù plus de hait kilomètres et
non pas procfiû do la mer. » (Port-Royal, t. i, p. 280). M. Drevon aumit pu
ajouter que Til lustre critique, non content de déplacer la maison de campante
en l>ivan^ant trop vers rOoéan, la débaptisa en ra]>pelant « Champré mi Cani-
pipmt, le jour où j'ai dit — ici, je te crois bien — que Itt avait été couvô par
le docteur gascon et le docteur h(.iUandai« Tœuf UM an iansémame*
— 47Ô —
iinua, » Quant à Duvergier de Uauranae, ooxituitte M. Orevoii(p. 177)^
« soû histoire appartient tout entière à rhtstoire du )aii9éiiisme.
L*abbé de Saint- Cyran, absorbé parles soins de son ministère, ne &
plus dans sa ville natale que de rares et rapides apparitions quand des
devoirs impérieux de parenté ou d'amitié l'y appelaient (1). Mais il
n'en resta pas moins très attaché à Bayonne et à ses ooneitoyens (2),
qui le regardèrent toujours comme un de leurs compatriotes les plus
vertueux et les plus éminents. »
Après avoir payé un tribut de regrets à l'habile imprimeur du
volume — « d'une magnifique exécution matérielle », pour leprendxe te
mot appliqué par notre cher directeur au François Bosquet de TKbbé
Henry, — Virgile Lenthéric, mort, le mois dernier, en toute la force de
l'âge (3), je donnerai un dernier éloge à ['Histoire d'un collège muni-
cipal, en reproduisant ces lignes finales de Y Introduction où, dans
un légitime hommage rendu au passé, se condensent l'impartialité et
la sagesse de l'auteur : « Même en matière d'instruction, comme le
déclarait M. Guizct en matière politique et financière, notre révolution
na rien dit, rien coulu^ rien fait qui n'ait été dit, fait ou tenté déjà
cent fois. ..{A), » Ph. TAMIZEY DE LARROQUE.
VII
Etude sur l'Académie d*Orthez, fin du xvi' et commencement du
xvii* siècle, par Joseph Coudirolle. Orthe^, J. Goude-Dumcanil, 1885.
Grand in-8' de 91 p.
L'article de M. T. de L. sur la thèse française de M. Drevon m'a
rappelé une publication, Inen moins étendue, déjà presque ancienne, que
(1) Nous avons lu deux fois son nom dans les registres des baptêmes, sur
lesquels il signa comme parrain.
(2) Arcliives de Bayonne, AA, 37. Voir aux pièces justificatives, nMO, une let-
tre autographe de Tabbé de Saint-Cyran aux magistrats de la ville, qui lui avaient
écrit poui' le féliciter de sa mise en liberté. La lettre est fort bien tournée. Kn
voici quelques lignes : «... J'ay eu de la jo>e de l'honneur qu*il vous a plu me
faire de me témoigner la vôtre. J'ay tousjours eu une inclination particulière
pour le lieu de ma naissance, et pour tous oeux qui en sont avecq moy. Je vous
supplie de ne doubter point qu'alors mesme que je vieilly, elle ne se renouvelle
en moy, et que cette joye que vous avez daigné me faire n'y contribue beaucoup. . »
(3) I<enthéric laisse im gi-and nombre d'ouvrages admirablement imprimés*
parmi lesquels je me contenterai de citer : Le» eieuw papiers du château de Cau-
zac (1882), Faits d'armes de Geoffroy de Vioant (1^7), Bibliographie générale
do VAgenaie (1886-1887).
(4) A rapprocher de ces lignes de la page 259 : « L'on peut dire qu'il n'est
aucun progrès accompli de nos jours dont ou ne trouve alors le germe et la
première indication. De sorte que la nouveauté la moins attendue qui ressort, à.
la iln, de l'étude impartiale et approfondie des vieux documents, c'est qu'il n'y
a, en sonune, presque rien de nouveau, d
— 480 —
j'avais eu le tort de perdre de vue et qui intéresse elle aussi l'histoire
de rinslruction publique dans la région du sud-ouest. On vient d'en
lire le titre; il faut y ajouler qu'il s'agit encore d'une thèse, mais sou-
tenue devant la Faculté de théologie protestante de Paris. Je suis heu-
reux à oe propos de faire remarquer tout de suite que non seulement ce
travail est purement historique sans préocuppation confessionnelle, mais
encore que l'auteur n'y a pas mis un mot capable de blesser un lecteur
catholique. Il a d'ailleurs un ton modeste, bien propre à lui gagner
toutes les sympathies. Lisez seulement les lignes qui terminent son
Atani-propos :
« 'Et maintenant, va, petit livre : tu entendras dire souvent — si
toutefois on te lit — que tu laisses beaucoup à désirer, mais tu ne
t'en fâcheras pas parce que c'est la vériîé : lâche seulement d'éveiller
la curiosité du lecteur et de l'intéresser à l'histoire que tu racon-
tes, et peut-être aura- t-il le désir de la faire connaître aux autres.
Tu te garderas d'être jaloux si tu te vois un jour préférer un rival :
tu penseras que tu as bien rempli ton rôle et que mon souhait s'est
réalisé. »
Il est certain qiie l'Académie protestante d'Orthez attend un travail
plus complet. Elle en vaut certainement la peine, ayant tenu quelque
temps une place assez importante dans l'enseignement provincial et
même, par quelques-uns de ses professeurs, dans l'histoire littéraire
générale.
A son origine, le collège d'Orthez ne fut qu'une transformation de
celui de Lescar, fondé au milieu du xvi* siècle par Henri II d'Albret
et sa femme Marguerite. Leur fille Jeanne d'Albret le tranféra en 1566
dans le couvent des jacobins d'Orthez, dont elle avait expulsé les reli-
gieux, et elle lui donna le litre d'Académie. Jusqu'en 1569, on évalue
à 60 ou 80 le nombre annuel des pensionnaires. En 1569, à cause de
l'épidémie qui suivit les invasions successives de Terride et de Mon-
gonmery, le collège fut remis à Lescar. Bientôt parut, il est vrai, une
ordonnance de Jeanne (nov. 1573) qui le transférait de nouveau à
Orthez ; mais elle ne fut pas exécutée, par suite de la préférence que
donnaient à Lescar, plus voisin de Pau, la plupart des membres du
Conseil. Les prétentions contradictoires des deux villes rivales et Ten-
quôte (1579) qui eut lieu h. ce sujet sont des pièces très curieuses pour
l'étude des lieux, des personnes et des mœurs. Ortliez l'emporta et un
édit du roi de Navarre, le futur Henri IV, du 1*** septembre 15^3,
éleva son académie au rang d'Université. C'est le tenips de la plus
grande prospérité de l'établissement, qui comptait alors au nombre de
— 481 —
ses professeurs des étrangers de marque, entre autres l'illustre théolo-
gien Lambert Daneau. Ce temps dura peu. Dès 1591, Lescar obtient
le retour du collège, qui repart de nouveau et définitivement pour
Orthez en 1609. Mais dès les premières années du siècle, Henri IV
avait considérablement diminué l'état de sa « royale Université », qui
s'éieignit vers 1620, après rentier rétablissement de la religion catho-
lique en Béam et la fondation du collège des Jésuites à Pau.
Tel est le résumé très décharné du premier chapitre de V Etude de
M. J. Coudirolle. Dans le second il étudie, malheureusement sans le
secours des règlements propres à TAcadémie d'Orthez, qui sont perdus,
l'organisation de cet établissement et la vie universitaire; dans le troi-
sième chapitre, intitulé, à tort peut-être, tendance ihéologiquCy on ne
trouve guère que des notices très brèves sur l'histoire littéraire d'un
trop petit nombre de professeurs d'Orthez : Pierre Viret, l'un des pre-
miers héros de la Réforme, qui fut «. enseveli à côté des souverains
dans réglise du collège », Lambert Daneau, déjà nonmié, et notre
compatriote Paul Charles, de Mauvezin (Gers).
L'auteur n'a pas eu le temps de poursuivre jusqu'au bout, soit dans
les livres, soit dans les archives, les recherches nécessaires pour nous
donner une histoire plus complète. Son travail avait été précédé de
quelques bonnes pages du pasteur Lourdes-Rocheblave, dans le troi-
sième volume du Bulletin de l'histoire du Protestantisme français y
et de M. Bourchenin, dans sa thèse française de 1882 sur les Acadé-
mies protestantes en France au xvi« et au xvn« siècle. Il n'a pu pro-
fiter de V Histoire de Vacadémie de Montauban, publiée à peu près
en même temps par feu M. le professeur Michel Nicolas. Mais l'auteur
a eu le précieux secours de pièces d'archives et de notices encore iné-
dites alors, communiquées par MM. Planté, maire d'Orthez, et
L. Batcave. Il se plaint lui-même de n'avoir pu pousser assez loin aux
Archives Nationales les études que lui avaient indiquées son président
de soutenance, M. Bonet-Maury. On peut bien aussi lui reprocher
quelques inexpériences de détail : le nom du cardinal Godin estropié
(p. 15), l'idée qu'il ait fallu « fixer la métrique » (p. 11) d'une pièce de
vers hendécasyllabes, que tout bon élève de seconde scanderait à pre-
mière vue, etc. Telle qu'elle est, son Etude est une ébauche très inté-
ressante, qui aidera sans doute à attendre et peut-être à faire naître
un tableau complet.
L. C.
48S —
BROCHURES DIVERSES
I
Recherches sur la numismatique de la Novempopulanie depuis les pfe-
mier» temps jusqu'à nos jours — 3' partie — par M. Emile Taillebois,
secr. gôn. de la Soeiétôde Borda, etc. etc. Dav, impr. H. Labèque, 1889.
Gr. in-8* de 29 pp.
M. Em. Taillebois a publié en 1882 la première et plus considérable
partie de ses Recherches sur la numismatique de notre province, et
il y a ajouté en 1884 un supplément, pour réparer les omissions de son
travail, qui a obtenu en 1886, au jugement de TAcadémie de Bordeaux,
le prix de numismatique (600 fr.) fondé par le marquis de La Grange (1).
Il nous donne aujourd'hui une nouvelle suite, destinée à compléter et
corriger ses pages précédentes et surtout à faire connaître quelques
nouveaux types récemment signalés.
Celui qu'il nous présente avant tous les autres, et qui est à la fois le
plus antique et le plus intéressant, c'est un denier élusate du même
genre que ceux qui sont assez connus chez nous, surtout depuis la
trouvaille de Laujuzan, chez M. Fr. de Cours; mais dans le nouvel
exemplaire, déterré dans le canton d'Albi avec tout un trésor de pièces
gauloises anciennes, le cheval du revers est beaucoup mieux formé
que dans les autres pièces connues. M. Taillebois facilite la comparai-
son en nous donnant le dessin du denier élusate trouvé en Albigeois,
et au-dessus le dessin de cinq exemplaires du type habituel.
La période mérovingienne fournit assez peu de types propres à notre
province. M. Taillebois ajoute à ceux qu'il avait indiqués précédem-
ment neuf triens, dont il emprunte la description à 1 Essai sur la
numiematique mérovingienne de feu Ponton d'Amécourt (1864) : il y
en a deux d'Aire, un d'Auch, deux de Tarbes, trois de Saint-Lizier,
un de Saint-Bertrand (2). Il fait connaître, d'après M. Vallier, qui Ta
publié dans VAnnuaire de numismatique de 1885, un triens d'or
d'Aire, qui parait de la première moitié du vi^ siècle, d'après la pureté
(1) Voir un article de M. Adr. Lâvergûd* Reoue de Gascognû, t. xxvu (1886)/
p. 427.
(2) Les légendes de ces pièces sont des documents essentiels pour la topony-
mie de notre proTince<
— 483 —
du type et le nom de Vicus Julii (civetas vico ivli)^ qui tomba de
bonne heure en désuétude.
Parmi les monnaies féodales, l'auteur signale et réelame pour Dax
un très grand nombre de pièces du Prince Noir « dont la légende finit
par un monogramme inédit composé d'un A et d'un Q retourné. » Ces
pièces (56 demi-gros avec 28 légendes variées et 30 esterlings en 4
variétés) font partie de la magnifique collection de M. le comte Alexis
de Chasteigner (à Bordeaux), qui devrait bien en publier les dessins.
— Citons encore une monnaie de Gaston-Phébus, vicomte de Béarn
(1343-1361), la seule connue de ce prince; c'est un florin d'or révélé par
M, Théodore de Se vin (Le Trésor de Grenade). « Avers : f Fébus-
coMEs, fleur de lis florencée. Revers : S. ioha-nnes. B. Heaume à
gauche; saint Jean-Baptisle barbu et nimbé bénissant de la main droite
et tenant un sceptre de la gauche. »
Je ne dis rien ni des jetons^ qui occupent une assez grande place dans
cette brochure, grâce surtout aux recherches de M. Adrien Blanchet
(Jetons de la famille de Henri II de Navarrey etc.), ni des poids
monétif ormes, ni des soeau}(i,.etc. Ce qui précède suffit pour reconmuin*
der aux travailleurs la publication du savant secrétaire de la Société
Borda et pour leur faire vivement désirer l'apparition d'une* Numis^
matique de la Gascogne, complète et méthodique, que M, Taillebois
serait, sans doute, plus capable que personne de nous donner à bref
délai.
Il
Grottes préhistoriques de la Ténarèze (Grers, Lotret-Gàronne), par
M. Tabbé A. Breuils. Paris, Maisonnetioe, 1889, gr. in-8^ de 20 pp.
Prix: 1 fr.
Nos lecteurs n'ont pas oublié ces curiausesc pages, publiées ici même-
l'an dernier, sur lesgrottes : 1^ de Saint-Orens, en Castelnau«d'Aiizan;
2*^ et 3^ du Peyré et du Pont-Neuf, dans Saint-Pé-Saint-Simon;
4^'de Saînt-Michel de la Roque, grotte changée en église^ etc. Je tiens à
noter seulement que Fauteur a beaucoup amélioré son travail en le
publiant en brochure et qu'il y a joint plusieurs additions importantes.
Je signalerai celle qui concerne le cimetière préhistorique découvert il
y a une dizaine d'années chez M. Dat, & Callonge, à 300 mètres du
Pont-Neuf, dans la commune de Saint-Pé Saint-Simon ; là le « vase
cinéraire celte » côtoyait le vase romain et l'amphore; d'où un archéo-
logue compétent, M. Piette, concluait que la date de ces sépultufes
— 484 —
élait peu antérieure k la conquête do la Gaule. Mais le pays élail
habité bien auparavant; carie dernier âge préhistorique avait sup-
primé les tumulus et les cromlechs ; or on peut signaler un cromlech
dans les environs de Saint- Pé, à Saint-Pau; il existait encore il y a
une vingtaine d*années, et il a été dessiné en 1842 dans la Guienne
monumentale (t. i, p. 4). L. C.
RÉPONSE.
252. Sur le lieu de naissance du O^ Gabiran.
(Voir la Question, ci-dessus, livr. de février, p. 72).
M. Gatien Arnoult a eu raison de dire, dans la courte notice qu'il a
consacrée au D' Gabiran dans les Mémoires de l'Académie des sciences,
inscriptions et belles-lettres de ToulousCy « qu'il était né d'une famille
plus honorable que fortunée. » Le D' Gabiran n'eut, en effet, pour sa part
d'un patrimoine qui fut partagé entre dix-huit frères ou sœurs, que
6,000 francs, somme, il est vrai, relativement importante à la fin du der-
nier siècle, x>uisque les valeurs mobilières n'existaient pas à cette époque.
Il dut à l'aisance de sa famille de pouvoir faire ses études de médecine, à
son intelligence, à son amour du travail, de devenir un des meilleurs doc-
teurs de Toulouse et de mourir millionnaire. Je peux parler à mon aise de
sa fortune sans compromettre ma modestie, quoique membre de sa famille;
car je n'ai hérité de lui — ironie du sort ! — qu'un sac de vieilles monnaies
avec quelques jetons de présence aux réunions des sociétés savantes. Gette
circonstance nous indique qu'il cultivait, en même temps que d'autres
sciences, la numismatique.
Le D' Gabiran n'est point né au lieu imaginaire d'Armagnac, comme le
dit très bien M. J. B., mais au château de Mouras, à Arcagnac, aujour-
d'hui annexe de la commune d'Haulies, située sur les coteaux qui bordent
la vallée du Gers, près d'Auch. La famille du D' Gabiran avait acquis la
terre de Mouras des barons d' Arcagnac ; son père, qualifié de bourgeois
hàult^ dans les actes notariés du temps, était syndic de la commune d'A^-
cagnac en 1788 (1).
Le D' Gabiran, né en 1759, est mort à Toulouse en 1839. Son corps repose
dans les cryptes de l'église Saint-Aubin; une inscription lapidaire en fait foi.
J'extrais ces quelques détails, que j'aurais voulu fournir plus nombreux
et surtout plus précis, de papiers de famille ou de mes propres souvenirs.
FEUX TROYES.
(1) Aroagnac avait été désigné comme le lieu de naissance de Gabiran par
M. le D' Noulet, daas l'éloge de ce médecin. M. Gatien Amoult, qui l'a suivi,
reste donc responsable, s'il y a li\ autre chose qu'une coquille, de l'altération de
ce nom. — L. C.
VOYAGES
DE
DEUX BOURGEOIS D'AUCH A LA COUR
EN 1528 ET 1529 C).
Deux comptes en gascon, conservés dans les archives de
la mairie d'Âuch, contiennent an étal détaillé des dépenses
d'un double voyage fait en 1528 et 1529 à la cour de France,
où résidaient alors Henri d'Albret, roi de Navarre, comte
d'Armagnac, et sa femme, Marguerite d'Angoulême, sœur
de François I*'.
Ces comptes, malgré leur concision regrettable, — car ce
n'est guère qu'une sèche nomeaclature des localités traver-
sées, avec l'indication du prix des repas, — ces comptes,
dis-je, m'ont paru mériter une analyse, tant à cause de leur
date et de l'idiome dans lequel ils sont écrits, que des per-
sonnages de marque qui s'y trouvent mentionnés.
C'était une grosse affaire qu'un pareil voyage à cette épo-
que, et il fallait de graves raisons pour l'entreprendre. Il
s'agissail, en effet, d'une question du plus haut intérêt pour
la ville d'Auch.
Louis XI, par édit du 27 décembre 1473, avait fixé à Auch
le siège de la Sénéchaussée d'Armagnac; mais « quelque
temps après — lisons-nous dansl'édit de janvier 1639, — la
maladie contagieuse obligea les officiers dudit seneschat de se
retirer par provision en la ville de Lectoure...» (1). Comme
(*) Cette note a été lue à la Sorbonne, au Congrès des sociétés savantes, sec-
tion d'histoire et de philologie (séance du 12 juin 1889).
(1) Divers documents, conservés dans les Archives de Lectoure, racontent les
faits d'une autre façon. D'après cette version, rétablissement du Sénéchal à Auch
Tome XXX. — Novembre 1889. 32
— 486 —
il n'y avait aucune ordonnance par écrit, les consuls de Lec-
toure se firent octroyer des lettres de mairitien par Charles
VIII (septembre 1490) (4).
On conçoit le dépit qu'en éprouvèrent les habitants d'Âuch,
qui par la suite firent de fréquentes tentatives pour enlever à
la cité rivale un tribunal de cette importance (â).
Le 31 décembre 15217, le roi et la reine de Navarre firent
leur entrée solennelle dans leur bonne ville d'Auch : tous deux
prêtèrent serment de respecter et de défendre les immu-
nités et franchises municipales. Les consuls durent profiter
d'une occasion si favorable et renouveler leurs instances. Ce
qu'il y a de certain, c'est qu'une enquête fut faite, vers celle
époque, parles soins du chancelier de Foix et de Béarn. Mais
elle fut, sans doute, contraire aux prétentions des Auscitains,
car c'est surtout pour la faire rapporter qu'on entreprit le
voyage de 1528, « per ana a la Cort, et asso per fe raportar
certaine inquisition feyta per Mons' lo chancellier de Foix et
de Bearn, touchant le siège du seneschal d'Armaignac ».
La communauté confia la mission d'aller plaider la cause
de la ville à deux bourgeois : M' Raymond de Bonnecaze,
licencié en droits, et sire Bernard Cabandé, sieur du Fa^;et.
Leur mission est ainsi définie en télé de l'un des comptes :
Aller à la Cour et présenter requête de la part des consuls
« aux rey et regina de Navarre, per remectre lo siège de la
cort de seneschal d'Armanhac de Leclore a Aux, ou bien de
erigir un novel siège particular et aquet mette et stablir en la
ville d'Aux » .
Raymond de Bonnecaze et Bernard Cabandé, après avoir
daterait du mois de mai 1473 (édit donné au Plessis-du-Parc); cette déoi8i<m au-
rait été rapportée par Tédit du 27 décembre suivant, et le siège attribué à Lec-
toure (Communication de M. Paul Druilhet, adjoint au maire de Lectoure.). —
Vérification faite, le texte de redit du 27 décembre 1473, enr^stré à Toulouse
le 3 février suivant, porte Auch et non Lectoure, ce qui tranche la queatioii.
(1) Ordonnances des rois de Franco, t. xx,p. 250. *
(2) Le ressort de la sénéchaussée d'Armagnac était très étendu et comprenait
TArmagnac proprement dit, le Fezensac, l'Astarac, le Pardiac, la LomagnA, le
Brulhois, le Fezensaguet et les Quatre-Vallées.
fait Tachât de trois chevaux, de deux sacs en basane « laâ%»
pour serrer les papiers, et d'une malle de voyage, se mirent
en route le 14 juillet 1528, la bourse garnie de la forte somme
de 400 livres (i), dont 500 empruntées aux « caperas de
Purgatori de Senta Maria d'Aux. » Un page et un laquais
composaient leur escorte.
Ils allèrent souper et coucher à Condom, où Ton fit Tem-
plelte d'un « cabeste de suât » (2); ils dînèrent le lendemain
ùNérac. Là on s'aperçut que Tun des chevaux « flaquec » (3);
il fallut le renvoyer à Auch et en acheter un autre. Disons
une fois pour toutes que le prix des repas variait peu d'une
étape à l'autre : le dîner coûtait 15, 16 ou 17 sous, et le
souper (avec coucher) 1 livre 5 sous ou 1 livre 6 sous et
quelques deniers tournois (4).
Nos gens traversèrent successivement « Damasan, Mar-
manda, Monsegur, Siurac (Givrac-de-Dordogne), SenUMeUon
(Saint-Emilion), Guitres, Barbasius (Barbezieux), Gbâleau-
neuf (passage de la « Ghalanta • moyennant un péage de
2 sous), Grobila (Gourville), Vilafaye (Ville fagnan), Ghauné
(Chaunai), Bibona (Vivonne), Poyties (Poitiers), Trichayria
(la Tricherie), Ghalelaraut (GhàtellerauU), Port-de-Pila (Port-
de-Piles), Matelant (Manthelan), Blerë, Amboysa (Amboise),
Escuras (Seur), Blays (Blois), Seynt-Lorans (Saint-Laurent-
des-Eaux), Orleanx, Arteney, Tori (Toury), Etampes, MoUeheri
(Montlhéry), et Paris » .
Après un repos de trois jours à Paris, il fallut partir pour
« Fonteneblau > avec arrêts à « Bilaneba-Saynt-Jory (Villeneuve-
Saint-Georges), Gorbelh, Ghely (Ghailly) et Arclosa » (Reclo-
ses). Le retour subit de nos voyageurs à Paris et leur départ
pour « Seynt-Jermeyn » coïncident évidemment avec les dépla-
(1) 400 livres, au xvi* siècle, avaient une valeur relative de plus de 4,000 francs.
^2) Un licol en peau de truie (sucU).
(3) Faiblissait, marchait péniblement.
(4) C'est toujours de monnaie toumoise qu'il «st liait usage dans tes deux voya-
ges que nous analysons.
— 488 *-
céments de la Cour (1). Les chevaux étaient exténaés. Tan
d'eux tomba malade en arrivant à Saint-Germain, il en coûta
2 livres 8 sous pour le droguer, « per fe gari hun de nostres
chibals que era marfondut et per lo tira lo suros ».
Les députés d'Âucb purent enQn accomplir leur mission.
Il est regrettable que la relation ne dise rien des audiences
royales qu'ils durent obtenir. Par contre, on y trouve consi-
gnées avec soin toutes les petites dépenses quMl était d'usage
de faire dans Tanlichambre ou dans les bureaux et chez les
hommes de loi. Je transcris textuellement cette partie du
compte :
Plus, en ana a Seynt-Jenneyn, per los v pasatges (de la Seine) :
iiii s. IX d.
Plus, per rechala los papafigos (2) : ix s.
Plus, per crompa bin, peyn et poeras pour banqueter : m s.
Plus, combidem lo conserbado (3), per dus biatyes, en probision et
bin et autras causas : i^ 1. xii s.
Plus, demorem a Seynt-Jermeyn xv jorns : xxx 1. xii s.
Pour paser la ribieca pour aler a Paris : un s. ix d.
Plus, balhem a Joan, secretari de Mos. le chanselier de Foys, per
lo proses que nos enbiee [a] Aux : ii 1. ii s.
Plus, balhem a Tenfantde Mos^'lecontrarolierdeLanson, per crompa
hun bonet : un l. n s.
Plus, au servidor de Mos. lo contrarolier : xn s.
Plus, au clerc de Mos. le chanselier de Lanson (4) : xn s.
Plus, au clerc de Mos. le baylif d'Orleanx : x s.
Plus, anec Mos. de Bonacasa a Seynt-Jermeyn (5); que despensec :
nn 1. vn s.
(1) Ces déplacements sont indiqués dans le Catalogua des actes de Fran^
çoie /" (tome i). Voici quelques dates : à Fontainebleau, du 1*' au 14 août 1528;
à Paris, du SO au 27 août; à Saint-Germain-en-Laye, du 27 ao&t au 6 septembre;
à Paris, depuis le 7 septembre.
(2) Papqfiges, manteaux (f).
(3) Le conservateur des domaines de la maison de Navarre. J'ignore son
nom.
(4) Le chancelier d'Alençon. l\ se nommait Jean Brinon et était premier^vé-
sident au parlement de Rouen.
(5) Cet article et les suivants montrent que cet état a été dressé par Bernard
Cabaadé» compagnon de M. de Bonnecaze.
— 489 -*
Plus, balhe a Mos. Robiihart (1), pour la menute des letres : ii 1. 1 s.
Plus, au clerc de Mos. Robilbart : v s.
Plus, auhem balbat au oonserbador, que nos enprontet : un 1. ii s.
Plus, per so que jo he despendut a Paris cant jo demore et Mos. de
Bonacasa era [a] Seynt-Jermeyn : ii L v s. vi d.
Plus, au clerc d'Adrien, sécrétera de Madame (2) : v s.
Plus, pour paser Seyna : ii s. vi d.
Plus, pasames [a] Arjentulh (Argenteuil) pour boer les reliques (3) :
XI s. viii d.
Plus, aboms demuré a Paris xi joms : xxuii 1.
Le retour en Gascogne s'effeclaa par une route plus directe*
appelée dans le compte : « Le chamin de Paris [a] Aux » . C'est
presque le tracé actuel de la voie ferrée de Paris à Âgen par
Limoges (4).
Voici les étapes successivement parcourues : « MoUeheri,
Etampes, Tori, Orleanx, Chaumonl (Chaumont-sur-Tharonne),
Milhansé (Miilançay), Seynt-Cristofle ^^ainl-Cristophe)* Batan
(Vatan), !o Bort-de-Diu (Bourg-Dieu ou Déols), Arjenton,
Mohé (Mouhel), Mortayrol (Morterolles), Rase (Razès),
Limotyes, Belos (Bélours, commune de Janailhac), TOpital^
paser Dordonhe : n s. ii d., Tortoyrac (Tourloirac), Roflnhac
(Rouffignac), Cadoin, paser Lot, Montinhac (Montagnac)^
Autafaye (Autefage), pour fere dire mesa [a] Autafaya, et
boere de malin : xv sos, paser Garona : ii s. vi d.« Làyrac^
Laylora (Lecloure), Florensa (Fleurance); lo xiin* jorn de
seteme (septembre), aribem [a] Aux a sopa. »
Le voyage avait duré 60 jours et coûté 184 livres. Pour
(1) C'était un procureur auprès du Grand Conseil; son nom se retrouve dans le
voyage de 1529.
(2) Marguerite, reine de Navarre.
(3) Sans doute la tunique sans couture de N.^S. «A-C, donnée par Charlema-
gne à l'ancien monastère d'Ârgenteuil.
(4) Cinquante ans plus tard, en 1585, un bourgeois d'Agen, chargé d'une mis-
sion h la Cour, suivit à peu près les mêmes itinéraires à l'aller et au retour.
M. (î. Tholin a publié un très intéressant et très spirituel résumé de ce voyage,
sous ce titre : Un ooyage d'Agen à Parla au xvi* siècle (Reoue de l'Agenais,
1876, p. 153). — La raison de cette différence d'itinéraires à l'aller et au retour
est facile à comprendre : on voulait s'assurer tout d'abord si la cour n'était point
à Amboise ou à Blois, résidences favorites des rois de France au xvi* siècle.
témoigner leur satisfaction» les consuls firent don à leurs
députés d'une somme de 72 livres, à titre d'honoraires, à
raison de 12 sous par jour, « per saychanta dielas que an
vacat per fe lo viatge en cort deu rey et regina de Nabarra,
conte et contessa d'Armanhac » .
Les lettres royaux rapportées de Paris prescrivaient une
nouvelle enquête sur l'affaire du sénéchal. Elle fut conflée à
un conseiller au Parlement de Toulouse, « Mons' de Riberie»
{cdias Riverie). La dépense « per fer la enquesta contre los
de Laytora » est consignée à la fin du compte et s'éleva à 409
livres 5 sous.
Menacés dans leurs intérêts, les habitants de Lectouro
firent, de leur côté, d'activés démarches pour conserver le
siège tant convoité par la ville voisine. Ils parvinrent à faire
« inhibir Mons. de Riverie, commissari députât per auzir las
partidas, ab lettres reaies tant deu Conselh que per cameram
de la cort de Parlement de Tholose » (1).
Pour parer ce coup imprévu, un second voyage à la Cour
était nécesisaire. Car il fallait obtenir du roi et de la reine de
Navarre l'entérinement de la requête des consuls d'Auch,
nbnobstant les lettres d'inhibition octroyées à la partie
adverse, « per suppllcar los rey et regina de Navarre los pla-
cia intherinar nostre requeste de lor propri movement » .
Comme il n'y avait plus d'argent dans la caisse du trésorier
de la ville « Johauot deu Baradau » , on contracta un nouvel
emprunt de 200 livres; on acheta deux chevaux, dont un au
trésorier de l'archevêque d'Âuch, et le 20 avril 1529, Ray-
mond de Bonnecaze s'acheminait une seconde fois vers la
Cour, ayant pour seul compagnon l'un des gardes consulaires,
Guillem de Àuthon ou Danton, chaussé d'une paire de < bolas
bielhas », du prix de 12 sous.
(1) D'après un inventaire des archives de Lectoure, dressé en 1591, les lettres
de ohancellerie ne lite pendentc du Parlement de Toulouse sont du 23 février
1529. (Coannonication de M. P. Druilhet.)
— 491 —
Le journal de Boimeeaie est no peu moins concis et moias
sec que celui de Bernard Gabandè^ et îl a sur lui Tavantage
de donner les dates.
Bonnecase modifia un peu son itinéraire. Au lieu de passer
par Condom, Nèrac et Marmande^ il se dirigea sur Agen,
après avoir couché à Fleurance et diné à « Hastafort » (1);
d'Agen il gagna successivement « Villanava-d'Agenes» MoQt*
flaquin (Monflanquin), Monlpassié (Montpazier), Limel
(Umeuil; passage de la Dordogne : 1 sou), Sanctdreu (Gen*
drieux), Peyrigurs (Pèrigueux), Bordelhe (Bourdeilles) (2),
Marelh (Mareuil), la Rochefocaut, Valence (canton deMansle),
Refifel (Ruffec), Coé » (Couhé). A Vivonne, il reprit la grande
route ordinaire de Bordeaux à Paris (3) et arriva à Amboise
le 30 avril, dans la soirée. La Cour y résidait, le but du voyage
était atteint. Toutefois, François P' devait partir quelques
jours après pour le château de !a Bourdai.^ière et y séjourner
du 4 au 22 mai (4). C'est ce qui expique les allées et venues
conTtinuelles de R. Bonnecaze d' Amboise à la Bourdaisière
et de la Bourdaisière à Amboise, où il revenait coucher cha*
que soir, ainsi qu'on va le voir.
Les chevaux furent logés à t Tostalaria de la Teste deu
Serin » (5); mais il n'y avait pas de chambre disponible dans
cette hôtellerie, il fallut en chercher une en ville, < per dor-
mir et per gardar nostre bagatge »; le loyer coûta 5 sous par
jour.
Ici la relation devient un peu plus intéressante* Je vais
(1) « Et per la disnada pague hoevt s. t., et dus tholosans per los serridors et
chambrière». » A ce second voyage, le coût de chaque diner fut de 8, 9 ou 10 sous,
celui de chaque souper, de 14, 15 ou 16 sous.
(2) Il y a Corbelhe dans le texte, mas c'est un lapsus évident. Au retour,
Bonnecaze repassa par le même endroit et cette fois il écrit correctement
Bordelhe,
(3) C'était la route suivie par les pèlerins se rendant à Saint-Jacques de Com-
postelle (A. Lavergne, Les chemins de Saint-Jacques en Gascogne, p. 32).
(4) Catalogue des actes d$ François /", tome i.
(5) En 1566, le messager de Bordeaux à Paris laissa un cheval malade à
Amboise dans l'hôtellerie de la Teste noire (Ernest Gaullieur, Un eoyag^ çle
Paria d Bordeatuo en 1566; Reoue cTAquitaino, t. xi, p. 374).
^^i trait au séjour du député
M ^.^/ï«^j,/î/îée précédente, il dut financer
^ u^^/se- ^^^^ats et procureurs, avec leurs clercs
j'A^^/refl^^^^^iidè^^^ m'si paru curieux : lorsque Bon-
*^ Tser^^^^J^lp 5(;eller des lettres de chancellerie que
^\^e ^^ \&(i * 'i^i avait fait prendre, il apprit que le
fg^yû€»[ \^imi à la campagne, « sur les champs • dit
^^^* /j^fldâDt une huitaine, ce ne furent qu'allées et
le '^* ^^jitûboise au château de la Bourdaisière et de la
^^Ij^isière à Amboise. Mais je cède la parole au député
Itetn, ey baUiat a Mons' maeste Ramon, advocat deu Gran Conselh,
pgr oonsultar las pièces et nostre requesle, un escut deu sorelh : n 1.
Item, perso que lodit advocat foc d'abiis impetressem letres de chan-
cellerie, balhey a Robilhart, procureur, las pièces; auquau, per visitar
jasdites pièces et far lasdites letres, balhey ung escut deu sorelh : ii 1.
Item, balhey au clerc deudit Rovilhart, per mette en net la minuta
de lasdites letres per las remostrar audit maeste Ramon, et per las mptte
en parchemin : sept s. sieys dines t.
Item, et perso que no ère possible de sagerar lasdites letres;, a causa
que lo chancelier (1) demoraba sur les champs, balhey lasdites letres
au secretari Longuet, per ne far ladite expedicion; loqual, tant per los
sagetz que anadas et vengudas de Amboysa a la Bordaziere (2) que de
la Bordasiere a Amboyse que per sa pena, me fec pagua quatre esculz
deu sorelh en aur, que son : vni 1.
Item, au clerc de mons^ lo chancelié de Lanson (3) : 1 1.
Item, balhey au porte de la Royne (4) una liura en dus testons.
Item, lo IX® jom deudit mees de may, anam soppa a Tors, et per la
soppadapague quinze s., et sieys dines per los servidors.
Item, lo X» jorn, anam disna a la Bordasiera : x s.
Item, lo jorn susdit, pague per passar la rivière apperada lo Chiet (5) :
X dines.
Item, davant la maison de la habitation deu chancellier de France,
(1) Antoine Duprat, chancelier de France.
(2) Le château de la Bourdaisière, commune de Montlouis.
(3) Le chancelier d'Alençoii.
(4) Marguerite de Nayarre.
(5) Le Cher.
— 493 —
ond eram aiiatz per far la« dillgenoes de sagerar lasdhds letreÂ, balliein
detz dines de fen aux cbivalx.
Item, lo )ora susdit, aoam soppar Amboysa : xiui s.
Item, lo XI® jorn deudit mees, anam disna a la Bordasiere : ix s.
Item, très dines per gardar nostre mala, mentre que disna bam.
Item, lo medix jorn, anam soppar Amboysa : xiiii s.
Item, lo XII jorn deudit mees, anam disna a la Bordasiera : vu s. x d.
Item, lo jorn susdit, anam soppa a Amboysa : xini s.
Item, lodit jorn, per paskuir la rivere deu Chiet : x d.
Item, lo xiii jorn deudit mees, demoram tôt lo jorn Amboysa per
recrubar lasdites letres deu secretari Longuet, per la despensa pague
una liura nu s.
Item, aussi, lo xiiii jorn deudit mees, demoram Amboysa, et per la
despensa deudit jorn pague una liura quatre s.
Item, lo XV jorn deudit mees, anam disna a la Bordasiere : x s.
Item, lo jorn susdit, anam soppa Amboysa : xiiii s.
Item, losetzeme jorn deudit mees, anam disna a la Bordasiera : x s.
Item, lodit jorn, anam soppa Amboysa : xnii s.
Item, lo xvn® jorn deudit mees, anam disna a la Bordasiera : x s.
Item, lo medix jorn, anam soppa Amboysa : xiiii s.
Item, lo xviii^' jorn deudit mees, demoram lo jorn Amboysa : i* liura
IV s.
Item, et a causa que lodit jorn anam après disna a la Bordasiera,
per la collation de nos et deus chivalz : dus s. sieys dines.
Item, lo xix jorn deudit mees de may, anam disna a la Bor-
daziera : x s.
Item, balhe lo susdit jorn aux servidors et chambrières, tant per
lavar las camisas (1) que autres services que nos aben feyt demoran
tant de temps a l'ostalarie : m s.
Item^ lo jorn susdit, balbey au secretari deu Rey, Martin, per sa
pena que habe presa, duas liuras en ung escut deu sorelh.
Le même jour, c'esl-à-dire le 19 mai 1529, Raymond de
Bonnecaze, « après haber prees conget deus Rey et Regina »
(de Navarre), repril la roule de la Gascogne; il relra versa,
sans incidents dignes de remarque, les n émes localités et
(t) Plus d'une fois, en route, se fit le iajcoQQ dot chemises, PreuTC qu'on ne
se cbargeait pas de beaucoup de linge. Et cela se conçoit, puisque Ton voyageait
àchevaL
— 494 —
arriva i Aadi d»3 ia ittatinée du 34 mai, après uoe absence
de 44 jours.
Les frais de 6e deâxiëme voyage s'ëlevèreut à 72 livres
seuletneDt.
Le « licencié » Bonnecaze n'était pas au bout de ses péré-
grinations. On le fit partir, le 9 septembre 4527, pour Gre-
nade-su r-Garonne, afin de montrer au commissaire Riverie
les lettres rapportées d'Amboise; puis pour Lectoure, le
96 novembre suivant, < per anar visitar los procès; » enfin,
le 4*^ janvier 4530, pour Toulouse, où ledit commissaire était
retourné (i)r Après six jours consacrés aux affaires de sa
patrie, Bonnecaze rentra à Auch, le 9 janvier. Sa mission était
terminée, il put enfin jouir d'un repos bien mérité et repren-
dre ses occupations ordinaires.
Le conseil de ville s'empressa, sur sa demande, de lui
allouer une indemnité de 26 livres, toujours à raison de 42
sous par jour, « per Tinterest lucri cessanHs et autras penas
et tribaulx; et autant n'agosse gasanbat estan a Aux et plus • .
Les deux comptes, que j'ai tâché de résumer le plus clai-
rement possible, ne nous font pas connaître la suite de cette
affaire. D'après l'édit du mois de janvier 4639, analysé
dans X Histoire de la ville (TAuch (t. ii, p. 79), « le réta-
blissement du sénéchal à Auch aurait été ordonné; mais
ladite ordonnance aurait demeuré sans exécution jusqu'en
4615 que ladite ville de Lectoure s'étant trouvée dans la
rébelUoû (2), Sa Majesté, par lettres patentes de décembre
audit an, aurait fait rétablir ledit sénéchal d'Armagnac dans
la ville d'Auch, qui depuis le traité de Loudun aurait été
remis audit Lectoure... *
(1) I^s comptes des consuls de Lectoure mentionnent diverses dépenses faites
à Toulouse en 1529 et 1590, pour la poursuite de ce procès contre la Tille d'Audi,
et aussi contre les consuls de Vic-Pezensao, qui eux aussi rerendiquaieat le
siège du sénéchal. (Communication de M. P. Druilhet )
(2) Benjamin d'Astano-Fontrailles» sénéchal d* Armagnac et gouveraettr de
Lectoure, arait livié le château de cette ville au duc de Roliaa« allié du prince
de Coudé dans sa lutte contre le pouvoir royal.
— 4Ô5 —
Le Journal de Maître Jean de Sdle, publié en 4877 par
M. Fabbè de Carsalade du Ponl, contient (p. 26-32) des
détails intéressante et précis sur cette translation, manu mU-
tari, du siège de la sénéchaussée de Lectoure à Auch. L'ins-
tallalion eut lieu le 30 janvier 1616, « dans la grande salle
de la maison priorale de SainUOrens, avec lôrofes applabdis-
semenls du peuble. » Cette joie eut peu de durée : dix-huit
mois après, un arrêt du parlement de Toulouse (31 juillet
1617) rétablissait le siège à Lectoure, en exécution de Tune
des clauses du traité de Loudun.
Ce ne fut que vingt-deux ans plus lard (édil de janvier
1639), que la ville d'Auch obtint enfin un siège de séné-
chaussée. Lectoure conserva le sibn, mais considérablement
amoindri, puisqu'on lui prit la moitié environ de son ressort
pour former celui de la nouvelle sénéchaussée d'Auoh.
Paul PARFOURU.
RÉPONSE
253. Le premier Juge de paix de Gastets (liandes).
(Voyez la Question ci-dessus, p. 332).
Deux de nos meiUeurs correspondants, M. l'abbé Foix, curé de Laurède
près Poyanne (Landes), et M. François Abbadie, ancien magistrat, se sont
empressés de m'éclairer sur le vrai nom français du juge dé paix latiniste.
Ils m'ont de plus fourni, & cette occasion, des renseignettients bi<^iiiphi-
ques intéressants, dont je tiens à les remercier tout de suite et qve je oom-
muniquerai aux lecteurs de la Reçue un peu plus tard, avec l'extrait des
élucubrations poétiques d'Etienne- Placide du Bourg. Voilà le vrai nom
patronymique. Casen-nigrensis doit se traduire sans doute par Caunâ-
GRE, nom d'une branche des du fiou^ établie à Magescq, me dit M. Foix;
mais était-ce également le nom de ceux d'Escurade, auxquels appartenait
le juge de paix métromane?... Le nom de Noniani est encore inexpliqué. Je
dois déjà beaucoup à mes eélés et doctes correspondants : je n'en réclame
pas moins de leur bonne volonté un supplément d'informations onomaêéi*
quesy et même biographiques et littéraires.
LA GASCOGNE
ET LES PAYS LIMITROPHES
DANS LA LÉGENDE CAROLINGIENNE
Suite (*).
S IV
AUTEURS D£S XV11% XVIII* ET XIX' SIÈCLES.
Bon nombre d'auteurs contemporains admettent comme
anciennes et authentiques de prétendues traditions caroUn*
giennes dispersées tgut le long de la chaîne des Pyrénées. Il
en est ainsi notamment de M. Petit de Julleville» dans un pas*
sage que j'ai déjà cité. Ce fragment me semble résumer Pétat
de Topinion courante, mais il contient du reste à peu près
autant d'erreurs que d'affirmations. En attendant que je le
prouve par l'examen des prétendus souvenirs de Roland
répandus « de Cauteretz à Tarbes et de Tarbes à Biarritz »» je
liens à constater qu'on trouve aussi dans le reste de la
chaîne des Pyrénées des racontars qui ne méritent pas le
moindre crédit.
Parlons d'abord de la vallée de Querol, improprement
appelée Carol, et sise dans le comté de Cerdagne {cofnitatus
Cerdaniensis). Le nom de ce comté apparaît pour la première
fois dans l'acte de restauration du diocèse d'Urgel^ que
Baluze date à tort de 819 (1) et qui n'est réellement que de
(•) Voir ci-dessus, p. 365.
(1) Martia Hispaniaa, Append. i, 65-66. V. le texte beaucoup plus correct de
la restauration du diocèse d'Urgel dans Viixanueva» VUi^/e Uterarioa lasfgU--
aias d$ Espana, x, Append. xvii.
S40 (1). On croit trop généralement que ce nom défectueux
de Garol vient de ce que Charlemagne aurait visité la vallée.
Mais le vrai nom de celle-ci est Querol, comme Ta démonlré
abondamment mon vieil ami B. Âlart, dans Teicellent petit
volume intitulé Notices historiques sur tes communes de
RoussiUon, où se trouve un article spécialement consacré à
la Vallée de Querol (â).
A propos de la vallée d'Andorre, contiguë à celle de Querol,
on débite aussi de fausses traditions carolingiennes.
Et d'abord il existe, aux archives de cette Vallée, deux
manuscrits intitulés Tun Manual Digcst et Tautre PoUtar
Andorrà, qui font également mention d'un prétendu diplôme
de Charlemagne relatif à l'Andorre. Le Manual Digcst, com-
posé au siècle dernier par Anton Fiter y Rossell, viguier
épiscopal de la Vallée, est un véritable traité du droit public
et de l'histoire de ce pays. Le PoUtar Andorre, œuvre de
Père Puigt, prêtre des Escaldes, en Andorre, n'est qu'un
résumé du Manual Digest. Ces deux manuscrits ont la pré-
tention de résumer, et parfois de citer partiellement, un pré-
tendu diplôme attestant que Charlemagne aurait envoyé des
colons dans l'Andorre jusque-là déserte, et qu'il aurait doté
ce pays de privilèges importants.
Plusieurs fables se sont entées sur ce premier faux. On
signale, comme ayant abrité Charlemagne, durant son pré-
tendu voyage en Andorre, une maison de construction rela-
tivement très récente, la Casa Berenguer, située au Puig
d'Olivesa, dans la paroisse de San-Julia.
On dit aussi que l'empereur franc battit les Maures à la
Serra de la Nor, dans la paroisse de la Massana. A la droite
da Pon Pia, situé dans cette paroisse, on montre une pierre
creusée, dit-on, d'un coup d'épëe par Charlemagne ou par
(1) Jean-François Blad^» ÉgUm ctUrgel, fonnant la Note clxvii de l'Histoire
générale de Languedoo (édition Privât), tv, 900-911. La critique de Baluze est
aux pp. 903-4.
(2) Pp. 146-68.
— 466 —
UD de ses pairs, poar y verser Tavoine ^estioèe à sa loooture.
Entre le Pon Pia el le Pon de San-Antoni, est une autre pierre
où la chaussure de Teroperour aurait laissé son empreinte. On
affirme aussi que Louis le Débonnaire séjourna au Mas del
Dumenge dans la paroisse d'Eneamp. Ce Mas est de cons-
truction peu ancienne.
Inutile de perdre mon temps à montrer que ces diverses
narrations ne sont pas conformes à Thistoire. Elles ne
remontent certainement pas plus haut que Tépoque d'Oliba
déjà nommé, et d'un autre faussaire encore plus fameux,
Bosch, dît le Menteur {et H/etidoso) à cause de toutes les
faussetés par lui accumulées dans ses Tikds y honors de
taUdunya.
Ce n'est pas tout. Bon nombre d'historiens français et
espagnols affirment quHl existait de leur temps un anneau
{anell ou argoUa) de fer scellé sur le sommet de la montagne
du Puig de Altavaca, et un autre sur la cime de la monta-
gne de Fontargente, appartenant toutes deux à TAndorre.
D'autres auteurs plus récents déclarent que Ton ne voyait
plus de leur temps que les vestiges de ces anneaux, auxquels
on attribue des origines très diverses. Morales, Yiladamor,
Colsa, etc., affirment que ces anneaux ne sont autre chose
que les trophées de Pompée (tk no^Amitou r/>09raca «vM^iara)
dont parle Slrabon, 1. iv. Il suffit d'avoir étudié tant soit peu
la géographie historique des Pyrénées-Orientales pour com-
prendre combien est insoutenable l'opinion de Morales et de
ceux qui l'ont suivi (1). Un autre clH*oniqueur espagnol. Bou-
ter, affirme dans ia Segunda parte de la Cronica gênerai de
Espana, que ces anneaux furent placés là par ordre de
l'empereur Gallien. D'autres enfin font honneur de la ckose
à Louis le Débonnaire.
(1) Marea Hiêpanioa, oal. 46, 61, 79. Mavoa veut retrourer les trophées de
Pompée dans l9B*Clauêarae <La Clu^, près de BeUegand^.de l'époque visigo-
tbique et des temps postérieurs. Mais il reste à prouver que ces. trophéeii étaient
de véritables fortiflcatloni.
— «9 —
A l^heore présente, toutes ces oj[»iniûfi8 sont encore soute-
nues en Andorre, et surtout celle qui concerne Louis le
Débonnaire. La yérilé est que j'ai ouvert dans te pays une
enquête qui n'a pas donné plus de résirttats qu'une yisito
des lieux. Il n'est pas néanmoins douteux que les argoUas
fussent encore en place au xvir siècle. Quant à Torigine de
ces anneaux, les auteurs qui de nos jours ont copié Beuter
ou Morales auraient bien mieux fait de lire le passage où
Marca prouve à suffisance que les argoUas étaient tout bon-
nement destinées, selon Tancien usage, à servir de bornes (1),
ainsi que le constataient d'ailleurs certains litres existant
jadis en Andorre, et que je n'ai pu retrouver {2).
Ainsi, les prétendues traditions carolingiennes des Pyré-
nées-Orientales ont été forgées à des époques plus ou moins
récentes. On va voir qu'à l'exception de Roncevaux, il en a
été de même pour tout le reste de la chaîne.
Dans ce but, je vais explorer, en suivant l'ordre alphabéti-
que, les diverses parties de mon domaine pour lesquelles on
trouve, dans les livres postérieurs au xvi* siècle, des traditions
carolingiennes ou données pour telles.
l"* « Ag£nais » .— Un annaliste du pays, Darnalt (3), dont le
(1) Marca ffispanica, ool. 65. Un Roussillonnais fortrersé dans Tliistoire de
wm pays, iea M. de Boonetaj, m'a affirmé avoir oui dire qa'il y avait un
anneau de fer scellé sur un des escarpements de la montagne du Canigè qui
regardent le nord. M. de Bonnefoy n'avait rien constaté par lui-même. — Un
auteur espagnol dont le nom ne me revient pas place les trophées de Pompée
au Col de Saint-Louis, dans l'ancien pays de Razès, aujourd'hui compris dans
le département de l'Aude. Cet auteur fixe même le nombre des monticules qui
composaient ces trophées. Cette affirmation est évidemment inadmissible. — Un
peu an nord du Col de Saint-Louis se trouve le rocher de la Falconnière (com-
mune de Bugarach), où les gens du pays croient qu'il y a un anneau de fer
scellé au sommet. Pourtant personne ne l'a vu. Un de mes amis, le baron
Henry de Séverac, a même ouvert, dans mon intérêt, une enquête qui n'a pas
donné de résultat.
(2) Jean-François Bladé, Études géographiques sur la Vallée d'Andorre,
(3) Darnalt, Remontrance ou fuirangue solennelle, faicte en la cour de la
Seneschaucee, et siège Présidial d^Agenois, et Gascongne, à Agen. La partie
du livre intitulée Remontrance^ qui suit immédiatement la dédicace à Mar-
guerite de Valois, première femme de Henri IV^ va jusqu'à la page 16, oùcosunen-
cent, avec le chs^tre UI« les AnUquUes, qui remplissent tout le reste du volume.
— 500 —
livre parut en 1604, s'est longuement inspiré, pour la période
carolingienne, du Pseudo-Turpin, et de la Cronique impri*
mée en 4527, qu'il accepte comme authenlique. Voici ce
qu'il importe d'emprunter à ce volume, tantôt en résumant,
tantôt en citant le texte.
Après l'affaire deRoncevaux, dit Darnalt(i),
« Roland et Olivier furent portez et enterrez à Blaye, sur Gironde,
prez de Bordeaux, en PAbbaye de sainct Romain, à laquelle Charles le
Grand fit de grands dons. Il y fitappendre le cor, et Tespée de Roland,
lequel on tient estre celuy qui est encor de présent en ceste église de
sainct Seurin. »
Durant son séjour dans le sud-ouest de la Gaule, Charle-
magne fonda au pays d'Agenais —
« L'Abbaye de Cleyrac, — dont il se lit quelque chose dans la légende
de Turpin. Il y fonda aussi l'abbaye d*Eysses. — 11 est vraysemblable
que ceste Abbaye d'Eysses ne fut que restaurée et reedifiée par Charles
le Grand, ayant esté longtemps auant luy fondée. »
Toujours d'après Darnalt, on lit —
« Dans les anciens titres d'ioelle Abbaye presque en ces termes,
qu'elle est fondée de longue ancienneté : et quasi la première de toute
la Chrestienté Cisalpine. Ladite fondation faicte par Seguin, Comte,
qui estoit grand Seigneur et de grande autorité en ce païs d'Agenois :
lequel par droict de fondation, et dotation luy conféra plusieurs fiefs
nobles, places, et revenus spirituels, et temporels. Entre autres sécu-
liers le territoire de Gaiac, tant deçà que delà la riuiere de Lot (oii est
assise de présent la ville de Ville-neufue) et de la seigneurie directe de
la viUe d'Eysses, comprenant cinq ou six paroisses, et quelques places
et chasteaux, àuec l'hommage, debvoir et pension que les Baronnies
de Puiols, Monsequi et autres luy font. »
Plus loin Darnalt accepte comme authentique le récit du
PseudO'Turpin sur le séjour d'Aigoland à Âgen et sa lutte
contre Charlemagne.
(1) Darnalt, Remontrance, p. 48-62.
— 501 —
La portion du livre que je viens d'utiliser ne réclame
aucun commentaire. Je puis donc passer à un livre de
Labènazie, annaliste agenais, né en 1635, et mort en 1724.
« Si le second voyage que Belle-Forest, Serres et d'AruauU (sic, 1.
Daraall), dans ses Antiquités, font faire à Charlemagne, d'après le
livre attribué à Turpin, arche vesque de Reims, contemporain de
Charlemagne, estoit conforme aux annalistes et histoires de ce tems-là,
je croirois le siège d'Agen indubitable ; mais comme toutes les annales
de France disent que, l'année 779, Charlemagne fut en Allemagne, le
fait que Turpin rapporte d'Agen me paroist suspect.
Quoique ce roman ait ses partisans, et qu'il soit fait depuis le
dixième siècle, il n'a pas tout le crédit qu'il devroit avoir pour passer
pour véritable. — Il rapporte qu'Aygolan, roy des Sarrasins, ayant
ramassé une forte armée de deux cent mille hommes pour venger sa
nation des injures que Charlemagne avoit faites aux Sarrasins, entra
en Aquitaine^ vint à Agen qu'il prist, et qu'il y fit séjour tout l'hiver de
Tannée 778. Turpin ajoute que Charlemagne, le printems ensuite,
revint en ce pays, et qu'il défit, près de Clayrac, l'armée d'Aygolan,
conduite par Amon. Il y a près de là une petite ville qui s'appelle Cas-
telmauron, Castrum Maurorum, qui sans doute fut le lieu du com-
bat, qui dura depuis le matin jusques un peu avant la nuit. Char-
lemagne défit Tarmée des Sarrasins, où Amon fut tué. Roland envoya la
teste de ce général à Aygolan, dans Agen. Cependant, Charlemagne,
en recognoissance de la défaite des Sarrasins avant la nuit, et de ce
qu'il avoit remporté la victx)ire pendant qu'il y restoit encore du jour,
dota l'abbaye de Clayrac et lui voulut donner ce nom à cause de la
circonstance du gain de la bataille avant la nuit. Tous les auteurs
tombent d'accord que Charlemagne adoté l'abbaye de Clairac (1); ce qui
ne me paroist pas avoir esté fait à son premier voyage. Ensuite, Char-
lemagne vint assiéger Aygolan dans Agen ; si Ton doit en croire Tur-
pin, le siège dura sept mois. Cette premierer circonstance de Càstelmau-
ron, près de Clayrac, sur la rivière du Lot, autorise l'histoire de. Tur-
pin, Voici une seconde circonstance, qui se trouve d'ailleurs véritable :
c'est que Turpin dit que, pendant le siège d'Agen, Charlemagne fit
bastir une chapelle de Sainte-Croix, près d'Agen, où il donna l'ordre
de chevalerie à Roland, son neveu. Je ne sais pas d'où cet auteur,
(1) Rien n'est plus faux. Le fait est uniquement consigaé dans des documents
légendaires.
Tome XXX. 33
— 502 —
qu'on croit estre Espagnol, a sceu ce fait d'Agen : car il est vrai qu'il y
a une chapelle de Sainte-Croix sur Saint- Vincent qui feust ensuite
une paroisse, et Saint- Vincent est dans l'étendue de la paroisse de
Sainte-Croix. Le nom de cette paroisse subsiste encore; le lieu en est
conneu tout près d'Agen; Téglisea été démolie parles huguenots,
ou par le tems qui dévore tout; les masures paroissent encore
sur la montagne de Saint- Vincent. Enfin, la troisième circons-
tance est que cet autheur dit que qu'Aygolan se voyant pressé dans
Agen par Charlemagne, se sauva vers la rivière de Garonne par des
conduits souterrains qu'il y a dans cette ville. C'est une vérité cons-
tante qu'il y a vers le palais des conduits et des voustes soubs terre de
la hauteur d'un homme, qui conduisent vers la rivière de Garonne,
qu'on découvre tous les jours lorqu'on fait bastir. On peut s'en éclaircir
dans la maison qui estoit à M. Baille, où ces sortes de conduits sont
découverts. — Pendant le séjour de Charlemagne en ce pays, il donna
aux Agenois pour armes une aigle d'argent, au champ de gueules,
tenant un bandeau avec cette inscription : Agen, à la bordure de France
liserée d'azur, chargée de fleurs de lys. Les Agenois et les magistrats
d'Agen ont esté si jaloux de cet honneur, qu'ils ont conservé les armes
depuis Charlemagne, ce sont encore les mesmes doot la ville se sert qui
ont pour devise le verset du psaume 126 (1), si Dieu ne preiyi le soin
de la cité, le soin des hommes et leurs veilles sont inutiles (2). »
Très visiblement^ le passage précité procède presque en
entier, non pas de la lecture du Pseuda-Turpin, mais de la
Cront^ue imprimée en 1527. D'après Labénazie, le nom de Cas-
telmoron (Lot-et-Garonne), attesterait que cette ville est d'ori-
gine moresque. C'est une grosse erreur. Les Sarrasins n'ont
fait que passer dans nos contrées. Us se sont bornés à dé-
truire des villes et villages, sans avoir eu le temps d'en èdifler.
Les noms des deux Castelmoron (Gironde, Lot-et-Garonne) et
des deux Gastelsarrasin (Tarn-et-Garonne, Landes) ne prouvent
pas, comme certains l'ont cru, que ces centres de population
ont une origine musulmane. Il y a même longtemps que le
contraire est démontré.
(1) Nisi Dominus custodierit civitatem, frustra vigilat qui custodit eam. PS.
cxxvi.
(2) Labénazib, Histoire de la Ville d'Agen et paya dPAgenoiSp 57-W.
— 503 —
Quant aux souterrains qui auraient servi de retraite à
Aigoland, et aux armoiries données à la ville d'Agen par
Charlemagne, je n'ai pas besoin de réfuter ces billevesées.
La chapelle de Sainte-Croix, où Roland aurait été armé
chevalier, se retrouve dans divers textes légendaires. Or il
existait jadis deux églises de Sainte-Croix {de Sancla Cruce)
aux environs d'Agen. L'une était au midi de la ville, dans
les champs alors dits de Renaud, et on la surnommait la Cape-
lette. Ce surnom persiste encore aujourd'hui. Ladite église
{Rectoria Sancle-Crucis de Raynaldo) est signalée dans le
pouillè de 1515 dressé par Jean de Vallier(l). Un autre vieux
pouillé cité par Tabbé Rarrère, porte ce qui suit : Rectoria
Sancte-Crucis de Renaldo habet totam decimam prioratas
Sancle-Cruds, supra mantem Sancti-Vincentii alias de Pompe-
jaco (â). L'autre église de Sainte-Croix, celle où Roland aurait
été armé chevalier, a véritablement existé jadis, sur la monta-
gne an nord d'Agen, non loin de l'église de Saint*Vincent
qui en dépendait. Il y a dix ans à peu près, on en a décou-
vert les ruines gothiques, et non pas romanes. Elles sont
situées à cent mètres environ au sud-ouest de l'ancien télé-
graphe aérien.
On retrouve reproduites dans l'ouvrage de l'abbé Rarrère, les
principales assertions de Labénazie (5).
2* Razadais. — D'après l'abbé Rocher, Charlemagne, lors
de son voyage en Aquitaine, avait enrichi le monastère de
la Réole, et en avait donné la propriété à l'abbaye de Pleury-
sur-Loire. Toujours d'après l'abbé Rocher, le couvent de la
Réole aurait été fondé par saint Mummole, abbé de Fleury-
sur-Loire, en 677 (4).
(1) BouRROUssB DB Lafpore, DioUiofis eoclésioètiquoê de VAgenaU du xi*
au xvr siècle, dans le Recueil des traoauo) de la Société d'Agriculture, Scien-
ces et Arts d'Agen, 1" série, vu, 94.
(2) Barhêre, Histoire religieuse et monumentale du diocèse d'Agen, i, 171.
(3) Abbé Barrôrb, Histoire religieuse et monumentale du diocèse d'Agen,
1, 16^73.
(4) RocuBR, Histoire de l'abbaye royale de Fleury-^ur-Loire, 07.
— 504 —
La Chronique de Bazas signale, non loin de celte ville, hu
pas de Rolland, ou l'empreinte du pied du paladin laissé
sur une pierre (1).
3*" BiGoaRE. — Quantité d'auteurs récents, et notamment
M. Petit de Julleville, admettent comme très ancienne la
dénomination de Hréche de Roland, située près du Cirque de
Gavarnie (Hautes-Pyrénées), Ces affirmations dénuées de
preuves ne comptent pas. Le nom de Brèche de Roland ne
se trouve, en effet, dans aucun manuscrit ou imprimé anté-
rieur au xviii'' siècle, ni dans la Nolilia utriusque Va^coniœ
d'Oïhenart, ni dans la partie bigorraise de V Histoire de Béarn
de Marca, ni dans les travaux inédits du paléographe
Larcher conservés à la préfecture des Hautes-Pyrénées et
à la Bibliotèque municipale de Tarbes, ni dans les publica-
tions des annalistes subalternes de la Bigorre, tels que Dave-
zac-Macaya, Deville, Bascle de Lagrèze, etc. On ne le ren-
contre pas non plus dans la partie pyrénéenne des cartes
dressées aux xvi* et xvn* siècles par Ortelius, Mercator, Bla-
ueu, etc. I^a Carie du Béarn, du Bigorre, de P Armagnac et
des pays voisins, dressée par Delisle en 1712, est la première
que je sache, à mentionner la Breca de Roldan, en français
Brèche de Roland. Mais la Tabula Aquilaniœ comprise dans
Tatlasde Homann, publié en 1716, porte Port de Gabamie
ou Gavarnie, qui se trouve sur certaines caries antérieures,
tandis que d'autres portent le Port de Lavedan. La carte de
Cassini, exécutée, comme on sait, entre 1744 et 1785, nomme
la Brèche de Roland, avec indication d'un fort ou château,
qui n'a certainement jamais existé. Par contre, un Béarnais
fort judicieux, et préoccupé des choses historiques, Palassou,
n'en dit rien dans son Essai sur la minéralogie des Pyrénées,
imprimé en 1781.
(1) Dum Charolus Magnus expeditionem ia Hispaniam contra Sarracenos
parai, copias suas Vazati coatigit, prsDcipue Duccm et Comitem Aquitaniae ut
Rollandum et cœteros, unde remansit vestigiuin illud lapidi impressum quod
plebei nostri vocant lou pas de Rolland non longe ab urbe. Chro/i, VcuoX.
dans les Arch, hiet de la Gironde, x\, 24.
— 505 —
Avant le six"* siècle^ toat ce qoî conceroe la Brèche de
Roland se réduit donc aux mentions des cartes de Delisle et
de Cassini. Nul n'affirme encore, comme le font aujourd'hui
les itinéraires pyrénéens imprimés àTusagedes touristes et
des baigneurs, qu'une tradition immémoriale attribue ladite
Brèche à un coup d'épée de Roland. Ce récit n'apparaît pour
la première fois que dans les publications de Ramond. Encore
faut-il distinguer. Quand il parle uniquement en savant,
Ramond mentionne sans commentaire la Brèche de Roland (1).
Quand il hasarde trois lignes sur le paladin, c'est dans un
autre travail où la fantaisie abonde, le Voyage poétique au
Mont Perdu.
«r C'est k\ que Roland, monté sur son cheval de bataille, a fait une
brèche de 300 pieds d'ouverture d'un coup de sa fameuse épée (2). »
Ceci est écrit en 1823. Cinq ans plus tard, Arbanère se mon-
tre encore très circonspect.
« Des traditions vagues comme toutes les traditions, et qu'embel*
lissent au gré de leur fantaisie tous ceux que l'amour des grandes
scènes de la nature, toujours uni aux dispositions poétiques, attirent
dans ces déserts, représentent le fameux Paladin, monté sur son cour-
sier, se formant avec son épée un passage dans le haut mur. Ce ma-
gnifique portail, d'une largeur presque égale à la hauteur du mur, est
digne des deux royaumes, de la force prodigieuse de l'amant d'Angélique
et de ce goût du merveilleux, qui semble une inspiration céleste, et par
lequel l'homme veut agrandir son existence, qu'il sait dans la réalité
trop bornée et trop impuissante I (3) »
Chausenque, dont le livre est postérieur à celui d'Arbanère
(1834), se borne à décrire la Brèche de Roland, sans parler
des prétendues traditions populaires qu'on y rattache (4).
Après Ramond, Arbanère et Chausenque, la fausse légende
va se précisant davantage dans les livres des historiens bigor-
rais et surtout dans ceux des touristes. Je ne perdrai certes
(1) IIamonu, Obseroatio/18 /aitea dans les Pyrénées, 90-97.
(2) Ramond, Voya je poétique au Mont-Perdu, 93,
(3) Arbanère, Tableau des Pyrénées françaises, ii, 63.
(4; Chausenque, Les Pyrénées, i, 247-64.
— 506 —
pas mon temps à discuter avec eux ; car je crois avoir prouvé
à suffisance Torigine essentiellement moderne des prétendues
traditions relatives à la Brèche de Roland dans les Hautes-
Pyrénées.
i* Bordelais ET Blayais. — On sait que d'après la Chanson de
Roland et le Pseudo-Turpin, le corps de Roland fut enseveli
àBlayc. En revenant d'Espagne, François !•' fit à ce préten-
du tombeau une visite dont le récit est fort curieux (i). Un
chroniqueur bordelais, Delurbe, dit que le paladin fut déposé
dans réglise de Saint-Sauveur, avec son épée Durendal à la
tête, et son olifant aux piede-. Plus tard, on transporta les
restes de Roland à Bordeaux, et son épée fut donnée à Notre-
Dame de Rocamadour en Qaercy (2). D'après Damait,
« Rolland estoit comte du Mans, et seigneur de Blaye. Fort belles mar-
ques se revoyent au pais de Cuzagues, non loin de Blaye. Ce sont
d'antiques ruines qui marquent auoir esté autrefois quelque chose de
grand, que ceux du païs appellent pour le jourd'huy le Ghasteau de
Roland (3). »
5* Basse-Navarre, — Le Livre d'Or du diocèse de Bayonne
contient unedescriplion sommaire de cet évêché vers 980 (4).
J'en extrais le passage suivant. < Omnis vaUU quœ Cirsia
diciiur usque Karoli crucem, vallis quœ dkilur Bigur, etc.
La vaUis Cirsia est la vallée de Cize, et la vallis quœ dici-
tur Bigur celle de Baïgorry. Toutes deux sont situées dans la
Navarre cispyrénéenne. La première s'étendait usque Karo-
li crucem, jusqu'à la croix de Charles. Par là il faut entendre
une véritable croix. Reste à savoir si vers 980 on attachait à
la Karoli crux wn souvenir carolingien. M. Petit de Julieville
semble l'admettre dans le passage déjà «ilé de son édition de
La Chanson de Roland. Ladite croix aurait donc été placée à
(1) GÉNiN, La chanson de Roland, p. xxii.
(2) Delurbb, Chronique BourdeloUe, 7.
(3; Darnalt, Remontrance, f 52, V.
(4) Le meilleur texte de cette description se trouve dans BAiJusauB» ÉUtdeë
hUtoriqUM sttr la oille de Bayonne, i, 389-91.
— 507 —
peu près où se trouve celle que j'ai vue en suivant la roule
dite Chemin de Yalcarlos, qui va de Saint-Jean*Pieâ-de-Port à
Roncevaux. J'eslime, au contraire^ que Karoli crux signifie
tout simplement croix de Valearlos.
Ce vallon forme^ en effets une sorte de triangle, dont un
côté est constitué au sud par la ligne médiane des Pyrénées,
un autre à Test par le pays de Cize, et le troisième à Touest
par la vallée de Baïgon y. A gauche ^e Val Carlos s'échappe
le Gave qui vient de Roncevaux et tombe dans la Nive (rive
gauche, près dThart). Ainsi ce territoire n'était pas compris
dans le diocèse de Rayonne vers 980. La pointe méridionale
du triangle est tournée vers Saint-Jean-Pied-de-Port, et le
chemin de Val Carlos y passe. La Karoli crux était donc tout
bonnement un signe de délimitation. Elle marquait^ au midi
de la vallée de Cize, Textréme limite du diocèse de Rayonne.
Venait ensuite Val Carlos, d'où la Karoli crux tirait son nom.
Voilà donc la preuve qu'avant la rédaction du Pseudo-Tur-
pin le vallon dont s'agit se nommait déjà vallis Karoli. Je
n'affirme ni ne conteste que ce fut en souvenir de Charle-
mage. Mais la croix en question signalait un territoire et non
un lieu rappelant le souvenir du grand empereur. La croix
de Charles actuelle, qui a remplacé, dit-on, celle de 980^ ne
saurait donc avoir une signification que la première n'avait pas.
& Laboijrd. — Les itinéraires imprimés, depuis quelques
années, à l'usage des touristes signalent près de Cambo (Ras-
ses-Pyrénées), dans l'ancien pays de Labourd, un défilé
qu'ils désignent sous le nom de Pas de Roland. M. Petit de
Julleville croit à l'antiquité de cette dénomination. C'est une
erreur. L'excellent Dictionnaire topographique du départe-
ment des Basses-Pyrénées, publié en 1863 par le regretté
P. Raymond, signale le Pas de l'Aiguë et le Pas du Rer, mais
point du tout le Pas de Roland. Celte appellation récente pro-
vient uniquement du troubadourisme indigène, et surtout
de la cupidité des guides basques qui spéculent sur la génè*
— 508 —
rosité des crédules voyageurs. Voici du reste ce que m'écri-
vait à ce sujet, il y a déjà longtemps, Thonnêle Jules Balas-
que, l'auteur des Etudes historisques ^sur la ville de Bayonne,
brisé prématurément dans sa tâche d'annaliste.
« A Cambo, par exemple, tous les étrangers ne manquent pas d aller
visiter le Pas ou Gorge de Roland. Les indigènes pur sang ignorent
ce nom de Pas de Roland et l'appellent utheca gaiz, porte mauvaise,
dangereuse. C'est, en effet,* un étroit et dangereux défilé. Le nom de
Roland a donc été rapporté tout récemment dans notre Pays basque. ©
7" Landes de Gascogne et Chalosse. — D'après le premier
des quatre docuraenls apocryphes connus sous le nom do
Charles de Mon l-de Marsan, Charlemagne, revenant d'Espa-
gne après l'affaire de Roncevaux, créa et organisa, en faveur
de son fils Louis, encore au berceau, le royaume d'Aquitaine.
Cela est incontestable. Mais ce qui est faux, c'est la division
du pays en consulies {consulias) que la première charte
attribue à l'empereur Franc. Ces consulies auraient été :
1° le comté de Gascogne; 2° le Marsan et les pays voisins;
3* Dax et les pays voisins; 4* Pée-deDouze et les pays voisins;
5* Albret ou Lebret, et pays voisins; 6" Sos, et le pays
d'Ai?e-sur-t'Adour; 7** Soulac {Finibus-teire), le Boucau,
Mimisan, autrement dit le littoral landais, dont Charlemagne
aurait alors fixé les sables mouvants amoncelés par la mer
{las arenas de ail bolegades), en employant à cette entreprise
beaucoup d'hommes et d'argent {am mult h'tns cl mulla
pecune) (1).
La seconde des quatre chartes de Mont- de-Marsan attribue
la fondation de cette ville à Charlemagne, après le combat
de Roncevaux. L'empereur aurait fait cette fondation dans
le pays appelé Cap-de-Mards, entre les rivières de la Douze
et du Midou (2).
J'ai prouvé, dans une dissertation spéciale intitulée Pierre
(1) V. le texte de cette pièce fausse dans J.-F. Bladi^., Picrro de Lobannvr
et les quatre chartes de Mont-de-Marean, 97-101.
(2) V. la seconde charte dans le même ouvrage, pp. 102-8.
— 509 —
de Lobanner et les quatre chartes de Mont-de-Marsan, et
publiée en 1861, que ces documents doivent être repoussés
comme apocryphes. J'ai démontré aussi quMIs sont Toeuvre
d'un faussaire en liistoire locale, Ducournau de Carilz, mort
président du tribunal de Mont-de-Marsan, qui les fabriqua et
les présenta solennellement en 1810, avec la complicité du
baron Duplanlier, alors préfet du département des Landes.
H me suffit donc ici de renvoyer le lecteur à ma dissertation.
J'ai déjà signalé plus haut les prétendues traditions caro-
lingiennes relatives à Sordes, abbaye du diocèse de Dax.
S"" RoNCEVAUx. ~ Ce village espagnol est, d'après moi, le
seul où la tradition orale conserve encore la mémoire de
Charlemagne et surtout de Roland. La chose s'explique sans
peine quand on songe que celte localité possède une église
collégiale, et qu'elle est le but d'un pèlerinage où la légende
se vivifie constamment.
Ayant déjà consacré plus haut une notice historique à Ron-
cevaux, je n'ai plus à m'inquicter de cette localité qu'au
point de vue légendaire, et à interroger à cet effet les récils
des voyageurs du xix* siècle.
Voici d'abord ce que dit Arbauère, dont l'ouvrage remonte
à 1828.
« Le souvenir de Roland, que je trouve partout dans les Pyrénées, est
surtout vivant et glorieux à Roncevaux. C'est dans la plaine, à un
quart de lieue au midi de Tabbaye, au lieu où est le village de Burguette,
que se donna la bataille où succomba le preux. Le soin que les moines
mettent à conserver quelques armes du paladin, prouve Timportance
qu'ils attachent à ce trophée. On me montra deux boules de fer de trois
à quatre pouces do diamètre, attachés par deux forts chaînons à un
gros manche de bois, long de deux pieds, et garni de fer à Texlrémité
de celui où est l'anneau qui tient les deux chaînons. Ces boulets reve-
naient sans cesse, et chaque coup devait être décisif. Une barre de fer
grosse comme le bras, longue comme un grand bâton, servait encore,
selon le dire du cicérone du couvent, d'arme à Roland. Un énorme
gant du paladin est aussi conservé. Il est vraisembhible que le compa-
gnon de Charlemagne ne maniait pas cette énorme barre de fer comme
— 510 —
les Baaques se senrent du bâton, el que sa xamn ne remplit janats ee
gant gigantoeque. Mais nous voyons, dans ces amplifications des moi*
nés, la grande idée qu'ils avaient du chevalier.
Il est dans la destinée de Roland que son souvenir, à Roncevauz
comme dans l'Ârioste, soit lié à des choses facétieuses. On me montra
après ces objets, les pantoufles de velours rouge et les guêtres de soie
cramoisie de l'archevêque Turpin, que mon interprète nommait un
ancien prieur de Tabbaye et l'historien du paladin.
Ces détails m'étaient donnés par Ibagnez, vicaire de Roncevaux, qui,
dans la guerre de Tinvasion s'était réfugié en France. — Mon retour
fut par la montagne d'Astoa-Biscar, ou dos (Tâne,^ nommée ainsi à
cause de sa forme. Près du lieu dit Château-Pignon, mon guide me
montra une ruine qu'il nommait l'Hôpital de Roland. C'est là qu'à
travers des flots d'ennemis le guerrier, blessé mortellement, parvint
encore victorieux, et qu'il rendit le dernier soupir. Auprès est une fon-
taine que les gens du pays regardent comme bienfaisante à cause de
Roland, et dont ils viennent boire l'eau avec foi (1). »
Voici maintenant comment s'exprime Chausenqoe :
« On y a conservé (à Ronce vaux), si l'on en croit les moines, quelques
parties de l'armure de Roland. — Son tombeau, à Blaye, dans l'élise
de Saint-Romain, où il avait été enterré avec son épée sous la tête et
son olifant à ses pieds, portait cette épitaphe, composée, dit-on, par
Charlemagne :
Tu patriam repetis, tristi nos orbe reliquis,
Te tenet aula nitens, nos lacrymosa dies :
Sed qui lustra gerens octo et binos super annoa
Ereptus terris justus ad astra redis (2).
On dit que plus tard son corps fut porté à Saint-Seurin de Bordeaux,
et son épée à Roquemadour, en Quercy (3). »
On sait que P. Raymond a aussi fourni à M. Léon Gantier
une note que j'ai reproduite plus haut, et dont une partie
est consacrée aux traditions légendaires. Le lecteur peut donc
(1) Akbanèrb, Tableau des Pyrénées françaises, u, 266^. Publ. 1S28.
(2) I^ brave Chausenque ne se doute pas que ces quatre vers sont complétés
par deux autres Tous les six appartiennent au Pseudo-Turpin, c. xxv. De
eiêione Turpini episcopi et de lamentatione KaroU super Rotholandum. Voici
le dernier distique :
« Âd paradisiaoas epulas te cive reducto,
» Uude gémit mondus, gaudet honore polus. »
(3) CHAVsimqui^ Lsê Py^nées, i, 194.
— 511 —
la revoir. Je me souviens en outre d'avoir certainement lu
dans un livre dont j'ai oublié le lilre elle nom d'auteur que
les murs de la collégiale de Roncevaux étaient jadis décorés
de peintures représentant Charlemagne, Roland, et autres
héros du cycle carolingien. Ces peintures ont-elles jamais
existé? Rien ne le prouve aujourd'hui.
Moi aussi, j'ai visité Roncevaux, où j'ai vécu deux jours,
interrogeant les chanoines de la collégiale et les villageois.
Mais les uns et les autres ne m'ont rien appris de nouveau.
Jean- François ELÀDË.
{iM fin prochainement.)
QUESTION
255. A propos de oilos.
En faisant les fomUes pour les fondations de l'église de Samatan (Gers^
sur une colliûe qui domine lu vallée de la Save, et oùs'élevail autrefois le
château des comtes de Comminges, on a mis à découvert des trous ou silos
de formes géométriques parfaites, emplis de décombres ou terres transpor-
lees*
Ces creux de dimensions moyennes rappelaient les dessins aux contours
si purs des vases antiques. On se demandait en les voyant comment ils
avaient pu être creusés d'une manière si régulière, comme si l'artisan avait
pétri de la terre glaise avec ses mains.
Ils ne contenaient rien qui pût indiquer à quelle époque ils remontaient:
ni monnaies ni vieux débns caractéristiques. Quant à leur usage, ils
devaient sûrement servir à conserver ou à cacher les grains et les autres
objets nécessaires à la vie.
J'ai consulté l'ABC archéologique de M. de Caumont, les diction-
naires de Larousse et de BouiUet, et quelques autres livres modestes d'une
bibliothèque de campagne, je n'ai rien trouvé de précis à ce sujet.
Ces silos remontent-ils à l'époque romaine? — On croit avoir trouvé
autrefois à Samatan les vestiges d'une station romaine, tels que voieâ dal-
lées, lacrymatoires, etc. - Datent-ils du moyen âge? du passage du Prince
Noir, de Moulue, de Mongonmery, célèbres capitaines dont le nom seul
terrifiait nos populations pendant les guerres avec les Anglais et les guer-
res de religion? Ne faut-il les dater que de la Révolution ou du campement
de l'armée anglaise et de Wellington dans notre petite ville en 1814?
On a creusé, en eftet, si je ne ine trompe, des silos à toutes les épo<j[ues.
La forme si parfaite de ceux que nous venons de découvrir, leur situation à
plus d'un mètre au-dessous du sol actuel, leur superposition — constatée
pour quelques-uns — m'empêchent de leur attribuer une origine récente.
L'absence de tout revêtement bâti n'est-elle pas caractéristique?
Quoi qu'il en soit, des silos semblables ont dû être découverts par des
hommes plus compétents que moi ; les descriptions qu'ils ont dû faire de
leurs découvertes pourraient nous donner quelques indications. J'espère donc
que quelqu'un des savants rédacteurs de la Reoue voudra bien répondre à
une question qui m'a semblé présenter plus qu'un intérêt local.
F. Trotes,
ETUDE
SUR
L'INSTRUCTION PUBLIQUE
A LEOTOUI11B2 (•)
Nous savons que dès rorigine H y eut six religieux char-
gés du professorat, un recteur et un syndic. Le recensement
de 4695 nous apprend que les Doctrinaires étaient au norn-.
bre de dix, quatre prêtres, quatre clercs et deux frères laïcs,
sans compter les pères chargés des retraites et des missions,
dont le ministère était souvent utiUsé à Lecloure et dans
les environs.
Voici, aussi exacte que possible, la liste des recteurs et des
syndics, à laquelle nous ajouterons les noms de quelques
professeurs :
Recteurs du Collège.
1630-1638 Le P. Jean Baptiste Gamin (1),
1638-1640 Le P. Jean Gabriel (2).
1641-1646 Le P. Jean Bossât, docteur ea théologie (3).
1646-1648 Le P. Charles Lefrançois (4).
1660-1663 Le P. Michel Julia (5).
1664-1666 Le P. Louis Clerc (6).
(•) Complément du chap. ix. Voir ci-dessus, p. 423.
(1) Records. Quittances. Arch. mun.
(2) ïd. id. Arch. mun.
(3) Quittances. Acte du 30 novembre 1645, Bégué, notaire («tude de M' Boue
du Boislong).
(4) Quittances. Arch. mun.
(à) Quittances. Actes d**s 9 septembre 1060 et 5 janvier 1663, Agasson et Labat
notaires (études de MM** Boue du Boislong et [^tour;.
(6). Quittances. Arch. mun.
— 513 —
1668-1671 Le P. Jacques Chalvet (1), à qui Pierre de Cas-
taing, chanoine de Saint-Gervais et abbé de Sère, au diocèse d'Auch,
légua, par testament du 19 janvier 1668, une somme de 40 livres à
charge de dire cent messes de Requiem^ plus un tableau placé au-des-
sus du maltre-autel de la chapelle des Doctrinaires, marqué aux armes
du donateur et représentant le mystère de l'Annonciation (2). Magde-
leine du Bourg, épouse de noble Jacques de Chastenet, sieur de Bonot
et de Lacoupette, donna au P. Chalvet le 26 mars 1668 huit sacs
de blé et deux barriques de vin rouge, à la oondition par lui et sa com-
munauté « de réciter un requiem et un de profundis tous les soirs et
matines ensuite de leurs oraisons pour le repos de son âme (3). • Ce
même recteur fut obligé d'emprunter le 18 décembre 1669, pour les
besoins du collège, à Isaac Mazières, marchand chapelier de Lectoure,
une somme de 1,200 1. qu'il lui remboursa le 23 mars 1671 (4).
1672-1675 Le P. Loms Valière (5).
1675-1681 Le L. Barthélémy de l'Hospital, docteur en théo-
logie (6).
1681-1683 Le P. Paul Juvenet, docteur en tiiéologie, était
docteur lorsque Jean Nogués, curé de Léognan-en-Grave, au diocèse
de Bordeaux, donna à la chapelle du collège la somme de 30 L, à la
condition que les Pères célébreraient 120 messes pour lui (7). Il était
en 1694 recteur de la maison de Notre- Dame-de-Tudet, vicaire perpé-
tuel de réglise Saint-Laurent de Casteron et de Saint-Michel de Gau-
donville, son annxe. II se démit le 15 juillet 1695 de ces deux bénéfices
entre les mains des Pères du monastère de Tudet^ auquel ils étaient
réunis et qui en étaient les curés primitifs (8).
1683-1685 Le P. Barthélémy de l'Hospital, recteur pour
la seconde fois (9), qui acheta le 29 mai 1684 la métairie de Boulouch,
dont les doctrinaires étaient encore propriétaires au moment de la
Révolution (10).
(1) Quittances. Arch. mun.
(2) Labat notaire. Ce legs fut révoqué en partie par un testament postérieur du
22 janvier 1672, même notaire.
(3) Labat, notaire (Etude de M* Latour).
(4) Labat, notaire (Etude de M' Latour).
(5) Quittances. Arch. mun.
(6) Acte du 22 février 1680, Castéra notaire (Etude de M* Boue du Bois-
long).
(7) Acte du 12 décembre 1682, Labat. notaire (Etude de M* Latour).
(8) Barbalane^ notaire. (Etude de M« Boue du Boislong).
(9) Quittances. Aroh. mun,
(10) Acte du 3 juillet 1684, Gardey, Labat et Barbalane, notaires (Etudes de
MM** Boue du Boislong et Latour).
— 514 —
1687-1690 Le P. Antoine Robert (1).
1691-1692 Le P. Bernard Lafourcade, qui emprunta le 28
mars 1691, à Léonard Sabatier, maître teinturier» la somme de 200 1.
afin de payer le reste de la taxe de L'amortissement dont les biens fonds
du collée avaient été frappés (2).
1692-1695 Le P. Louis Darche (3),
1695-1696 Le P. Etienne Jouffret (4).
1696-1700 Le P. Etienne Meichin emprunta le 26 octobre
1696 à Dominique Baocarère 600 1. pour se libérer des dons gratuits et
de la capitation auxquels il avait été (axé (5). Il subit dans le courant de
l'année 1696 un procès que lui intenta Pierre Cazenave, chanoine de
Saint- Gervais, qui l'accusait d'être l'auteur de certaines imputations
calomnieuses, de nature < à laisser des cicatrices à son honneur. »
D'après la requête du plaignant, le P. Meichin aurait fui le débat, en
se défendant « vago et offuao sermone (6). »
1700-1703 Le P. Bertrand Certain (7).
1703-1705 Le P. Etienne Meichin, recteur pour la seconde
fois (8).
1707-1711 Le P. Prémont (9), à qui Jean Castaing, bourgeois
et marchand de Lectoure, légua par testament du 15 octobre 1707,
toutes les sommets que la communauté du collège pourrait lui devoir
au moment de son décès (lOJ. Nous le retrouvons en 1734 syndic du
séminaire de Condom (11).
1711-1713 Le p. Richard (12).
1713-1717 Le P. Chalvet, prédicateur célèbre, né à Brives en
1670, prononça ses vœux le 19 mars 1690, et devint l'un des plus
ardents propagateurs du jansénisme à Lectoure. Augustin de Mons,
docteur en théologie, chanoine et archidiacre de Lomagne, lui l^ua
(1) Acte du 20 août 1687, Bétous notaire (Etude de M* Latour).
(2) Labat, notaire (Etude de M* Latour).
(3) Quittances. Arch. mun. Acte du 16 octobre 1693^ Castéra notaire (Etude
de M* Doué du Boislongj.
(4) Quittances. Arch. mun.
(5; Labat notaire (Etude de M* Latour). Actes des 25 juillet 1^98, 3 février
1699 et 1" [évrier 1700. Barbalane, notaire (Etude de M* Boue du Boialong).
(6) Archiv. mun.
(7) Acte du 8 avril 1700, Barbalane notaire (Etude de M' Boue du Bois-
long).
(8) Acte du 23 septembre 1708, Labat noUire (Etude de M* Latour).
(9) Quittances. Arch. mun.
(10) I^bat notaire (Etude de M* Latour).
(11) Acte du 1" mai 1734, Lacapère notaire à Condom (Etude de M' Lagorce).
(12) Quittances. Lettre du P. Richard k Mgr de Polastrcm, éyèque de Lectoure,
en date du 9 janyier 1713. (Archiv. de M. Plieuz.) '
— 516 —
par testament du 31 octobre 1713 la somme de 50 1., qui devait servir
à payer les honoraires de dix messes célébrées à son intention (1). Il
comparut comme réappellant le 11 mars 1721 devant M. de Baudry^
alors lieutenant de police, et refusa de signer le formulaire d'adhésion
à la bulle Unigenitus. Professeur de théologie des novices dans la
maison-mère de Saint-Charles, à Paris, le P. Ghalvet fut, sur Tordre
du P. Griffon, supérieur général de la congrégation, exilé successive-
ment à Villefranche, à Pierre-Endse, à Moissac et à Nérac, où il
mourut le 20 décembre 1745, à Tftge de 75 ans (2).
1720-1725 Le P. Jean Denux (3), professeur de philosophie
des pères de la Doctrine Chrétienne en 1746 (4), accepta le 11 juillet
1723 un legs de 1800 1. fait le 5 juillet 1714 par Pierre Lacourt,
avocat, aux doctrinaires du collège, sous la condition que trois d'entre
eux prêcheraient tous les six ans une mission d'un mois dans relise
du Saint-Esprit ou dans leur chapelle. Une déUbération de la commu-
nauté, datée du 6 février 1723, confirmée par une ordonnance épisco-
pale du 23 du même mois, autorisa le P. Denux à se faire remettre le
montant de ce legs par Pierre de Lacourt, avocat du roi et héritier du
donateur (5). Dans le courant des années 1724, 1725 et 1726, les
PP. Denux recteur, Duprom et Maillard syndics furent chargés de
Tadministration de la paroisse du Saint-Esprit de Lectoure (6).
1725-1727 Le P. François Lespinasse (7).
1727-1732 Le P. Jean Latannerie (8), qui avait été successi-
vement attaché aux collèges de Tarbes et de Bayonne, et devint, par
le choix d'un concile provincial tenu à Toulouse dans le courant du
mois de septembre 1738, supérieur de l'important collège de Villefran-
che de Rouergue (9).
1734-1735 Le P. Raymond Catugier, depuis provincial de
Toulouse, donna en 1748 des signes d'aliénation mentale qui obligè-
rent ses confrères à le transférer de Toulouse à Notre-Dame-de-Tudet,
(1) Acte du 6 novembre 1713, Barbalane, notaire (Etude M* Boue du Bois-
long).
(2) Nouoellm êodéêioBiiqueê du 3 juillet 1746. — Nécrologe, t. ii, p. 112.
(3) Quittances. Ardiiv. mun.
(4) NouoellêB ecclésiastiques du 74 avril 1746.
(5) Actes des 11 Jumet 1723 et 12 mai 1725, Barbalane ét'Fomez, notaires.
(Etudes de MM" Boue du Boialong et Salles.)
(6) Arebiv. mun. livres, de cathoJioité de la paroisse du Saint-Esprit.
(7) Délibération capitulaire du 29 décembre 1726, Comin, notaire, (Etude de
M- SaUes).
(8) Quittances. Aarch. mun. Aotes du 8 août 1771 et 18 avril 1732, Bétons et
C^omin notaires. (Etudes de MM** Latour et Salles.)
(9) Nowelles ecclésiastiques «du 18 mais 1799).
— ^516 —
pèlerinage desservi par les Doctrinaires. Il y mourut en 1750 (1).
1735-1738 L P. Louis Bonnefont (2), qui devint provincial
de Toulouse en 1745 (3).
1738 Le p. Raymond Catugier, recteur pour la seconde
fois (4).
1738-1740 Le P, Gabriel Joseph de Lafont (5), fils de Ber-
nard de Lafont, sieur de Trignac et de Martlie Denux de Larrivière,
céda le 7 août 1731 tous ses droits légitimaires à son frère Jean Bap-
tiste de Lafont, sieur de Larivière, lieutenant d'infanterie, moyennant
une pension annuelle de 25 1. payable à Notre-Dame d'août (6). Il fut
en 1747 institué titulaire de la chapelle de Notre-Dame dans Téglisc de
Saini-Gervais, en remplacement d'Ambroise de Boubée, chanoine,
décédé le 25 septembre 1746, par Marie Corrent de Labadie, dame de
Lafont de Larivière, sa belle-sœur, à qui appartenait cette collation en
vertu de son droit de patronage (7). Le P. de Lafont était en 1736 rec-
teur du collège de Moissac (8), et en 1747 curé de la paroisse Sainte-
Eulalie de Condom et supérieur du grand séminaire de cette ville (9).
Il légua le 13 décembre 1764 aux hôpitaux de la Manufacture et de
Notre-Dame de Piétat de Condom une somme de 3000 livres, dont la
rente devait être employée à fournir de la viande ou du bouillon aux
pauvres malades qui ne pourraient pas y être admis (10).
1740-1743 Le P. Raymond Catugier (11), recteur pour la troi-
sième fois, fut chargé le 21 avril 1741, par Etienne de Renaud, titu-
laire du prieuré de Saint-André, dans la paroisse de Marsolan, et
chanoine de Lavaur, d'affermer les fruits décimaux dépendants dudit
prieuré, à prendre sur la rivière du Gers, près de Millioc (12).
1743-1745 Le P. Charles Barric (13).
(1) Noucclles ecclésiastiques des 17 avrU 1747 et 1750.
(2) Quittances. Arch. muni.
(3) NouoelUis ecclésiastiques du 7 avril 1745.
(4) Acte du 5 mai 1738, Bétous notaire. (Etude de M' Latour).
(5) Quittances. Arch. mun.
(6) Actes des 7 août 1731 et 27 juillet 1734, Bétous notaire. (Etude de
M* Latour.)
(7) Actes des 22 novembre 1738, 25 et 26 janvier 1747, Barbalane, Labat et
Comin notaires. (Etudes de MM" Latour, Salles et Boue du Boislong.)
(8) Acte du 26 juillet 1739, Bétous notaire (Etude de M* Latour),
(9) Actes des 26 janvier 1747 et 3 juin 1769, Labat et Comin notaires. (Etudes
de MM** Salles et Iwitour.)
(10) Acte devant Lacapère, notaire à Condom, étude de M* Lagorce.
(11) Acte du 20 juin 1740, Bétous notaire. (Etude de M* Latour.)
(12) Labat, notaire (Etude de M* Latour).
(13) Nouoellee ecclésiastiques du 23 octobre 1745.
— 517 —
1758-1761 Le P. Alexis Fayard, docteur en théologie (1),
reçut de dame Catberine de Morillier, veuvtf de Pierre Belin, avocat
en parlement, la somme de 500 liv., dont la rente devait èim affectée à
la fondation de vingt messes, dans la chapelle des Doctrinaires. Ce
capital, versé entre les mains du P. Fayard, fut employé, suivant une
délibération du 16 février 1758, à la reconstruction et à l'entretien du
collège (2). Le P. Fayard avait un frère nommé Raymond, curé de
Taybosc et d'Ayguesmorles son annexe, au diocèse de Lectoure (3).
1763-1771. Le P. Jean-Baptiste Dordé des Coutures (4)
devint provincial de Toulouse, vers 1774 (5). 11 était en 1764 titulaire
de la cure de Perville et de Lagarde son annexe, dans le diocèse de
Cahors, et chapelain du prieuré de Saint-Martin dans Téglise collé-
giale de Notre-Dame de Nesles-lez-Noyon. Il céda le 20 avril 1781
cette chapellenie à Guillaume- Alexandre de Juglart du Tillet, vicaire
général de Bourges, qui lui donna en échange le prieuré d'Endéchan,
desservi dans Téglise du Saint-Esprit de Lectoure (6).
1771-1773 Le P. Jean-Baptiste Maurette, qui fit recons-
truire le collège en 1772 et emprunta le 8 février de la même année,
à Basile de Cornet, chanoine de Saint-Gervais, la somme de 712 1.
6 sols pour les besoins du collège (7).
1774-1777 Le P. Antoine Bonnet (8).
1778-1784 Le P. Joseph Thomas (9), qui remboursa, le 23 juin
1782, 743 1. 7 sols à Marie Joseph Grégoire Delort, syndic du chapitre
de Saint-Gervais (10).
1786-1787 Le P. Guillaume Cibaud de Nique (11).
1788-1790 Le P. Joseph Thomas, recteur pour la seconde
fois (12).
ri) Record du 21 octobre 1759, délibération du 16 février 1758. Archiv. da
M. Plieux.
(2) Acte du 18 février 1758 Comin, notaire (Etude de M* SaUes).
(3) Actes des 3 mars 1755 et 17 mars 1758, Comin et Bétouâ notaires. (Etudes
de MM" Salles et Latour.)
(4) Quittances. Arch. mun. Actes des 6 décembre 1763, 26 février et 10 octo-
bre 1767 et 21 mars 1770, Comin, notaire. (Etudes de MM" Latour et SaUes.)
(5) Acte du 28 février 1772, Labat notaire. (Etude de M' Latour.)
(6) Actes des 5 février et des 4 avril 1764 et 20 avril 1781, Gomin notaire
(Etude de M* Salles).
(7) Labat notaire (Etude de M^ Latour).
(8) Record du 3 juin 1775. Actes des 6 juin 1775, 17 novembre 1776 et 12 avril
1777, Labat notaire (Etude de M* Latour).
(9) Arch. mun. Lettre du P. Théron, en date du 14 mai 1778. Actes des 7 avril,
20 et 23 juin 1782, Bétous, l^bat et Comin notaires (Etude de M* Latour).
(10) Labat notaire (Etude de M* Latour).
(11) Acte du 10 mars 1787, Labat notaire (Etude de M* Latour).
(12) Quittances. Arch. mun.
Tome XXX. 34
— 518 —
1790-1792 Le P. Charles Morbl (1), qui fut entendu comme
témoin dans le procès infbnté à Mgr de Cugnac, évèque de I..ectoui6^
à roocasio»de la publication de son avertissement aux fidèles du dio-
oèscy en date du 23 mars 1791 (2).
Syndios du Collège.
1638-1639 Le P. François Marrb (3).
1639-1640 Le P. Jean Bossac (4), recteur en 1641.
1642-1645 Le P. Charles du Verger (5).
16^1648 Le P, Jacques Lefrançois, vice-recteur (6).
1648-1650 Le P. Jacques Artous (7).
1652-1654 Le P. Gardey (8), prédicateur populaire, aussi
remarquable à table qu'en chaire, s'il faut en croire l'épigramme sui-
vante de J.-6. d'Astres, bien faite pour perpétuer le souvenir d'un
vrai gascon :
Per deplica la sanoto ley,
Presica la sancto paraulo,
E tengue bero trouign' en taulo,
Bibo lou boun pero Grardey!
Mes s'et minjo e s'et beott ta plan coum et presico
Adieu pan, adiou car, adiou praûbo barrique (9) !
1657-1660 Le P. Vialères ou Vialars (10).
1663-1669 Le P. Hugues Beynette (11).
1682-1684 Le P. Etienne Jouffret (12), recteur en 1695.
1685-1690 Le P. Etienne Meichin, recteur en 1696. Il acheta
par acte du 1^ décembre 1685 à Jean Darmaignac, homme d'armes,
une maison sise rue Constantin, qui confrontait du levant à un jardin
dépendant du collège (13).
(1) Quittances. Arch. man. Records.
(2) A. Plieux. Louis-Emmanuel de Cugnac, dernier écèque de Lectoure,
in-S-, 1879, p. 3.
(3) Quittances. Arch. mun.
(4; Quittances, Arch. mun.
(5) Acte du 25 août 1642, Bétous notaire (Etude de M' Latour).
(6) Quittances. Aroh. mun.
(7) Id. Id.
(8) Id. Id.
(9) Poésies Gasconnes recueillies et publiées par F. T[aillaèe],18e9, t. n, p. 129.
(10) Quittances. Arch. mun.
(11) Acte du Janvier 1668, Labat notaire (Etude de M* Latour).
(12) Quittances. Arch. mun. Acte du 3 Juillet 1684, Barbalane notaire (Etude
de M* Boue du Boislong).
(13) Barbalane notaire. Acte du 12 août 1685, Labat notaire (Etude de
M' Latour).
— 519 —
1691 Le P. François Bobt (1).
1692-1694 Le P. Charles Caupbnne (2).
1694-1685 Le P. Décis (3).
1695-1696 Le P. Etienne Mbichin^ syndic pour la seconde
fois (4).
1696-1797 Le P. Jean Chabrit (5), que nous retrouvons en
1717 syndic du collège de Nérac (6).
1698-1700 Le P. Guillaume Cayre (7).
1700-1703 Le P. Etienne Meichin, précédemment recteur, et
syndic pour la troisième fois (8).
1703-1705 Le P. Charles-Antoine Malacria (9).
1705-1709 Le P. Christophe Nazal (10).
1709-1712 Le P. Jean Doazan (11).
1719-1722 Le P. Caraguel (12), prédicateur renomméet ardent
janséniste, fut nommé recteur à Villefrancbe de Rouergue en 1735 et
assistant du père général pour la province de Toulouse malgré la pres-
sion exercée dans cette élection par M. Hérault, commissaire du roi.
Pour éviter tout conflit, le P. Caraguel donna, le 18 septembre 1737,
sa démission d'assistant, et il mourut en 1744 (13).
1622-1724 Le P. André Dupron (14).
1724-1726 Le P. Etienne Meichin, syndic pour la quatrième
fois (15).
1726-1729 Le P. Louis Belmont (16).
(1) Acte du 28 mars 1691, Labat notaire (Etude de M* Latour).
(2) Acte du 6 décembre 1693, Bégué notaire (Etude de M* Boue du Boislong).
(3) Quittances. Arch. mun.
(4) Quittances. Arch. mun.
(5) Quittances. Arch. mun.
(6) Acte du 29 novembre 1717, Lacapère notaire à Ck>ndom (étude de
M* Lagorce).
(7) Acte du 27 juillet 1698, Barbalane notaire (Etude de M' Boue du 9oifllong).
(8) Acte du 3 avril 1700 Id. Id.
(9) Actes des 10 mars et 23 septembre 1703, Barbalane et Labat notaires (Etu-
des de MM** Boue du Boislong et Latour).
(10) Quittances. Arch. mun.
(11) Quittances. Arch. mun. Actes du 8 mars 1709, Barbalane et Bégué notai-
res (Etude de M* Boue du Boislong).
(12) Quittances. Arch. mun.
(13) Nouoellea ecclésiastlquea du 22 mai 1745.
(14) Quittances. Arch. mun. Acte du 11 juillet 1723, Barbalaae notfûre (Etude
de M* Boue du Boislong).
(15) Délibération capitulaire du 29 décembre 1726, CQmin notaire (jEtud^ de
M* Salles).
(16) Quittances. Arch. mun.
— 5âO —
1726-1727 Le P, François Maillard, vice-recteur (1).
1732-1733 Le P. Gabriel-Marie Racolis (2).
1734-1735 Le P. Roques (3), qui fut député par la maison de
Moissac au chapitre provincial tenu le 1®"^ septembre 1744 dans le
séminaire de l'Esquille, à Toulouse (4).
1738-1743 Le P. Jean-Pierre-Joseph Morlet (5).
1758-1760 Le P. Dardenne, vice-recteur (6).
1758-1763 Le P. Jean-Baptiste Dordé des Coutures, rec-
teur en 1763(7).
1766-1768 Le P. Jean-Baptiste Pelauque, de Condom (8).
1770-1772 Le P. Charles Larribeau (9).
1775-1778 Le P. Jean-Baptiste Tronc (10) quitta Lectoure
dans les premiers mois de 1778 et fut pourvu le 4 avril de la même
année de la cure de Saint-Nicolas de Nérac, annexée au collège des
Doctrinaires de cette ville, à la place du P. François Morel décédé (11).
Il prit possession de ce bénéfice ecclésiastique le 14 mai 1778 et les
formalités canoniques de son installation furent accomplies dans la
chapelle des Pères Cordeliers, siège du service paroissial pendant la
reconstruction de l'église Saint-Nicolas (12). Le P. Tronc mourut au
commencement de Tannée 1779 et fut remplacé par le P. Vital Gau-
theyron Libéral, religieux de la même congrégation (13).
1783-1704 Le P. Charles Gazelle (14).
1785-1788 Le P. Joseph Thomas (15), recteur en 1782 et 1788.
1790-1792 Le P. François Orliac (16).
(1) Délibération capitulaire du 29 décembre 1726, Comin notaire (Etude de
M* SaUes).
(2) Acte du 18 aTTil 1732, Comin notaire (Etude de M« Salles).
(3) Quittances. Arch. mun.
(4) Nouvelles ecclésiastiques du 7 avril 1745.
(5) Quittances. Arch. mun. Actes des 3 février et 5 mai 1738, et 20 juin 1740,
Comin et Bétous notaires (Etudes de MM** Salles et Latour).
(6) Délibération capitulaire du 16 février 1758 (Arch. de M. PUeux.)
(7) Id. Id.
(8) Acte du 10 octobre 1767, Comin notaire (Etude de M* Salles).
(9) Quittances. Arch. mun. Actes du 7 mars 1771 et 8 février 1772, Labat et
CoQiin notaires (Etude de M* Latour).
(10) Acte du 6 juin 1775, Labat notaire (Etude de M* Latour).
(11) Reynaud Corne, notaire à Condom, étude de M' Lagorce.
(12) Pugens, notaire à Condom, même étude.
(13) Acte du 27 février 1779, Keynaud-Come notaire à Condom, même étude.
(14) Quittances. Arch. mun.
(15) Quittances. Arch. mun.
(16) Acte du 11 avril 1792, Monbrun notaire (Etude de M* Salles).
— 521 —
Professeurs du Collège.
1670 Le P. ÂRQuiER, chargé « d'instruire la jeunesse à
> lire, escripre et à compter de l'arimétique (1). »
1674 Le P. Trouvé, professeur, atteste qu'il a entendu
la confession c d'ung pauvre mallade dans une mayson ruynée par le
» vent, dont le débris réclame le soin de la charité des dames de la
» Miséricorde (2). »
1683 Le P. Philippe Laguzon sert de témoin dans un
acte révocatoire passé par Glaire de Monlezun de Lupiac, épouse de
Guillaume de Chastenet, sieur de Lacoupelte (3).
1692 Le P. RuFFv « réthoricien », qui reçut de la juradela
somme de 25 1. « pour une tragédie qu'il a fait l'honneur de dédier à la
» ville en la personne des consuls (4). »
1696 Le P. Jean Amiel. — Le P. François Lespinasse.
— Le P. Charles-Antoine Malacria. — Le P.
Bernard Caupenne. — Le P. Guillaume
Cayre (5).
1704-1705 Le P. Mathurin Baccarrère, légataire de sa sœur
Dominique Baccarrère, en une pension annuelle de 100 L, aux termes
de son testament du 9 août 1704 (6).
1705 Le P. Guillaume Santuron, fils de Guillaume
Sanluron, marchand de Lectoure, et de Marie Taste, qui fit, le 20 février
1705, un testament public, avant de s'engager définitivement dans la
congrégation de la Doctrine chrétienne (7).
1713 Le P. Cyprien Bapfoigne. — Le P. Bernard Clu-
ZET (8).
1723 Le P. Pages. — Le P. Sbllibres. — Le P.
Décis (9). — Le P. Arlat (10).
(1) Quittances. Arch. mun.
(2) Certifloat du 12 janyier 1674. Arch. mun.
(3) Acte du 6 mars 1683, Labat notaire (Etude de M* Latour).
(4) Quittances. Arch. mun.
(5) Acte du 26 octobre 1696, Labat notaire (Etude de M* Latour).
(6) Acte du 19 janvier 1705, même notaire.
(7) Ijtbat notaire (Etude de M* Latour).
(8) Acte du 6 avril 1713, Arch. mun. — Livre de catholicité de la paroisse de
Saint-Geny.
(9) Nouoellêê ecclésiastiques du 3 juin 1723.
(10) Arch. mun. Livres de catholicité de la paroisse Saint-Gervais de Leotoore.
— 622 —
1726 Le P. Jean-Jacques Vignibr. — Le P. Etienne
Parades (1).
1730 Le P. LsepiNAfise. — Le P. Dolmières (2).
1730-1733 Le P. Raimond Catugier (3), professeur de philo-
sophie, recteur en 1734, 1738 et 1740.
1731 Le P. JeaN-Baptiste Denux, sous-diacre, profes-
seur aux collèges de Castelnaudary et de Lectoure, fît le 7 octobre 1731,
donation de certains immeubles en faveur de Pierre Denux, son frère,
demeurant à La Salle de Paillasse, dans la juridiction de Terraube. Il
était neveu du P. Jean Denux, recteur du collège en 1720 (4).
1739 Le P. François Goulard (5).
1740 Le P. François-Joseph Devilla encouragea les
Carmélites de Lectoure dans leur lutte en faveur du Jansénisme, et
contraignit par ce fait Mgr de Beaufort à demander son éloignement.
Il se retira à Montpellier, où il y passa plusieurs anjiées, et mourut à
Toulouse dans le courant du mois de décembre 1744 (6).
1740-1741 Le P. Cazeneuve quitta le collège de Lectoure dans
Tannée 1741 et fut nommé à la cure de Castelnau-Barbarens, au dio-
cèse d'Auch, par la princesse de Léon (7), à qui appartenait la collation
de ce bénéfice. Les vicaires généraux du cardinal de Polignac refusè-
rent de lui accorder leur tisa, malgré les attestations d'orthodoiie des
archevêques de Toulouse et de Bordeaux et des évêques de Condom ei
de Carcassonne (8).
1750 Le P. Rbinal, professeur d'humanités à Lectoure,
et plus tard recteur à Nérac (9).
1750 Le P. Charles Marc était en 1752 et 1760 recteur
de la maison de Tudet, et en cette qualité, il afienna les fruits déci-
mant de Oaudonville à Jeen-Joseph Lespiau, procureur fondé de
MM. Marchai et Miny, économes généraux du clergé de France, régis-
seurs des revenus de i'évéché de Lectoure, vacant par le décès de
Claude-François de Narbonne-Pelet (10).
(1) Délibération capitulaire da 29 décembre 1726, Comin notaire (Etude de
M* Salles).
f2) Noucelles occléaiaaiiquea du 3 juillet 1730.
r3) Nouœllea ecclésiastiques du 16 octobre 1733.
'^ Comin notaire (Etude de M* Salies).
Noueelles ecclésiastiques du 15 octobre 1748.
Nouoelles ecolésiastigues du 22 mai 1745.
(7) Françoise de Roquelaure, fille de Gascon-Jean-Baptiste» duc de Roque-
laure, gouverneur de Lectoure, et de Marie-Louise de Laval, mariée le 29 mai
1707, à Louis Bretaene de Rohan-Chabot, prince de Léon.
(8) Nouoelles ecclésiastiques du 1" mai 1741.
!9) Nouoelles ecclésiastiques du 24 avril 1651.
10) Actes des 29 décembre 1652 et 23 juin 1660, Comin et Bétous notaire8(EtQde
de Ni* Latour).
I
(6)
— §«3 —
1754 Le P. JsàiH MAUQUuéi> fils de Bernai kfoiqiué,.
bouqjQois d6 Montgaillard» quitta la congr^tion de la Doctrine ohré-
tienne le 4 juillet 1754 et son père stipula en sa faveur une pensîoii
annuelle de 100 1* jusqu'à oe qu'il fut pourvu d'un bénéfice (1).
1755 Le P. Jean Dayraud, professeur de philosophie, fit
un testament le 8 février 1753 (2) et tranfiigea le 20 juin 1770 avec sa
mère et ses frères sur le montant de ses droits légitimairas (3).
1759 Le P. Jean-Baptiste Ricard, professeur à Lectoure
et à la maison de Saint-Rome, fut pourvu le 12 janvier 1770, de la
chapelle de Saint*Nioolas, desservie dans l'église de Saînt-Gervais,
par Anne-Jeanne-Thérèse de Larrocbe, marquise de Gensae, qui en
était patronne (4). Il en afferma les fruits décimaux moyennant la
somme annuelle de 300 livres (5),
1760 Le P. Jean Castaing devint recteur du collège de
Lavaur et fut nonmié chapelain de la chapelle de Lasmaitres par le
comte de Narbonne, qui en était patron coUateur. Bcmiface Castaing,
son frète, curé de Dunes et docteur en théologie, prit possession de
celle chapelle en son nom le 8 novembre 1763 (6).
1762 Le P. Dubois, diacre, professeur de philosophie et
bachelier en théologie de la faculté de Paris (7).
1762 Le P. Cristophe Gonzy, ancien professeur, était le
15 mars mars 1662 syndic de la maison de Notre-Dame de Tadet (8).
1767 Le P. Jean Pelauque, professeur de philosophie et
chapelain de la chapelle de Lartigue, desservie dans la juridiction de
Montréal (9).
1772 Le P. Jean de Madères, frère de Joseph de Madè-
res, avocat du roi au siège présidial de Leotoure, était en 1776 recteur
de la maison de Saint-Rome à Toulouse (10).
1777 Le P. Arnaud-François-Pascal Gopfret, profes^
seur d'humanités, sert de témoin à une constitution de rente consentie
(1) Bétous notaire (Etude de M* Latour).
(2) Id. Id.
(3) Comin notaire. Id.
(4) Comin notaire (Etude de M* Latour).
(5) Actes des 21 mars 1770^ 10 mars 1776 et 7 avril 1782, Comin notaire (Ëiude
de M* Latour).
(6) Comin notaire (Etude de M* Latour).
(7) Arch. mun. Certificat du 6 février 1762.
(8) Labat notaire (Etude de M' Latour).
(9) Acte du 5 septembre 1767^ Pelauque^ notaire à Condom (Etude de
M*LeM>é).
(10) Acte du 7 janvier 1776, Labat notaire (Etude de M* Latour).
— 524 —
par Jean-Baptiste Comin bourgeois, en faveur de Marie de Gonlard (1).
1782 Le P. Jean-Baptiste Tourtonde, professeur de
rhétorique (2).
1784 Le P. Lapujade, professeur de seconde (3).
1788 Le P. Jérôme Castex, fils de Joseph Castex, procu-
reur en la sénéchaussée d'Armagnac, et de Jeanne Barres, fut d'abord
professeur à Lectoure, puis à Carcassonne. Présenté au chapitre de
Saint-Gervais et agréé par lui en qualité de titulaire de la chapellenie
de Nomine Jesu^ vacante par la démission de François Lannes, prêtre
prébende, il prit possession de ce bénéfice le 28 -février 1785 (4). Le
P. Castex céda le 26 janvier 1788 à son frère Marc Melciade Castex,
docteur en médecine à Lectoure, tous ses droits aux successions de ses
parents, moyennant une rente annuelle de 100 livres (5).
1788-1792 Le P. Arnaud Castille, pourvu d'une prébende à
Saint-Gervais (6), ancien professeur aux collèges de Lectoure et de
Saint-Rome, né à Lectoure le 20 avril 1749, obtint un certificat de
résidence le 5 frimaire an m (25 novembre 1794) de la part du district
de Lectoure (7). Il lui fut alloué une pension de 500 livres, qu'on sup-
prima peu après son obtention, par Je motif que le nombre de ses années
de congrégation devait être établi autrement que par sa déclaration
personnelle (8).
1790 Le P. Mathurin Larribeau, ancien professeur, né
en 1742^ obtint un certificat de résidence le 12 frimaire au m (2 décem-
bre 1794) (9).
1790 Le P. Michel-Antoine Cantaloup, ancien profes-
seur et ancien curé de Bivès, né à Saint-Clar le 39 septembre 1764,
obtint le 4 frimaire an ui (24 novembre 1794) un certificat de rési-
dence (10). Il lui avait été alloué en Tan ii une pension de 400 1., sup-
primée quelques mois plus tard (11).
(1) Acte du 22 décembre 1777, Labat notaire (Etude de M' Latour).
(2) Acte du 7 avril 1782, Comin notaire (Etude de M* Latour).
(3) Reoue de Gascogne, t. xvii, p. 283.
(4) Actes des 26 et 28 février 1785, Mombrun notaire (Etude de M* Sales).
(5) Actes des 13 mars 1787 et 27 janvier 1788, Comin et Mombrun, notaires.
(Etudes de MM" latour et Sales).
(6y Actes des 1" et 8 avril 1788, Labat notaire (Etude de M' Latour).
(7) Délibération du 5 frimaire an m.
(8) Tableau arrêté par le ministre des finances le 14 frimaire an x (5 décembre
1801). Arcb. dép. du Gers.
(9) Délibération du 12 frimaire an m.
(10) Délibération du 4 frimaire an m.
(11) Tableau arrêté par le ministre des finances le 14 frimaire an x (5 décembre
1881). Arcb. dép. du Gers.
— 525 —
1792 Le P. Calau. — Le P. Gaudé. — Le P. Vidal.
Le P. Labatut (1),
(A suivre.) A. PLIEUX.
LETTRES INEDITES
DE QUELQUES MEMBRES
DE LA FAMILLE DE MONLUC^'^
APPENDICE
I
Charte de Gaston de Gontaut, seignéUr de Biron,
1 Conoguda cauza sia que 1 senher Gasto (3) de Gontaut, cavaler, sen-
her de BiroD (4), per si e per totz los seus e per tôt son ordenh e per tôt 2
son heret a donat e au^rem^ a feus per las costumas gênerais d'Agenes a
n Guiihem Ar[nautj so fiih e a son ordenh e a son heret per totz 3 temps
per far totas las proprias voluntatz del predig Guiihem Ar[naut] e de
son ordenh e de son heret per totz temps totas las terras 4 on om apela
a la terra de las Fontas ab totz los apertenemens de las meissas terras
de las Fontas lasquals terras so en l abesquat d'Age- 5 nés en las perro-
(1) Bail à ferme des métairies de Boulouch et de Bartherote eu date du 11 avril
1792 (Mombruu notaire). Les témoins de cet acte furent Jean Bousquet et Paul
Aylies, régents latinistes «i Lectoure.
(2) Sous ce titre commun sont réunis, dans le tirage à part, les documents
publiés dans la Reouo de Gascogne sous les titres suivants :
1* Trois lettres de Biaise de Monluo et une lettre de sa femme Ysabeau de
Beauoille. (R. de C, xxix, 40.)
2' Trois lettres et une ordonnance de Jean de Monluc, éoêque de Valence (xxix»
189. 375.)
3* Deuw lettres de Joachim do Monluc, (xxix, 522.)
4* Dioerses lettres du fils de Biaise de Monluc. (xxx, 83.)
5* Dioerses lettres des petits-fils de Biaise de Monluc. (xxx, 180 et 283.)
(3) Les mots imprimés en italique sont efifacés dans la charte.
(4) Voir sur Gaston de Gontaut, dont les possessions étaient si considérables
en Agenais comme en Périgord, le recueil du P. Anselme (t. iv) et surtout l'am-
ple généalogie fournie par Tabbé de Lespine au recueil du chevalier de Cour-
celles. Histoire généalogique des pairs de France (t. ii).
— 6*6 —
quias deks gleks de Senfa Joan de Boluc ede Cazals entre leaslel de
Manurt (1)» d'une part, e 1 castel d'Agulho d'autra 6 part, e 1 fluvi de
la Baita d'aulie part e Boluc (2) d'autra part, ab totas las terras coûtas
e no coûtas e ab totz les cammas e Is cam* 7 mazils et ab tots los homes
6 ab totas las femnas e Is pratz e Is pradals e ab totas las oblias e Is
acaptes e las rendas e las senhorias e ab 8 totas las agas e ab totas las
cauzas que s'ap^eno e s devo apert^fier a las predkhas terras de Las
Fontas e ab totz los dregs e las 9 razos e las acdos que 1 predigs senhor
Gastos avia e aver dévia en las predichas terras de Las Fontas e vesti
1 en fenzelment dei 10 tôt pef las costumas genends d'Agenes ab. u
parelh de gans nues blancs d'aoapte a senhor mudant ses plus e ses
tôt autre ser- 11 vezi cessai que 1 predigs Guilhem Ar[naut] ni sos
ordenhs ni sos heretz no n fassa ni n reda al predig senhor Gaslo ni a
son ordenh ni 12 a son heiet mas quant tant solament. i. parelh de
gans nuos blancs d'acapte a senhor mudant e deu Ih en e Ih en promes
13 del tôt portar bona e ferma guirentia de totz homes e de totas fem-
nas que al predig Guilhem An[naut] e a son ordenh e a son heiet 14
f[or]sa ni turbasio ni deman ni questio i fesao m i moguesso en las
predichas cauzas afeuzadas en tôt ni en partida per nulh traaps 15 mai
d'aici avant; per laquai guirentia far e portai bcma e ferma e establa
per totz tempp, k> predigs senher Gasto a o- 16 bligatz lotz sos bes pef
totz loos prezens e avenidors al predig Guilhem Ar[naut] per si e per
tôt son ordenh. Aisso fo fag xi dias a Tissida del 17 mes d'aesl. TeB«*
timonis : Helyas Ros, Garciac de Calviac, Bertran de Goncas, P« éfb
Manhinon, Senhoret d'Astafort, Aimar de 18 Lagarda, et ego Raaoïi-
dus de Lagarriga, oomunis notarius Montis franquini, qui hano oar-
tam scrisi utroque (3) consensu anoo Domini 19 tâ^ccf^iJ^x sexto*
Régnante domino Alfonso, Tholosano comité, e Petro (4), Agennensé
episeopo (5).
(1) C'est Monheurt^ aujourd'hui commune du canton de Damazan, à peu de
distance d'Aiguinon.
(2) M. Clément Simon (Le testament du maréchal Biaise de Monluc) rappelle
(p. dSO) que, dans un acte du 3 septembre 1318 (contrat de mariage d'Odet do
Monlesquiou et d'Aude de Lasseran-Massencôme), sont énumérées les terres
de Massenoôme» Bonlao, Monburt, Puch-de-Gontaut. Il ajoute (p. 3S4) que la
localité de Monluc figure, sous le nom de Bonus lue.us, dans le Fouillé des pre-
mières années du xvi* siècle analysé par M. Jules de Laffore (Recueil des tra-
caua de la Société des sciences, lettres et arts d^Agen, tome rii, 1854, p. 112),
pouillé que la savante compagnie va prochainement publier in emtenso,
(3) C'est bien ce que semble donner le fac-similé, mais il doit y avoir et il faut
vtrlusque (Note de M, Paul hfeyer).
(4) Pierre Jerlaudi, qui siégea de 1209 au 28 juillet 1271.
(5) Archives des Basses-Pyrénées, Ë 161. Fao*similé k l'usage des élèves de
l'Ecole des Chartes.
— «H —
II
Lettre de M. Garctère sur le lieu où mourut Biaise de Monluc.
Condom, ce 14 juin 1887.
Moulue 6St-*il mort à Condoml le oommenoe par vous dire que
rien dans nos archives communales^ au moins à ma connaissanoe, ne
peut nous éclairer sur oe point. Les procès- verbaux des jurades con**
domoises sont intervompus sur nos rcigistres de 1569 à 1580, si j'ez-
eepte un cahier de 1576, et quand aux comptes consulaires, il existe,
entre autres, une lacune de vingt ans qui va de 1563 à 1589. En
dehors de ces sources, les registres paroissiaux du xvi* siècle n^exis*
tant pas à Condom, je ne vois que les archives privées, livres de rai*
son, correspondances, qui puissent faire mention de Tévfoem^it. Pour
ce qui regarde la sépulture de Monluc dans le chœur de notre cathé-
dcale, pas un document de nos archives, pas un feuillet du manuscrit
Lagutëre, qui donne pourtant de précieux renseignem^ite sur l'église
de Saînt-Pierre, ne contient une indication de œ genre.
Gependani Scipion Dupleix est affirmatif [ici reproduction du pas-
sage de VJSisioire de France déjà cité dans mon Averti9aenien^. Je
me bâte de dire que la chose ne me parait pas impossible. Les histo-
riens qui sont venus après Dupleix, mais longtemps après lui, décla-
rent, il est vrai, que Monluc est mort à Ëstillac. Sur quoi s'appuient-iks?
lÀB se bornent, ce me semUe, à affirmer le fait. Ils écrivent pourtant
bien loin de l'événement, et combien je préfère l'opinion de Dupleix, un
contemporain, un Condomois, qui a pu assister lui-même à la céré*
monie funèbre (il avait alors près de sept ans) ou qui a d& certaine-
ment en entendre parler par les siens! Chose remarquable! les partisans
d'Estillac paraissent ignorer que Dupleix ait mentionné avec tant de
{«éeision le lieu de la mort de Monluc. Pourquoi n'ont*ils pas pris la
peine de rectifier son erreur, en justifiant leur assertion toute différente
de la sienne? L'existence du tombeau à EstiUac ne saurait prouver
d'une façon péremptoire que Monluc soit mort k Ëstillac; elle autorise
seulement à admettre que son corps y a été apporté.
Si Monluc était mort à Ëstillac, les consuls d'Agen n'auraient-ils pas
fait mention de l'événement dans leurs jurades? Et les comptes con-
sulaires de 1577 ne contiendraient-ils pas quelque article de dépense k
cet égard? Si les jurades sent muettes, si les comptes sont muets, je
— 528 —
me refuse à croire, ne serait-ce que pour l'honneur des consuls, que
Monluc soit mort à Estillac, c'est-à-dire aux portes d'Âgen.
Est-il invraisemblable que le vieux maréchal soit mort à Condomt
Je croirai Dupleix tant que Ton ne m'aura pas prouvé qu'il se trompe,
car Dupleix était placé dans les meilleures conditions pour savoir la
vérité. Son père, tous les siens étaient amis de Monluc, et certainement
il aura souvent entendu parler dans sa famille de l'événement de 1577.
Du reste, Monluc est à Condom au mois d'août de cette année et, pen-
dant son séjour dans notre ville, il ajoute un codicille à son testa-
ment.
A-t-il été enterré dans le chœur de la cathédrale! Tout d'abord cela
parait étrange, si l'on considère que le chœur dans les cathédrales est
généralement réservé, à cause de la sainteté du lieu, pour la sépulture
des granas dignitaires de l'église, des évèques notamment. Mais il
ne s'agit pas ici d'un personnage ordinaire. Moulue fut un grand
défenseur de la foi catholique. Son fils Jean, alors évèque de Condom,
n'aurait-il pu vouloir donner aux restes du maréchal une place
d'honneur en rapport avec ses hautes dignités et surtout avec les
services qu'il avait rendus à sa religion? Ne pourrait-on d'ailleurs
admettre que le corps de Monluc fut déposé provisoirement dans le
chœur de la cathédrale où se trouvait déjà le tombeau de son parent
Mgr Robert de Gontaut, pour être plus tard transporté soit au Sempuy,
soit à Estillac? Du reste, ne l'oublions pas, nous nous trouvons en pré-
sence d'une affirmation formelle de Dupleix, que doivent seuls faire
tomber des documents d'une incontestable autorité.
Si l'on m'objecte que Dupleix a pu se tromper, appliquant au maré-
chal ce qui est vrai de l'évoque Jean de Monluc, son fils, dont le corps
fut enterré dans le chœur de la cathédrale en 1582, je réponds que si
la confusion est possible, elle n'est pas probable. Je ne crois pas notre
historiographe capable d'avoir pris un événement dont il aurait été
témoin à l'âge de douze ans, avec un événement qui se serait passé
quatre ou cinq ans auparavant. Les circonstances de la mort et de l'en-
terrement du maréchal firent sur son jeune esprit une impression trop
profonde, pour qu'il ait pu y avoir confusion daos ses souvenirs. D'ail-
leurs, s'il en eût été ainsi, les Condomois, témoins des deux faits, ne
lui auraient-ils pas signalé sa méprise et l'erreur n'aurait-elle pas été
corrigée dans les éditions successives de V Histoire de France f
Si l'on m'objecte encore que Tabbé Lagutère ne parle dans ses
mémoires manuscrits sur Téglise de Condom ni de la mort, ni de l'en-
terrement de Biaise de Monluc, je réponds qu'il ne parle pas davan-
— 529 —
tage de la sépulture d'un ancien gouverneur de Gondom, le sieur du
Bouzet de Roquepine^ laquelle se fit dans la cathédrale de Saint-
Pierre
III
Extrait du testament de Jean du Chemin, évêque de Condom (1),
(1®' décembre 1615), relatif à son prédécesseur Jean de Monluc.
« Premièrement je veux et ordonne qu'après qu'il aura plu à
Dieu séparer mon ame de mon corps mortel et corruptible, de m'appel-
1er de cette vie mortelle à l'immortelle^ que mon corps soit enterré en
réglise de Gassaigne, qui est dans l'enclos du château où j'ai passé la
plus part de ma vie, et où feu M. le Commandeur de Monluc mon
prédécesseur et bienfaiteur décéda, et où j'ai fait dresser mon tombeau
joignant le sien, où après son décès, avant faire porter ou enterrer son
corps dar^ le chœur de l'église cathédrale de Condom, je fis enterrer
son cœur et ses entrailles, désirant, puisque mes os n'ont pu être joints
aux siens, qu'ils le soient pour le moins à cette partie. Et pour honorer,
comme j'ai fait toujours, sa mémoire, que la postérité ne me tienne
entaché de fort salle et vilain vice d'ingratitude, j'ai fait apposer sa
statue en pierre et partout fait mettre ses armoiries, les siennes au costé
droit, les miennes à gauche, afin que cette (un mot illisible) lui serve de
monument et à mon corps de sépulcre. »
Jean Du Chemin, après avoir distribué ses biens à ses neveux et
avoir substitué lesdits neveux les uns aux autres, termine en disant
que dans le cas où ses héritiers mourraient sans postérité, il leur subs-
titue Jean de Forcés, son filleul, fils d'Antoinette de Monluc, fille de
son susdit feu bienfaiteur (2).
(A suivre.) Philippe TAMIZEY DE LARROQUE.
(1) Sur Jean Da Chemin voix la remarquable étude de M. Léonce Couture
dans ses Trois poètes Condomois du xvi* siècle, 1877, p. 17.
(2) M. l'abbé de Carsalade Du Pont, qui a trouvé le testament de l'évéque
Jean Du Chemin aux archives du château de Saint-Blancard (fonds Gobas), a
trouvé aussi dans le même fonds les éléments de la note que voici, dont il veut
bien encore enrichir mon petit recueil : « Jean de Monluc, évêque de Condom,
eut une fille naturelle, nommée Antoinette, qui fut mariée, le 26 février 1591» à
Guillaume de Forcés, seigneur de Goalard, près Condom. Ce mariage se fit à
l'instigation de Jean du Chemin. Ce prélat donna à la future mille écus et son
trousseau, en considération, dit-il dans l'acte de mariage, de la grande amitié
qu'il avait pour ledit feu seigneur Jehan de Monluc, père de ladite Antoinette,
laqueUe il avait recueillie ohez lui et fait élever à la mort dudit feu Jean de
Monluc. De cette union vint un ÛJs, Jehan de Forcés, qui fut tenu sur les fonts
baptismaux par l'évéque Jean du Chemin ».
BIBLIOGRAPHIE
I
BuLLAiEE DE GASCOGNE. Rapport présenté à S. G. Mgr TArcherêque d'Aach et
(i NN. SS. les évéques de la province ecclésiaustique d'Auch, par l'abbé Louis
GuÉRARD. Tarbea, impr. Larrieu. 1889. 19 pp. in-8\
Nos lecteurs savent déjà, s'ils ont lu les extraits des procès^ verbaux
du Congrès des Sociétés savantes publiés ici au mois d*aout (p. 364),
rimportante mission que M. l'abbé Guérard remplit à Rome pour
l'honneur de la Gascogne et pour le profit de notre histoire provinciale.
La Revue fera connaître sous peu les décisions prises à Auch le 5
octobre dernier pour l'heureux accomplissement de l'œuvre commencée.
En attendant^ pour la satisfaction de beaucoup de nos lecteurs qui n'ont
pas sous la main le premier rapport du jeune délégué de nos évêques,
en voici du moins quelques fragments caractéristiques et particulière-
ment instructifs.
Après avoir dit que les Archives du Vatican, ouvertes aux tra-
vailleurs par S. S. Léon XIII, renferment plus de 2,000 registres pon-
tificaux, correspondant aux quatre siècles écoulés depuis Innocent III
jusqu'à l'avènement de Sixte-Quint, M. Guérard déclare qu'il a com-
mencé son travail par les registres de Jean XXII, parce qu'ils sont
plus inédits à la fois que ceux qui les précèdent et que ceux qui les sui-
vent. Il y a relevé jusqu'ici environ 900 pièces intéressant la province
d'Auch, et très souvent les nombreux cardinaux gascons de la oour cle
Jean XXII, en particulier, Raymcod abbé de St-Sever, Vital (die
Bazafi), Guili. Godin (de Bayonne), Guill. Teste (de Condom), etc.
L'objet le plus ordinaire des actes pontifioaux, c'est la collation des
bénéfices réservés au pape. « Ces réserves, extrèmem^t nombreuses,
surtout dans les diocèses d'Auch, Bazas et Comminges, atteignent par*
tibaulîèremeiit les évèchés. »
« J'ai retrouvé, poursuit M. Guérard, les bulles soit de provision,
soit de confirmation, des évèqoes de Lectoui», Bazas^ Dax, Aire,
Bayonne, Lescar, Tarbes, Comminges et Couserans. Ces bulles nous
donnent des renseignements intéressants sur les résistances qu'éprouva
l'autorité pontificale de la part de certains chapitres qui voulaient eon-
server leur ancien droit d'élire les évèques. »
L'auteur signale ensuite les réserves relatives aux ohapitres et àœr-^
tains bénéfices importtmts, les conflits assez fréquents de f autorité ecclé-
siastique avec les sénéchaux et les seigneurs tamforels, les seooiirs
— 631 —
accordés par le pape aux églises xpinées par les funestes guerres du
temps, son intervention dans les alliances des familles féodales, etc.
On a ridée de rintérèt de ce rapport, qui du reste en promet, pour
un temps peu éloigné, un autre beaucoup plus étendu. On partagera
la reconnaissance du rapporteur pour les évèques qui favorisent et
soutiennent cette œuvre si importante. On applaudira surtout aux
félicitations qu'il adresse spécialement à Mgr rArchevèque d'Auch :
« Votre XSrandeur donne un bel exemple aux autres provinces de
Fhmce : cet exemple, s'il est suivi, ne pourra manquer d'avoir les
résultats les plus heureux pour l'histoire générale de l'Eglise : l'hon-
neur et le mérite en resteront à Votre Grandeur. »
II
Lbs correspondants de Pbirbsg. — XV. Thomas d'Arcos. Lettres médites
écrites de Tunis à Peiresc (16dS-16d6), publ. et ann. par Ph. Tamizey de Lar-
ROQUE. Alger, typ. Ad, JourcUm, 1889. 56 pp. gr. in-8*. (Ëxtr. delà Reouo afri^
caine, tir. à part à 100 ex.)
Le corr. de p. — XVI. François Luillier. Lettres inédites écrites de Paris à
Peireso<16SO-ie96), publ. et uin. par Ph. T. de L. Puris, Lion Téchenar.
1889. 56 pp. in-8%
Deux lettres eéNéDicriNEs inédites. — Do» Germain, dom Devic, — par
Ph. T. de L. Toulouse, Ed. Prioat, 1889, 11 pp. in>8. (Extrait des Annales
du Midi.)
Les trente-six lettres de Luillier, père du eélèbre poète Chapelle, sont
planes de nouvelles littéraires et le ton en est fort agréable. Il y a aussi
beaucoup d'agrément dans les missives du renégat marseillais Thomas
â*Aroos, presque uniquement connu jusqu'ici par une notice de Fau-
ris ée Saint-Vincent (Magnsin encycL mai 1815), et qui transmet-
tait à Peiresc des eoriosités naturelles et autres du continent africain.
Mais en lisant avec autant de soin que d'intérêt ces deux nouvelles
plaquettes de laotre excellent collaborateur, je n'y ai trouvé absolument
rien de gaâcon, excepté tout au plus, dans cette dernière (p. 52, note 4),
la mention d'un fait nouveau relatif à J. Jaubert de Barrant, archev^
q»e d'Arles, ancien évoque de Bazas. — Toutefois, je tiens à signaler
aux lecteors de la Reeue toutes les productions de M. Tamizey de
LftRoque, même quand elles ne touchent pas à notre domaine. C'est
l'auteur, avant tout, qui nous appartient et dont lliistoire littéraire
devra se trouver en «mier dans un recueil périodique honoré de sa
constante collaboration. Je crois qu'il nous a déjà donné plus de cent
wixttile pubHeations, et tout le monde sait que pas une n'a manqué
d'ajoaler quelque chose à la sdence. Puisse-t-il doubler encore ee nom-
bre i et poisse la Renue de Gascogne le suivre jusqul'au bout de sa
— 532 —
féconde carrière, avec la même attention intéressée^ mais hautement
sympathique et reconiiaissante!
... J'en étais là lorsque m'est arrivée la troisième brochure annoncée
ci-dessus. II est naturel que M. T. de L. continue à recueillir les reli-
quiœ de ces savants bénédictins de Saint- Maur dont il suit les traces.
Des deux religieux qui ont les honneurs de cette petite publication, l'un
nous est étranger (D. Germain était né à Péronne) et sa lettre, très cu-
rieuse d'ailleurs, ne roule guère que sur le fameux hérésiarque espa-
gnol Molinos. Mais l'autre nous appartient un peu : né à Sorèze, D.
Devic après avoir été professeur à Saint-Sever (Landes), fut le colla-
borateur de D. Vaissète dans cette admirable Histoire de Languedoc
qui renferme une si large part de l'histoire de la Gascogne. Il suffit de
dire que la lettre publiée ici intéresse à la fois l'histoire religieuse, litté-
raire et politique du temps (1705). C'est le cas ordinaire dans ces cor-
respondances bénédictines dont Valéry nous a donné un si brillant échan-
tillon en trois volumes, et dont un savant archiviste et bibliographe,
M. H. Stein, doit publier bientôt, dans la collection des Documents iné-
dits pour rhistoire de France, un recueil bien plus considérable.
III
Blasons peints k la frksqub. Crypte de Sainte-Quitterie du Mas d'Aire, par le
D' LÉON Sorbets. Daœ, imp. H, Labèque, 1889. 13 pp. gr. in 8'.
M. le docteur Léon Sorbets a étudié en héraldiste et en historieales
blasons peints à fresque au xvi^ siècle sur le mur oriental de la orypte
de Sainte-Quitterie, naguère si admirablement restaurée par le zèle de
Mgr Delannoy. Le sujet n'était pas sans difficultés; car « ces peintures
murales sont à moitié eSacées, et les blasons à deux couleurs seule-
ment à peu près illisibles. » Lorsque la Société française d'archéologie
visita le 15 juin 1888 la crypte du Mas d'Aire, elle ne put, à cause de
l'obscurité^ se rendre compte de ces blasons encadrant des scènes de la
vie de la Sainte Vierge. M. Léon Sorbets y révèle les armes d'Asta-
rac, de Castelbon, de Comminges, etc., et il entre dans de nombreux
détails généalogiques et historiques pour montrer que toutes ces armoi-
ries appartiennent « à divers membres de la grande et puissante famille
de Foix-Candalle ». Il prouve ainsi par l'exemple la vérité de cette
remarque^ qu'une quantité de données historiques peuvent « être renfer-
mées dans le champ d'un blason. » Tout au plus pourrait-on désirer,
dans ce mémoire si plein de faits, une énumération et une description
précises, plus dégagées de tout commentaire, des peintures héraldiques
qui en sont l'objet essentiel. L. C«
(HIELQUES NENTHfflS m ROI M MERCIERS
DANS LB SUD-OUBST DE LA FRANCE
Un savant, qui a renda les plus grands services à Ttiistoire
de la Gascogne, et dont la mort récente vient d'exciter de si
vifs et de si légitimes regrets, a posé dans cette Revue une
question au sujet du « roi des merciers » (1).
Peut-être a-t*on publié, pour la France ou pour quelqu'une
de ses provinces, des travaux historiques spéciaux sur cette
singulière royauté; il m'est Impossible de le vérifier, n'ayant
pas sous la main les grands recueils de bibliographie. Mais,
si des publications de ce genre ont été faites, elles sont pour
le moins assez peu connues et, pour mon compte, je ne pos-
sède pas d'autres renseignements généraux relatifs au roi des
merciers que les notions élémentaires que fournissent quel*
ques livres encyclopédiques (2).
Nous voyons qu'au moyen âge les merciers vendaient prin-
cipalement des objets de luxe. On trouvait chez eux les étoffes
de soie, l'hermine et le vair, les riches ceintures, les bourses
de soie, les broderies d'or et de perles, les gants, les boucles,
les chaînettes, les écrins pour joyaux, etc. Ces marchands
formaient une corporation établie déjà à Paris dès le xiir
siècle ; elle étendit ses ramifications dans les provinces et acquit
peu à peu une grande importance. Pour y être admis, il fallait,
(1) Tome XXIX, 482. La question n'est pas signée. Mais on trouve le nom de
son auteur (M. P. La Plagne Barris) dans le Sommaire des matières imprimé
sur la couverture de la livraison.
(Z) Du Gange, Glossaire, V Mercerius; — Le Bas, Diction, encyclop, de la
France, V Mercier; — Chéruel, Dl'itionn, histor. des institut, de la Fr,, v*
Merciers, Merciers (roi des), et aussi rois des arbalétriers; — Dictionn, de
Larousse, v'* roi et mercerie ; — Rambaud, Hist. de la cioilisaiion, I, 407.
Tome XXX. — Décembre 1889. 35
— 534 —
dit-on, avoir fait un apprentissage de trois ans et avoir servi
les maîtres trois autres années : la maîtrise coûtait 1,000
livres.
Les membres de l'association obéissaient à un roi des mer-
ciers, lequel était représenté dans les principales villes par
des lieutenants. Ce roi avait inspection des poids et mesures/
délivrait le brevet de marchand mercier, surveillait la qualité
de la marchandise et percevait divers droits. Sa charge fut
supprimée une première fois en 1544 et déflnitivement en
1597.
En dehors de ces quelques données, je n'ai recueilli dans
les ouvrages locaux que des mentions isolées et accidentelles
du roi et de la milice des merciers. Ces indications sont en-
core trop rares pour permettre d'ébaucher un aperçu d'en-
semble; mais c'est peut-être une raison de plus pour les
signaler et pour chercher ainsi à provoquer d'autres décou-
vertes sur une institution dont les vicissitudes dans notre
pays restent encore fort obscures. Si l'on me reprochait
aussi de présenter dans celte Revue des renseignements
qui appartiennent presque tous à des provinces voisines
et non à la Gascogne, je répondrais que le rôle du roi des
merciers ne devait guère varier dans les diverses régions du
midi, et que réunir et reproduire ici la série des textes qu'elles
nous ont conservés à ce sujet me paraît être, vu rinsuflisance
des documents particuliers à chacune d'elles, le meilleur
moyen de faire entrevoir ce que fut celte ancienne fonction
sur la rive gauche de la Garonne.
En commençant par les localités les plus éloignées, parcou-
rons la province du Languedoc.
En 1360, on voit J. de Gaudiac, de Saint-Sernin-du-Port,
roi des merciers dans tout le diocèze d'Uzès, tenir les foires
de Bagnols, et là, après avoir reçu le serment de Raim. Rocel,
en présence de divers merciers, nommer le même Rocel che-
valier des merciers et lui permettre d'exercer partout l'office
— 585 —
de mercerie^ en jouissant des privilèges de la corporation.
Le documenl où ce fait est consigné (1) appelle le corps de ces
marchands milice mitilaire des merciers, et nous allons re-
trouver d'autres exemples de cette dénomination (2). Pour
celte même partie de la province^ il est aussi question, en
1424-25, des compositions et des amendes qui furent réglées
par la sénéchausée de Beaucaire par-devant J. de Jaure, roi
des merciers du Languedoc.
En janvier et février 4393, M** Aimeric Nicolas, roi de la
noble milice des merciers, se trouvait à Sainl-Sulplce (Tarn).
11 v créa d'abord chevalier mercier Arn. Vidal, marchand de
celte ville qui lui prêta serment; et ensuite, ayant pris l'avis
de divers autres chevaliers de sa milice, habitants de Lavaur,
de Rabastens en Albigeois, de Gastelnaudary, et de Puygaillard
en Quercy, il nomma pour son lieutenant Picard Peyrot, de
Buzet, au diocèse de Toulouse. Ce lieutenant reçut, entre au-
tres pouvoirs, celui de créer à son tour des chevaliers mer-
ciers, et on le voit en effet quelques mois plus tard exercer
cette pérogative en faveur de R. Girma, marchand de Revel
en Toulousain (3).
M. du Bourg n'a pas eu l'occasion de citer le roi des mer-
ciers en s'occupant de la corporation de ces marchands éta-
blie à Toulouse (4); mais nous constatons encore pour le
Languedoc l'existence du roi des merciers en 1534, épo-
que où les Etats de la province chargèrent un syndic de
(1) Du Cange, Glossaire, v* mercerius. — l\ ne semble pas impossible que
ce document se rattache par l'un de ses personnages à l'histoire de la Gascogne.
\ On y indique en effet R. Rocel comme originaire de Chatillon Sulhan, archie^
I piscopatus Sauwiensis. Comme je ne trouve pas d'archevêché de ce nom dans
I le Dictionn, do statistique relig. de la collection Migne, je serais assez porté à
croire que nous sommes en présence d'une altération de la forme Auœiensls:
pour justifier cette leçon, il resterait cependant à retrouver dans le diocèse
d'Auch, ou peut-être même dans les diocèses suffragants, un lieu de CastiJlon
i Sulhan, mais je n'ai pu le découvrir.
(2) Hambaud, I, 407, rappelle qu'on trouve même des « chevalières de la mi-
lice militaire de la mercerie. »
(3) Nous avons trouvé les textes de ces nominations dans l'un des registres
des anciens notaires de Saint-Sulpice. Confér. Reoue du Tarn, VI, 233.
(4) Mémoires de la Soc, archéoL du Midi, XIV, 254.
— 596 —
poursuivre la suppression de cet officier à cause des extor-
sions qu'il commettait dans le pays (1).
Si nous passons maintenant en Guyenne, nous pouvons
faire un premier relevé dans un excellent livre de M. Tabbé
Rouquette, intitulé Le Rouergue sous les Anglais (2). En 1447
le roi octroya définitivement aux habitants de Millau trois foi-
res annuelles, et cet octroi fut annoncé par les soins des
consuls dans la ville et dans les environs; mais il restait à faire
la dernière proclamation qui n'était pas de leur compétence.
Il y avait à cette époque, à Paris et aussi dans les provinces (ce sont
les termes de M. Rouquette), une espèce d'officier ministériel, connu
sous le nom de roi des merciers. En vertu de sa charge, qu'il tenait du
roi, il devait assister à rétablissement des marchés et des foires; et,
comme sa juridiction s'étendait quelquefois sur plusieurs sénéchausées,
on lui donnait des lieutenants. C'était le cas de J. Barrault, établi roi
des merciers en Auvergne, en Grévaudan, en Quercy, en Limousin, en
Rouergue et ailleurs. Requis par les consuls de Millau de venir faire la
proclamation d'une des nouveUes foires, J. Barrault envoya pour le
remplacer Nicolas Ducrot. Celui-ci, arrivé à Millau, organisa la fête.
Il forma une petite troupe de miliciens pris parmi ses sujets, les mer-
ciers, et nomma pour son connétable le marchand J. Mora. Au jour fixé
pour la publication des foires, le lieutenant du roi des merciers, précédé
du crieur public, des trompettes, des ménétriers et du connétable, te*
nant l'épée nue à la main, escorté des milices et d'un grand nombre
de bourgeois, fait son apparition sur la place publique, avec les insignes
de sa charge et à cheval sur un bœuf; c'était sa monture officielle. Puis,
le cortège se met en marche, parcourt les rues et les places de la ville,
s'arrètant sur les points où il était d'usage de faire les proclamations
consulaires. A chacune de ces haltes, le crieur public, de sa voix la
plus sonore, proclame le don du roi et lit ensuite les règlements muni-
cipaux, qui avaient pour but de pourvoir à la bonne tenue et à la pos-
périté des nouvelles foires. Cette cérémonie eut lieu le 21 février (1448
n. st.), veille de la fête de saint Pierre, jour où commençait la foire
de ce nom. Elle fut répétée aux deux autres foires de saint Jean et de
saint Laurent, et présidée chaque fois par Jean Régis, marchand de
(1) Hiêt. de Langtied., édit. Da Mège. VIII» £66.
(2) Seconde édit. p. 487.
— 637 —
Rodez^ qui lui aussi se disait roi des merciers en Rouergue. Ce fat à ce
litre, et par suite d'un accord avec Nie. Ducrot, que le juge de Millau
le nomma commissaire*
Voici encore ce que nous lisons dans de Gaujal (i), et sous
la date 1482:
11 y avait alors dans 1{ comté de Rodez et les quatre châtellenies du
Rouergue un Roi des merciers appelé J. Gros, qui, par lettres du
20 de juin, fit don à G. Cance, du villagede Rayrat, dans le mandement
de Prades, de l'office de mercier pour acheter et vendre en toutes foires
et marchés. La principale fonction du roi des merciers était de visiter
et de vérifier, même dans les terres des seigneurs, les poids, les crochets
et les balances de tous les marchands. Ils étaient d'abord nommés par
le grand chambellan, et le furent par le roi de 1545 à 1597, époque à
laquelle ils furent supprimés.
 Montricoux^ arrondissement de Montauban, P. Ratoys^
roi des merciers en Languedoc, étant assis sur un bœuf, pro-
clama, le 1" septembre 1480, dans les rues de la ville, qu'il
ne s'opposait pas à ce que la foiré de Saint-Thomas fût leuue
ledit jour et maintint les consuls dans les privilèges que les
rois des merciers avaient accoutumé de leur accorder (2).
Nous rentrons en Gascogne avec un document qui est rela-
tif à Lavlt de Lomagne (arrondissement de Castelsarrasin).
Après la guerre des Anglais, la population de Lavit s'étant
considérablement accrue, ses consuls réclamèrent en 1478
la création d'une nouvelle foire à noble Guill. de Castillon^
qui visitait alors cette ville, et qui prenait le titre de roi et
maftre de tous les merciers dans le duché d'Aquitaine. Cette
faveur leur fut gracieusement accordée par une ordonnance
du 16 juillet 1478, laquelle porte qu'il y aurait chaque année
(1) Etud, histor. sur lo Rouergue, II, 335. — Le texte du document est dans
Doat, vol. 223, t 465.
(2) Docum. histor. sur le Tam-et-Gar,, par M. Moulenq, H, 243. — L'Inœnt,
dUis Archio. d'Albi (CC. 176) nous apprend que cette yiile ayant obtenu en
1420 une nouvelle foire, on en fit l'ouverture en promenant un bœuf, précédé de
musiciens. N'est-ce pas ici la même cérémonie qu'à Millau et à Montriooux, et
ce bœuf ne portait-il pas le roi des merciers f
— 538 —
une foire à la Saint-Michel de mai; les consuls donnèrent an
roi en échange de celle concession 6 francs bordelais et di-
verses friandises (4).
Enfin n^oublions pas la nomination du roi des merciers en
Armagnac, faite par le roi de Navarre en 4534, nominalion
qui a été publiée par feu M. P. La Plagne Barris et qui a
donné lieu au présent article.
Edmond CâBIÉ.
RÉPONSE
254. Une anthologie Bartassienne.
(V. la Question ci-dessus, p. 424.)
Léon de Cazenove de Pradines, maire de Marmande, ancien membre du con-
seil général de Lot-et-Garonne, président de la Société d'Agriculture d'Agen,
auteur de nombreuses et charmantes poésies qu'il n'a jamais voulu publier, ei
d'une tragédie qui fut reçue à la Comédie française, avait prcpar j une édition de
la Semaino de du Bartas ; élaguant beaucoup, ne conservant que les morceaux
importants, qu'il reliait par une courte note ou analyse, il serait parvenu à
nous faire partager l'opinion de Goethe sur Guillaume de Saluste, le premier des
poètes français. Il est mort. Son fils, le glorieux mutilé de Palay, le loyal et
énergique député de Nantes, M. Edouard de Cazenove a certainement conservé
les manuscrits de son père. Je me permets de signaler ce travail fait par im
homme aussi aimable qu'intelligent. L. Auoiat.
La question reste ouverte après cette communication du savant président de
la Société des Archives historiques de la Salntonge et de l'Aunis. Je veux y
ajouter ici que M. de Cazenove père, dont j'avais l'honneur d'être beaucoup
l'ami et un peu le pareot, m'a lu, dans la dernière visite que le lui fis (à la
Garenne, près d'Agen), une grande partie de son travail sur notre cher du Bar-
tas et que ce travail me parut fait avec tout le soin et tout le goût que l'on i>ou-
Tait attendre d'un critique accompli. U Introduction était écrite d'une plume
fine et charmante et il serait fort à désirer que nos deux Bartassiens pussent
en orner le recueil projeté. T. db L.
(1) Moulenq, ibid., Ili, 445.
GENTILSHOMMES LANDAIS
DU DIX-HUITIÈME SIÈCLE (*)
III
On sait que jusqu'en ces dernières années on pensait gêné-
lalementqu'autempsancienlanoblesse était à peu près illettrée.
«Nous entendons répéter chaque jour, disait M. Louandreen
1877 (1), même par des lettrés, que le moyen-àge a systéma-
tisé rignorance, que le clergé abêtissait les populations pour
les dominer, que les nobles ne savaient pas même signer leur
nom et s'en faisaient honneur, » Il s'empresse de protester en
des termes qu'il peut être intéressant de rappeler ici:
« Les nobles, pas plus que les vilains, n'étaient hostiles au savoir
et aux lettres. Ils se sont associés d'une manière brillante au mouvement
poétique du midi : témoins, Bertrand de Born, Guillaume d'Aquitaine,
Bernard de Ventadour. Les premiers chroniqueurs qui aient écrit en
français, Villeliardouin et Joinville, sont sortis de leurs rangs, et il est
inexact de prétendre qu'ils ont abandonné les magistratures au tiers-état
parccî qu'ils étaient complètement étrangers aux études de Droit, attendu
qu'en 1337, les enfants des plus grandes familles suivaient assidûment
ces études à l'université d'Orléans. Quant aux actes qu'ils n'auraient
pa5 signés, sous prétexte que leur qualité les dispensait d'apprendre à
écrire, ce qui serait, dit-on, constaté dans ces actes par les tabellions
qui les ont rédigés, ils n'ont jamais existé^ et l'on peut mettre le ban
et Tarrière-ban des paléographes au défi de produire une seule charte
où celte formule soit énoncée. »
Je ne sache pas que ce défi ait été relevé par les paléographes.
M. Léon Gautier, au contraire, a montré d'une façon positive
quelle était Finslruction d'un baron au xii* siècle (2). Il est
(•) Voir ci-dessus, livraison de juillet-août, p. 293.
(1) Los études historiques en France depuis 1871, (Reouo des Deuso-Mondes.)
(2) La cheealerie, pp. 143 et suiv.
— 540 —
vrai que, toujours d'âpres M. Louandre, la guerre de Cent
ans et les guerres de religion portèrent à renseignement pu*
blic, très florissant au moyen-àge, un coup fatal ; en sorte
qu'on a pu dire avec vérité qu'au xvn" et au xvm* siècles, « le
clergé des paroisses représentait la portion la plus intelligente
et la plus instruite de la population des campagnes (1). »
Chateaubriand (2) lui-même a constaté la même ignorance
de la noblesse en une page sévère mais profondément vraie :
« A voir le monarque (Louis XV) endormi dans la volupté, des
courtisans corrompus, des ministres méchants ou imbéciles,
des philosophes, les uns sapant la religion, les autres TEtat,
des nobles ou ignorants ou atteints des vices du jour, des ecclé-
siastiques à Paris, la honte de leur ordre, dans les provinces,
pleins de préjugés^ on eût dit une foule de manœuvres empres-
sés àdémolir un grand édifice. » Et cependant, on ne peut pas
dire qu'à cette époque plus qu'antérieurement la noblesse
ait été opposée à la diffusion de Tinstruction. Dès le xvi' siècle,
les trois ordres du royaume, dit M. Tartière (3), « y attachaient
une grande importance. Ils demandaient en 1560, aux Etats gé-
néraux d'Orléans, la formation, auprès de chaque église cathé-
drale on collégiale, d'établissements pour instruire la jeunesse
gratuitement et sans salaire. » — « Les Etats généraux de
1614», dit de son côté M. Louandre, « réclamèrent encore. La
noblesse fut la première à s'alarmer de l'ignorance de ses
tenanciers et, devançant, de plus de deux siècles, la loi
de 1853, les candidats à la députation et la Ligue de l'en-
seignement, elle demanda qu'un traitement fixe fât fait aux
instituteurs et l'instruction rendue obligatoire. »
En ce qui concerne spécialement les Landes :
Aire a son collège dès 1553, Saint-Sever a son premier en
(1) Théodore Meignan. Uive nouoelle source <t informations historiques, dans
la Reo, des questions historiques, janvier 1879.
(2) Etudes historiques,
(8) De l'instruction publique dans les Landes acant la Révolution et spéria-
lement en 1189,
— 541 —
i532> son second en 1699. Celui de Dax remonte au xvi'
siècle pareillement et celai de Monl-de-Marsan au xvii*. Au
xviu* siècle, d'un autre côté, des bourses étaient accordées
aux jeunes nobles de la province, à Bordeaux au collège de
Guienne. Il est vrai que ces âi£Eerents établissements traver-
saient des crises fréquentes qui les désorganisaient pour un
temps plus ou moins long. Aussi, en 1789, la noblesse des
Landes demande-t-elle encore en son cahier, qu'il soit formé
un ce établissement d'éducation nationale dans la Sénéchaus-
sée des Lannes, entièrement privée de ce précieux avantage
et très éloignée de tout secours de cette espèce (1) » .
On peut admettre» nonobstant ces divers empêchements,
que la plupart des gentilshommes dont nous nous occupons
possédaient une certaine instruction, puisqu'ils occupaient des
charges de magistrature. Pour les autres, c'est plus douteux.
M. de Rolye pourtant, ainsi que M. le comte d'Uza et mes-
sire de Fayard, mettent passablement une orthographe quel-
conque. Quant à M. Duvignac, qui parait être un des rares
gentilshommes oisifs du pays, sa signature trahit une certaine
recherche. Il est fâcheux, au point de vue du jugement que
nous sommes amené à porter ici sur son compte, qu'il ait cru
devoir céder à certaines inspirations trahissant trop leur par-
venu. Cetle réflexion nous est inspirée par la signature de ce
personnage, qui subit, de 1721 à 1724, une modiQcation
complète. A la première de ces deux dates, il signe encore
Duvignac; à la seconde, il signera : himizan (2) !
Voilà, si l'on veut, pour l'ignorance. Voyons pour les
« vices du jour », comme dit Chateaubriand. A la fin du
xvni* siècle, un curé de l'Orléanais constatait que < les grands
et les personnes en place » n'avaient absolument aucune reli-
gion. — f II n'y en a plus », disait-il, « que dans ceux du
(1) Arch, parlementaires de 1787 à 1960, par MM. J. Mavidal et L. E. Lau-
rent, t. m, cités par M. Tartière.
(2) Arch. not.» acte du 7 mars 1724. — En 1730 (acte du 29 juillet) Jacques
Dessans» à Mimizan, s'intitulera « valet de chambre io M» Miini«ao »,
— 545 —
second rang et dans nos campagnes. En les villes, le lune,
les dépenses sont à leur comble et le débordement du vice
ne reconnaît ancun frein. Deus miserealur nostri! (1) » Celle
opinion d'un prêtre obscur de campagne esl absolument con-
forme au jugement général porté sur le xvm* siècle. C'est
pourquoi nous pouvons le citer ici. Les Landes, en leur qua-
lité (!e campagne, de campagne reculée, de campagne pauvre,
furent certainement à Tabri de cette contagion du siècle. Elles
avaient leurs vices locaux, traditionnels, et anciens sans
doute : Tivrognerie, le libertinage. Les curés les signalent à
maintes reprises et les flétrissent dans la personne du pay-
san. Certes, ils n'eussent point manqué d'y faire au moins
de fugitives allusions pour peu que les nobles se fussent
montrés accessibles aux vices de leurs tenanciers. Le curé de
Mimizan ne néglige pas de rappeler les contestalions soule-
vées par le seigneur; celui de Pontenx n'omet pas de signa-
ler les usurpations de la famille de Rolye, sa récente conver-
sion, ses habitudes d'absentéisme. Si même un simple acci-
dent se produit, il le révélera, non pas avec la liberté de cer-
tains curés qui, comme celui du Porge que cite Billaudel (2),
caractérisait, sur les registres des sépultures, la vie du défunt
des épilhèles de : « ivrogne, paresseux, menteur », mais
simplement, et il écrira, par exemple : « Le 18 du mois
de mars 1746, est née et a esté baptisée une fille des œuvres
de M. de Serres et de Marguerite. Ddpuchs, sa servante (3).»
Ainsi, sans réclamer pour eux des prix de vertu ou des cou-
ronnes de rosières, nous sommes autorisé à croire qu'à tout
le moins ils ne provoquaient pas de scandale.
Leurs distractions, leurs plaisirs devaient se réduire à fort
peu de chose et j'imagine que la chasse occupait surtout
leurs loisirs. C'est le plaisir landais par exce llence. Sans
(1) Cité par Théodore Meignan, article oit«^.
(2) Les Landes en 1826. Bordeaux, 1837, p. 90.
(3) Etat dvil de Pontenx.
— 643 —
rechercher où M. Elisée Reclas a vu les seigneurs du moyen
âge chassant dans les dunes le cerf, le sanglier, le che-
vreuil (1), Ausone, qui connaissait tant le pays, neparle-t-il
pas en plusieurs endroits des attraits qu'offrait sous ce rap-
port la terre des Landes à son ami Théon? — « Comment va
ta santé », lui écrit-il, « au bout du monde où est ton
gîte, poète laboureur de sables?.. Quelle vie mènes-tu sur
les plages des Médules?.. Ne vas-tu pas, avec ton frère, enve-
lopper dans tes mailles et tes longs réseaux emplumés les
cerfs errants par les halliers sauvages ou poursuivre de tes
clameurs le sanglier écumant et le pousser dans tes piè-
ges (2)? » Et sur ces étangs bleus, et sur ces rivières mugis-
santes (5) du littoral, et dans les vignobles et les landes du
temps, ne tuait-on pas déjà « la grive au croupion dodu et
blanc », et « les canards aux pieds rameurs (4) » , et quelques-
uns de ces lièvres auxquels Nammalias tendait des rets,
aux plaines d'Oléron (5)? Ne sont-cc pas ces derniers, les liè-
vres, qui ont donné leur nom au bourg dé Labrlt (6), comme
leurs congénères, les lapins, ont baptisé un village voisin,
Garein (7)? Au reste, chacun sait que la bêle noire n'a pas
complètement déserté nos dunes et nos pignadars et Saint-
Ci) Noueelle géographie unioerselle. France, pp. 93 el suiv.
(2) Quid geris, extremis positus telluris ia oris,
Cnltor arenaruiu vatesT...
Quam tamen exerces Medulorum in litore vitamî...
An cum fratre vagos dumeta per a via cervos
Circumdas maculis, et multa indagine pinnaef
A ut spumantis apii oiirsum clamoribus urges,
Subsidisque feroî Cp. 145.)
(3) Te stagais ego cseruleis, magnumque sonoris
Amnibus, asquorcse te commendabo Garumnaî. (P. 122.)
(4) Tum quas vicinae siiggessit prseda laoun?e,
Anates maritas junximus
Remipedes... (p. 144.) Ed. Nisard.
(5) « Et insidiari lepusculis Olarionensibus d. Sidoine Apollinaire. Lettre
XXXVII. Ed. Nisard.)
(6) De Leporetum.
(7) Garenne? Dans Aureillian on remarque (Arch. not., acte du 18>oût 1773),
« le bois des Gonins », ainsi appelé sans doute parce que les lapins (cunicuU
d'où l'on a fait le Tieux mot « connins ») y pullulaient.
Amans (1), en 1818, la signalait encore, concurremment avec
le chevreuil dans les forêts de Salles. Et puis, il y avait les
renards, dont la chasse est si attrayante, et les loups, nom-
breux, à cette époque, dans toute la contrée. Une gravure,
en léte du volume de Saint-Amans, représente une de ces
dernières chasses : au premier plan, un berger et son trou-
peau, plus loin la lande avec ses pins clairsemés, et un loup*
aux trousses duquel galopent une meute et un cavalier son-
nant de la trompe. Parmi les différentes espèces de gibier très
abondant alors dans le pays« il convient de citer encore la
bécasse comme ayant laissé le plus de souvenirs. Nous avons
cité ailleurs (2) ce prieur de Mimizan qui> en 4773, exige
d^un de ses fermiers, six paires de bécasses par an. On
ménageait dans les pins des clairières appelées « fenêtres à
bécasses» pour les attirer, et les tuer plus commodément. Une
de ces fenêtres, entre autres, se rencontre dans une
pièce de pins vendue par un paysan à un autre paysan,
en 4721 (3). Une fois prise, il s'agit de la préparer et là se
trahit un rafûnement culinaire encore en usage aujourd'hui.
Nous voulons parler de Topération qui consiste à « flamber
la bécasse », opération qui s'exécute avec un petit instru-
ment spécial : « le flamboir (4) » . On chassait aussi la pa-
lombe avec des filets (5). Et là, il nous est permis d'imagi-
ner la monotonie sévère des grands pins rompue par la note
claire d'une robe de satin ou d'une « houpelourde de toile
peinte » . Et l'on se livrait déjà à la triste et peu intelligente
distraction qu'on appelait alors comme maintenant « la chasse
aux petits oiseaux (6) » . Mais les Landais du xvni* siècle ne
(1) Voy. agricole, botanique ot pittorosque dans une partie des Landes,
Agen et Paris, 1818.
(2) Les curés de campagne au xviii* siècle, (Correspondant des 25 septem-
bre et 10 octobre 1887.)
(3) Arch. net.» acte du 15 juin 1721.
(4) « Un flamboir ». Acte du 11 vendémiaire an vi.
(5) « Une paire de Ûllets pour prendre lespalomes ». — Ibid.
(6) « Un âUet pour les petits oiseaux, un autre en soye pour les mûrierg ».
Ibid.
— 545 —
poussaient pas sans doute Tinconséquence, ainsi que font
leurs descendants du xix% jusqu'à se plaindre ensuite de la
dévastation de leurs jardins par les insectes de tout genre.
Quoi qu'il en soit, on voit que nos gentilshommes n'avaient
que rembarras du choix.
IV
Un des points les plus curieux à étudier est celui des rela-
tions des nobles entre eux et de ceux-ci avec les autres clas*
ses de la société. Nous en avons eu dans ce qui précède
quelques exemples que nous rappellerons en leur place et
nous n'hésiterons pas davantage à redire ici ce que nous
avons dit ailleurs touchant les rapports de nobles à curés.
Ces rapports, avons-nous remarqué, n'étaient pas toujours
aussi bons qu'on le pourrait supposer. A Pontenx, en 1729,
le curé se plaint de ce que le seigneur était «huguenaut » .
C'est en cette qualité sans doute que ses ancêtres s'étaient
emparés vers 1630 de la « maison presbytérale » pour y
bâtir leur château. Un procès s'en était suivi. Mais en 1731,
les vieilles querelles se sont assoupies, « la famille du sei-
gneur est de nouveau convertie », et le procès pendant en la
Cour n'est plus poursuivi (1). A Mimizan, le curé a aussi à
se plaindre du seigneur qui lui intente procès « pour des
vétilles ». En effet, on trouve en 1730 (2), un acte par
lequel —
Noble Jean Marc Duvignac dit et remontre à M. M* Bernard
Bouty^ curé de Mimizan^ que les droits honorifiques sont dûs au sei-
gneur haut-justicier réglés par les arrêtés du parlement de Bordeaux
et par toutes les autres cours du Royaume. Néanmoins le dit sieur
Bou ty n'a jamais tenu comte de les y donner q ueUe sommation verbaUe que
(1) Procès verbal de visite de Téglise de Pontenx. (Arch. de l'arch. de Bor-
deaux.)
(2) Ajch. not. Acte du 27 mars.
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le dit sieur Duvignac luy ait fait, ce qui loblige de sommer le dit sieur
Bouty de lui donner les droits honorifiques à luy dus en ladite qua-
litlé... ce faisant luy donner PEau Bénite le jour de dimanche à la
messe paroissiale par présentation du houpillon^ le nommer aux priè-
res nomminalles distinctement, luy donner les enoenscmens les jours
des grandes messes parroissiales en se tornant du cotté de son bancq,
et aux vespres au cantique du magnificat, et lors des encensemens ordi-
naires se transporter devant son bancq pour faire lesdits encensemens;
et luy donner le premier la paix à baiser, le recevoir le premier a lof-
frande, et faire la bénédiction du pain pendant la messe et après le
canon pour qu'il puisse luy estre presanté le premier, déclarant ledit
seigneur qu'il se rendra dimanche prochain à la messe parroissialle, et
faute par ledit sieur curé de satisfaire à tout ce dessus ledit seigneur
requérant proleste contre luy de tout ce qu'il peut et doit protester.
Le curé répond qu'il est prêt à rendre ces honneurs; tou-
tefois, comme « c'est un droit nouveau dans ladite esglize, il
se réserve de se pourvoir si le cas y eschoit par devant qui
la cognoissance en appartiendra ». En 4751, il y a contesta-
tion pendante entre le curé et le seigneur à propos d'un che-
min dans le cimetière (1).
A côté de cela il est certain que les nobles entretenaient
parfois d'excellentes relations avec les curés. Elles ne parais-
sent pas avoir été toujours aussi tendues entre celui de Pon-
tenx et la famille de Rolye. En 1774, le curé loge son bou-
vier dans une maison du seigneur (2) et on ne dit pas que ce
soit à litre de bail. Celui du Vignac, en 1663, confond si
bien ses intérêts avec ceux de la dame seigneuresse du lieu
qu'on n'hésite pas à dire que « il est homme de sa mai-
son (3) » . Il est vrai que le mot émane d'un personnage qui
avait à se plaindre également de la dame et du curé.
De seigneur à seigneur, certains froissements aussi étaient
inévitables, comme ils le sont, de nos jours, entre grands
propriétaires voisins. Mais ce qu'il est intéressant de mettre
(1) Procès verbal de visite de l'église de iMimizan. (Arch. de Tarchev. de
Bordeaux.)
(2) Arch. not. Acte du 31 décembre.
(3) Arch. de Tarchev. de Bordeaux. Requête.
— 547 —
en relief, ce sonlles procédés. En 1770, le comte de Rolye,
pour garantir les landes de l'incendie, y fait pratiquer « un
i^Biveleii ou espèce de fossé (1) ». En quoi ce travail nuisait-il
à M. Forest, seigneur de Bouricos? Constituait-il une entre-
prise contre la propriété de ce dernier? On le laisse suppo-
ser. Ce que nous savons, c'est qu'instruit de la chose, il se
rend sur les lieux, accompagné de trente hommes et armé de
pistolets. « Après avoir uzé de. plusieurs menaces à Tégard
des travailleurs et les avoir épouvantés », il leur fait combler
le fossé. Puis il élève un parc à la place. « Le tout seroit suf-
fisant pour prendre la voy criminelle, mais M. de Rollye se
contente de demander dans la huitaine le rétablissement du
fossé ou parefeu et l'enlèvement du parcq (2) ».
Entre seigneurs et bourgeois, c'est un peu la même chose,
j'entends quand les bourgeois étaient gros propriétaires
fonciers et que leur fortune les rapprochait de la noblesse.
M. de Salusse est en compte avec Bonnan, de Mézos, à la
fin du XYU!"* siècle. Bonnan paie pour lui des frais, des trans-
ports, des impositions; pour lui, il reçoit des prix de vente
de résines (3). En 1742, madame Marip-Anne de Soustras,
seigneuresse de Mimizan, est marraine d'une fille de bour-
geois (t). On se prête de l'argent (5), on se vend ou on
s'achète des terres (6) et des métairies; il se trouvera un
bourgeois pour « supplier très humblement ^ un noble, dans
son testament de vouloir accepter une pièce de pignadar à
Sainte-Eulalie, à Maunains et deux autres à Saint-Paul dont
(l) Ces ouvrages de défense sont anciens dans le pays. Dans le terrier de Pon-
tenx, qui contient des exporles de 1661 à 167:^, le « vireffeu » sert souvent de
limite aux propriétés. Enfin on trouve, dans la matrice de Pontenx, la dénomi-
nation cadasU^le : a birehucg m, qui assigne à ce genre de travail une ancien-
neté plus grande encore. Quoi qu'il en soit, la comparaison que Ton fait du pare-
feu avec une espèce de fossé, indiquerait que le travail n'a pas toujours été fait
comme il Test de nos jours.
(2; Arch. not. Acte du 25 janvier 1770. i
(3) Papiers de la famille Luxey, à Mézos. Pièces de 1787 et années suivantes.
(4) Etat civil de Mimizan.
(5) Arch. not. — Notanunent actes des 18 août 1719 et 15 mai 1735.
(6) ibid. Acte du 3 octobre 1739 notamment.
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Tune à la Martiaut (1). Cela, naturellement, n'empêchera pas
les procès ensuite (2), et dame Marie de Barbotan, tout
abbesse qu'elle est de Tabbaye Sainte-Claire de Monl-de-Mar-
san, fera saisir en 1752 Jean Saint-Martin, un autre bour-
geois, pour des arrérages de rente (5). Ces revirements dans
la nature des relations sont de tous les temps. Ce qui est peut-
être plus spécial à Fépoque, ce sont la haine que porte, en
1665, dame Isabelle de Sainte-Maure, comtesse d'Uza et du
Vignac, à Pierre de Neurisse, juge de la baronnie de Magescq,
pourvu de l'office de monge et sacristain de Tèglise du
Vignac, et les vexations qu'elle lui fait subir. Elle lui en-
lève ses bestiaux, ses mouches à miel, ses meubles, elle les
emporte au château d'Uza, elle fait défense aux fermiers et
commis dudit sacristain de faire le service, sous peine d'être
maltraités. On va jusqu'à les sortir du clocher dont on enlève
les clés. On les rendra quelques jours plus tard, mais par
dérision pure, car on change les serrures. Le sacristain
recourt à l'archevêque, en obtient un monitoirequi est publié
à l'église. La dame y fait faire des oppositions par son pro-
cureur d'office. On la cite pour dire ses causes d'opposition:
elle fait défaut. En présence de l'autorité de l'archevêque, elle
semble pourtant s'adoucir. Vaine apparence. Le pauvre
sacristain est contraint de quitter le pays, car, dit-il, « sy
lad. dame et le seigneur compte d'Uza son fils, quy sont des
personnes puissantes et d'authoritté dans leur terre et qui ont
leur château d'Uza dans lad. parroisse du Yignacq, scauoict
que le suppliant fust un moment dans ce lieu ils luy fairoict
hoster la vie comme ils ont entreprins asses souuant (4). » 11
ne paraît pas que les bourgeois, dans des circonstances analo-
gues, aient employé d'autres modes de vengeance que des
plaintes adressées aux autorités compétentes et des procès,
(1) Testament de Henri François de Saint-Martin, du 21 novembre 1736. (Note
communiquée par M. le curé de Mimizan).
(2) Arch. not. Acte du S juillet 1764.
(3) Note de M. le curé de Mimizan.
(4) Arcli. derarchev. de Bordeaux. Requête.
— 549 —
Mais tout autre la conduite des paysans. Avec eux, quand
les nobles entreprendront de les tourmenter ou même peut-
être sans provocation, nous tomberons dans la petite guerre
sournoise, anonyme, guerre de coups d'épingle, inoffensive
en somme, qui ne tue ni ne ruine, mais qui, sans cesse
agissante dans les moindres riens, énerve et fatigue à la
longue. Le paysan du xviii' siècle, le fait est constaté dès
longtemps, ne se résigne plus facilement à courber la tête et
à se taire. Qu'on en donne telles explications qu'on voudra,
il est incontestable qu'un souffle d'indépendance a passé sur
les têtes. Dès le début du siècle, au reste, des esprits attentifs
et qui avaient su garder leur liberté de penser et de dire
signalaient d'une façon saisissante l'évolution rapide à
laquelle ils assistaient. N'est-ce pas Fénelon qui, en 1709,
disait du gouvernement et de l'organisation séculaires de la
France cette parole remarquée : « La vieille machine se bri-
sera au premier choc. »
Et d'abord, pris en masse et comme membres de la com-
munauté, les paysans, nous avons eu plusieurs fois occasion
de le montrer, offraient une résistance très ferme et la plupart
du temps très sage aux empiétements des seigneurs. En 1777,
Pierre Tassard, seigneur de la Ruade (1), désire s'approprier
par voie de perprise (2), une étendue considérable de lande
attenant à ses vacants sur la paroisse de Lue. Il a fait faire,
à cet effet, des « proclamats et affiches sur la place publique,
issue de messe. * Mais les habitants s'assemblent capitulaire-
ment et, considérant que cette perprise porterait un préjudice
considérable à la communauté, « soposent formelement à ce
qu'il saproprie en tout ny en partie les courgeiresdonts'agit...
que par justice il en soit autrement ordonné; dans laquelle
opposition les comparants sont fondés aux termes de la cou-
ci) n agissait au nom de sa femme « dame Julie Pic de Biais, » c'est pourquoi
nous le citons ici. Arch. not., acte du 23 juillet.
(2) Droit qu'avait anciennement tout propriétaire d'augmenter sa propriété aux
dépens des terres vacantes qui l'entouraient.
Tome XXX. 36
— 550 —
tume localle, privilèges et usages de là juridiction, le soment
de se renfermer dans les bornes de ses légitimes posses-
siens... »; faute de quoi «... les comparants prendront la voye
rigoureuse pour le faire condamner à quitter et déguerpir... »
Même conduite à Pontenx en 1769. Les habitants « voyent
avec douleur que M. le conte de Rolye s'est porté à les trou-
bler dans le droit et la possession où ils sont de Tusage des
landes, bois, padouens, passages, herbages et foreslages de
ladite seigneurie, réglés entre l'auteur dudit seigneur et les
deuan tiers desdits habitans», de même que ceux achetés par
transaction du 10 nove iibre 1599 (1). M. de Rolye prétendait
se faire payer certaines contributions à raison de la jouissance,
par les habitants, de ces landes qui leur appartenaient.
Gomme ceux-ci résistent, une plainte est faite « en la maîtrise
particulière de Guienne. » La communauté nomme un syndic
pour soutenir le procès (2). En vain M. de Rolye, qui peut-
être sentait sa cause mauvaise, essaie-t-il d'intimider le syn-
dic; celui-ci refusant d'agir, on le remplace par un autre (5).
A Mézos, en 1760, Pêtre et Magnes qui, en leur qualité, l'un,
d'acquéreur de terre noble, l'autre, d'ancien garde du corps,
ainsi que nous Tavons dit, tranchaient du gentilhomme, pré-
tendent imposer aux habitants des rôles de taille arbitraire-
ment dressés par eux, concurremment avec le collecteur qui
était à leur dévotion. Mais les habitants ne s'y méprennent
pas et font preuve d'une grande présence d'esprit. Ils se
retirent, protestent et malgré des essais de récidive de la part
de ces messieurs, obligent le collecteur à faire les rôles sui-
vant les formes (4).
(1) Cette transaction aurait détruit les effets d'un arrêt de la cour de parlement
de Bordeaux du 8 avril 1596, rendu contre les « syndicqs des paroisses de Saint-
Paul, Sainte-Aulaye, Àureillan, Castes, Pontenx et Parentis, et aux termes
duquel le seigneur de Rollie avait été autorisé à bailler à fief les landes, vacants»
boscs, padouensages, herbages et forestages, aux fins destre réduits en oulture. o
Papiers de madame veuve Delest, à Pontenx. Aveu.
(2) Aroh. not. Acte du 4 mai 1769.
(3) Arch. not. Acte du 23 juillet 1769.
(4) Ibid. Acte du 2 mars 1760.
— 551 —
La lutte est plus longue et plus mouvementée encore à
Mimizan. Quelles exigences n'avait pas M. Buvignac? nous
avons vu ses prétentions vis à vis du curé et des habitants. Il
avait fait publier « clandestinement (ce sont les habitants qui
parlent) un dénombrement très préjudiciable à la commu-
nauté. » Celle-ci y forme une opposition énergique.
Ils demandent qu'on raye du dénombrement ce qui concerne la taxe
des vin, pain, viande, poisson et autres choses. Ils font opposition
pour le droit d*herbage sur les bestiaux des pasteurs béarnais et étran-
gers, pour les droits de carnelage sur les bestiaux étrangers ou sur
ceux de la paroisse... Ils s'opposent à ce qu'il s'arroge le droit défaire
porter le poisson dans sa maison, l'usage étant qu'on doit le porter sur
la place publique pour y être vendu publiquement aux habitants de
Mimizan par préférence aux étrangers; à ce qu'il ait d'autres droits
dans la paroisse que celui de la justice et des honneurs qui lui sont
dus; à céqueledit du Vignae ait le droit de posséder noblement lamaison
qu'il prétend seigneuriale, ni autres biens, ne les possédant que comme
un des habitants, étant cotisé à la taille et autres impositions du roi.
Ils s'opposent enfin à ce que ledit du Vignae puisse posséder le grand
et le petit bois dcMaumen et autres landes vacantes, le tout appartenant
à la communauté (1).
Ceci se passait au commencement de 1731. Un long pro-
cès s'ensuivit pour lequel la communauté s'endetta. En
4 ans, elle emprunta 1902 livres (2). Enfin au commence-
ment de 1735, elle obtint un arrêt contre le seigneur (3).
Malgré cela Du vignae exigeait encore que les pêcheurs lui
portassent le poisson préalablement à Texposition qui en
était faite pour la vente, sur la place publique (4).
Messire Jean Estienne Forest Colomb, seigneur de Bouri-
cos, est bien exigeant aussi vis-à-vis des habitants. Etant
« seul fonctier » de la paroisse, « il a pris la précaution de
(1) Communiqué par M. le curé de Mimizan.
(2) Arch. not. Actes des 26 mai 1733, 15 février et 7 mai 1734, 26 avril 1735.
Le remboursement fut long et difficile. C'est seulement quarante ans plus tard
que la communauté put se libérer entièrement. Arch. not., actes des 17 juillet
1740, 16 août 1767, 16 mars et 20 septembre 1772.
(3) Arch. not., acte du 26 avril 1735.
(4) Ibid., acte du 31 mai 1738.
— 552 —
faire faire un parefeu tout à Tenlour et à une cerlaine dis-
tance des pignadars qu'il possède », et voilà que,
au mépris de Tarrest de la cour de parlement de Bordeaux concernant
lesincendies à la date du 16 juin 1755, les pasteurs ont eu la témérité de
mètre le feu le 17 mars 1778 à la lande. Sy le feu avait eu la même force
qu'il auroit dans une autre saison il auroit infailliblement insendié
toute la paroisse de Bouricos.
Voilà le danger couru; voici le remède appliqué :
Défense de mener les bestiaux sur la lande en quel tems et saison
que ce ce soit, prohibition aux habilans de ne pas entrer ny se prome-
ner eux mêmes ny aucun de leurs familles dans lesdits biens ny sur
la lande pour quelque cause ou raison que ce puisse être, étant sensé
et positif que toutes les fois qu'ils y vont ce n*est que pour y faire quel-
quelque avarie... faute de quoi les bestiaux seront pignorés et menés
au parcq de justice, pour être ensuite procédé contre les délinquants
aux formes de droite et pour eux, s'ils y sont surpris, il prendra contre
eux la voix (aie) rigoureuse de la justice dans Tobjet de les faire punir
comme perturbateurs du repos peubliq et incendiaires. [Au surplus]
il n'entant pas priver les habitants de passer par les chemins peubliqs
etautres routes ordinaires pourallerdans les paroisses circon voisines (1).
En effet il n'eût plus manqué que cela. Ne se trouvait-il
donc pas près de M. Foresl Colomb quelque ami dévoué
pour lui rappeler que la colère est mauvaise conseillère?
Pris isolément, les paysans ont des rapports fréqnents avec
les gentilshommes. Non seulement ils sont fermiers et méta-
yers des seigneurs, mais ceux-ci ne dédaignent pas de faire
avec eux ces arrangements si communs dans les Landes et
qui y portent les noms de « gazailles, » de « consorces. »
Le seigneur deMimizan, Duvignac, fait en 1721, une «con-
sorce d'abeilles » avec un paysan. Chacun d'eux met en un
apier cinquaate ruches, pour sept ans. Le paysan devra les
soigner « eu bon père de famille, » et, pour sa peine, il
prendra une parlie des bénéfices en plus de ceux qui, de même
(1) Arûh. net., acte du 20 mars 1778.
— 553 —
que les frais, seront partages par moitië (1). Les gazailles de
bestiauxnesoDtpas précisément rares non plus (2). M. de Rolye,
en \ 770, fait le commerce des bœufs avec un paysan. 11 lui four
nil moilié de Targent nécessaire; on partage le gain et la
perte (3). En 1778 (4), il partage avec un cabaretier de Castes
« un pignadar, brocar et places vuides », qu'ils possédaient
indivisément. En 1779, nous le voyons presque faire de la
banque. Un hboureur de Mimizan avait déposé entre ses mains
une somme de 3,000 livres quMl parait lui rembourser ensuite
au fur et à mesure de ses besoins (5).
Par la création des forges qui jusqu'à nos jours n'ont plus
cessé de fonctionner, M. de Rolye peut être considéré comme
un des bienfaiteurs du pays. Sa sollicitude pour ses ouvriers
se révèle dans une pièce où il est question de la fondation
d'une chapelle près de son établissement métallurgique.
?a forge est distante de l'église « d'une grosse demi lieue, »
dit-il; « il a veu avec bien de la paine que parmy la grande
quantité du monde qui ce trouve occupé au travail beaucoup
ne se rendoient pas à la messe les dimanches et festes, surtout
en hiver. Il y a d'ailleurs des gens proposés pour la garde du
fourneau qui ne peuvent pas le quitter. C'est pourquoi il a
faitbatlir une chapelle à la forge » (6). S'il chasse et maltraite
des ouvriers des fourneaux et forges d'Uza, vers la même
époque, c'est probablement parce que ceux-ci venant extraire
du minerai à Mimizan pour le compte du seigneur d'Uza,
leur maître, il les considérait comme empiétant sur sa pro-
priété (7).
Au commencement du xvm* siècle, le comte d'Uza fonde
une mission dans l'église de Vignac. On la fait tous les douze
(1) Arcb. not. Actes des 25 mars 1721 et 6 février 1736.
(2) Ibid. Acte du 20 avril 1729 notamment.
(3) Ibid. Acte du 23 juiUet 1770.
(4) Ibid. Acte du 7 septembre 1778.
(5) Ibid. Acte du 1" mai 1779.
(6) Arch. de Tarchev. de Bordeaux, Requête du 10 janvier 1770.
(7) Ine. 6om. des arch, du dép, des Landee, B. 19,
— 564 —
ans (1). Gomme les curés, les seigneurs permetteot à certains
paysans de faire faire parle notaire leurs actes au château (2),
et parfois même ils consentent à servir de témoins (5). En
1773, M. de Rolye marie son jardinier avec une de ses filles de
service. Il assiste naturellement au mariage et signe Tacte de
rétat civil (4). En 1771, le seigneur de Bouricos assiste de
même au mariage d'une de ses filles de service (5). Messire
de Gastetja, seigneur de Mëzos, est moins heureux dans le
mariage d'un paysan, qu'il projette concuremment avec le
curé. Maurice Gaule doit épouser Marie Barbeyron. 11 est con-
venu que le mariage se fera au commencement de mars.
Mai arrive et toutest sur le point de se rompre. G'est que le père
Barbeyron, dont la conduite est, parait-il, des plus irrégulières,
< voulant mettre le comble à ses dérèglements dont il suit le
torrent, s'est retracté et désavoue les conventions qui sont
l'ouvrage de deux personnes respectables » (6). M. d'Artigue
d'Ossaux, enfin vers 1752, paie annuellement 35 1. 10 s. de
pension pour la nourriture et l'entretien d'un orphelin de
Bias (7).
A côté de ces bons procédés certaines brutalités de paysans
vont forcément détonner. Gonstituaient-elles de la haine pure
et simple et sans motif avouable ou bien une vengeance ayant
un semblant de légitimité? La provocation pouvait venir non
seulement des nobles eux-mêmes, mais encore de leurs agents :
gardes, receveurs, fermiers; carsouvent pour se décharger du
soin et des difficultés de recouvrement des renies qui leur
étaient dues, les nobles affermaient ces rentes moyennant une
somme fixe à un tiers qui entrait alors directement en rapport
avec les tenanciers. Ges intermédiaires se montraient souvent
(1) Arcb. de l'archev. de Bordeaux, visite.
(2) Arch. not. Acte du 12 juin 1775 notam.
(3) Ibid. Acte du 28 septembre 1739 notara.
(4) Etat civil de Pontenx.
(5) Arch. not., acte du 28 octobre 1771.
(6) Ibid. Acte du 7 mai 1779.
(7) Note de M. le curé de Mimixan.
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insupportables. Leur arrogance était même parfois d'autant
plus grande que la situation de leurs maîtres était moins bri^
lante. Nous avons sous les yeux, en écrivant ceci, des reçus de
lods et ventes délivrés par Thumble receveur d'une humble
famille noble. Ce personnage s'exprime ainsi : «Je soussigné,
receveur.,., reconnais avoir reçu de Tacquéreur dénommé... la
somme de. . ., à quoifaibien voulu me restreindre. » Ailleurs il
écrira : « à quoi j'ai modéré le droit seigneurial (1 ) » . Des imper-
tinences dans ce goût-là peuvent expliquer bien des petites cho-
ses. Ne dirai t*on pas, en vérité, le : « car tel est notre f^isir, »
du roi lui-même? Le comle de Rolye avait en 1769 un garde
dont les exploits ont dû soulever plus d'une colère. Pierre
Robin, c'était son nom, se qualiOait tantôt : « garde des eaux
et forêts » , tantôt plus modestement : «garde chasse» (2). C'est
lui qui verbalise notamment contre les habitants qui refusent
de payer les contributions exigées par son matlre; c'est lui qui
pignore les bestiaux surpris dans les propriétés de M. de Rolye.
Peutélre verbalise-t-il encore à la suite d'un vol de fer et d'acier
fait aux forges (5). Bref, « le 20 mars 1776, jour de mercredy,
à six heures du matin, un inconnu tire sur lui un coup de
fusil dans le bois de la Tareyre » (4). Sans doute on voulait ainsi
lui faire payer ses dettes, capital et intérêts. Le coup manqua^
car on revoit la victime dans la suite. M. de Rolye dut cer*
tainement faire rechercher l'auteur de l'attentat, qu'il ne
parait pas toutefois avoir découvert. M. Duvignac avait été
plus heureux auparavant, dans un cas analogue. Le 7 octo-
bre 1736,
il auroit donné ordre à son domestique de mettre un cheval robe iza-
belle au vert... lequel seroit entré avecq d'autres chenaux dans le champ
que trauaille Simon de Menant dit hillote destain laboureur... auquel
ledit Menaut auroit tiré ou fait tirer un coup de f uzj a gros plom, tel-
(1) Papiers de l'auteur, pièce de 1786.
(2) Arch. not. acte du 4 mai 1769.
(3) Ibid. Acte du 9 décembre 1776.
(4) Etat civil de Pontenx, notes de Dufau.
— 556 —
lôment que ledit cheval se trouve blessé aux quatre jambes, aux ja-
rets, aux cuisses et au flan, tellement qu'il est à craindre qu'il ne
meure desdites blessures.
M. Duvignac abandonne le cheval à Menaul,
pour en faire ce qu'il trouvera à propos et pour cest effet... luy dé-
clare qu^il va faire mettre tout présentement ledit cheval ches Jean de
St Jours, tailleur d'habits..., pour qu'il le traite aux périls, risques et
fortunes dudit Menaut.
Au surplus, il se réserve « de se pourvoir contre luy ainsy
qu'il auizera pour le contraindre au paiement dud. cbeua),
protestant. •• de tous les dèpans, domages et intrels » (i). Et
dès lors on n'entend plus parler de rien. 11 y a lieu de croire
que raffaire s'arrangea comme s'arrangeaient la plupart du
temps à celte époque ces affaires qui s'annonçaient à leur
début comme devant être grosses de conséquences. C'est ainsi
qu'en 1775 «certains quidams» ayant « thué pareillement
d'un coup de fusil une vache » qu'un sieur Raba, de Pon-
Xenx, destinait à la boucherie, on convient d'un prix pour
étouffer toute tentative de procès (2).
En outre de ces agents et de ces gardes, les seigneurs avaient
encore à leur dévotion la plupart des officiers de justice qu'ils
nommaient et les notaires. «Chaque gentilhomme »,dit Loyseau
«veut avoir son notaire à sa porte qui refera trois fois s'il est
besoin son contrat de mariage ou lui fera tant d'obligations
antidatées, si les affaires se portent mal, ou s'il y a un coup à
faire : notaire qui, de longue main, se pourvoit de témoins
aussi bons que lui, ou bien qui en sait choisir après leur
mort de ceux qui ne savoient signer». En 1656, on peut
dire de m* François de Castetja qu'il est le • procureur d'of-
fice et domestique ordinaire "» de la comtesse d'Uza. En 1731,
Duvignac, seigneur de Mimizan, octroie provision de procu-
(1) Aroh. not. Acte du 8 octobre 1736.
(2) Ibid. Acte du 21 août 1775.
— 557 —
reur d'office dans les termes suivants^ qu'il est iatèressant de
relever :
Nous Jean Marcq Davignac, seigneur haut justicier delà juridiction
de Mimizan, scauoir fesons que nous étant bien informé des bonnes
vie et mœurs et religion catholique apostolique et romaine de la per-
sonne de Pierre Texoeres, praticien, nous lui avons donné, concédé,
donnons, concédons par les présentes TEstat et office de notre procu-
reur de notre seigneurie dudit Mimizan et juridiction d'icelle, séné-
chausée de Tartas, à présent vacant par le décès de feu Antoine de
Loupit, dernier procureur dudit office, pour par ledit Texoeres en
jouir et user et dors en avant exercer tant qu'il nous plaira aux hon-
neurs et authorités, prérogatives, pouuoirs, fonctions, prééminences,
franchises, libertés, droits, profits, revenus, émoluments, qui appar*
tiennent audit office de procureur de ladite juridiction; et pour cette
effet, consentons qu'il se fasse recevoir audit office à toutes heures et
qu'il se fasse installer dans la possession et jouissance dudit office
pour en jouir pleinement et paisiblement comme dessus. En foi de '
quoi nous avons signé et fait signer notre secrétaire ces présentes et
sceller apposer notre sceau et armes pour valoir et servir en faveur du
dit Texoeres. — Donné à Mimizan, dans notre maison seigneuriale^
le huitième mai 1731 (1).
En 1772, le seigneur de Pontenx nomme lieutenant de juge
un notaire du lieu, maître Dufau (2).
EnQn il y avait les domestiques. Chez M. de Rolye, à Pon-
tenx, on en compte un certain nombre : un jardinier, un
maître d'hôtel, des valets d'écurie. Vers 1771, il y a même un
gardien des archives (3). M. Duvignac possède un valet de
chambre en 1730. Comme dans les grandes maisons, il paraît
y avoir pour les domestiqu'îs, chez Mme deCaupenne d'Amou,
une certaine étiquette. On trouve parmi le linge 6 nappes
grosses pour la cuisine.
Arrivé où nous en sommes, jetons maintenant un rapide
(1) Papiers de la famille Texoeres, à Mimizan. Note communiquée par M. le
curé de Mimizan.
(2) Etat civil de Pontenx. Notes dudit Dufau.
(3) Arch. not. Acte du 8 juin 1771.
— 558 —
regard sur Teûsemble des faits que nous avons groupés,
afin, s'il est possible, d'en dégager une conclusion. Cette con«
clusion, si nous nous souvenons ici des remarques faites en
leur place, s'impose, il nous semble, dès rabord : la noblesse
landaise du siècle dont nous nous occupons est peu brillante
à tous points de vue. Ses châleaux ne sont que des maisons
un peu plus confortables que les autres, mais qui n'ont guère de
noble que le nom. Ses propriétés sont peut-être considérables
en étendue, mais d'un rapport médiocre. Ses droits seigneu-
riaux peu nombreux sont tout à fait insignifiants comme pro-
duit, même y compris les lods et ventes, qui exceptionnelle-
ment peuvent lui procurer quelques réels avantages. Aussi,
elle s'occupe et travaille. Certains trafics même, qui eussent
été une cause de dérogeance aux époques antérieures, lui
sont familiers. Son instruction, à tout prendre, est faible;
mais elle semble être demeurée à l'abri de l'impiété et des
mauvaises mœurs du siècle. Il est vrai qu'elle est redevable
de cet état d'esprit, non pas tant probablement à la profondeur
des ses convictions qu'à la situation écartée du pays et à la
vie primitive et rude qui s'y perpétue. Quelques faits de vio-
lence et d'arbitraire jalonnent encore de loin en loin le terrain
de ses rapports avec le clergé et la classe non privilégiée;
mais les idées de droit, de justice, de modération, de bien-
veillance même, tendent de plus en plus à prendre le dessus.
Peut-être cependant n'y a-t-il pas lieu de lai en savoir trop
de gré. Elle subit sans doute ce progrès plus qu'elle ne l'ac-
cepte. Le temps a marché, le peuple a gagné du terrain, elle
en a perdu. Par suite de l'assistance que prête la royauté au
peuple, ses prétentions viennent souvent se heurter contre
le bon droit éclairé et opiniâtre des communautés, voire du
premier venu. En somme, elle se rapproche rapidement de la
bourgeoisie. Ce qui l'en distinguera toujours, ce que ne pour-
ront lui ravir ni les révolutions, ni les essais de nivellements
sociaux, ce sont les traditions de famille, ces traditions qui
— 569 —
font sa réelle distiDction, sod indiscutable grandeur. — En
sorte qu'on peut dire avec Challamel : « Le seigneur de
village n'est plus dans sa paroisse que Tombre de Tancien
châtelain; il n'administre plus, ne surveille plus, n'applique
plus les lois générales de l'Etat, n'y assemble plus la milice,
n'y lève plus les taxes, n'y publie plus les mandements du
prince, n'en distribue plus les secours. Le seigneur n'est qu'un
premier habitant. »
Georges BEAURÀIN.
LETTRES INEDITES
DE QUELQUES MEMBRES
DE LA FAMILLE DE MONLUG^*^
(Suite et fin.)
IV
Arreat du Conseil d* Estai de Navarre d^ entre M, le comte de
Carmain et les habitants de la Vallée d^ Andorre,
Entre messire Adrian de Monluc, comte de Carmain, senechal et
gouverneur pour le Roy en ses oomtez de Foix et terres souveraines
û'Andorre et Donezain, demandeur pour estre maintenu en sa charge
de gouverneur de la vallée d'Andorre, conformément à ses provisions
et celles de ses prédécesseurs en la dicte charge, d'une part, et les habi-
tans de la dicte vallée, deffendeurs d'autre;
Veu par le Roy en son conseil l'arrest d'icelluy du 23* jour de jan-
vier 1617, donné sur la requeste du dict sieur comte, tendant à ce que
attendu le reffus desdicts habitans de le recognoistre comme gouver-
neur de la dicte vallée il pleust à Sa Majesté y pourveoir, par lequel
arrest auroit esté ordonné que dans deux mois après la signification
d'icelluy aux consulz d'Andorre, ilz deputeroient par devers elle telle
personne qu'ilz adviseroient bon estre pour aporter leurs privilèges ou
(*} Yoif cHdssttS, p. 525r
— 658 —
regard sur Pensemble des ^' ^ >« desqtielz ilz prétendent
afin, s'il est possible. **' ^P^^^emeur pour iceux; veuz et
clusion. si nou^ ^,,:^'';:^:!:^f'^ ^^^^^ «^ ^ »"^i^* «stre or-
leur place ^.^/^';h'^^^'^^^^®^^^^" ^"^^^^ ^^^^^ ^^^^^ ^^^
, . .-^V^*S*^^f'''^*^IWe 29 décembre audict an aveccom-
laimdibt- cr-^^;;^'^^^^ /« ^i^^ <^«lay; autre ari-est du Conseil en
a lOUf /*":^,'r^'^Y y*''''' .^(?iiné sur la requeste des habitans requerans
un r >^';'p''^'^J//-'^^t,ininandeaient ayant envoyé exprès par devers
D^ x^/A' '^'V/ >' '*'' de 1^^^ communauté avec leurs privilèges et exemp-
^^"^^^^'^Ct^i^^^^^ ^^ aoust 1598 il luy plaise pour les conside-
'^' [' et^' f^aes les maintenir et garder en la faculté et jouissance
^^,7//^.^' ^^iicu lierement en l'exemption qu'ils ont et ont tousiours
^v^"^' ^jiduitz et gouvernez conjoincteraent par les officiers com-
eii ^^^5. M. et du ^ieur evesque d'Urgel en tout temps soit de paix
^^A g^^^^ ^^^ avoir autre gouverneur, et que ceux qui ont esté cy
^^rani sénéchaux de Foix aient eu aucun pouvoir, jurisdiction et com-
^^fiement sur eux, avec deffenses audict sieur comte de Carmaing
Je Jes inquiéter ou molester pour ce regard ny s'ingérer de prendre
aucune auctorité en ladicte qualité de gouverneur en ladicte vallée
d'Andorre, par lequel arrest auroit esté ordonné que le sieur Caute,
ayant charge des affaires dudict sieur comte de Carmaing en cette ville^
auroit communication desdicts privilèges et lettres patentes et que
d'icelles seroient faictes copies pour estre envoiées et pareillement com-
muniquées audict sieur comte de Carmaing afin de dire par luy sur
icelles tout ce que bon luy sembleroit, et ce dans trois mois, pour sur le
tout estre faict droict aux parties ainsi que de raison; Requeste présen-
tée par lesdicts habitans tendant à ce que ledict sieur comte bien que
demandeur originaire n'ayant daigné comparoir pour justiffier les fins
de ses demandes et prétentions dans le dici temps et delay de trois mois
pendant lequel lesdits députez ont depuis séjourné à la suitte du conseil
à grands frais et despens, il plaise à Sa Majesté les conserver en leurs
droicts, privilleges et exemptions, faire deffenses audict sieur oomle de
les y troubler, et outre le condamner au remboursement de leurs frais
et despens ou autrement y pourvoir par Sa Majesté; Mémoires et ins-
ti-uctions envoiées au Conseil de Sa Majesté par le dict sieur exjmte de
Carmaing après avoir par luy eu communication desdicts privilèges et
lettres patentes desdicts habitans pour monstrer et justifier que les actes
et prétendus privilèges desdicts habitans sont contraires à ce qu'ils ont
mis en avant et particulièrement à ce qu'ilz prétendent estre exemptz
de le reoognoistre comme gouverneur; Requeste présentée par lesdicts
— 561 —
habitons de là vallée d'Andorre au dict sieur comte de Cannaing en
la dict* qualité de gouverneur pour Sa Majesté au pays de Foix et terres
souveraines de Donezan et Andorre tendant à ce qu'il lay pleust les
descharger d'un droict de Gabelle que ledit comte pretendoit lever sur
eux, au bas de laquelle requeste qui est signée des consulz de la dicte
vallée est Tappointement dudict sieur comte signé de sa main le 30 no-
vembre 1611, par lequel il est ordonné que lesdicls habitans f croient
apparoir des privilèges mentionnés en icelle; ung extrait de convention
ou concordat escrit en parchemin passé entre Roger Bernard, comte de
Foix, et ledict evesque d'Urgel, le sixiesme jour de septembre 1278, sur
plusieurs et diverses questions, demandes et contentions qui estoient
entre eulx touchant la vallée ou les vallées d'Andorre; ung autre extraict
en parchemin d'une information faicte en Tan 1346 non signé sur les
prétendus debalz et differens entre lesdicts sieurs comte de Foix et eves-
que d'Urgel; lettres patentes du feu Roy Henri le Grand, expédiées
soubs le seing et scel de Navarre le xxv® jour d'aoust 1598, obtenues par
lesdicts habitans sur les remonstrances qu'ils auroient faict à Sa
Majesté qui par autres ses lettres patentes du xvi« de febvrier au dict
an expédiées au dict sieur vicomte de Mirapoix pour lestât et charge
de gou vernenr du comté de Foix, vallée de Pamiers et terres adjacentes,
lesdictes vallées d'Andorre y aiant esté comprises, ilz craignoient que
la dicte expression dans ledict pouvoir fist préjudice à la liberté du pai-
rage d'entre Sa Majesté et le dict d'Urgel (sic), par lesquelles Sa dicte
Majesté déclare par lesdictes provisions expédiées audict sieur vicomte
de Mirapoix n'avoir entendu ny entendre prejudicier directement ny
indirectement aux privilèges, libertez, franchises et immunitez desdicts
habitans, ains veult qu'ilz en jouissent plainement et paisiblement et
tout ainsy qu'ont faict leurs prédécesseurs et eux sous les autres séné-
chaux et gouverneurs dudict comté; autre requeste présentée au Con-
seil par lesdits habitans contenant leurs contredits aux raisons et
moiens alléguez par ledict sieur comte de Carmain ; copie des lettres
patentes d'Anthoine et Jeanne, Roy et Reyne de Navarre, données à
Paris le xxv febvrier 1556, par lesquelles leurs Majestés ont pourveu
Jacques de Villommil, sieur et baron de Pailles, de Testât et charge de
gouverneur et lieutenant gênerai pour leurs Majestés es comté de Foix,
terres et pays de Donezan et d'Andorre, en fin de laquelle copie est
l'acte de prestation de serment es mains de Sa Majesté, par ledict sieur
de Pailles pour raison desdit estât et charge; Extraict du concordat faict
en la ville de Tarascon en Foix, régnant Philippe roy de France en
l'année 1275, entre Roger Bernard, comte de Foix, d'une part, et les
— 562 —
habitans des vallées d'Andorre, par lequel ledict Roger Bernard leur
remet et quitte le droict Cugutia, lequel il souloit prendre sur t9us les
hommes et femmes desdites vallées, moyennant ce que lesdicts habitans
luy donnèrent toute justice sur eux haute, moyenne et basse, ledict
exlraict tiré de son original trouvé es archives de Foix et collationné
partie appellée par le juge mage du senechal de Foix le 12 may dernier
signé dudict juge mage, et tout ce qui a esté mis et produict par les
parties par devers les commissaires députez, et tout considéré :
Le Roy estant en son conseil a ordonné et ordonne que le sieur comte
de Carmaing, senechal et gouverneur du comté de Foix, sera maintenu
et gardé en la qualité de lieutenant de sa dicte Majesté es terres souve-
raines d'Andorre, et ce sans prejudicier à la liberté du pariage, privi-
lèges et franchises dont lesdicts habitants d'Andorre ont jouy sous les
autres sénéchaux et gouverneurs dudict comté. Ordonne Sa dicte
Majesté qu'iceux habitans vivront sous les mesmes oflBiciers de justice
ainsi qu'ils ont cy devant faict et comme ils vivent encore aujourd'huy
bien et deument et sans aucune innovation.
Faict au conseil d'Estat du Roy tenu à Paris pour ses affaires et
finances de Navarre et Bearn le xviii® jour d'aoust 1618.
Collationné : de Loménie.
Et afin que ledict arrest feust mis à deue exécution, le Roy donna ses
lettres patentes de la teneur qui ensuit :
Louis par la grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre, seigneur
souverain d'Andorre, au premier nostre huissier, sergent ou bailhe sur
ce requis, salut.
Nous te mandons et commectons par ces présentes que à la requeste
de nos chers et bien amez les habitans de la vallée d'Andorre, l'arrest
de nostre conseil dont l'extraict est cy attaché soubs le ^contre scel de
nostre chancellerie soit mis à deue et entière exécution selon sa forme
et teneur, faisant en vertu d'icelluy tous commandemens, signiffications,
deffences et autres exploicts requis et nécessaires, etc.
Extraict faict et collationné par moy Anthoine Depeyre, notaire royal
du lieu de Luzonac, pais de Foix, sur l'arrest expédié en forme, tiré des
archives du pays d'Andorre, m'aiant esté exhibé et après deue collation
retiré par ceux du conseil dudict pays dans leur maison commune le
29 octobre 1618. En foy de quoy me suis soubz signé :
De Peyre, notaire (1).
Ph. TAMIZEY de LARROgUE.
(1) Bibliothèque Nationale, collection Brienne, volume 300, t 295.
Eieore de la Galtare de la Vigne dans le Bas-Arnapae.
En commençant ma petite notice sur la Culture de la vigne à Cazau-
bon et aux environs (ci-dessus, p. 245), j'émis la pensée que les con-
clusions de ce travail pourraient s'appliquer à toute l'étendue du Bas-
Armagnac. Ce n'était qu'une simple conjecture, qui se trouve fausse
pour certains points de la partie méridionale, du moins pour les temps
antérieurs au xvii* siècle. Il résulte, en effet, d'un ancien document
très intéressant, cité par M. l'abbé Breuils (ci-dessus, p. 455), qu'en
1346, à Sainte-Christie près Nogaro, les vignes constituaient, quant à
la valeur, la neuvième partie des terres sujettes à la taille. D'un autre
côté, M. Breuils m'apprend que, d'après une enquête des premiers
temps du xv® siècle, consignée dans le Bulletin Borda j année 1888, la
petite commune de Montégut près Montguilhem récoltait, même dans
les années médiocres, beaucoup plus de vin qu'elle n'en consommait.
Il conclut de là très légitimement que, dès cette époque reculée, certai-
nes parties du Bas-Armagnac pouvaient en livrer au commerce une
quantité assez considérable.
Puis, sans motif bien sérieux, ce me semble, il étend sa conclusion à
toutes les terres du Bas-Armagnac, sans en excepter celles de Cazau-
bon et des environs, objet principal de mes études. Il pense que, mon
affirmation sur le peu de vignes que possédait cette dernière contrée
avant le xvii* siècle manque d'exactitude, parce que la Reconnaissance y
que lui sert de base, a laissé de côté, comme tous les documents de ce
genre, les terres qui étaient exemptes des droits de fief. Il ignore évi-
demment que Cazaubon n'avait, en fait de terres nobles non assujetties
au droits de fief, qu'une modeste métairie près du village de Barbotan.
Or une trentaine de journaux, alors même qu'on leur attribuerait en
vignes le 8®, comme à Sainte-Christie, ne sauraient apporter une modi-
fication sensible à la proportion que j'ai établie entre les possesseurs
de vignes et ceux qui en étaient privés. Mon hésitation à appliquer à
toute la communauté le rapport de 28 à 80, seul nombre que je trouve
dans la partie conservée de la Reconnaissance, vient de ce qu'il m'a
paru que 80 propriétaires sur environ 500, quoique pris sur les diver-
ses sections, pouvaient ne pas reproduire d'une manière tout-à-fait
précise les proportions de l'ensemble.
Au reste, si nous acceptions pour Cazaubon et les environs les don-
nées du document de Sainte-Christie, il faudrait supposer que la culture
de la vigne^ au lieu de progresser chez nous pendant le xv« et le xvi^
— 564 —
siècles, comme elle a fait depuis, serait très fortement déchue de sa pre-
mière prospérité. Car sa situation au commencement du xvii^ siècle,
d'après le terrier complet de cette époque que nous possédons encore,
était bien inférieure à celle de Sainte-Christie en 1346. Un pareil déchet
dans cette culture nous parait absolument invraisemblable. Les longues
guerres-du xv« et du xvi*' siècles ont dû, par temps, faire négliger Tagri-
culture; mais il n'est pas probable que les belligérants, qui^ sans aucun
doute, vidaient volontiers les tonneaux qu'ils pouvaient saisir, en soient
venus à arracher les vignes.
Il serait très intéressant de connaître l'état de cette culture soit à
Sainte Christie, soit dans toute la partie méiidionale du Bas-Arma-
gnac, pendant le xvi« et surtout au commencement du xvn« siècle. Il
doit rester un peu partout, mais principalement dans les centres de
quelque importance, des terriers de cette dernière date, ensevelis, quel-
quefois depuis longtemps, dans des papiers de famille.
J'espère que mon jeune et bienveillant contradicteur ne s'arrêtera
pas en si beau chemin. Ses travaux passés nous sont garants de ceux
à venir. Un jour ou l'autre il nous dira certainement si les deux faits
de Sainte-Christie et de Montégut sont particuliers à ces deux paroisses
ou communs à toute la région. Peut-être découvrira-t-il encore quelque
vieux document propre à jeter un nouveau jour sur l'ancienne culture
des baronnies d'Auzan.
En attendant cette découverte, je crois devoir, dans l'intérêt de la
vérité, et tout en remerciant M. l'abbé Breuils de ses paroles trop flat-
teuses au sujet de mes petits travaux, maintenir contre lui dans son
intégrité la conclusion de mon premier article, et affirmer de nouveau
que Cazaubon et les environs possédaient peu de vignes avant le
XVII* siècle.
DUCRUC,
Curé-doyen de Cazaubon.
CHRONIQUE
Nécrologie : MM. Tabbé Ducruc, J. Solon, Julien Sacaze. — Archives
historiques. — Réunion de la Société historique de Gascogne.
M. l'abbé Ducruc me remettait la note qu'on vient de lire, à mon
départ de Cazaubon, dans les premiers jours d'octobre; et malgré son
état habituel de faiblesse, rien ne faisait prévoir sa fin prochaine.
Quinze jours plus tard, j'apprenais sa mort, sans pouvoir me rendre à
ses funérailles qui ont eu lieu, avec un grand couoours de prêtres et de
— 565 —
fidèles, le 26 octobre, dans sa chère paroisse de Cazaubon, qu'il gouver-
nait depuis quarante ans (1). Les lecteurs de la Revue de Gascogne ont
pu apprécier par eux-mêmes la clarté, la méthode, la solidité qui carac-
térisaient ses travaux historiques. Il faut l'avoir vu de près, deti'èsprès,
pour bien connaître toutes ses qualités d'intelligence et de cœur. Chez
lui la rigueur inflexible du jugement, la fermeté du caractère, et aussi
une certaine raideur de manières, ne laissaient apercevoir qu'après
expérience la largeur des vues et la chaleur de l'âme. L'éooroe était
rude, mais elle cachait des trésors de sympathie et d'indulgence. La
meilleure partie de la carrière de M. Ducruc a été employée à doter sa
paroisse d'établissements importants, avant tout d'une très belle église,
et l'Armagnac sait bien qu'il a fallu toute son énergie personnelle pour
mener à bonne fin de tels travaux. Quant à ses études, elles ae portè-
rent longtemps de préférence sur les scienoes exactes et sur la théolo-
gie; les premiers loisirs de son ministère furent employés à étudier
sainte Thérèse et à traduire les sermons de saint Bernard, son patron.
Plus tard l'archéologie eut son tour. Ce n'est guère que depuis une ving-
taine d'années qu'il s'était mis avec suite, et bientôt avec passion, à
recueillir, à déchiffrer et à extraire tous les vieux papiers de l'hôtel de
ville et des familles de Cazaubon. C'est ainsi que peu à peu, sans avoir
fait d'études historiques générales en dehors des éléments les plus
ordinaires, il a pu acquérir une connaissance très exacte de l'état du
Bas- Armagnac depuis trois ou quatre siècles et dresser une foule de
monographies qui sont des modèles de précision; j'y comprends des
généalogies, qui ne sont pas destinées à la publicité, mais dont l'ex-
cellent curé était heureux d'offrir une copie aux familles intéressées.
Ses notes sont consignées dans de nombreux cahiers, qui resteront aux
Archives paroissiales de Cazaubon connue une mine féconde pour
l'histoire du pays. Un cahier plus gros que tous les autres renferme la
Chronique, où il avait lui-même condensé et coordonné la meilleure
partie de ses recherches, mais qu'il n'a pu achever. Plusieurs extraits
de ce cahier ont paru dans nos pages sous divers titres; mais j'y ai lu
pourtant, ces vacances, au moins trois bons chapitres inédits sur les
mœurs et usages de l'Armagnac noir, que j'espère pouvoir communi-
quer bientôt aux lecteurs de la Revue de Gascogne.
La Société historique de Gascogne a perdu quelques jours plus
tard (17nov.) un de ses membres les plus éminents et les plus dévoués
dans la personne de M. Jules Solon, si apprécié à Auch comme ma-
gistrat intègre et comme grand chrétien, homme de foi et d'œuvres.
Nous devons encore un sou venir à notre correspondant très sympathi-
que, le président de la Société des Etudes du Comminges, Tun des fon-
dateurs de la Société eX de la Revue des Pyrénées^ M. Julien Sacaze,
(1) L'éloge funèbre a été prononcé par M. Soacaret, archiprétre de Ck>ndoin,
natif, comme M. Ducruc, de Sarragachies, et son ami de tous les temps, qui de-
vrait bien publier la notice biograpmque du regretté doyen.
Tome XXX. 37
— 566 —
enlevé à la fleur de l'âge le 20 novembre. Nous avons eu plus d'une
occasion de louer ici quelques-uns de ses travaux historiques et surtout
épigraphiques. « La science fait en lui une vériuble perte, » m'écrit
un de mes correspondants, qui a le droit d'être sévère et qui en use au
besoin; « Julien Sacaze n'avait pas encore donné toute sa mesure. »
Si notre œuvre, comme toutes les œuvres humaines, ne s'avance
qu'en laissant des morts sur la route, du moins l'activité de nos mem-
bres vivants n'éprouve, grâce à Dieu, aucun affaiblissement. Le comité
de publication des Archives historiques de la Gascogne est loin de
chômer. Il vient de distribuer un fascicule des plus importants, le
Livre des Syndics de Béarn, complément naturel du beau livre de
M. Cadier sur les Etais de ce pays souverain. J'y re\iendrai, mais on
voudra bien me faire crédit de quelques mois, d'autant plus que j'ai
laissé en arrière d'autres faî?cicules que je ne veux pas mettre en oubli.
Je songe d'ailleurs que les presses de M. Cocharaux, qui marchent
à la fois vite et bien, nous offriront bientôt d'autres textes non moins
intéressants, et d'abord le Livre des frères Bonis, négociants montal-
banais du xiv« siècle... Cela m'amène naturellement à la fête archéolo-
gique célébrée à Auch le 22 octobre dernier.
Mais, par respect pour la chronologie, un mot d'abord de la réunion
au même lieu, le 5 octobre, des délégués des divers diocèses de lan-
cienne province d' Auch pour la grande affaire du Bullaire de Gascogne.
J'ai dit l'essentiel sur ce sujet en rendant compte, le mois dernier, du
premier rapport de M. l'abbé Louis Guérard. On sait donc quelle
œuvre poursuit ce jeune prêtre tarbais, avec la collaboration d'un prê-
tre de Bayonne, M. Ambroise. La réunion d'Auch avait à régler l'or-
ganisation, le plan et la méthode de leur travail. Voici ce qu'en dit
M. Paul Labrouche dans un article que je connais uniquement par la
Semaine religieuse d'Auch de ce jour, 30 novembre (la Revue de
Gascogne aura lieu d'y revenir plus d'une fois) : « MM. Guérard et
Ambroise, qui viennent d être nommés chapelains de Saint-Louis-des-
Français, ont i*eçu la confirmation et le renouvellement de leur man-
dat. La Société des Archives de Gascogne accepte d'être l'éditeur de
l'œuvre. Quant au plan de publication, l'unanimité des suffrages s'est
ralliée au programme suivant : les deux publications proposées (?)
seront réduites à une, donnant par pontificat et dans l'ordre chronolo-
gique, selon leur importance, des extraits ou le texte intégral des bulles
sous la forme latine; chaque pontificat sera suivi de deux tables en
français : table chronologique des documents; table alphabétique des
noms de personnes et de lieux, avec identification, notes et références.
Le premier volume paraîtra en 1891 et commencera au pontificat de
Clément V. »
Le 22 octobre, notre Société accueillait à Auch la Société archéologi-
que de Tarn-et -Garonne. Ici je ne puis plus dire comme tout à l'heure
« nous en reparlerons »; et la place me fait défaut pour noter même
— 567 —
summa capita rerum. D'ailleurs mon malheureux sort m'a privé d'as-
sister à cette fête, aussi bien qu'à la réunion précédente. Heureusement
je puis renvoyer mes lecteurs, en attendant la publication montalba-
naise, à une délicieuse plaquette de mon ami Charles Palanque (1).
C'est là qu'ils liront en leur entier la piquante circulaire du savant et
spirituel président de la Société de Montauban, M. l'abbé Pottier, invi-
tant ses confrères à visiter Lectoui^e et Auch, les détails de leurs obser-
vations dans ces deux villes, le récit du festin et de la réunion scienti-
fique où les deux sociétés ont chaudement fraternisé, et surtout les
toasts en vers et en prose par lesquels MM. de Carsalade, Pottier,
Tamizey de Larroque, Ed. Forestié, l'abbé Calhiat ont montré la por-
tée et doublé le charme de ces amicales agapes. Quelque étroite que soit
la place qui me reste, je veux insérer ici au moins un de ces toasts,
celui de M. Ph. Tamizey de Larroque, qui est un curieux spécimen du
gascon septentrional d'Outre-Garonne. On le trouvera sous forme de
note au bas de cette page (2). On lira un peu plus loin (p. 573) une curieuse
Question de géographie typographique, qu'il a soumise à la réunion
des deux Sociétés.
!L. c.
(1) Une checauchée archéologique au paya de Gascogne. Auch, typogr. et
llthogr. J. Capin, 1889. — Iîi-16 de 20 pages, litre rouge et noir.
(2) Sabens moussus et bouns amies,
Ey lou malhur
Se bouley me '
bien pendudo ^ ^ . . ,
damen que de s'espouti en camin. Ev Doulut bous saluda en gascoun per bous
hese mey plazé. Lou francés es bien bet, me lou gascoun es mey amistous. Nya
que pretenden que fau pas lou parla daban tout lou mounde, me assi soun en
ramillo et lou gascoun es la lenguo de noste may. Decha me doun bous dise en
quate mots que sen bien counten de bous bese, sabens moussus et bouns amies;
que la heste d'aney es uno de las pu aimables qu'ey bistes; que rejgretti bleu de
n'y pareche que coumo un lugret, me que, coiuno cantauc lou cronicur Froissart,
se
I lou cors s'en bay , lou cur demore dam bous ; que bous coumplimenti de la
superbe médaille qu'abets ga^at à TExpousitieun. Bous en souheyti uno en-
quero pu belle per lou Bulian gascoun, eunte beyran luzi lou mérite trop ente-
nebrat de nostes papes d'Abignoun, prinoipalomen de Jean bint-et-dus, que jeu
eymi mey ^ue leus autes, parcequé ère un admirable trabaiUur (a dechat den sus
registres, dit lou grand histeurien Paster, mey de soixante mille pèces), et par-
cequé a establit l'unibersitat de Cahers eunte ey estât elebat, eunte aben estât
aban jeu aquets Sents qu'appëlen Francés Régis et Feneloun, eunte an estât
elebats tabe, si fau tout dise, quauques diables que boy pas nouma, san compta
lou qu'a rhonnur de bous parla, qu es pas beleu dos pu méchants diables.
Bubi à la santat de noste soucietat, de soun aymable se la seucietat de Moun-
tauban, à la santat de bous aous tous. Remercie de toute moun ame nostes tant
balens et tant sabens presiden et secretari (auren bet cerca leus pareils pertout
que leus treuberen pas). Remercie tabé boste Arquebesque que nous a tant
assistât, aquet trésor de bountat, de pietat et de sabe que Bourdeu beudré bien
bous prene per li bailia la cadiere et la raube rouge dos Cheverus, des Donnet
et des Guilbert. Enfin metti nostes pu bius sentimens de beneratieun et de recou-
nechence aus pès de Leoun treize, que counduis ta bien lou bachet que porte
lou sort dau meunde, un des pu grands papes qu'ajen bis dimpey Sent Pey,
enquere mev aimable pretectur dos sabens que Leoun dets, et que nous a oubert
dan sa braoe clau sas crambes dau Batican pleignes de biels papeys, et que
nous a baillât las obres dau pape Clément cinq, et que fau prega de l>enezi touts
lous bouns gascouns en gênerai et nous aou en particuliè.
BIBLIOGRAPHIE
Littérature populaire.
1. Annuaire du petit séminaire de saint-pé. 15* année, 1889. Bagnères, Péré,
1 vol. in-18 de 408 pp. — 2, Massât, chansons, danse, usages et charte com-
munale, d'après la monographie de M. Ruffié, instit. à Massât, av. préf. et
notes de M. Pasquier, arcniviste de TAriège. FoeV», Gadrat. 1889. 32pp. gr. m-8.
— 3. Proverbes patois de la vallée de Biros en Couserans (Ariège),
publ. p. M. Tabbé Castet, curé d'Uchentein, av. une préf. par M. Fasquier.
Ibid. 1889. 58 pp. gr. in-8. — 4. Contes populaires recueillis dans la Grands
Lande, le Born, les Petites Landes et le Marensin, par F. Arnaudin.
Paris, Le Chccalier; Bordeauw, Veuoe Moqaot, 1887. ln-16 de 312 pp.
1. — On crie déjà dans les rues : Almanachs nouveaux, et je viens
parler d'un almanach de Tannée qui achève son cours. Ce n'est pas
que V Annuaire de Saini-Pé ait manqué cette fois d'exactitude : il a
paru à temps, c'est le critique de la Revue de Gascogne qui s'est mis
en retard avec lui. Ne croyez pas au moins que V Annuaire ait été né-
gligé pour avoir lui-même négligé nos chères études ; non, au contraire.
Il est vrai qu'il n'a pas donné de Documents historiques faute de
place; il s'est contenté d'annoncer, en ce genre, une bonne nouvelle
(4 bulles de Clément V pour le monastère de Saint-Pé, découvertes à
Rome par un ancien élève du Petit Séminaire, M. Tabbé Louis Gué-
rard) et de promettre pour 1890 un Voyage à Sainct-Pé de Gênerez
en l'an de grâce 1689, plus une soixantaine de pages de documents
édités par M. Gaston Balencie. D'ici deux mois environ, nous en re-
parlerons, amis lecteurs. Mais, cette année même, V Annuaire a bien
mérité de la Gascogne, et en particulier de notre modeste Revue, en
mettant en pratique le conseil indirect qu'elle lui donnait en mars
1888 : « En fait de parémiologie, pourquoi ne ferait-on pas avant tout
la part de la sagesse indigène? Recueillir dans la Bigorre et placer vis
à vis de chaque mois les proverbes et les dictons patois, soit agricoles,
soit hygiéniques, etc., qui s'y rapportent, ce serait une contribution pré-
cieuse au folk-lore gascon. » Les rédacteurs veulent bien déclarer qu'ils
ont apprécié ce conseil et, ce qui vaut mieux encore, ils l'ont suivi; ou,
pour employer leurs propres termes, ils ont « commencé à le mettre
en pratique ». A merveille I j'espère donc que nous aurons encore une
nouvelle moisson de proverbes pour nos étrennes de 1890; ce sera
pour tous nouveau plaisir et nouveau profit; pour la Revue en parti-
culier, ce sera l'occasion de revenir sur un sujet qu'elle peut à peine
effleurer aujourd'hui. Mon projet, qui explique mes retards, avait été
d'étudier un peu sérieusement les « proverbes mensuels, » en rappro-
chant de V Annuaire d'autres recueils parémiologiques et surtout les
articles afférents du Dictionnaire béarnais de M. Lespy (1). L'espace
(i) Je ne puis citer sans un remords cet excellent livre, dont j'aurais dû parler
bien davantage. Mes lecteurs ni l'auteur lui-même ne se doutent que j en ai
été privé plus de deux ans. Et pourtant, il faut prêter ses livres I
— 569 —
me manque ici pour oe travail; je me contente, en attendant mieux, de
citer, pouraflEriander mes lecteurs, quelques proverbes relatifs aux deux
mois qui viennent.
Vis à vis du calendrier de décembre VAnniuzire place d'abord divers
pronostics populaires sur la gelée, la neige et le froid de Thiver. « An
de neu, an de frut. — An de yelade, an de roument. — Après iouèr
pla umit, bèt estiu. — louer trop bètproumet mâchant estiu. » Le vul-
gaire a aussi des dictons de pur « sentiment j> sur la saison froide :
« louer n'ey bou qu'entau's cauletz. — L'iouèr qu'ey pla bouno sasou
ta qui a de que ha tisou. » D'autres sont pour ainsi dire scientifiques
et répondent au désir de M. Jourdain demandant des leçons d'alma-
nach : « Nadau e Sen louan que partatyen et (l)an », dit-on aux environs
de Bagnères. Et on entend un peu partout le proverbe sur Sainte-Luce
que M. Tabbé Canéto commentait savamment ici môme, il y a vingt-
neuf aus (il, 615) : « Et die qu'alounque, a sente Luce, d'u saut de
puce; enta Nadau, d'u saut de lebraut; enta cat d'an, et petit e't gran
qu'at counecheran. »
Voici maintenant la. parémiologie de janvier, en gascon gèr ou yé :
« Lou mes de yé descausse lou poumé. — Lous mes de yé et de reaè
(février) qu'emplien ou boeyten lou soulè. — A Sent-Bizens (22janv.),
bachen lous tors (gelées), puyen lous bens. — Neu, neu à Sent-
Bizens, enta que nou pousquen bié (venir) lous parens. » Evidemment
il y a « nopces et festins » le jour de Saint- Vincent ; on appelle la neige
pour écarter les visites importunes : pure plaisanterie, qui atteste gaieté
d'esprit plutôt que sécheresse de cœur. Voici maintenant un dicton qui
témoigne, chez les vieux bigourdans, d'une certaine poésie d*imagina-
tion ; « Et mes de yé, ère baque que dit : Barre ère porte e da-m
hé. »
Je m'abstiens de toute comparaison; les comparaisons sont le char-
me et l'intérêt principal de ces études, mais elles font longueur, et je
dois être court. Je conclus en engageant les rédacteurs de V Annuaire
à poursuivre leur récolte parémiologique, tout en revenant aux docu-
ments; leur méthode est bonne, quoiqu'on puisse toujours épiloguer sur
quelques détails d'orthographe; peut-être feraient-ils bien d'ajouter
pourj^lus d'un lecteur une traduction française, au moins des mots les
plus étranges. Nul doute d'ailleurs qu'ils ne trouvent l'an prochain et
au-delà un bon regain de proverbes. En voici, par exemple, deux pour
le mois d'août, que me dicte un de mes collègues, natif de Visquers
(H.- F.) : « A Sent-Laurens, pailhade de mens. — Plouje de Sent-
Roch, ardailh e milhoc (2). »
(1) Kn Bigorre, le pays haut emploie Tarticle et, ere^ au Ueu de lou, la,
(2) Pour mettre ma pratique d'accord avec mes conseils, j'ajoute un mot d'ex-
{>lication à chacun de ces deux proverbes. Dans le premier, paillade indique
e blé étendu sur l'aire, et le sens est que le dépiquage est fait en partie à la
Saint -[.aurent. Dans le second, milloc est le nom gascon du mais, et ardait
(ou redail) est le regain, littér. la recoupe.
^ 670 —
2, — Notre savant et laborieux confrère, M. Pasquier, archiviste de
rAriëge, a extrait d'une monographie communale manuscrite de Mas-
sât (1), par rinstituteur du lieu, M. Ruffié, divers morceaux de litté-
rature populaire, qu'il nous présente avec des notes instructives. Ce
sont d'abord quatre chansons. Les deux premières, la cansou des se-
gadouSy — Vefan de Lisardou (Lisard, quartier de la vallée de Mas-
sât), en couplets de deux vers octosyllabiques, les vers impairs (1, 3,
5, etc.) masculins sans rime, les vers pairs, féminins et assonances
tous ensemble, sont des légendes ou récits d'aventure, sur une mélo-
die traînante et mélancolique. Les deux autres sont plutôt des roman-
ces, dont le rythme même semble indiquer une origine littéraire; cepen-
dant la rime ou l'assonance ne porte guère, encore ici, que sur les
vers féminins. — Suit un court récit légendaire très curieux, où Ton
voit Jésus-Cbrist et saint Pierre voyageant et demandant l'aumône au
pays de Massât. Comme le remarque très bien l'éditeur, c'est la fable
de Philémon et Baucis, « avec une réminiscence de l'histoire de la
femme de Loth changée en statue. » — Je passe par-dessus huit pro-
verbes, dont six sont des pronostics atmosphériques ou pastoraux, pour
recommander plus spécialement la description et surtout la musique
de la bourrée de Massât, et deux chapitres d'usages populaires, maria-
ge et funérailles. M. Pasquier y a joint, avec une sage discrétion, des
comparaisons avec les habitudes d'autres pays. C'est un bon apport au
folk-lore nuptial et funèbre de nos contrées. — La brochure se termine
par la coutume municipale de Massât, qu'on fait remonter à 1346,
mais dont le texte, gascon mêlé de languedocien, est évidemment
rajeuni. M. Pasquier l'a fait précéder d'une notice et d'une analyse
très utiles. Au reste, tout dans celte petite publication, textes, commen-
taires, notation musicale, m'a paru fort bien établi.
3. — Il faut dire encore plus de bien des Proverbes patois de la
vallée de Biros en Couserans, recueillis par M. Castet, curé d'Uchen-
tein, et offerts au public dans une savante préface de M. Pasquier. Ce
dernier expose en ces termes le classement de cet important recueil, qui
ne renferme guère moins de 500 adages : « Les proverbes sont répar-
tis en huit chapitres correspondant chacun, autant que possible, à
un même ordre d'idées, à un ensemble d'observations analogues. Les
divisions ont été multipliées, autant que cela était nécessaire pour
comprendre tous les sujets auxquels se rapportent plus ou moins
directement les adages. La difficulté de cette classification n'est pas
d'assigner à chaque proverbe tel ou tel chapitre, mais de les disposer
en ordre, de manière à présenter au lecteur un ensemble méthodi-
que de sentences se confirmant, se complétant les unes les autres... »
L'idée est excellente et suffisamment réalisée pour mériter tous les
encouragements de la critique, il est en effet bien à désirer, les pro-
(1) Les lecteurs de la Reo. de G. n'ont pas oublié le travail do M. Azémar sur
Massât au xviir siècic (xxiv, 322, 523).
— 571 —
verbes étant les formules arrêtées de la science populaire, de les clas-
ser dans un ordre méthodique qui ne fixe pas seulement les têtes de
chapitre, mais encore, autant que possible, la place relative de chaque
formule. Voici les divisions du recueil parémiologique de M. Tabbé
Castet : 1° amitié, reconnaissance, ingratitude, défiance de soi-
même et du prochain; 29 travail, profit, paresse; 3° fortune, infor-
tune, ambition; 4° jeunes filles, amour, mariage, maris et femmes;
5*^ nourriture, médecine, maladie; 6° pronostics du temps, agricul-
ture; 7° animaux; 8° sentences diverses. — Ne fût-ce que sur ce
dernier titre, on pourrait bien reprendre quelque chose dans ce cadre.
Mais il est bon en somme, et ne voit-on pas qu'à réunir et à coordon-
ner les dictons vulgaires sous chacun de ces chefs, on a tout un traité
suivi de sagesse populaire? — Les proverbes de Biros sont énoncés
dans une langue rude, mais originale, qui est un dialecte du gascon
pyrénéen, et dont M. Pasquier a indiqué dans sa préface les traits les
plus saillants. La transcription des proverbes et les explications four-
nies en note au bas des pages ne méritent que des éloges, et la publica-
tion entière doit prendre un rang des plus honorables dans les biblio-
tliéques de littérature populaire. La Revue aura soin d'y revenir à l'oc-
casion de travaux du même genre qui s'annoncent déjà.
4. — Après un recueil de proverbes, voici un recueil de contes,
toujours de pays gascon. Il est vrai qu'il va nous faire passer d'une
extrémité à Taulre de notre province, de l'extrême sud-est à l'extrême
noixl-ouest ou peu s'eii faut, des hautes vallées du Couserans à la
grande Lande. M. F. Arnaudin, de Labouheyre, dont le nom et l'érudi-
tion historique ne sont pas inconnus de nos lecteurs (1), nous expose
ainsi dans la préface de ses Contes populaires^ le grand projet qu'il
poursuit et dont nous n'avons encore qu'un léger spécimen. « Depuis
plusieurs années j'occupe mes loisirs à recueillir les restes de la littéral
iure orale de huit ou dix cantons que forment la Grande-Lande, le
Born et les parties du Marensin et des Petites-Landes qui en sont voi-
sines : contes, légendes et superstitions, chants, proverbes et formulettes
enfantines, jusqu'aux simples devinettes, j'ai tout collectionné avec un
soin égal, assistant aux veillées des fileuses, aux noces, aux batierieSy
aux égrenages, errant de lande en lande à la poursuite des vieux
pâtres, écoutant, questionnant, ajoutant chaque jour quelque épi à la
gerbe, au demeurant n'ayant nulle illusion sur le cas que le grand
public ferait de mcn entreprise — des contes et des chansons, ce n'est
pas de ce bois-là que le grand public se chauffe, — mais travaillant sur-
tout pour le petit nombre d'érudits et de curieux qui s'intéressent aux
recherches dont le folk-lore est devenu aujourd'hui un peu partout
l'objet. De cîeux-là j'ai à cœur d'obtenir le suffrage; et avant de m'en-
gager définitivement, du moins pour ce qui est des contes, dans la pré-
paration du recueil général dont j'ai réuni la matière, j'ai tenu à pres-
(1) Voir surtout son article sur Labouheyre, Reoue de G,, xiv, 267.
— 572 —
sentir leur verdict... » Je ne sais si les folk-loristes ont répondu en
grand nombre à cet appel consciencieux et modeste. Je sais au moins
que, pour mon humble part^ j'ai eu le tort de mettre beaucoup trop de
temps à faire connaître l'impression vraiment excellente que m'ont
faite les diverses parties du volume de M. Arnaudin, je veux dire :
1^ ses dix contes donnés en français comme spécimen; 2^ le texte patois
des mêmes contes, avec les pages philologiques qui le précèdent; 3° son
simple catalogue de chansons populaires déjà recueillies.
Les dix contes sont tous empruntés à la Grande-Lande; on peut
reprocher à M. Arnaudin, qui est d'ailleurs le premier k s'en accuser,
de n'avoir pas mis assez de variété dans son choix, de ne citer aucun
de ces grands contes merveilleux que M. Bladé appelle a épiques », et
de fournir, sur dix unités, trois fables animalières. Le zélé collecteur
nous assure qu'il y a bien plus d'éléments variés d'intérêt dans son
trésor complet, et on doit l'en croire. Mais il faut reconnaître d'abord
que tous les récits qu'il en a extraits pour former ce volume sont du
meilleur cru et que le style en est de la plus savoureuse originalité
populaire. Le fond même de plusieurs est nouveau pour moi, quoique
probablement ils puissent se rencontrer ailleurs. Mais dans ceux mêmes
qui sont très répandus, comme le forgeron Misère {suv lequel on a des
recherches de Champfleury), Compère Louisoriy qui se lit en partie
dans le recueil de Grimm, Grain-de-mil, qui est si populaire dans
toute la Gascogne et au-delà, le tour est souvent neuf et profondément
marqué au cachet de la verve landaise (1).
Ce qu'on lit avec tant de plaisir en français, on aura plus de plaisir
encore, pour peu qu'on aime nos patois, à le goûter dans l'authenticité
du texte. M. Arnaudin sait son lanusquet sur le bout du doigt; il se
reconnaît à merveille dans les variations locales de ce dialecte; il fixe
sans la moindre hésitation les sons, parfois étrangement assourdis, de
son vocalisme. Il donne dès sa préface, sur divers faits grammaticaux,
des avertissements utiles à M. Luchaire, qui n'a pas été toujours par-
faitement exact dans sa caractéristique, d'ailleurs très méritoire, de
nos patois gascons. Il établit aussi pour le sien une graphie raisonnée
et fort plausible en somme; je lui reprocherai néanmoins de ne pas
adopter (bien entendu pour les sons communs augasconetau provençal)
la notation du félibrige, qui a pour elle latradition, uu usage actuel très
répandu et la simplicité qui la distingue.
Ces dix récits, admirables de franchise et de verdeur dans leur lan-
gue native, et de plus admirablement rendus en français, donnent une
excellente idée du recueil entier qu'ils annoncent. Mais peut-être serji-
i-OTL encore plus mis en goût par les dernières pages (265-300), qui
(1) Je citerai seulement la formule finale des contes, qui est propre à la région
où M. Arnaudin a fait sa chasse :
Jou que boutéri lou pé su'ou'tapouéyre.
Que m'en tournéri à le Bouhéyre.
— 573 —
donnent la simple indication, parle premier ou les deux premiers vers,
des Chants populaires déjà recueillis par M. Amaudin : berceuses,
chansons de danses, chants de moisson, chansons diverses, complain-
tes, chants religieux, chants de mariage. Certaines de ces catégories
renferment un nombre très considérable de timbres. Ainsi, en tète des
chansons à danser, il y en a une vingtaine qui sont toutes des rondes
de neuf (roundes de nau)y composées de couplets dont le premier ren-
ferme le nombre neuf, remplacé dans les suivants par huit, sept, etc.
jusqu'à un. — Quelle moisson a recueillie le laborieux et délicat cher-
cheur de Labouheyre 1 Puisse-t-il nous la livrer bientôt tout entière,
contes et chansons 1 Elle sera certainement bien accueillie des folk-
loristesde l'Europe entière. Quant à la Revue de Gascogne, elle mettra
d'autant plus de zèle à l'acbalander dans sa modeste sphère qu'elle a
été bien négligente pour annoncer ce spécimen si court, mais si char-
mant.
L. C.
QUESTION
256. Du lieu dlmpreasion nommé Galonges.
La librairie Labitte a fait paraître, Tété dernier, le catalogue d'une
importante collection spéciale de livres sur le protestantisme, formée par
un pasteur célèbre à fois comme théologien et comme journaliste, feu Henri
Lutteroth, qui dirigea le Semeur pendant vingt ans. On mentionne sous le
n' 455 dudit catalogue un opuscule, de format in-12 et de 42 feuillets, inti-
tulé : Le nouoeau visionnaire de Rotterdam, ou examen des pararelles
(sic) mystiques de M. Jurieu, par Théognoste de Bérée. La pièce, qui
est d'une rareté excessive, et que le Manuel du Libraire ne connaît pas, a
été imprimée en 1686 à Callonge. Quelle est cette localité? Je n'en vois
qu'une seule portant ce nom, laquelle n'a jamais été citée par les bibliogra-
phes. C'est aujourd'hui une commune de l'arrondissement de Marmande et
du canton du Mas d'Agenais, à 19 kilomètres de la première de ces villes^
à 5 kilomètres de la seconde. On y voit les ruines d'un château qui appar-
tenait, dans le siècle dernier, aux comtes de La Vauguyon et qui, au xvn*
siècle, était possédé par la famille de Chaussade. Un membre de cette
famille protestante, Jacques de Chaussade, baron, puis marquis de Calongea,
fut maître de camp d'un régiment d'infanterie et gouverneur de Montpel-
lier sous Louis XIII; il était proche parent du duc do Rohan. (Voir sur lui.
les Mémoires de Bassompierre, V Histoire de Louis XIII par notre cher
Scipion Du Pleix, etc.). Le marquis, de Calonges eut deux filles : une,
Marie, qui devint la femme de Jean Révérend, marquis de Bougy, lieute-
nant-général des armées de Louis XIV (1), l'autre Judith, connue sous le
(1) Bayle (Dictionnaire critique, tome xii de l'édition Beucbot) lui a consacré
un long et intéressant article (p. 511-516). Dans cet article Torthographe du nom
du château où mourut le marquis de Bougy (à l'âge de 40 ans, en 1658) est la
même que sur le titre de la plaquette de 1^.
— 674 -.
nom de M"* dô Calonges, qui mourut célibataire et très Agée en Hollande, h
la Haye, en 1701. C'était, dît Bayle, une (allé d'une piété et d'une vertu
exemplaires, et qui entendait fort bien l'hébreu. J'ajoute qu'elle l'entendait
si bien, qu'elle a mérité de figurer dans le recueil de Colomiès {Gallia
Orientalisjy où elle reçoit cet éloge redoublé, perlllustriSy et où l'on apprend
qu'elle communiqua au docte Bochart « des notes judicieuses sur le texte
hébreu de la Genèse. » C'estjcette même M"' de Calonges qui a été mêlée
à une aventure assez semblable à celle qu'Alphonse Daudet, dans son roman
tapageur appelé VImmortelj attribue h un académicien oublieux de son
âge et de sa situation. On raconte (je marche sur un terrain brûlant, mais
je passerai vite), on raconte, dls-je, que le fameux Jean Labadie, étant à
Montauban et ayant été choisi par l'austère et savante fille pour guide
« dans la voie de la spiritualité, » se permit sur elle certaines privautés,
voulant s'assurer, disait le bon apôtre, « si elle était tout à fait absorbée dans
l'oraison mentale. » On ajoute qu'à cause du scandale de ce commencement
d'attentat contre une mère de l'église... protestante, le prétendu mystique
fut expulsé de Montaul)an, d'où il gagna Genève (juin 1659). Nous laisse-
rons à nos chers voisins et amis de Tarn-et-Garonne le soin de vérifier
l'exactitude de l'historiette dont Basnage prétend avoir entendu le récit de
la bouche même de la demi-victime, et nous reviendrons à nos moutons,
je veux dire à notre problème bibliograpliique. N'est-ce pas M"* Judith de
Chaussade, si zélée huguenote, qui aurait fait imprimer dans son château
le livret contre Jurieu, composé sans doute sous le pseudonyme de Théo-
gnoste de Bérée par la vieille fille elle-même, qui était non moins théolo-
gienne qu'hébraïsante? Nous savons par l'article La Chaussade de la
France protestante qu'elle était encore à Calonge à la fin de 1684. De 1684
à 1686 survint, il est vrai, la révocation de l'édit do Nantes, mais Judith
n'émigra peut-être pas tout de suite, et je suis fort tenté de croire que le
très exact auteur de la Bibliographie générale de l'Agenais, M. Jules
Andrieu, pourra signaler en ma chère petite province natale un lieu d'im-
pression de plus, quand il publiera un nouveau supplément de son excel-
lent recueil. Je serais encore plus tenté de le croire, Jsi mes bienveillants
auditeurs daignaient approuver ma conjecture, moins téméraire, en tous les
cas, que l'entreprise de Labadie.
T. DE L.
ERRATA DTJ TOME XXX
P. 93, 1. 10, altharbc, lisez : althabe.
P. 247, 1. 25, terrains, L : terriers.
P. 251, 1. 12, après oscille, ajoutez : entre 6 et 25 livres, mais très
fréquemment entre 10 et 12.
P. 332, 1. 19, 22,' Castex, lisez : Caslels.
P. 356, note 1, 1. 3, Sembeye, Usez: Lembeye.
P. 386, l. 24, en 40 manuscrits (î), lisez: in-4*^ manuscrits.
P. 387, 1. 33, effacez les mois de l'impôt.
P. 512-525. Plusieurs fautes typogr. de cet article de M. Plieux seront
corrigées au début du chapitre suivant.
r TABLE QUINQUENNALE
DE LA
REVUE DE aASCOQNE (1)
(Tomes XXVI à XXX)
ARCHEOLOGIE ET BEAUX-ARTS
Arehé«l«sle «n général.
Excursions de la Soc. française d'archéol. dans leCouserans {A, Lacer-
gné)y VI, 29.
Ar«hé«l«sle préhl«t«rl4«e.
Groltes préhistoriques delà Ténarèze {A, Breuils), ix, 304; x, 483.
Note sur le préhistorique dans le Gers (Z)*" Lougé)^ viii, 569.
Archéologie gallo-ronalne.
Cimetière à La Hourre près d'Aucli (CA. Palanqué)^ x, 207.
Villa gallo-rom. au Glésia, près Montréal {Breuiis), ix, 304; x, 33.
Mosaïques et ruines, Montréal et Eauze (id.), viii, 577.
ArehéoUgle médléirale.
Monographie de Flaran, partie descriptive (Benouville)^ ix, 289.
Un château gascon, Madaillan, p. Benouville et Tholin, viii, 385.
Basilique de Sainte- Quitierie au Mas d'Aire, p. Cazauran {E. St--
Raymond, ix, 466.
Tombeau du card. Jn d'Armagnac (Palanque), ix, 422.
Eplgraphle.
Epigraphie antique de la Gasc. d'après M. Bladé (L, C), vi, 127.
Mars Lelhunnus {D^ Sorbets), vi, 541 ; (Laoergne), vu, 35.
Le temple de Mars Lelhunnus, p. Taillebois, vi, 581.
Une marque de verrier gallo-rom. (Espérandieu), x, 197.
L'inscription du château de Madirac (Lavergne), vu, 33.
Cours d'épigraphie pyrénéenne p. J. Sacaze (id.), ix, 44.
(1) Voyez les tables précédentes aux tomes iv, x, xv, xx, xxv.
Avis bssentibl Dans cette 6* table, vi vaut xzvi, vii-xxvii, vin «xx vin,
IX- XXIX, x-xxz.
I^s caractères italiques disting[uent les articles bibliographiques des articles
de fond. Les articles bibliographiques qui ne sont pas suivis de nom d'auteur
entre parenthèses sont de M. L. Couturb.
— 576 —
flrnmlfliiiatlqae, apliraslatlqvey lila««n.
Bech. numiamatiques, p. Tâillebois, vu, 426; x, 196, 482.
Sceaux gascons au m. àge^ p. p. la Soc. hist. de G., ix, 26; x, 244.
Blasons peints au Mas d' Aire ^ p. Sorbets, x, 532.
leoB«sraplile.
La croix de Bias (G. Beaurain)^ viii, 418.
■•Itoea «rtijillqiiea.
Pierre Souffron, architecte auscitain {Palanque), x, 53.
Une confrérie de musiciens à Sarrant (CA. ae la Hiiie), vu, 129.
J.-B. Re.y, m® de chapelle à Auch (7. Dufresne), ix, 145.
Pierre Benouville, note nécrologique, x, 533.
HISTOIRE
I. ETUDES PRÉLIMINAIRES
Oé^graphle hUCorlque.
Note sur Toppidum des Sotiates (Breuils), ix, 399.
L'oppidum des Tarusates, p. le D** Sorbets, vu, 262.
Pouillé du dioc, d'Aire, p. p. M. Cazauran {St'Raymond)^ ix, 467.
Les clavériats du dioc. d'Auch (Breuils), ix, 402.
L'ancienne étendue de la forôt de Bouconne {Cabié)y vu, 197.
Bourjac et Serrière en Comminges (id.), x, 160.
Châteaux d'ictium, Izc, et de FIsle-Jourdain {id,), viii, 53.
Podiodalphinum en Agenais (7\ de Z.), viii, 78.
Les chemins de Saint- Jacques en Gascogne {Laoergne\ vu, 484;
VIII, 5, 67, 171, 329.
Lettre sur le chemin de Tolose à Saint-Jacques {L, C), viii, 346.
La Gascogne dans la légende carolingienne (Bladé), x, 5, 168, 253,
365, 496.
La Salvetat-s.- Garonne dans la guerre des albigeois (Cabié), vi, 201.
Enquête de 1300 sur le comté de Bigorre, p. p. Balencie, vi, 288.
Notes sur Tarchiprêtré de Lomagne (C. Daux)y vu, 397.
IL HISTOIRE CIVILE ET POLITIQUE
niMloIre rëglonalo.
L'Aquitaine avant Auguste, p. Bladé, vu, 479.
Mém. sur l'hist. relig. de la Novempop,, p. le m., vi, 574.
Instit. de TAquit. avant la conquête (Bladé), vu, 149.
Le S,-0, de la Gaule sous l'Empire rom., p. le m., vu, 574.
La Novempop. wisigothique {Bladé), viii, 393, 496; ix, 71, 160, 224,
Hist, du droit en Gasc» durant le haut m. ége (id.), ix, 91.
Hist, de la prov, de Bigorre, p. Colomez, éd. Duffau, vu, 467.
Etudes sur le pays basque, p. Haristoy, x, 89.
Les Etats de Béarn, p. Cadier, x, 374.
— 577 —
Armoriai de Béam^ p. de Jaurgain et de Duffau, x, 470.
Sénéch. des Lannes sous Charles VII^ p. Gààier {Par/ouru) , vu, 426.
Les Huguenots en Navarre et Béam, p. Communay, vi, 452.
Itinéraire de Louis XI dauphin^ p. p. U. Chevalier, vu, 575.
Cahiers du tiers-état d'Agenais, p. p. Tholin, viii, 377.
Lettres et mém. de d'Etigny, p. p. Parfouru, vi, 292.
Administrât, des eaux et forêts dans le Gers, p. Vivier, vu, 141.
■I«l«lre urbaine.
Archives de Lectoure, p. p. P. Druilhet, vi, 563.
UIsle-en-Dodony p. l'abbé Magre, x, 43,
L'ormée à Bordeaux, p. Communay, ix, 468.
Les rues de Bagonne, p. Ducéré, x, 379,
Etudes sur la vie hayonnaise, p. le m., vu, 235.
L'artillerie et les arsenaux de Bay., p. l. m., vu, 283.
A. Navagero elle Tasse à Bayonne(Z. C), vu, 512.
Un document sur Cauteretz, p. p. Duhourcau, vu, 96.
La seigneurie de Bourrouillan, p. Cazauran {St-Raymond), ix, 462.
Notice s. le château de Mauvexin, p. Alis, viir, 476.
Astafort en Agenais, p. Baradat de Lacaze, vu, 428.
Cazaubon pendant la Révolution {Ducruc), vi, 315.
Un mémoire de 1657 sur Pessan, p. le D** Desponts, viii, 172.
Lettre sur la bibliographie de Barbotan (£. C), 194.
Documents s. Roy an et Cordouan, p. Labat (T. de L.), ix, 474.
Voyages de deux bourgeois d'Auch à la cour {Parfouru)^ x, 485.
Histoire moreley Judlelelre, prefeeelemnelle, asrleeley eie.
Histoire du Pari, de Toulouse, p. Dubédat, vi, 448.
Le Pari, de Bordeaux, p. A. Communay, vu, 330.
Un châtiment singulier, p. Andrieu, vi, 389.
Gentilshommes landais au xviii® siècle (0. Beaurain), x, 293, 539.
L'étude de notaire de Saint-Sauvy (de Ruble), viii, 446.
Quelques textes sur le roi des merciers {Cabié), x, 533.
J. Pardiac et la commun, des chirurg. d'Auch (D^ Desponts), viii,
297,231,513; ix, 191, 120.
Fabric. des draps à Bigorre, p. Dejeanne, ix, 478.
Le Marais, notice agricole (C*** de Neuville), ix, 241.
Culturedela vigneen Armagnac(/)acrac), X, 245, 563; (Breuils)^ x, 455.
L'eau-de-vie d'Armagnac à Cazaubon (Ducruc), x, 450.
déBéalegle et IHegraylile.
Notices Galard et Béam, p.. de Jaurgain, viii, 483.
Les Du Cos sgrs de TIsle-Arné (O. de la Hitte), ix, 519.
Généalogie Lacarry {de Jaurgain), vu, 222.
Notice s. la famille d*Anglade, p. J. Solon, vu, 97.
Gascons en Italie. BemardondelaSalle(P.i)ttmea),vi,5,65, 112, 167.
— Bernardon de Serres (irf.), vi, 209, 258.
— Lamarque et Durrieu (id.), vi, 297.
Bernard, dem. baron de Castelbajac {de Carsalade), vin, 17.
Aventure du bar, de Lusignan^ p. T. de L., vni, 49.
Petits mémoires de G. d^Antin, p. p. de Carsalade, vi, 466.
Achèvement de Titinér. d'Henri IV {T. de L.)y vi, 369.
— 578 —
Un amour d'Henri IV, Capchicot, p. Andrieu, vi, 389.
Une lettre de Margucr. de Valois (C. de la Hiiie\ vu, 456,
Faits alarmes de G. de Vivant y p. p. Magen, ix, 526.
Le second mariage duducd'Epernon(c?c Caaielbajac), vi, 365; {A, de
Lantenay), vi, 509.
Brochures sur ce mariage, de MM. Mireur et Cazauran, vu, 481 ;
vm, 387; ix, 140.
J.-P. de Lescun, sgr de Piets {Communay), vin, 249.
Troiscilles, d Artagnan et les trois Mousq,, p. deJaurgain, vi, 243,
Le duc de Gramont et les gardes fr. (Communay), vu. 36.
Le comte de Toulouse, etc., p. A. Communay, vi, 387.
Légende et histoire d*H. de Barbotan {L. C), viii. 486.
Grands négociants du xviii* siècle, p. Communay, ix, 470.
Deux agenais du xvni® siècle, p. Andrieu, vi, 389.
Un bavonnais presque oublié, Du Tillot {T, de L,), ix, 233.
Un cadet en 1792, p. de Vivie (T. de i.), vn, 286.
Le comte de Barbotan, victime du tribunal révol. (Palanque)^ x, 389.
Marins des B.-Pyr. J. d'Albarade (Communay), ix, 485.
.— . MM. de Charritte (id.), x, 21, 68.
— J. Dulivier (irf.), x, 234, 343.
III. HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE
HUtoIro pr«¥liicl«le et dl^oéaalne.
Les possessions de Téglisede Bethléem en Gasc. ((>• Riant), vnr, 97.
Meurtre d'Anesance et ses suites (/. Dudon et Gaubin), ix, 109, 184.
Projet d'un Bullaire de la Gasc. (C. Douais), vm, 554.
Rapport sur le Bull, de Gasc, par L. Guérard, x, 530.
Bl«(«lre par«lcalale ei lecale.
Les églises de l'Annagnac d'après une enquête de 1547 [A, Breuils)^
IX, 193, 249, 537; x, 73, 352.
Notice sur Theus et Tieste (/. Gaubin)^ vi, 424; viii, 136, 351;
IX, 217, 426.
Notice sur FIsle-Amé (Dubord), vni, 284, 360.
Les curés de Garbiey aux deux dem. siècles [Ducruc], vu, 504, 545.
Les curés de Cazaubon depuis le Concordat (id,), vu, 70.
Notre-Dame de Médoux, p. Théas, vni, 468.
Notre-Dame de Goueyte, p. Gaubin, x, 242, 292.
Eglises du Gers tendues récolutionnairementy p. Parfouru, x, 194.
m
Histoire de Flaran (PA. Lauzun), viii, 575; ix, 504; x, 221, 406.
Le cartulaire de Nizors (Douais), viii, 565.
Cartulaire de Sainte-Foi de Morlaas, p. Cadier (Par/burw), vn, 424.
Une pièce sur Saint-Orens d'Auch (L, C), 557.
Partie hisU des Annuaires de Saint-Pé, vi,146; vu, 95; vm,145; ix,138.
Inventaire de Saint- Sernin de Toulouse, p. C. Douais, viii, 48.
Les Frères prêch. en Gasc, au m, âge, p. le m., vi, 461.
Capucins et huguenots sous Henri IV, p. le m., ix, 482.
— 679 —
La comm. d'Ordiarp, les Carmes de BayonnCy p. Dubarat, x, 92.
La fin des Minimes de Samatan (D^ Lacome), vi, 249.
CanneldeLectoure (Plieux), vu, 437,491, 535; vin, 23, 80, 119, 231.
Labadie et le carmel de la Graville {A, de Lantenay\ vu, 107, 162,
255, 300, 378, 527.
U Oratoire à Bordeaux, par A. de Lantenay, vu, 527.
Biographie) haglocraplile.
Sainte Quitterie gasconne, p. Dudon, vi, 384.
Sainte Bazeille, v. et m., p. le P. Caries, x, 291.
Lieu de naiss. de S. Philibert (Z)adon), vu, 293; (id, eiL, C), vu, 421.
Saint Philibert et sa chapelley p. Dudon, viii, 293.
Saint Vincent de Paul et M"® Legras, lettres inéd. (Z. C), viii, 201.
Saint Vincent de P, est né en France, p. Pémartin, x, 192.
Le fr. Louis Bitoz, p. Dubarat, x, 92.
Vita Sancti Rochi, p. J. de Pins, éd. Lazaire {Douais), vi, 520.
Vie du vén, J. de la Barrière, p. A. Bazy, vi, 523.
Titulaires et patrons du dioc. de Périgueux, p. Carie, vi, 47.
Raimond Ebo, évêque de Lectoure {Douais), vi, 497.
Biogr, d'Arnaud Sorbin, p. Forestié, vi, 240.
Pièces s, Arnaud de Pontac, éo, de Bazas, p. p. T. de L., vi, 235.
Jean des Montiers de Presse, év. de Bayonne (Communay), vi, 101.
Fr. Bosquet, év, de Montpellier, p. Henry, x, 240.
Louis de Nogaret {A. de Lantenay), vu, 83.
Mgr de Langalerie, arch. d'Auch {L. C), vu, 101.
Eloge de M. Vabbé Boubée, p. Tabbô Campistron, ix, 92.
L'abbé Bartherote, p. A. Breuils, ix, 574.
Mélanges de biographie, p. A. de Lantenay, vi, 470.
IV. HISTOIRE LITTÉRAIRE
Phiiei^sle, f«lk«lore.
Origine des noms patronym. gascons {L, Cazaubon), vi, 393.
Les contes familiers de la Gascogne, d'après Bladé {L. C.), vu, 341.
Les animaux dans les contes gasc. (Z. Cazaubon), viii, 149, 216, 264.
Contes populaires de la Grande-Lande, p. Arnaudin, x, 571.
La superstition des neuf chandelles {Breuils), viii, 375.
Un faux chevalier de Saint-Hubert {Gardèré), viii, 92.
Sur la formation du mot « Comminges », p. A. Thomas {L. C. et
Câblé), \in, 241, 291.
Le chant de la Sibylle, gasc. et catalan {L. C), vu, 214.
Dictionnaire béarnais de V. Lespy, vu, 51.
Proverbes de V Annuaire de St-Pé, x, 568.
Proverbes patois de Biros, p. Tabbé Castet, x, 570.
Massai, chansons^ danse^ etc. p. RufRé et Pasquier, x, 570.
Bi«t«lre de reB«elsBeiii#Bl.
Contrib. à Thist. de Tinstr. publ. dans les Landes {Beaurain)j ix, 5, 60.
L'Académie d'Orihez, p. CoudiroUe, x, 479.
Les écoles de Condom avani le collège {Oardèré), vs, 411.
— 580 —
Le collège de Condom (id.), vi, 481 ; vu, 20, 115, 271^ 315, 362, 551 ;
VIII, 311 ; IX, 49, 172, 256.
Le séminaire diocésain de Condom (id.), x, 269, 333.
Ecx)les de filles à Condom (id,), x, 149.
Un collège municipal (Bayonne), p. Drevon (T. de L.), x, 475.
Le grand séminaire de Bayonne, p. Soubielle, viii, 142.
Etude s. Finsir. publ. à Lectoure {Plieux), ix, 197, 203, 324, 404, 550;
X, 122, 209, 315, 423, 512.
L'instruction publ. à Samatan (D^ Lacome), vu, 184, 207.
L'école de Mirande aux xvi* et xvn® siècles (/. Maumus), vi, 533.
L'instr, publ, à Fleurance avant 89 y p. Parfouru, viii, 243.
Bl«sr«pkl«« el B«Cleefl littéraire*.
S. Silviœ peregrinaiio, éd. Gamurrini, viii, 475; ix, 575.
Publicat. de M. de NoUiac sur Pétrarque ^ vu, 431; viii, 50; ix, 481. 1
Le chsmin de rhospital, de R. de Balzac, éd. T. de L., viii, 245. '
Discours de la vigne de Roaldès, éd. T. de L., viii, 196.
Le véritable auteur du « Voyage à Jérusalem » de Ph. de Montaut
{de Carsalade), vu, 533.
Corresp. de Bulliaud, év. de Bazas, av. C. Agrippa {Prosf), vu, 391.
Olivier de Alagny, p. J. Favre {T. de Z.), vi, 378.
Arn, d'Oihénart et safamille^ p. de Jaurgain, vu, 334.
Théoph. de Viau^ p. Andrieu, vu, 373.
Jean Charron de Lacarry {D^ Noulei), vi, 149; {L, C), viii, 44.
Dates de la biogr. de Dom Brugèles (C. Durier), vu, 502.
Le minéralogiste Palassou (A, Communay)^ vu, 324.
Gilles de Bertrand- Pihrac, p. le D*" Desponts, viii, 294.
B. de Saint-Salvy, poète beaumontois {Cazaubon)^ vu, 5, 53.
Souvenirs du D^ Léon Dufour (T. de L,), ix, 579.
M. Tabbé Canéto {L. C), vi, 77.
M. l'abbé Dupuy, vi, 582.
Mme Marie de Raymond {T. de Z.), vu, 245.
M. Paul La Plagne-Barris {L. C), ix, 533.
Ans, Batbie, p. Tabbé Ducasse, ix, 94.
Un nouveau poète gascon, M. L Salles (L, C.J, vu, 461.
Bibliographie génér. de l'Agenais, p. J. Andrieu, vi, 391; vu, 571.
Hist, de l'imprimerie dans l AgenaiSy p. le m., vu, K)6.
Blbllogniplile (étrMisère h riil«t. de Oase.)*
Travaux de M. le comte Riant, viii, 95; — de M. Tamizey de Larro-
que, VI, 93, 475, 577; vu, 433; viii, 391 ; ix, 45, 145 ; x, 531 ; — de
M. Gust. Saige, vi, 519; —de M. Tabbé Dulac, viii, 146; ix, 382;
— de M. Th. Poydenot, de Jean de Verdun, ix, 378; — de M. l'abbé
Marquet, ix, 143; — de l'abbé Lucante, vni, 146; x, 46.
V. DOCUMENTS INÉDITS
Arehlvee et celleetleB*.
Catalogue du fonds Raymond, p. G. Tholin, x, 188.
Catalogue des actes de Franc, r^ ( T. de L.), x, 36.
JU
— 581 —
Aete« oceléiil«a(lqiie«.
Doc. pontificaux sur révêché de Couserans {Douais), ix, 349, 439.
€barle« do c«n(nnio««
Couiumeê d'Ax-sur-Ariège, p. p. Pasquier, ix, 480.
— de Castelnau'JR.-B., p. p. Malartic, ix, 575.
— de Meilhan en Basadais, p. p. Baradat de Lacaze, viii, 94.'
Des coût, de Mauvesin et du Fezensagnet (id,), viii, 567.
Aeto* privés, llvren do ral««ii.
Registre domestique de la famille Verduzan (P. La P.-B.), ix, 276.
Testament d'A. de Saint-Pastou {F, Abbadie)^ x, 458.
Testament de J. de Pardaillan ( 7*. deL.), vu, 474.
Aele Judiciaire.
Mém. de Gassion-Bergeret contre Mongelos {Communay)^ vi, 47.
DoeaniPDt mllKalro.
Proclamation de lord Wellington (P. L,-B,), ix, 376.
■èslemoiiC rellsleas*
Articles de la confrérie Saint-Pierre de Tlslette {Dubord)^ ^ii, 372.
IiOtCre* tnïtutiwem
Lettre du chev. de Rpmegas (jT. de L,), vu, 133.
Lettres du card. de Joyeuse (irf.), li, 518.
— complet, la not. La Chapelle-Lauzières {de Carsalade), vi,340.
— de divers membres de la fam. Monluc (T. de L,), ix, 40, 189,
. 375, 522; x, 180, 283, 530, 559.
— de Paul de Lescun et le concernant {Communay)^ vni, 259,
448;x, 84, 230, 276,358.
Deux 1. de la maréchale de Biron (2^. de Z.), vin, 22.
Lettres de la reine de Navarre à Paul III^ p. p. Nolhac, ix, 48.
Reliquiae benedictinse {T. de L,\ vi, 39, 143, 281, 438, 547.
Deux 1. d'A. de Cours, év. de Condom (id^, vni, 140.
— de Br. Ruade, év. de Couserans (rc?.), vni, 238.
Corresp. de Gramont av. Louis XV {Communay), vu, 45, 136, 224, 408.
Lettres du m'" d'Anlin {T. de L.), vu, 520.
Tome XXX. 38
TABLE MÉTHODIQUE
DF.S MATIÈRES CONTENUES DANS LE TOME TRENTIÈME.
ARCHEOLOGIE ET ART.
Archéologie prfÊblatorl^uc.
Grottes préhistoriques de la Ténarèze, p. M. Breuils, 483.
Archéologie sallo-romalne.
Villa du Glésia, nouv. découvertes fA. Breuils)^ 33.
Le cimetière de la Hourre {Ch, PalamjueJ, 207.
Epi graphie-
Marque d'un verrier découv. à Auch (Espérandieu)^ 197.
IVumlaniall^uc, héral«lii|ae.
Numismatique y var. inédites, p. Era. Taillebois, 196.
Recherches sur la numism, de la Novemp. p. le même, 482.
Blasons peints au Mas d'Aire , p. le D^ Sorbets, 592.
Biographie ortlnUque.
Pierre Souffron, archit. d'Auch (Ch. Palanque), 53.
P. Benouville, note nécroL, 233.
HISTOIRE.
ÉTUDES PRÉLIMINAIRES.
CSéographIe hlMlorl^qoe*
Pays de Bourjac et de Serrière en Comminges (E. Cabié), 160.
I^a Gascogne dans la légende carolini^ienne {J,-F. Bladé), 5, 168, 253,
365, 49(3.
HISTOIRE CIVILE ET POLITIQUE.
nislolre proviDclale.
Les Etats de Béarn, par E. Cadier, 374.
Etudes sur le pays basque, par IlaristO}', 89.
Armoriai de Béarn, par de Duflau et de Jaurgain, 470.
583 —
[IsCoIre urkalne.
Voyage de deux bourgeois d'Auch à la cour (P. Par/ouru), 485.
Les rues de Bayonne, par Ducéré, 379.
L'Isle-en-Dodon, psiv l'abbé Magre, 43.
nUCoIre morale, proffesnloDDelle, etc.
Gentilshommes landais au xviii* siècle (G, Beaurain), 293, 539.
Culture de la vigne en Armagnac (DucruCy Breuils), 245, 455, 563.
L'eau-de-vie d'Armagnac à Cazaulx)n (Ducruc), 450.
Biographie.
Marins basques et béarnais : MM. de Charitte (A . Communay), 21 , 68.
— J. Dulixier (id.), 234, 343.
Le comte de Barbotan-Carrilz (Ch: Palanque), 389.
HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE.
Paroisse* eC lleax de dévollon.
Eglises de l'Armagnac en 1547 (A, Breuils), 73, 452-
Notre-Dame de Goueyte^^hv l'abbé J. Gaubin, 242, 292.
Eglises du Gers vendues comme biens nation., par Parfouru, 194.
HIsloIre nionaiilli|ne.
Monographie de Flaran (P. Benouville, Ph. Laujsun), 115, 221, 401.
L'a Commanderie d'Ordiarp et les Carmes de Bayonne, par Tabbé
Dubarat, 92.
Hagiosr^pkle e^ blogr. eeeléola«Cfi|ae.
Sainte Ba^eillCy parle P. Caries, 291.
Saint Vincent de Paul est né en France , par M. Pémartin, 102.
-Vie rfe Zoaw Bi7o/, par l'abbé Dubarratj 92. ; -
François Bosquet, par Tabbé Henri, 288.
HISTOIRE LITTÉRAIRE.
LHIéralnre populaire.
Contes de la Grande-Lande, p. F. Arnaudin, 571.
Proverbes dans Y Annuaire de Saint-Pé, 568.
Proverbes de Biros, p. l'abbé Casier, 570.
ChansonSj danse, etc. de Massât, p. Pasquier, 570,
iDaCraetloa pabllqae.
Etude sur l'instruction publique à Lectoure (A. Plieux), 122, 209, 315,
423, 512. ■'